Les entreprises en France Édition 2019

Cette nouvelle édition du numéro Les entreprises en France de la collection Insee Références offre une vue structurelle complète de notre système productif.

Insee Références
Paru le :Paru le03/12/2019
Cindy Duc, Pierre Ralle (Insee)
Les entreprises en France- Décembre 2019
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Sommaire

Une certaine convergence de l’innovation dans les entreprises en Europe

Cindy Duc, Pierre Ralle (Insee)

Entre 2014 et 2016, dans l’Union européenne à 15 pays (UE15), 57 % des sociétés de 10 salariés ou plus ont réalisé des innovations, technologiques (de produits ou de procédés) ou non (de marketing ou d’organisation). Cette part varie de 37 % en Espagne à 68 % en Belgique. Elle est proche de la moyenne en France (58 %), supérieure en Allemagne (64 %). Pour les seules innovations technologiques, la proportion de sociétés innovantes est plus faible : 45 % dans l’UE15.

La propension à innover augmente avec la taille des entreprises et est plus élevée dans l’industrie, du fait notamment de l’existence de coûts fixes, tels que les dépenses de recherche. En corrigeant des effets de structure sectorielle et de taille, les écarts entre pays restent substantiels. Ainsi, appliquer à la France les proportions de sociétés innovantes par taille et secteur de l’Allemagne n’explique que 17 % de l’écart entre les deux pays.

Pondérer par le chiffre d’affaires permet de mieux appréhender les différences par taille. Selon cet indicateur, la part de sociétés innovantes est la plus élevée en Allemagne : 85 %. En France, elle est de 74 %, soit la moyenne de l’UE15.

En 2016, la proportion de sociétés innovantes de l’UE15 retrouve son niveau de 2008, après avoir baissé entre 2008 et 2012. De plus, l’écart entre l’Allemagne, pays qui était leader en 2008, et les autres pays se réduit.

Insee Références

Paru le :03/12/2019

Innover pour s’adapter au changement technologique

Afin d’accroître la compétitivité de l’Union européenne, la stratégie de Lisbonne a fait de l’innovation un des piliers pour s’adapter au changement technologique. En effet, l’innovation est un des déterminants clés permettant, d’une part, aux entreprises de se développer en gagnant des parts de marché et, d’autre part, aux pays d’obtenir une croissance soutenue, riche en emplois à forte valeur ajoutée [Ouvrir dans un nouvel ongletSchumpeter, 1942 ; Ouvrir dans un nouvel ongletAghion, 2006].

En 2014‑2016, dans l’UE15, plus d’une société sur deux a innové

Selon le manuel d’Oslo [Ouvrir dans un nouvel ongletOCDE, 2005], une société est considérée comme innovante si elle a réalisé au moins une innovation, y compris quand celle‑ci n’a pas encore abouti (innovation en cours) ou quand elle a été abandonnée (encadré 1). En 2014‑2016, dans l’Union européenne à 15 pays (UE15), 57 % des sociétés de 10 salariés ou plus sont innovantes (figure 1). Ce chiffre couvre les quatre dimensions de l’innovation : de produits, de procédés, d’organisation et de marketing. Il mesure ainsi une innovation au sens large.

Figure 1 - Proportion de sociétés innovantes au sens large et technologique en 2014-2016

en %
Figure 1 - Proportion de sociétés innovantes au sens large et technologique en 2014-2016 (en %) - Lecture : en 2014-2016, 57 % des sociétés de 10 salariés ou plus de l’UE15 ont innové au sens large, 45 % ont innové technologiquement.
Innovation technologique Innovation au sens large
UE15 45 57
Espagne 23 37
Danemark 37 51
Italie 44 54
Suède 43 54
Irlande 43 57
France 43 58
Grèce 47 58
Royaume-Uni 45 59
Pays-Bas 52 60
Autriche 48 62
Allemagne 50 64
Luxembourg 45 64
Finlande 58 65
Portugal 59 67
Belgique 62 68
  • Lecture : en 2014-2016, 57 % des sociétés de 10 salariés ou plus de l’UE15 ont innové au sens large, 45 % ont innové technologiquement.
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016.

Figure 1 - Proportion de sociétés innovantes au sens large et technologique en 2014-2016

  • Lecture : en 2014-2016, 57 % des sociétés de 10 salariés ou plus de l’UE15 ont innové au sens large, 45 % ont innové technologiquement.
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016.

Dans les , la proportion de sociétés innovantes varie de 37 % à 68 % (figure 1). La dispersion est donc importante. Cependant, si on exclut l’Espagne, le seul des 15 pays où moins de la moitié des sociétés de 10 salariés ou plus sont innovantes, cette proportion se situe entre 51 % et 68 %. Elle est la plus élevée en Belgique, au Portugal, en Finlande, au Luxembourg et en Allemagne. En France, elle est de 58 %, proche de la moyenne (57 %).

Ces écarts peuvent s’expliquer en partie par le caractère obligatoire ou non de l’enquête et le comportement de réponse (encadré 2). Il est probable que les sociétés innovantes se sentent plus concernées par l’enquête et aient davantage tendance à répondre. Dès lors, les écarts entre pays peuvent s’expliquer en partie par les protocoles d’enquêtes nationaux. Ainsi, en Espagne et en France, l’enquête est obligatoire et le taux de réponse atteint respectivement 93 % et 75 %. A contrario, certains pays, tels que l’Allemagne et la Belgique (dans lesquels l’enquête n’est pas obligatoire), ont un taux de réponse de 45 %.

Les innovations technologiques, de produits ou de procédés, constituent le cœur de l’innovation. Par définition, la proportion de sociétés réalisant une innovation technologique est inférieure à celle des sociétés innovantes au sens large. L’écart est de 12 points pour l’UE15. Le Luxembourg affiche la différence la plus importante (19 points). Cela s’explique par le poids élevé du secteur bancaire (22 % contre 3 % des sociétés dans le champ de l’enquête en France). Les innovations d’organisation ou de marketing y sont plus fréquentes. Au Luxembourg, dans le secteur financier, 57 % des sociétés sont innovantes (48 % en France). Cela représente un écart de 17 points avec les innovations de produits ou procédés. Cet écart est plus faible en France (11 points).

En Belgique, en Finlande, aux Pays‑Bas et au Portugal, les écarts entre la proportion de sociétés technologiquement innovantes et celle des sociétés innovantes au sens large vont de 6 à 8 points. Dans les autres pays, l’écart est compris entre 10 et 15 points.

Malgré ces différences, dans l’ensemble, la corrélation entre les deux indicateurs est élevée et les hiérarchies sont conservées. Selon les deux indicateurs, la Belgique, le Portugal et la Finlande sont les pays les plus innovants et l’Espagne est le pays le moins innovant.

L’innovation plus fréquente dans les entreprises de 250 salariés ou plus et dans l’industrie

Si l’enquête CIS permet de comparer les différents pays européens, les données accessibles sur le site d’Eurostat ne permettent de comprendre les écarts observés que de manière limitée. En effet, analyser des comportements d’innovation nécessiterait de disposer de . Les données disponibles à un niveau agrégé intermédiaire permettent néanmoins de mieux appréhender les différences par pays.

La proportion de sociétés innovantes croît avec la taille (figure 2). Dans l’UE15, elle est de 53 % pour les petites entreprises (de 10 à 49 salariés), de 71 % pour les entreprises de taille moyenne (de 50 à 249 salariés) et de 83 % pour les entreprises de 250 salariés ou plus. La proportion de sociétés réalisant des innovations technologiques varie de la même façon (40 % pour petites, 57 % pour les moyennes, 73 % pour les 250 salariés ou plus). Ces résultats sont comparables à ceux de la France [Duc, 2018].

Figure 2a - Proportion de sociétés innovantes au sens large par taille en 2014-2016

en %
Figure 2a - Proportion de sociétés innovantes au sens large par taille en 2014-2016 (en %)
De 10 à 49 salariés De 50 à 249 salariés 250 salariés ou plus
Allemagne 58 78 91
Autriche 57 77 86
Belgique 64 80 89
Danemark 48 60 74
Espagne 32 56 75
Finlande 60 78 85
France 54 68 82
Grèce 55 67 84
Irlande 53 71 81
Italie 50 71 84
Luxembourg 61 71 82
Pays-Bas 56 71 78
Portugal 64 75 84
Royaume-Uni 57 65 72
Suède 51 67 79
UE15 53 71 83
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016.

Figure 2a - Proportion de sociétés innovantes au sens large par taille en 2014-2016

  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016.

Une proportion d’innovation plus élevée pour les entreprises de 250 salariés ou plus peut résulter de l’existence de coûts fixes, par exemple dans la recherche ou dans la mise en œuvre de politiques commerciales. En effet, la capacité des entreprises à réaliser les dépenses nécessaires à l’innovation et à supporter ces coûts fixes s’accroît quand leur taille (et donc, en moyenne, leurs ressources) augmente. C’est particulièrement le cas pour l’innovation technologique.

Dans l’UE15, les entreprises de 250 salariés ou plus ont une proportion de sociétés innovantes technologiquement supérieure de 33 points à celle des petites. Si cet écart varie entre les pays, les hiérarchies sont semblables dans l’ensemble. Il y a cependant deux cas extrêmes. D’un côté, le Royaume‑Uni a une proportion de sociétés innovantes relativement faible pour les entreprises de 250 salariés ou plus (56 %), alors même que celle des petites et des moyennes entreprises y est plus proche de la moyenne européenne. Ainsi, la proportion de sociétés innovantes parmi celles de 250 salariés ou plus n’est supérieure que de 14 points à celle des sociétés de 10 à 49 salariés. À l’inverse, l’Espagne a une proportion de sociétés innovantes relativement faible pour les petites entreprises (18 %), alors que celle des entreprises de 250 salariés ou plus est proche de la moyenne européenne. La proportion des 250 salariés ou plus est ainsi supérieure de 47 points à celle des petites. Si la situation de l’Espagne peut s’expliquer en partie par des comportements de réponse déjà évoqués, celle du Royaume‑Uni est plus délicate à interpréter. Pour une part, elle peut provenir d’effets d’échelle plus faibles, peut‑être liés à la spécialisation moins industrielle du pays.

La proportion de sociétés innovantes est en général plus élevée dans l’industrie que dans les autres secteurs de l’économie couverts par l’enquête (figure 3). Dans l’UE15, elle est de 60 % dans l’industrie, de 57 % dans les services et de 51 % dans le commerce de gros. L’écart est plus marqué pour l’innovation technologique : dans l’UE15, la proportion de sociétés innovantes vaut 49 % dans l’industrie, 44 % dans les services et 35 % dans le commerce de gros.

Figure 3a - Proportion de sociétés innovantes au sens large par secteur en 2014-2016

en %
Figure 3a - Proportion de sociétés innovantes au sens large par secteur en 2014-2016 (en %)
Industrie Commerce Services
Allemagne 69 50 63
Autriche 63 64 60
Belgique 74 67 62
Danemark 51 46 57
Espagne 39 31 40
Finlande 70 69 58
France 60 53 58
Grèce 59 60 53
Irlande 63 49 58
Italie 57 51 46
Luxembourg 66 52 67
Pays-Bas 64 57 58
Portugal 64 74 69
Royaume-Uni 59 55 60
Suède 56 59 50
UE15 60 51 57
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016.

Figure 3a - Proportion de sociétés innovantes au sens large par secteur en 2014-2016

  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016.

En effet, il est probable que l’innovation, en particulier quand elle a un caractère technologique, joue un rôle plus important dans le développement des entreprises industrielles du fait d’une meilleure diffusion de l’innovation entre les sociétés dans ce secteur [Ouvrir dans un nouvel ongletErgas, 1984].

Ceci est corroboré dans le cas de l’Allemagne notamment, pays fortement industrialisé, qui a une proportion de sociétés innovantes technologiquement de 57 % dans l’industrie (soit un écart de 9 points avec les services).

En revanche, au Royaume‑Uni, où la part des services est élevée, seules 46 % des sociétés industrielles ont réalisé une innovation technologique (soit un écart de – 1 point). La recherche industrielle est probablement organisée différemment dans ce pays, elle serait plus externalisée comme en témoigne le poids élevé du secteur « activités spécialisées scientifiques et techniques ».

Enfin, le Portugal, où le poids de l’industrie est relativement élevé (58 % des sociétés dans l’enquête CIS), est le seul pays de l’UE15 où la proportion de sociétés innovantes technologiquement est plus faible dans l’industrie que dans les autres secteurs. Cela peut être dû à la prépondérance de l’industrie textile (18 % des sociétés), dans laquelle les innovations technologiques sont plus rares (46 % de sociétés innovantes pour le textile contre 58 % pour les autres activités industrielles au Portugal).

Dans l’UE15, 69 % des sociétés du secteur « information et communication » sont innovantes et 67 % dans le secteur « activités spécialisées, scientifiques et techniques », qui réalise les activités d’étude et de recherche (figure 4). Cette proportion est un peu plus faible dans l’industrie manufacturière (60 %), comme dans le secteur « activités financières et d’assurance ». À l’opposé, les secteurs les moins innovants sont les « industries extractives » et les « transports et entreposage » (environ 40 %). Tous ces secteurs n’ont pas le même poids dans l’activité économique et la contribution de l’industrie manufacturière à la proportion de sociétés innovantes est prépondérante. Dans l’enquête CIS, l’industrie manufacturière rassemble 44 % des sociétés de l’ensemble des pays étudiés, soit nettement plus que les « transports et entreposage » (13 %), l’« information et communication » (9 %) et les « activités spécialisées, scientifiques et techniques » (8 %).

La hiérarchie sectorielle dans l’UE15 prévaut dans la plupart des pays. Par exemple, le secteur « information et communication » a la proportion de sociétés innovantes la plus élevée dans 11 pays. Mais, au Royaume‑Uni, c’est le cas du secteur des études et de la recherche.

Figure 4 - Proportion de sociétés innovantes au sens large par secteur en 2014-2016

en %
Figure 4 - Proportion de sociétés innovantes au sens large par secteur en 2014-2016 (en %)
Industries extractives Industrie manufacturière Production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné Production et distribution d’eau Commerce de gros (hors automobiles) Transports et entreposage Information et communication Activités financières et d’assurance Activités spécialisées, scientifiques et techniques1
Allemagne 44 70 66 52 50 45 80 78 71
Autriche 54 65 77 35 64 41 83 63 67
Belgique 57 74 70 60 67 46 84 67 75
Danemark 47 52 46 45 46 38 64 45 59
Espagne 22 39 43 31 31 26 50 57 51
Finlande 49 71 70 59 69 38 78 64 64
France 35 60 68 53 53 44 73 53 67
Grèce 50 60 50 63 60 44 63 57 60
Irlande 46 65 95 42 49 40 67 65 63
Italie 25 58 46 45 51 34 61 59 56
Pays-Bas 60 65 60 46 57 43 75 52 62
Portugal 59 64 51 65 74 60 77 78 73
Royaume-Uni 45 60 23 52 55 45 63 50 70
Suède 43 56 61 40 59 29 69 61 56
UE15 39 60 54 48 51 40 69 60 67
  • 1. Ingénierie, R&D, études de marché.
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016.

Les écarts d’innovation entre pays s’expliquent en partie par les différences de taille et de secteur

Les proportions de sociétés innovantes par taille et par secteur d’activité sont donc relativement hétérogènes en Europe. La répartition des sociétés par taille et par secteur diffère aussi d’un pays à l’autre. Dès lors, il peut exister des effets propres à ces différences de structure, qui peuvent expliquer les écarts d’innovation entre pays.

Pour prendre en compte les effets de structure, une situation fictive est simulée, dans laquelle chacun des 12 pays européens retenus pour cette analyse (faute de données pour les trois autres) conserve sa répartition par taille et secteur, mais où la proportion de sociétés innovantes au sens large, par taille et secteur, est celle de l’UE12 (encadré 3).

L’effet structurel est ce qui est expliqué par la répartition spécifique au pays (par taille et secteur), une fois neutralisé le différentiel de proportion de sociétés innovantes. L’effet résiduel représente tous les autres facteurs : propension à innover, spécialisation sectorielle à un niveau plus fin que celui retenu dans l’analyse, politiques en faveur de l’innovation, conjonctures économiques variées, comportements de réponse aux enquêtes, etc.

Les différences de composition sectorielle et de taille entre pays n’expliquent pas les différences de proportion de sociétés innovantes. En effet, les effets structurels n’expliquent qu’une très faible part des écarts observés. Parmi les pays étudiés, quatre (dont la France) ont des effets structurels quasiment nuls (figure 5). Pour les autres, les effets sont relativement faibles : en valeur absolue, ils varient entre 0,5 et 2,5 points, alors que les proportions de sociétés innovantes sont comprises entre 50 % et 65 % (hors Espagne).

Figure 5 - Effet de la structure par taille et secteur en 2014-2016 sur la proportion de sociétés innovantes au sens large

en %
Figure 5 - Effet de la structure par taille et secteur en 2014-2016 sur la proportion de sociétés innovantes au sens large (en %) - Lecture : le Danemark a une proportion de sociétés innovantes au sens large (indicateur observé) de 51,5 %. L’écart est de – 5,5 points par rapport à l’UE12. Si les proportions d’innovation par secteur et taille étaient les mêmes que celles de l’UE12, le taux « attendu » serait de 59,5 %. Cela représente un écart de 2,5 points par rapport à l’UE12, qualifié d’effet structurel. L’écart de – 8,0 points entre le taux observé et le taux attendu est qualifié d’écart résiduel. La somme de l’effet structurel et de l’effet résiduel est égale à l’écart du taux observé à l’UE12 (en italique).
Taux observé sur la proportion de sociétés innovantes au sens large Taux observé – taux UE Taux attendu Effet structurel : taux attendu – taux UE Effet résiduel : Taux observé – taux attendu
Allemagne 63,7 6,7 58,1 1,1 5,6
Autriche 62,0 5,0 57,1 0,1 4,9
Belgique 68,1 11,1 56,0 -1,0 12,0
Danemark 51,5 -5,5 59,5 2,5 -8,0
Espagne 36,9 -20,1 55,4 -1,6 -18,5
Finlande 64,8 7,7 57,5 0,5 7,2
France 57,7 0,7 57,1 0,1 0,6
Irlande 57,3 0,3 57,1 0,1 0,2
Italie 53,8 -3,3 55,1 -1,9 -1,4
Pays-Bas 59,7 2,7 57,0 0,0 2,7
Portugal 66,8 9,8 56,5 -0,5 10,3
Royaume-Uni 58,7 1,7 58,6 1,6 0,1
UE12¹ 57,0 0,0 57,0 0,0 0,0
  • 1. Hors Grèce, Luxembourg et Suède.
  • Lecture : le Danemark a une proportion de sociétés innovantes au sens large (indicateur observé) de 51,5 %. L’écart est de – 5,5 points par rapport à l’UE12. Si les proportions d’innovation par secteur et taille étaient les mêmes que celles de l’UE12, le taux « attendu » serait de 59,5 %. Cela représente un écart de 2,5 points par rapport à l’UE12, qualifié d’effet structurel. L’écart de – 8,0 points entre le taux observé et le taux attendu est qualifié d’écart résiduel. La somme de l’effet structurel et de l’effet résiduel est égale à l’écart du taux observé à l’UE12 (en italique).
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016, calculs des auteurs.

Si les proportions de sociétés innovantes au sens large par secteur et taille croisés étaient les mêmes dans l’ensemble des pays, l’effet structurel serait faiblement négatif dans les pays du sud de l’Europe (Espagne, Portugal et Italie), qui ont une plus grande proportion de petites entreprises que la moyenne de l’Europe et en Belgique. À l’opposé, au Danemark, au Royaume‑Uni et en Allemagne, l’effet structurel est faiblement positif. En Allemagne, cela est dû au fait que les sociétés industrielles (où la proportion d’innovantes est élevée) sont plus nombreuses qu’en moyenne en Europe.

L’impact économique de ces effets de structure est toutefois à relativiser, du moins à long terme. En effet, d’un point de vue économique, à long terme, les caractéristiques structurelles d’un pays sont endogènes. Par exemple, un pays où la proportion de sociétés innovantes est élevée dans un secteur donné peut obtenir un avantage compétitif par rapport à ses concurrents, voir sa part de marché augmenter et finalement la part de ce secteur dans la valeur ajoutée s’accroître. Ainsi, la décomposition précédente n’est pas totalement pertinente à long terme.

Si, pour la France, comparé à la moyenne des 12 pays européens retenus, l’effet structurel est quasi‑nul, pour l’Allemagne, l’effet global reste faible, mais cache des disparités sectorielles (figure 6).

Figure 6 - Décomposition de la proportion des sociétés innovantes de la France avec la structure d’innovation par taille et secteur de l’Allemagne

en %
Figure 6 - Décomposition de la proportion des sociétés innovantes de la France avec la structure d’innovation par taille et secteur de l’Allemagne (en %) - Lecture : la France a une proportion de sociétés innovantes de 57,7 % inférieure de 6 points à celle de l’Allemagne. Si la proportion de sociétés innovantes par secteur et taille était la même que celle de l’Allemagne, le taux « attendu » serait de 62,7 %. L’effet structurel est l’écart entre le taux attendu et le taux de l’Allemagne, soit – 1,0 point qui se décompose en neuf effets sectoriels. L’effet résiduel est de – 5,0 points.
Secteur Secteur*taille
Taux observé de la France 57,7 57,7
Taux observé de l’Allemagne 63,7 63,7
Taux observé de la France – taux observé de l’Allemagne -6,0 -6,0
Taux attendu (avec les proportions de sociétés innovantes de l’Allemagne) 63,2 62,7
Effet structurel = taux attendu – taux observé de l’Allemagne -0,5 -1,0
Industries extractives 0,1 0,1
Industrie manufacturière -2,2 -2,7
Production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné -0,4 -0,4
Production et distribution d’eau -0,2 -0,2
Commerce de gros (hors automobiles) 1,8 1,7
Transports et entreposage -0,2 0,1
Information et communication 0,3 0,3
Activités financières et d’assurance 0,4 0,2
Activités spécialisées, scientifiques et techniques (ingénierie, R&D, études de marché) -0,2 0,0
Effet résiduel = taux observé – taux attendu -5,5 -5,0
  • Lecture : la France a une proportion de sociétés innovantes de 57,7 % inférieure de 6 points à celle de l’Allemagne. Si la proportion de sociétés innovantes par secteur et taille était la même que celle de l’Allemagne, le taux « attendu » serait de 62,7 %. L’effet structurel est l’écart entre le taux attendu et le taux de l’Allemagne, soit – 1,0 point qui se décompose en neuf effets sectoriels. L’effet résiduel est de – 5,0 points.
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016, calculs des auteurs.

L’écart entre les proportions de sociétés innovantes en France et en Allemagne est de – 6,0 points. En appliquant à la France la proportion de sociétés innovantes par taille et secteur de l’Allemagne, le taux attendu en France est de 62,7 %, soit un écart de – 1 point avec le taux allemand, ce qui représente 17 % de l’écart total. Deux facteurs affectent la proportion de sociétés innovantes dans des sens opposés. D’une part, il existe un effet sectoriel : la part de l’industrie est plus importante dans l’économie allemande que dans l’économie française (et la proportion de sociétés innovantes est plus élevée dans l’industrie), particulièrement pour l’industrie manufacturière. Ce premier facteur réduit l’écart de 3,3 points. D’autre part, les autres secteurs (principalement le commerce de gros) sont plus présents et plus innovants en France qu’en l’Allemagne ; ces secteurs contribuent au total à augmenter l’écart de 2,3 points.

Pour aller plus loin dans l’analyse, il faut aller à un niveau sectoriel plus fin, mais les données permettant le croisement avec la taille ne sont pas disponibles (encadré 1). Or, il est important de prendre en compte cet effet de la taille : en son absence, l’effet structurel est diminué de moitié.

En détaillant l’effet structurel de l’industrie manufacturière par sous‑secteur, les écarts entre la France et l’Allemagne s’expliquent par la fabrication de produits informatiques, d’équipements techniques et de matériels de transport : l’ensemble de ces activités a un poids plus important et est plus innovant en Allemagne qu’en France.

L’effet structurel n’explique donc qu’une petite part des écarts entre la France et l’Allemagne. Cet effet est faible, comparé à celui mesuré par Balcone et Schweitzer [2019]. Ceux‑ci appliquent une méthode centrée sur le secteur d’activité et sur les dépenses de recherche et développement. Dans cette étude, si la France avait la même structure économique que l’Allemagne avec une industrie plus présente, tout en conservant ses intensités de recherche sectorielles, l’effort de recherche des entreprises (part des dépenses rapportées à la valeur ajoutée) y serait de 2,7 %, soit 1,3 point supérieur à celui réellement observé par les auteurs (1,4 %).

Plusieurs mesures de la proportion de sociétés innovantes

Dans le calcul de la proportion de sociétés innovantes présenté précédemment, chaque société qui réalise une innovation est considérée comme innovante, qu’elle ait réalisé une unique innovation, relativement peu coûteuse ou, au contraire, qu’elle ait fait de nombreuses innovations ayant entraîné des dépenses importantes, ou quelle que soit sa taille. Dans tous les cas, elle est considérée de manière semblable dans le calcul. Par ailleurs, les taux de non‑réponse des pays et les comportements de réponses associés incitent à relativiser cet indicateur, utilisé par les instances internationales pour comparer les pays au sein de l’Europe mais également de l’OCDE.

Deux mesures alternatives dans lesquelles une grande entreprise pèse davantage dans le calcul de la proportion de sociétés innovantes qu’une petite sont testées. En effet, une société réalise des innovations dont l’importance « économique » (en matière de dépenses ou de revenus futurs) est proportionnelle à sa taille (encadré).

La pondération par le chiffre d’affaires rehausse significativement la part de sociétés innovantes (figure 7). Pour l’UE15, cette proportion passe de 57 % à 74 %, soit un écart de 17 points. Mais la hiérarchie entre pays reste la même et la corrélation entre les deux séries est relativement élevée (0,77). L’écart entre les deux taux varie d’un pays à l’autre. Il est de 5 points au Luxembourg, où la proportion de sociétés innovantes est faiblement croissante avec la taille. Il vaut plus de 20 points en Allemagne, où la part des entreprises de 250 salariés ou plus est plus élevée que dans la plupart des autres pays européens, et en Espagne, où la proportion de sociétés innovantes est fortement croissante avec la taille.

Figure 7 - Trois mesures de l’innovation au sens large en 2014-2016

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Figure 7 - Trois mesures de l’innovation au sens large en 2014-2016 (en %) - Lecture : dans l’UE15, la proportion de sociétés innovantes au sens large, telle qu’elle est publiée par Eurostat et l’Insee, est de 57 %. En prenant en compte une pondération selon la part du chiffre d’affaires (par secteur*taille), la proportion d’innovation est de 74 %. En prenant en compte une pondération selon la part dans les dépenses d’activités d’innovation (par secteur*taille), la proportion de sociétés innovantes est de 78 %.
Proportion de sociétés innovantes au sens large Eurostat Proportion avec une pondération par le chiffre d’affaires Proportion avec une pondération par les dépenses d’innovation
Allemagne 64 85 88
Autriche 62 77 80
Belgique 68 79 82
Danemark 51 65 70
Espagne 37 61 66
Finlande 65 78 80
France 58 74 75
Grèce 58 71 75
Irlande 57 74 73
Italie 54 72 73
Luxembourg 64 69 75
Pays-Bas 60 72 74
Portugal 67 76 76
Royaume-Uni 59 67 nd
Suède 54 71 75
UE15 57 74 78
  • nd : non disponible.
  • Lecture : dans l’UE15, la proportion de sociétés innovantes au sens large, telle qu’elle est publiée par Eurostat et l’Insee, est de 57 %. En prenant en compte une pondération selon la part du chiffre d’affaires (par secteur*taille), la proportion d’innovation est de 74 %. En prenant en compte une pondération selon la part dans les dépenses d’activités d’innovation (par secteur*taille), la proportion de sociétés innovantes est de 78 %.
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016, calculs des auteurs.

Au total, l’Allemagne devient le pays où la proportion de sociétés innovantes est la plus élevée. L’indicateur pondéré par le chiffre d’affaires y est de 85 %. Il est de 61 % pour l’Espagne, il reste donc parmi les moins élevés, tout en se rapprochant de celui des autres pays européens étudiés. Il est de 74 % pour la France. Finalement, quel que soit l’indicateur retenu, la France a une proportion de sociétés innovantes proche de la moyenne de l’UE.

La pondération peut également se baser sur les dépenses d’innovation. La corrélation au niveau des pays entre les deux séries pondérées par le chiffre d’affaires ou les dépenses d’innovation est très élevée (le coefficient de corrélation vaut 0,94). Au niveau d’agrégation considéré, les informations apportées par le chiffre d’affaires ou les dépenses engagées dans des activités d’innovation sont donc équivalentes, le montant des dépenses pouvant être allouées aux innovations étant grandement dépendant du chiffre d’affaires. Par ailleurs, les dépenses d’innovation sont majoritairement financées par des capitaux internes du fait de l’incertitude, du risque et de l’asymétrie d’information. Dès lors, plus le chiffre d’affaires est élevé, plus les dépenses dans les activités d’innovation peuvent l’être. Pour la suite de cette étude, on se limitera à l’indicateur pondéré par le chiffre d’affaires, disponible pour l’ensemble des pays de l’UE15, contrairement à celui pondéré par les dépenses d’innovation, non disponible au Royaume‑Uni.

Encadré - Trois mesures de l’innovation

Dans le calcul de la proportion de sociétés innovantes au sens large telle qu’elle est utilisée par Eurostat, chaque société qui réalise une innovation est considérée comme innovante, qu’elle ait réalisé une unique innovation, relativement peu coûteuse, ou au contraire, qu’elle ait fait de nombreuses innovations ayant entraîné des dépenses importantes. Un indicateur qui prend en compte le poids économique de chaque innovation est plus pertinent. Un moyen de le faire serait de pondérer chaque société par son chiffre d’affaires. Cependant, ne disposant pas de données individuelles, un calcul par case (croisement secteur * taille, 6 secteurs d’activité et 3 tranches de taille) est effectué, dans lequel la part de sociétés innovantes par case est pondérée par le chiffre d’affaires de chacune des cases. En France, sa valeur (74 %) peut être comparée à celle obtenue à partir des données individuelles (67 %). L’écart observé est imputable pour partie au comportement de non‑réponse.

Un calcul équivalent est effectué en remplaçant le chiffre d’affaires par les dépenses d’innovation. Celles‑ci sont considérées comme une variable proxy du nombre d’innovations réalisées par les sociétés.

Une certaine convergence entre 2008 et 2016

En Europe, la proportion de sociétés innovantes retrouve en son niveau de 2008 (figure 8). Elle a augmenté entre 2008 et 2010, puis diminué entre 2010 et 2012, avant de se redresser ensuite. L’évolution est semblable, que cette proportion soit mesurée par le nombre de sociétés innovantes ou pondérée par le chiffre d’affaires.

Figure 8 - Innovation dans l’UE15 entre 2008 et 2016

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Figure 8 - Innovation dans l’UE15 entre 2008 et 2016 (en %)
Proportion de sociétés innovantes au sens large Proportion de sociétés innovantes au sens large avec une pondération par le chiffre d’affaires Proportion de sociétés innovantes au sens technologique Proportion de sociétés innovantes au sens technologique avec une pondération par le chiffre d’affaires
2008¹ 56 73 45 67
2010² 58 74 44 63
2012 54 71 41 59
2014 56 74 42 62
2016 57 74 45 63
  • 1. Hors Grèce.
  • 2. Hors Suède pour le chiffre d’affaires.
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire des enquêtes CIS sur la période.
  • Source : Eurostat, enquêtes CIS 2008 à 2016.

Figure 8 - Innovation dans l’UE15 entre 2008 et 2016

  • 1. Hors Grèce.
  • 2. Hors Suède pour le chiffre d’affaires.
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire des enquêtes CIS sur la période.
  • Source : Eurostat, enquêtes CIS 2008 à 2016.

La proportion de sociétés innovant technologiquement a une évolution semblable. Par contre, l’indicateur pondéré par le chiffre d’affaires a diminué de manière régulière entre 2008 et 2012, probablement parce que la crise financière a eu des effets plus importants sur la capacité d’innovation technologique, notamment pour les grandes entreprises, alors que les autres formes d’innovation ont été moins durablement affectées. En 2016, son niveau est inférieur d’environ 3 points à celui de 2008, malgré le rebond après 2012.

La dispersion entre les pays européens s’est modifiée entre 2008 et 2016 (figure 9). En effet, la diminue au cours de la période. De fait, la proportion de sociétés innovantes au sens large augmente le plus fortement dans certains pays, comme les pays‑Bas et le Royaume‑Uni (plus de 12 points), où elle était la plus faible en 2008 (environ 45 %). À l’inverse, en Allemagne, elle était la plus élevée en 2008 (80 %) et elle diminue de 16 points. L’Espagne a une position très particulière. En effet, cette proportion y était l’une des plus faibles en 2008, mais elle diminue encore fortement entre 2008 et 2016. Il est probable que les questions statistiques évoquées précédemment y contribuent, au moins en partie.

Au total, l’Allemagne, leader en 2008, quant à la proportion de sociétés innovantes, est partiellement rattrapée par ses concurrents européens. Ainsi, la Belgique, le Portugal et la Finlande l’ont maintenant dépassée.

En réalisant la même analyse par taille, le phénomène de convergence semble plus marqué pour les petites entreprises. Une hypothèse serait d’imputer ce résultat à un changement d’organisation : le rattachement des petites entreprises à des groupes. En effet, l’appartenance à un groupe modifie les comportements d’innovation. Ainsi, en France, l’appartenance à un groupe multiplie par 1,2 la probabilité d’innover, toutes choses égales par ailleurs [Duc, 2018]. Cependant, entre 2008 et 2016, il n’y a de hausse significative du taux d’appartenance des petites entreprises à des groupes que dans quelques pays (Suède et Belgique), ce qui invalide cette hypothèse. Il apparaît donc que les petites entreprises ont fait preuve d’un dynamisme soutenu en matière d’innovation.

Figure 9 - Convergence des proportions de sociétés innovantes entre pays européens

Figure 9 - Convergence des proportions de sociétés innovantes entre pays européens
Proportion de sociétés innovantes en 2008 (en %) Variation de la proportion de sociétés innovantes entre 2008 et 2016 (en points)
France 50 7,5
Allemagne 80 -16,2
Italie 53 0,6
Belgique 58 10,0
Irlande 57 0,8
Royaume-Uni 46 13,1
Espagne 44 -6,6
Danemark 52 -0,4
Pays-Bas 45 14,8
Autriche 56 5,8
Portugal 58 9,1
Finlande 52 12,6
Suède 54 0,5
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire des enquêtes CIS.
  • Source : Eurostat enquêtes CIS 2008 et 2016, calculs des auteurs.

Figure 9 - Convergence des proportions de sociétés innovantes entre pays européens

  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire des enquêtes CIS.
  • Source : Eurostat enquêtes CIS 2008 et 2016, calculs des auteurs.

Définitions

Les pays étudiés sont ceux de la partie ouest de l’Europe, pour lesquels on dispose de données plus complètes, et qui sont plus homogènes en matière d’innovation.

Ce qui nécessite une demande d’accès aux données qui est actuellement traitée par les services statistiques des différents pays européens. Voir Abramovsky et al. [Ouvrir dans un nouvel onglet2004] pour une étude sur données individuelles.

Chaque enquête couvre une période de trois ans. L’enquête de 2016 décrit ainsi la situation pour les années 2014 à 2016. Dans cette partie, pour faciliter la lecture, on appelle, de manière abusive 2016 la période 2014‑2016, 2014 la période 2012‑2014, etc.

L’écart‑type des taux d’innovation des pays retenus dans l’analyse passe de 0,092 en 2008 à 0,078 en 2016.

Encadré 1 - L’enquête européenne sur l’innovation et les différentes notions d’innovation

L’enquête communautaire sur l’innovation (CIS) permet une analyse économique de l’innovation par pays. Elle répond au règlement européen n° 995/2012 du 26 octobre 2012 relatif aux statistiques communautaires de la science et de la technologie et à la décision n° 1608/2003/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juillet 2003. Elle est menée dans les 28 pays de l’Union européenne ainsi que par la Norvège, la Serbie et la Turquie. Le champ obligatoire des enquêtes CIS, c’est‑à‑dire celui que tous les pays doivent couvrir, est celui des sociétés de 10 salariés ou plus des industries manufacturières ou extractives (sections B‑E de la Nace), du commerce de gros (division 46) et de certains secteurs des services (sections H, J, K et divisions 71 à 73). D’autres secteurs peuvent être pris en compte par les pays s’ils le souhaitent ; par exemple, en France, le secteur de la construction fait partie du champ de l’enquête. Toutefois, pour permettre les comparaisons entre pays, cette étude se limite aux activités relevant du champ obligatoire de l’enquête.

Le champ ne couvrant pas l’ensemble des secteurs de l’économie, le secteur industriel est surreprésenté. Ainsi, pour la France, dans l’enquête CIS, les entreprises industrielles représentent 39 % du chiffre d’affaires total alors que ce secteur représente 28 % du chiffre d’affaires des secteurs principalement marchands non agricoles et non financiers [Insee, 2018] (figure).

Selon la troisième édition du manuel d’Oslo [Ouvrir dans un nouvel onglet2005], qui fait référence dans la mesure de l’innovation, celle‑ci est composée de quatre dimensions :

  • les innovations de produits (biens ou services) concernent les produits nouveaux ou significativement améliorés relativement aux produits précédemment proposés par l’entreprise. Ces innovations peuvent être nouvelles pour le marché ou uniquement pour l’entreprise (le produit était déjà proposé par d’autres entreprises sur le marché) ;
  • les innovations de procédés concernent les procédés nouveaux ou significativement améliorés relativement aux procédés précédemment utilisés par l’entreprise (procédé de fabrication ou production, logistique, distribution, maintenance, achat, comptabilité) ;
  • les innovations d’organisation concernent un nouveau mode de fonctionnement dans l’organisation des procédures (système de gestion), dans l’organisation du travail et de la prise de décision (décentralisation, fusion ou dissociation de service, système de formation) ;
  • les innovations de marketing concernent la mise en œuvre de nouveaux concepts ou de stratégies de vente (emballage, design, promotion, médias, méthodes de ventes ou de distribution, tarification).

Pour compléter le spectre de l’innovation, sont aussi considérées comme innovantes les entreprises engagées dans des innovations en cours ou abandonnées durant la période de référence.

Sur une même période, une entreprise peut avoir innové dans les différentes composantes, soit parce qu’elle a plusieurs innovations, soit parce que le nouveau produit proposé nécessite une nouvelle méthode de production, une nouvelle organisation du travail et une méthode de vente innovante.

La proportion de sociétés innovantes au sens large est la part de sociétés de 10 salariés ou plus ayant conduit au moins un type d’innovation parmi les quatre dimensions citées ci‑dessus, y compris celles en cours ou abandonnées. Cet indicateur est celui retenu par la Commission européenne dans l’European Innovation Scoreboard.

La proportion d’innovation technologique est définie comme la proportion de sociétés ayant une innovation de produits ou de procédés (quels que soient les autres types d’innovation).

Encadré 1 – Figure 1 – Poids des secteurs dans le chiffre d’affaires, dans le champ de l’enquête

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Encadré 1 – Figure 1 – Poids des secteurs dans le chiffre d’affaires, dans le champ de l’enquête (en %)
Industries extractives Industrie manufacturière Production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné Production et distribution d’eau Commerce de gros (hors automobiles) Transports et entreposage Information et communication Activités financières et d’assurance Activités spécialisées, scientifiques et techniques¹
Allemagne 0 41 11 1 19 5 5 17 2
Autriche 2 27 3 1 36 9 6 14 2
Belgique 0 32 1 1 32 15 6 11 2
Danemark 1 36 13 1 29 7 7 3 4
Espagne 0 42 6 1 21 7 6 12 3
Finlande 0 39 6 2 25 8 5 13 2
France 0 34 4 1 29 8 6 15 3
Grèce 0 29 12 1 22 7 7 21 1
Irlande 0 33 2 0 17 5 27 15 1
Italie 2 40 9 2 21 7 5 13 2
Pays-Bas 0 8 nd nd 26 2 4 54 1
Portugal 1 42 4 1 26 8 4 12 2
Royaume-Uni 1 38 5 1 24 8 11 10 4
Suède 1 46 4 1 24 6 7 8 2
UE15 1 21 3 1 48 5 8 8 5
  • nd : non disponible.
  • 1. Ingénierie, R&D, études de marché.
  • Champ : sociétés de 10 salariés ou plus relevant du champ obligatoire de l'enquête CIS 2016.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016.

Encadré 2 - Comportements de réponse et mesure de la proportion de sociétés innovantes

Les questions et les concepts de l’enquête CIS sont harmonisés au niveau européen afin de permettre les comparaisons entre pays. Cependant, la mise en œuvre de l’enquête est du ressort des pays membres, ce qui peut rendre difficiles certaines comparaisons.

Ainsi, la taille de l’échantillon est variable d’un pays à l’autre (entre 15 % et 50 % de l’ensemble des sociétés du champ), ce qui influence la précision de l’enquête.

De plus, en France, l’enquête est obligatoire. Ceci assure un taux de réponse plus élevé, en particulier parce que le caractère obligatoire facilite les relances en cas de non‑réponse. Ainsi, l’enquête CIS a un taux de non‑réponse de 25 %.

En Allemagne, en Belgique ou au Royaume‑Uni, l’enquête CIS (comme toutes les enquêtes) n’est pas obligatoire : les taux de non‑réponse sont de 43 % en Allemagne, 44 % en Belgique et 50 % au Royaume‑Uni. Dans ces trois pays, une enquête légère sur les non‑répondants est menée, mais ses résultats ne sont pas rendus publics. À l’opposé, en Espagne où l’enquête est obligatoire, le taux de réponse atteint 93 %.

Les pays ayant une proportion de sociétés innovantes élevée, telle qu’elle est mesurée par l’enquête CIS, ont également un taux de non‑réponse plus élevé à l’enquête (figure 1). Le coefficient de corrélation entre les deux séries, observé sur les 15 pays, est de 0,25. On peut faire l’hypothèse que les entreprises qui innovent se sentent plus concernées par le sujet de l’enquête que celles qui n’innovent pas. Les pays avec des forts taux de non‑réponse auraient ainsi des proportions élevées de sociétés innovantes, toutes choses égales par ailleurs, les non‑répondantes innovant potentiellement moins que les répondantes. Cet effet est probablement renforcé par le caractère non obligatoire de l’enquête. Les écarts observés reflètent ainsi, pour partie, les différences de comportements de réponse et de ressources mises en œuvre par les organismes enquêteurs pour recueillir les réponses. Cependant, la corrélation statistique entre les deux séries est plus faible quand on exclut l’Espagne de l’échantillon. Ce pays a un taux de non‑réponse très faible et la part de sociétés innovantes la plus basse : une sur trois seulement.

Encadré 2 – Figure 1 - Proportion de sociétés innovantes au sens large en 2014-2016 en fonction du taux de non-réponse dans l’enquête CIS

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Encadré 2 – Figure 1 - Proportion de sociétés innovantes au sens large en 2014-2016 en fonction du taux de non-réponse dans l’enquête CIS (en %) - Lecture : en Espagne, le taux de non-réponse à l’enquête CIS 2016 est de 6,6 % et la proportion de sociétés innovantes de 36,4 %.
Taux de non-réponse Proportion de sociétés innovantes
Royaume-Uni 49,9 60,2
Autriche 47,0 59,5
Belgique 44,0 64,2
Allemagne 43,1 67,0
Grèce 38,6 51,0
Italie 37,5 48,7
Irlande 30,7 61,0
Pays-Bas 28,0 55,3
Finlande 25,7 55,3
France 25,3 56,4
Portugal 15,7 54,0
Luxembourg 11,8 65,1
Suède 11,7 54,2
Espagne 6,6 36,4
Danemark 3,0 49,5
  • Note : en Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni, l’enquête n’est pas obligatoire.
  • Lecture : en Espagne, le taux de non-réponse à l’enquête CIS 2016 est de 6,6 % et la proportion de sociétés innovantes de 36,4 %.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016 et rapport qualité CIS 2016.

Encadré 2 – Figure 1 - Proportion de sociétés innovantes au sens large en 2014-2016 en fonction du taux de non-réponse dans l’enquête CIS

  • Note : en Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni, l’enquête n’est pas obligatoire.
  • Lecture : en Espagne, le taux de non-réponse à l’enquête CIS 2016 est de 6,6 % et la proportion de sociétés innovantes de 36,4 %.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016 et rapport qualité CIS 2016.

Ainsi, pour les 14 autres pays la relation est beaucoup moins établie. Par exemple, le Danemark a un taux de non‑réponse très faible alors que l’Italie et la Grèce ont des taux élevés. Pour autant, la proportion de sociétés innovantes est relativement faible dans ces trois pays : environ une société sur deux est innovante. À l’opposé, le Luxembourg, l’Allemagne et la Belgique ont des parts de sociétés innovantes élevées (près de deux sociétés sur trois sont innovantes), alors que le Luxembourg a un très faible taux de non‑réponse et que l’Allemagne et la Belgique (où l’enquête n’est pas obligatoire) ont des taux de non‑réponse parmi les plus élevés.

Au total, les résultats présentés dans cette étude sont très liés aux différences de protocoles d’enquête.

Sous l’hypothèse extrême que toutes les unités non répondantes sont non innovantes, la dispersion des taux d’innovation serait fortement réduite : 34 % pour l’Espagne, 38 % pour la Belgique, 36 % pour l’Allemagne et 43 % pour la France. Le classement des pays serait modifié. Avec la proportion de sociétés innovantes au sens large, le podium se partage entre la Belgique, le Portugal et la Finlande. Avec le taux recalculé, qui peut s’interpréter comme un minorant de la proportion de sociétés innovantes, seul le Portugal resterait en tête, mais avec le Luxembourg et le Danemark. Avec le calcul traditionnel, le taux du Danemark est parmi les plus faibles (figure 2).

Encadré 2 – Figure 2 - Test de robustesse sur les comportements de non-réponse en 2016

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Encadré 2 – Figure 2 - Test de robustesse sur les comportements de non-réponse en 2016 (en %)
Pays Taux de non-réponse Proportion de sociétés innovantes au sens large Proportion de sociétés innovantes au sens large sous hypothèse extrême
Allemagne 43,1 63,7 36,3
Autriche 47,0 62,0 32,9
Belgique 44,0 68,1 38,1
Danemark 3,0 51,5 49,9
Espagne 6,6 36,9 34,5
Finlande 25,7 64,8 48,1
France 25,3 57,7 43,1
Grèce 38,6 57,7 35,5
Irlande 30,7 57,4 39,7
Italie 37,5 53,8 33,6
Luxembourg 11,8 63,8 56,3
Pays-Bas 28,0 59,7 43,0
Portugal 15,7 66,9 56,4
Royaume-Uni 49,9 58,7 29,4
Suède 11,7 54,2 47,9
  • Note : le taux de non-réponse de chaque pays est non pondéré. La proportion de sociétés innovantes sous hypothèse extrême est recalculée en supposant que toutes les sociétés non-répondantes sont non-innovantes. En Allemagne, en Belgique et au Royaume-Uni, l’enquête n’est pas obligatoire.
  • Source : Eurostat, enquête CIS 2016 et rapport qualité CIS 2016, calculs des auteurs.

Encadré 3 - Une décomposition de l’innovation au sens large pour tenir compte de la taille et des secteurs

Afin de mesurer l’influence comptable de la taille des sociétés et de leur répartition sectorielle, la proportion de sociétés innovantes est considérée comme la somme de deux composantes : un effet structurel et un effet résiduel [Kubrak, 2018] .

L’écart entre la proportion de sociétés innovantes du pays P et de l’UE12 s’écrit donc comme la somme de deux termes :

L’effet qualifié de structurel est la moyenne pondérée des écarts entre les proportions de sociétés innovantes pour chaque croisement i (secteur taille) et la proportion moyenne des sociétés innovantes dans l’UE12.

Il s’agit de l’écart expliqué par la répartition spécifique au pays (par secteur et taille), sous l’hypothèse d’une proportion de sociétés innovantes identique dans chaque pays.

L’effet qualifié de résiduel est la moyenne pondérée des écarts entre la proportion de sociétés innovantes observée dans le pays P pour un croisement secteur taille i et la proportion moyenne de l’UE pour ce croisement.

Il s’explique par tous les autres facteurs : propension à innover, spécialisation sectorielle fine, politiques en faveur de l’innovation, conjonctures économiques variées, comportements de réponses aux enquêtes, etc.

On considère six secteurs : un secteur pour l’industrie (sections B‑E agrégées de la Nace rév. 2) et cinq autres secteurs pour le commerce et les services (division 46, sections H, J, K et divisions 71 à 73, pris indépendamment). Trois tranches de taille sont distinguées : de 10 à 49 salariés, de 50 à 49 salariés et 250 salariés ou plus.

Pour comparer la France et l’Allemagne, la même méthode est utilisée, en remplaçant les données de la moyenne de l’UE par les données de l’Allemagne et en décomposant les secteurs industriels en quatre secteurs (B, C, D et E), soit neuf secteurs au total.

Ce calcul est réalisé pour l’innovation au sens large. En effet, certaines données manquent pour effectuer le même calcul pour l’innovation technologique.

Abramovsky L., Jaumandreu J., Kremp E., Peters B., “Ouvrir dans un nouvel ongletNational Differences in Innovation Behaviour: Facts and Explanations. Results Using Basic Statistics from CIS3 for France, Germany, Spain and United Kingdom”, mimeo, 2004.

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