Les entreprises en France Édition 2019

Cette nouvelle édition du numéro Les entreprises en France de la collection Insee Références offre une vue structurelle complète de notre système productif.

Insee Références
Paru le :Paru le03/12/2019
Simon Bunel (Insee) et Benjamin Hadjibeyli (DGE)
Les entreprises en France- Décembre 2019
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Sommaire

Évaluation du crédit d’impôt innovation : dynamique des bénéficiaires depuis son introduction

Simon Bunel (Insee) et Benjamin Hadjibeyli (DGE)

Instauré en 2013, le crédit d’impôt innovation (CII) est une extension du crédit d’impôt recherche (CIR) destinée à compléter son effet incitatif chez les PME, afin qu’elles s’engagent dans des dépenses d’innovation et de valorisation de la recherche et développement, via le développement de prototypes et, in fine, la création de nouveaux produits.

En 2014, le CII représentait 120 millions d’euros de crédit d’impôt, pour 5 300 PME bénéficiaires. L’instauration du dispositif s’est accompagnée d’un effet de substitution des dépenses de recherche déclarées dans le cadre du CIR par les dépenses d’innovation déclarées pour le CII.

L’emploi, le total du bilan, le chiffre d’affaires ou la probabilité de déposer un brevet des PME bénéficiaires du CII progressent plus rapidement que ceux des PME similaires n’ayant pas bénéficié du dispositif dans les années suivant sa mise en place. En revanche, le salaire moyen ou l’investissement progressent au même rythme. Par ailleurs, les PME de l’industrie bénéficiaires du CII ont mis sur le marché davantage de nouveaux produits. Toutefois, ces évolutions différenciées entre bénéficiaires et non bénéficiaires aux caractéristiques similaires ne garantissent pas l’interprétation des résultats comme des causalités.

Insee Références

Paru le :03/12/2019

Le CII vise à stimuler l’innovation chez les PME

Instauré en 2013, le crédit d’impôt innovation (CII) est une mesure fiscale réservée aux dont l’objectif est de « renforcer la compétitivité des PME innovantes » [Ouvrir dans un nouvel ongletÉvaluations préalables des articles du projet de loi de finances (PLF), 2013] en favorisant la création de nouveaux produits et donc la valorisation économique de l’activité de recherche et développement (R&D). Il consiste en un crédit d’impôt égal à 20 % des dépenses annuelles d’innovation relatives aux opérations de conception de prototypes ou d’installation pilote de nouveaux produits. Cette assiette inclut en particulier les dépenses de personnel et les dotations aux amortissements liées à ces activités d’innovation. Elle est plafonnée à 400 000 euros par an et par PME, ce qui limite mécaniquement le crédit d’impôt à 80 000 euros par an et par PME.

Le CII est une extension du crédit d’impôt recherche (CIR) qui concerne, quant à lui, l’ensemble des sociétés déclarant des dépenses de R&D et dont le taux est égal à 30 % dans la limite de 100 millions d’euros, puis 5 % au‑delà (encadré). Instauré en France en 1983, le CIR a pour objet principal « d’inciter les entreprises à accroître leurs dépenses de R&D, en réduisant le coût de leurs activités de R&D » [Ouvrir dans un nouvel ongletFrance Stratégie, 2019]. Le CII se situe ainsi dans la continuité du CIR au sein du processus d’innovation à travers la valorisation économique de l’activité de R&D. L’évaluation préalable du projet de loi sur le CII [Ouvrir dans un nouvel ongletPLF, 2013] justifiait cette extension du CIR aux seules PME par le fait que celles‑ci « ont moins de facilité que les grands groupes à réaliser des opérations de recherche et d’innovation et à en valoriser les résultats ».

Ce dossier vise à décrire les PME bénéficiaires du CII au moment de la mise en place du dispositif, en 2013 et 2014. Il examine ensuite le devenir de ces PME bénéficiaires selon deux grands axes : leur développement économique, notamment en termes d’emploi ou de chiffre d’affaires, et l’évolution de leurs activités de , notamment via la création de nouveaux produits, en les comparant à d’autres PME non bénéficiaires du CII, ayant des caractéristiques comparables.

Encadré - Le crédit d’impôt recherche et son évaluation

Instauré en 1983, le crédit d’impôt recherche (CIR) est le principal soutien à la R&D en France, avec aujourd’hui un peu plus de 6 milliards d’euros de créance annuelle d’impôt, soit près de 60 % du soutien public à la recherche, au développement et à l’innovation (RDI). Le CIR est la première dépense fiscale de l’État. Initialement assis sur l’accroissement des dépenses de R&D des entreprises, ce crédit d’impôt est déterminé depuis 2008 à partir du niveau des dépenses de R&D, ce qui a eu un effet immédiat sur le montant de créance annuelle, celui‑ci passant de 1,8 milliard d’euros en 2007 à 4,4 milliards d’euros en 2008.

Le CII diffère du CIR sur plusieurs aspects. Tout d’abord, le CIR concerne les dépenses de recherche, qui sont donc une assiette de dépenses distincte de celle du CII, et encourage ainsi l’ensemble du processus de recherche, sans pour autant inciter à le concrétiser par une mise sur le marché. Son taux diffère également : il est de 30 % jusqu’à 100 millions d’euros de dépenses puis de 5 % au‑delà, tandis que le taux du CII est de 20 % quel que soit le niveau de la dépense. Enfin, toutes les entreprises sont éligibles au CIR et son montant n’est pas plafonné, alors que le CII est restreint aux PME et plafonné à 80 000 euros.

France Stratégie [Ouvrir dans un nouvel onglet2019] a récemment produit un avis sur le CIR en s’appuyant sur les nombreuses évaluations réalisées depuis sa création, et en particulier sur celles concernant l’effet de la réforme du dispositif intervenue en 2008 [Ouvrir dans un nouvel ongletBozio et al., 2019 ; Ouvrir dans un nouvel ongletLopez et Mairesse, 2018 ; Ouvrir dans un nouvel ongletMulkay et Mairesse, 2018]. D’après cet avis, les résultats des différentes études convergent et indiquent que les entreprises bénéficiaires du CIR ont augmenté leurs dépenses de recherche d’un montant globalement équivalent à celui de l’augmentation de leur créance de CIR. Cependant, l’effet du dispositif sur l’activité des entreprises et sur leurs performances en termes d’innovation reste peu perceptible et des études complémentaires devraient être menées.

Le CII est monté en charge au cours de ses deux premières années d’existence

Le montant total de CII a fortement progressé entre 2013 et 2014 passant de 83 millions d’euros en 2013 à 120 millions d’euros en 2014 (+ 45 %), tandis que le nombre de est passé de 4 092 en 2013 à 5 286 en 2014 (+ 29 %). Cela traduit l’appropriation progressive du dispositif par les PME.

En , trois secteurs perçoivent quasiment 90 % du montant total de CII : l’information et communication (38 % du montant total du CII), l’industrie manufacturière (28 %) et les activités spécialisées, scientifiques et techniques (21 %) (figure 1). D’après l’enquête Innovation de l’Insee, ces trois secteurs sont aussi ceux où la proportion de sociétés innovantes est la plus importante [Duc, 2018].

Figure 1 - Répartition sectorielle du montant de CII versé en 2014

en %
Figure 1 - Répartition sectorielle du montant de CII versé en 2014 (en %) - Lecture : en 2014, 38 % du CII versé allait à des entreprises du secteur de l’information et communication.
Information et communication 38
Industrie manufacturière 28
Activités spécialisées, scientifiques et techniques 21
Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles 7
Autres 6
  • Lecture : en 2014, 38 % du CII versé allait à des entreprises du secteur de l’information et communication.
  • Champ : PME bénéficiaires du CII en 2014.
  • Source : DGFiP-Mesri, base GECIR.

Figure 1 - Répartition sectorielle du montant de CII versé en 2014

  • Lecture : en 2014, 38 % du CII versé allait à des entreprises du secteur de l’information et communication.
  • Champ : PME bénéficiaires du CII en 2014.
  • Source : DGFiP-Mesri, base GECIR.

Si les trois secteurs percevant le plus de CII sont les mêmes que ceux percevant le plus de CIR, leur poids diffère selon le type de crédit d’impôt considéré. En effet, dans le cas du CIR, le secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques perçoit 37 % du CIR accordé aux PME, le secteur de l’information et communication 27 % et l’industrie manufacturière 25 %.

Le montant moyen de crédit d’impôt par PME bénéficiaire du CII est de 23 000 euros (figure 2). Par ailleurs, ces PME bénéficiaires ont un effectif médian de 10 salariés et sont généralement plus grandes que les autres PME. À titre de comparaison, les PME de moins de 10 salariés représentent en effet 93 % des PME dans l’ensemble de l’économie française.

Parmi les PME bénéficiaires du CII, 57 % déclarent également des dépenses de R&D dans le cadre du CIR, correspondant à un montant moyen de CIR de 82 000 euros. Au total, ces PME qui cumulent CIR et CII représentent 15 % du montant de CIR accordé aux PME. Elles ont un emploi et un chiffre d’affaires moyens plus importants que celles bénéficiant uniquement du CII. Les PME bénéficiant uniquement du CII sont plus petites que celles bénéficiant uniquement du CIR.

Figure 2 - Principales caractéristiques des PME bénéficiaires du CIR ou du CII

Figure 2 - Principales caractéristiques des PME bénéficiaires du CIR ou du CII - Lecture : en 2014, l'effectif médian des entreprises bénéficiant du CIR et du CII est de 13 salariés, alors que celui des entreprises bénéficiant uniquement du CIR est de 9 salariés et des entreprises bénéficiant du CII uniquement de 7 salariés.
Âge médian (en années) Nombre de salariés (en ETP) Chiffre d’affaires moyen (en milliers d'euros) Montant de CIR moyen (en milliers d'euros) Montant de CII moyen (en milliers d'euros)
Moyen Médian
CII 10 21 10 3 576 47 23
dont :
CII uniquement 10 16 7 2 724 /// 24
cumul CIR et CII 11 25 13 4 213 82 22
CIR uniquement 10 22 9 4 115 107 ///
  • /// : absence de résultat due à la nature des choses.
  • Lecture : en 2014, l'effectif médian des entreprises bénéficiant du CIR et du CII est de 13 salariés, alors que celui des entreprises bénéficiant uniquement du CIR est de 9 salariés et des entreprises bénéficiant du CII uniquement de 7 salariés.
  • Champ : PME bénéficiaires du CIR ou du CII en 2014.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, Ésane, Sirus.

Pour les bénéficiaires, l’introduction du CII s’est accompagnée d’une baisse des dépenses de recherche déclarées dans le cadre du CIR

L’introduction du CII s’est traduite par une baisse des dépenses de recherche déclarées dans le cadre du CIR par les PME qui déclarent en parallèle des dépenses d’innovation, dans le cadre du CII. Parmi les PME ayant déclaré des dépenses de recherche en 2011 et en 2012, celles ayant déclaré des dépenses d’innovation en 2013 ont enregistré une baisse de leurs dépenses de recherche déclarées pour le CIR de 12 % cette même année, tandis que les dépenses de recherche des PME n’ayant pas déclaré de dépenses d’innovation ont reculé de 6 % (figure 3).

Une première interprétation possible serait que le processus de R&D peut prendre fin pour mener à une phase de mise sur le marché ; les dépenses de recherche soutenues par le CIR seraient alors remplacées par des dépenses d’innovation soutenues par le CII. Cette explication est d’autant plus plausible que les bénéficiaires du CII sont des PME, développant sans doute moins de projets en parallèle que des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou des grandes entreprises.

Une seconde interprétation serait celle d’un effet de relabellisation d’une partie des dépenses de recherche en dépenses d’innovation. Ces dépenses relabellisées correspondraient bien en réalité à des dépenses d’innovation alors qu’elles étaient jusqu’ici considérées comme des dépenses de recherche. Le taux du CII (20 %) étant plus faible que celui du CIR (30 %), rien n’incite pourtant financièrement les bénéficiaires à relabelliser leurs dépenses vers des dépenses d’innovation si elles n’en étaient pas réellement. Cette relabellisation est peut‑être, dans certains cas, la conséquence d’un contrôle de la nature des dépenses de recherche effectuées.

Figure 3 - Montants moyens de dépenses de recherche déclarées par les PME bénéficiaires ou non bénéficiaires du CII

en milliers d'euros
Figure 3 - Montants moyens de dépenses de recherche déclarées par les PME bénéficiaires ou non bénéficiaires du CII (en milliers d'euros) - Lecture : parmi les PME ayant bénéficié du CIR en 2011 et en 2012, celles bénéficiant du CII en 2013 déclaraient en moyenne 309 000 euros de dépenses de recherche en 2012, puis 271 000 euros en 2013.
Dépenses moyennes de recherche - Bénéficiaires du CII Dépenses moyennes d'innovation - Bénéficiaires du CII Dépenses moyennes de recherche - Non-bénéficiaires du CII
2011 288
2011 350
2012 309
2012 372
2013 271 118
2013 349
  • Lecture : parmi les PME ayant bénéficié du CIR en 2011 et en 2012, celles bénéficiant du CII en 2013 déclaraient en moyenne 309 000 euros de dépenses de recherche en 2012, puis 271 000 euros en 2013.
  • Champ : PME déclarant des dépenses de recherche et développement dans le cadre du CIR en 2011 et 2012.
  • Source : DGFiP-Mesri, base GECIR.

Figure 3 - Montants moyens de dépenses de recherche déclarées par les PME bénéficiaires ou non bénéficiaires du CII

  • Lecture : parmi les PME ayant bénéficié du CIR en 2011 et en 2012, celles bénéficiant du CII en 2013 déclaraient en moyenne 309 000 euros de dépenses de recherche en 2012, puis 271 000 euros en 2013.
  • Champ : PME déclarant des dépenses de recherche et développement dans le cadre du CIR en 2011 et 2012.
  • Source : DGFiP-Mesri, base GECIR.

L’emploi et le chiffre d’affaires des PME bénéficiaires du CII ont augmenté plus rapidement que ceux des PME similaires non bénéficiaires

Comparer les PME bénéficiaires du CII à l’ensemble des PME non bénéficiaires ne suffit pas pour estimer l’effet de l’introduction du dispositif sur le devenir de ces PME. Il faut en effet les comparer à un groupe spécifique de PME non bénéficiaires ayant des caractéristiques semblables (emploi, chiffres d’affaires, part de l’, etc.) avant l’introduction du CII. Ces PME non bénéficiaires sont sélectionnées parmi les PME susceptibles de mener des activités d’innovation. Par la suite, nous désignerons par le terme de « groupe bénéficiaire » la sous­population de l’ensemble des PME bénéficiaires du CII décrites auparavant pour lesquelles nous disposons de l’ensemble des données nécessaires à l’estimation des écarts entre bénéficiaires et non-bénéficiaires ; les résultats ne portent que sur cette sous‑population (méthode).

Les effectifs des PME de cette sous‑population sont plus importants (27 salariés en moyenne en 2012) que celui de l’ensemble des PME bénéficiaires (21 salariés).

Dès 2013, première année de mise en place du CII, l’emploi des PME bénéficiaires du CII augmente plus fortement que celui des non‑bénéficiaires (figure 4a). L’écart entre ces deux groupes s’accentue dans le temps et passe de 1,8 point en 2013 à 5,0 points en 2015. Ce résultat semble cohérent avec un des objectifs initiaux du CII qui était de « contribuer à la création d’emplois par [les PME] » [Ouvrir dans un nouvel ongletPLF, 2013]. Par ailleurs, l’évolution de la part de l’emploi technique, c’est‑à‑dire de salariés susceptibles de réaliser des activités de RDI (techniciens, ingénieurs et cadres techniques de l’entreprise), est plus importante pour le groupe bénéficiaire en 2013. Cette différence entre groupe bénéficiaire et groupe non bénéficiaire ne persiste pas en 2014 et 2015 (figure 4b).

En revanche, les salaires augmentent moins fortement dans les PME bénéficiaires que dans les autres, de l’ordre de 1,8 point de pourcentage de moins en 2014. Les PME bénéficiaires ayant une hausse plus forte de leur emploi que les autres, cette moindre hausse des salaires peut provenir du fait que les nouveaux salariés embauchés ont un salaire en moyenne moins élevé que les salariés déjà présents.

Le chiffre d’affaires croît davantage chez les PME bénéficiaires. L’écart est non significatif en 2013 et 2014, de 2,5 points de pourcentage en 2015 et passe à 4,9 points de pourcentage en 2016 (figure 4c).

Mesurées par le total du bilan, les ressources financières des PME bénéficiaires du CII augmentent davantage que celles des non‑bénéficiaires, l’écart passant de 2,4 points de pourcentage en 2013 à 4,7 points de pourcentage en 2016. Il n’est en revanche pas observé de différence concernant le .

Enfin, l’écart entre PME bénéficiaires et PME non bénéficiaires concernant la probabilité de déposer au moins un brevet s’accroît en 2015 (figure 4d).

Figure 4a - Estimations des différences d'évolution d’emploi entre bénéficiaires du CII et non-bénéficiaires

en points de %
Figure 4a - Estimations des différences d'évolution d’emploi entre bénéficiaires du CII et non-bénéficiaires (en points de %) - Lecture : l’écart entre groupe bénéficiaire et groupe non bénéficiaire en termes d’emploi s'accentue avec le temps et passe de 1,8 point de pourcentage en 2013 à 5,0 points de pourcentage en 2015.
Estimation Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure Borne supérieure
2009 0,1404 -2,5085 2,7893
2010 -0,2636 -2,068 1,5408
2011 -0,0862 -1,2895 1,1171
2012 0,0 0,0 0,0
2013 1,7897 0,7123 2,8671
2014 4,3796 2,8454 5,9138
2015 4,9639 2,9737 6,9541
  • Lecture : l’écart entre groupe bénéficiaire et groupe non bénéficiaire en termes d’emploi s'accentue avec le temps et passe de 1,8 point de pourcentage en 2013 à 5,0 points de pourcentage en 2015.
  • Champ : PME bénéficiaires du CII et PME non bénéficiaires comparables.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, FARE.

Figure 4a - Estimations des différences d'évolution d’emploi entre bénéficiaires du CII et non-bénéficiaires

  • Lecture : l’écart entre groupe bénéficiaire et groupe non bénéficiaire en termes d’emploi s'accentue avec le temps et passe de 1,8 point de pourcentage en 2013 à 5,0 points de pourcentage en 2015. Les barres verticales représentent les intervalles de confiance à 95 %. La ligne verticale en pointillé indique la dernière année avant l’introduction du CII (2012).
  • Champ : PME bénéficiaires du CII et PME non bénéficiaires comparables.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, FARE.

Les PME bénéficiaires du CII dans l’industrie ont créé davantage de nouveaux produits

Ce dossier s’intéresse également à l’évolution du nombre de produits fabriqués par les PME selon trois définitions de la notion de produit, plus ou moins fines (données). Les données relatives aux produits sont observées sur les entreprises du secteur industriel. La sélection de PME non bénéficiaires ayant des caractéristiques semblables tient compte, en plus des variables précédemment mentionnées, du nombre de produits avant mise en place du CII via l’ajout de cette variable dans le calcul du score de propension.

Le nombre de produits des PME bénéficiaires du CII a en moyenne augmenté plus vite que celui des non‑bénéficiaires (figures 5a et 5b. Cependant, l’écart n’est pas significatif au niveau le plus fin de la notion de produit avant 2016, probablement en raison de la forte variabilité du nombre de produits fabriqués par les PME à ce niveau dans le temps. En revanche, pour des niveaux plus agrégés, l’écart est positif et significatif à partir de 2015, et le reste en 2016 pour atteindre, en moyenne, respectivement 0,13 et 0,08 produit supplémentaire chez les bénéficiaires du CII, selon le niveau considéré pour définir un produit. À titre de comparaison, le nombre moyen de produits (au niveau le plus agrégé) est en moyenne de 1,52 dans le groupe bénéficiaire en 2012, ce qui représenterait donc un surplus de 5 % chez les bénéficiaires.

Ces résultats traduisent la faculté des PME bénéficiaires à proposer des produits supplémentaires assez différents (au sens de la nomenclature utilisée) des produits qu’elles proposaient avant l’introduction du CII. La mobilisation de l’enquête EAP permet de mettre en évidence une évolution différenciée du nombre de produits. C’est une nouveauté au sein de la littérature économique s’intéressant aux dispositifs de soutien à la RDI.

Figure 5a - Différences d'évolution du nombre de produits vendus au niveau fin entre les bénéficiaires du CII et les non-bénéficiaires

en points de %
Figure 5a - Différences d'évolution du nombre de produits vendus au niveau fin entre les bénéficiaires du CII et les non-bénéficiaires (en points de %) - Lecture : l’écart entre groupe bénéficiaire et groupe non bénéficiaire en termes de nombre de produits vendus s'accentue dans le temps.
Estimation Intervalle de confiance à 95 %
Borne inférieure Borne supérieure
2009 0,0088 -0,0887 0,1063
2010 -0,0213 -0,1001 0,0575
2011 -0,0213 -0,0809 0,0383
2012 0 0,0 0,0
2013 0,0526 -0,0379 0,1431
2014 0,0313 -0,0774 0,14
2015 0,0489 -0,0796 0,1774
2016 0,1278 -0,0091 0,2647
  • Lecture : l’écart entre groupe bénéficiaire et groupe non bénéficiaire en termes de nombre de produits vendus s'accentue dans le temps.
  • Champ : PME bénéficiaires du CII et PME non bénéficiaires comparables.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, FARE, EAP.

Figure 5a - Différences d'évolution du nombre de produits vendus au niveau fin entre les bénéficiaires du CII et les non-bénéficiaires

  • Lecture : l’écart entre groupe bénéficiaire et groupe non bénéficiaire en termes de nombre de produits vendus s'accentue dans le temps. Les barres verticales représentent les intervalles de confiance à 95 %. La ligne verticale en pointillé indique la dernière année avant l’introduction du CII (2012).
  • Champ : PME bénéficiaires du CII et PME non bénéficiaires comparables.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, FARE, EAP.

L’interprétation de ces différences comme une causalité n’est pas établie

Pour que la méthode utilisée permette d’interpréter les différences entre groupe bénéficiaire et non bénéficiaire comme des liens de causalité, certaines hypothèses doivent être vérifiées. Bien que l’on compare des PME ayant des caractéristiques observées similaires avant la mise en place du dispositif, des différences non observées (connaissance du dispositif, dépenses d’innovation avant la mise en place du CII, encadrement de l’entreprise, etc.) peuvent demeurer .

Dans le cas du CII, on peut légitimement se demander pourquoi des PME qui se ressemblent autant avant la mise en place du dispositif ont des décisions différentes vis‑à‑vis de la demande de CII. Si la décision de demander à bénéficier du CII n’est pas corrélée aux caractéristiques non observées des PME, la démarche adoptée ici n’est pas biaisée. En revanche, si des caractéristiques non observées sont corrélées avec la décision de demander du CII, alors l’appariement mis en œuvre ici ne corrige pas totalement de l’hétérogénéité inobservée et la causalité peut être remise en cause. Dans ce cas, il est possible que les résultats soient en partie liés à un phénomène d’auto‑sélection, où les PME les plus dynamiques et prometteuses en 2012 ont davantage recours au CII et ont par ailleurs des trajectoires de développement futures plus rapides.

Au final, même si les méthodes d’appariement permettent de construire un groupe de PME non bénéficiaires ayant des caractéristiques observées similaires aux PME bénéficiaires avant la mise en place du CII, elles ne garantissent pas totalement l’interprétation des résultats comme des causalités, les différences estimées étant sans doute un majorant de l’effet réel.

Définitions

Emploi technique : somme des effectifs des catégories socioprofessionnelles 38 (ingénieurs et cadres techniques d’entreprises) et 47 (techniciens).

Taux d’endettement : ratio entre l’endettement total et les capitaux propres de l’entreprise.

Taux d’investissement : rapport entre les investissements corporels bruts hors apports et la valeur ajoutée.

Le groupe de contrôle et le calcul des effets

Les méthodes d’appariement sur score de propension ont pour objectif de comparer deux groupes (dits « traité » et « contrefactuel ») en corrigeant des différences observables entre ces groupes [Ouvrir dans un nouvel ongletRosenbaum et Rubin, 1983]. À partir de caractéristiques observées des populations étudiées, traitées ou non, on estime la probabilité d’être traité, appelée « score de propension ». Dans ce dossier, chaque PME traitée est ensuite appariée avec la PME non traitée ayant le score de propension le plus proche. Pour plus d’informations, Quantin [2018] présente la mise en pratique de ce type de méthodes.

Dans ce dossier, les PME constituant le groupe traité sont celles qui bénéficient du CII et les PME constituant le groupe contrefactuel sont sélectionnées parmi les PME non bénéficiaires du CII, mais ayant bénéficié du CIR ou répondu à l’enquête R&D sur une période récente. Comme l’enquête R&D collecte des informations spécifiquement sur les PME effectuant des activités de R&D, cette sélection préalable permet de se restreindre à des PME qui en ont réalisé dans la période précédant la mise en place du CII, et donc susceptibles de mener des activités d’innovation.

Le score de propension est estimé via un modèle logit expliquant la probabilité de bénéficier du CII à partir des caractéristiques observables des PME avant sa mise en place (2009‑2012) : effectif (en log), part de l’emploi technique, chiffre d’affaires (en log), total du bilan (en log), , taux d’investissement, excédent brut d’exploitation, année de création, appartenance à un groupe, indicatrice de dépôt d’au moins un brevet, montant de CIR perçu (en log) et exposition au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), définie comme la part de la masse salariale inférieure à 2,5 Smic en 2012. Ces variables sont considérées en niveau 2012 et en évolution entre 2009 et 2012. En plus du score de propension, une condition stricte d’appartenance au même secteur d’activité est ajoutée pour apparier les PME.

Une fois les groupes construits, il est possible de vérifier qu’ils se comportent de façon similaire au cours des années précédant la mise en place du dispositif (figure), et ensuite d’estimer les effets du traitement grâce à la méthode des « différences de différences ».

La spécification retenue est la suivante :

LogY it = α + ß t T it + µ t + λ i + ε it           (1)

où Tit correspond au fait que la PME i appartienne au groupe traité et que l'observation soit prise l'année t, λi introduit un effet fixe PME et μt un effet fixe année. Le coefficient βt mesure donc l'effet du traitement pour l'année t.

L’échantillon se limite aux PME pour lesquelles les données sont disponibles chaque année sur la période 2009‑2015. Cela conduit à limiter le nombre de PME bénéficiaires du CII en 2013 ou en 2014 étudiées à 2 860 PME, parmi les 6 574 bénéficiaires du CII en 2013 ou 2014. Ces PME représentent 50 % du montant total de CII versé sur la période 2013‑2014. L’emploi moyen, le chiffre d’affaires moyen et l’âge moyen au sein de ce sous‑groupe étudié sont supérieurs à ceux de l’ensemble des PME bénéficiaires du CII en 2013 ou 2014.

Différents tests de robustesse ont été effectués. Des conditions moins exigeantes concernant les années de présence (2011‑2015 plutôt que 2009‑2015) et d’autres variables ont été testées pour le calcul du score et donnent des résultats similaires. D’autres méthodes d’appariement, qui font par exemple varier le nombre de plus proches voisins sélectionnés, ont également permis de tester la robustesse des résultats et sont présentées plus en détail dans Bunel et Hadjibeyli [2019].

Figure a - Évolution des effectifs en ETP après appariement  

en log
Figure a - Évolution des effectifs en ETP après appariement   (en log) - Lecture  : à partir de 2013, l’emploi des entreprises bénéficiaires du CII augmente plus fortement que celui des entreprises non bénéficiaires. Avant 2013, les tendances sont les mêmes entre les deux groupes.
Groupe non bénéficiaire Groupe bénéficiaire
2009 2,4767 2,4975
2010 2,5659 2,5828
2011 2,6382 2,6571
2012 2,7027 2,7228
2013 2,7264 2,7647
2014 2,7405 2,8049
2015 2,7601 2,8304
  • Lecture  : à partir de 2013, l’emploi des entreprises bénéficiaires du CII augmente plus fortement que celui des entreprises non bénéficiaires. Avant 2013, les tendances sont les mêmes entre les deux groupes.
  • Champ : PME bénéficiaires du CII et PME non bénéficiaires comparables.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, FARE.

Figure a - Évolution des effectifs en ETP après appariement  

  • Lecture  : à partir de 2013, l’emploi des entreprises bénéficiaires du CII augmente plus fortement que celui des entreprises non bénéficiaires. Avant 2013, les tendances sont les mêmes entre les deux groupes. La ligne verticale en pointillé indique la dernière année avant l’introduction du CII (2012).
  • Champ : PME bénéficiaires du CII et PME non bénéficiaires comparables.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, FARE.

Figure b - Évolution du chiffre d'affaires après appariement  

en log
Figure b - Évolution du chiffre d'affaires après appariement   (en log)
Groupe non bénéficiaire Groupe bénéficiaire
2009 7,4926 7,4918
2010 7,6165 7,6132
2011 7,7371 7,743
2012 7,7955 7,8001
2013 7,8204 7,8333
2014 7,8529 7,868
2015 7,8819 7,9119
2016 7,8968 7,9511
  • Champ : PME bénéficiaires du CII et PME non bénéficiaires comparables.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, FARE.

Figure b - Évolution du chiffre d'affaires après appariement  

  • Note : la ligne verticale en pointillé indique la dernière année avant l’introduction du CII (2012).
  • Champ : PME bénéficiaires du CII et PME non bénéficiaires comparables.
  • Sources : DGFiP-Mesri, base GECIR ; Insee, DADS, FARE.

Les données mobilisées

Cette évaluation repose sur l’utilisation de six bases de données. Les données mobilisées concernent les entreprises au sens des unités légales.

L’information sur le CIR et le CII a été obtenue à partir de la base de données GECIR, produite par le Mesri et la DGFiP, recensant les déclarations de CIR (y compris CII) des entreprises. Elle contient les données des PME qui ont bénéficié du CIR ou du CII et le montant de la créance qui leur a été octroyé chaque année, ainsi que toutes les informations contenues dans la déclaration de CIR. Les données concernent la période 2008‑2014.

Les données comptables des entreprises proviennent du dispositif d’élaboration des statistiques annuelles d’entreprises (Ésane) de l’Insee, qui rassemble des données statistiques annuelles relatives aux entreprises sur la période 2009‑2016.

Les informations sur les salariés sont issues des déclarations annuelles de données sociales (DADS) sur la période 2009‑2015. Elles permettent de constituer un effectif salarié pour chaque entreprise, et on y trouve également des informations détaillées sur les salariés des entreprises comme le salaire ou la catégorie socioprofessionnelle.

Le nombre de produits fabriqués par une entreprise chaque année est déterminé à partir des enquêtes annuelles de production (EAP). Elles sont produites par l’Insee depuis 2009 et couvrent l’ensemble des unités légales de plus de 20 salariés et ayant un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros et un échantillon des unités légales en dessous de ces seuils, situées en France, dont l’activité principale ou secondaire relève de l’industrie (hors industrie agroalimentaire). Ces enquêtes donnent chaque année les volumes de production par catégorie de produit et par unité légale. La notion de produit peut être définie plus ou moins finement, selon le niveau de nomenclature considéré. À titre illustratif, tandis que le niveau le plus fin (environ 4 000 produits) distingue les « carreaux et dalles de pavement en terre cuite » des « carreaux et dalles de pavement et de revêtement en faïence », le niveau le plus agrégé correspond aux « carreaux et dalles en céramiques ».

Les PME fortement susceptibles de mener des activités d’innovation sont identifiées à partir de l’enquête annuelle sur les moyens consacrés à la R&D dans les entreprises (appelée Enquête R&D) conduite par le Mesri. L’enquête a pour but d’évaluer, au niveau des entreprises, le montant et la ventilation des moyens consacrés au processus de R&D.

Les données sur les brevets sont issues de la base de données « Atlas des brevets », produite par le Mesri, qui permet de suivre le nombre de brevets déposés par les entreprises françaises entre 2003 et 2015.

Bozio A, Cottet S., Py L., « Ouvrir dans un nouvel ongletÉvaluation d’impact de la réforme 2008 du crédit impôt recherche », Rapport IPP n° 22, 2019.

Bunel S., Hadjibeyli B., « Évaluation du Crédit d’impôt innovation », Document de travail n° G2019/12, Insee, 2019.

Duc C., « La moitié des sociétés procèdent à des innovations (CII) », Insee Première n° 1709, 2018.

Ouvrir dans un nouvel ongletÉvaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2013 (PLF).

France Stratégie, « Ouvrir dans un nouvel ongletL’impact du crédit d’impôt recherche », Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, 2019.

Lopez J., Mairesse J., « Ouvrir dans un nouvel ongletImpacts du CIR sur les principaux indicateurs d’innovation des enquêtes CIS et la productivité des entreprises », Rapport final pour France Stratégie, 2018.

Mulkay B., Mairesse J., « Ouvrir dans un nouvel ongletNouveaux résultats sur l’impact du Crédit d’impôt recherche », Étude pour le Mesri, 2018.

Quantin S., « Estimation avec le score de propension sous R », Document de travail n° M 2018/01, Insee, 2018.

Rosenbaum P. R, Rubin D. B., “Ouvrir dans un nouvel ongletThe Central Role of the Propensity Score in Observational Studies for Causal Effects”, Biometrika, 70(1), 1983.

Rosenbaum P. R, Rubin D. B., “Ouvrir dans un nouvel ongletConstructing a Control Group Using Multivariate Matched Sampling Methods that Incorporate the Propensity Score”, The American Statistician, 39(1), 1985.

Unité légale dont l’effectif est inférieur à 250 personnes et ayant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros. Dans le cas où l’unité légale fait partie d’un groupe, ces seuils doivent être calculés en tenant compte de la structure de groupe (annexe I du règlement (UE) n° 651/2014).

La R&D correspond uniquement aux activités de recherche et développement, tandis que la RDI inclut en plus les activités d’innovation.

Dans l’ensemble de ce dossier, nous définissons une PME bénéficiaire du CII comme une unité légale recevant un crédit d’impôt strictement positif au titre du CII.

Année des dernières données individuelles disponibles.

Ce point est discuté plus en détail dans Bunel et Hadjibeyli [2019], en mettant notamment en place une méthode de variable instrumentale.

Unité légale dont l’effectif est inférieur à 250 personnes et ayant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros. Dans le cas où l’unité légale fait partie d’un groupe, ces seuils doivent être calculés en tenant compte de la structure de groupe (annexe I du règlement (UE) n° 651/2014).

La R&D correspond uniquement aux activités de recherche et développement, tandis que la RDI inclut en plus les activités d’innovation.

Dans l’ensemble de ce dossier, nous définissons une PME bénéficiaire du CII comme une unité légale recevant un crédit d’impôt strictement positif au titre du CII.

Année des dernières données individuelles disponibles.

Ce point est discuté plus en détail dans Bunel et Hadjibeyli [2019], en mettant notamment en place une méthode de variable instrumentale.