Les inégalités salariales peuvent être décrites avec le salaire en équivalent temps plein (EQTP), établi à volume de travail donné, ou avec le revenu salarial, qui intègre la variabilité du volume de travail. Ces inégalités sont mesurées ici par les rapports interdéciles et par la part de la masse salariale perçue par les salariés les mieux rémunérés.

Dans le secteur privé, le rapport interdécile D9/D1 du salaire net en EQTP oscillait autour de 2,97 de 1995 à 2003 (figure 1). Après une rapide diminution entre 2003 et 2006, il s’est stabilisé autour de 2,84 jusqu’en 2012. Il a ensuite fluctué jusqu’en 2019 autour de 2,88, un niveau inférieur à celui de la fin des années 1990. Ce rapport s’est fortement accru en 2020, à 2,97, du fait d’écarts de salaires accrus dans le bas de la distribution, le chômage partiel ayant davantage touché les salariés les moins rémunérés durant la crise sanitaire. Avec la forte diminution du recours au chômage partiel depuis 2021, le rapport interdécile s’est replié. En outre, l’accélération des prix depuis fin 2021 a déformé l’échelle salariale : en euros constants, seuls les salaires en bas de la distribution ont résisté en 2022, du fait des revalorisations du Smic à hauteur de l’inflation, et les autres ont baissé, de plus en plus fortement à mesure que l’on grimpe dans le reste de la distribution. Au total le rapport interdécile est revenu à 2,88 en 2022, son niveau de 2019. Le rapport du 9e décile (D9) à la médiane (D5), qui décrit les inégalités dans le haut de l’échelle salariale, est resté plus stable sur l’ensemble de la période, fluctuant autour de 2,00.

Dans la fonction publique, la dispersion des salaires nets en EQTP est moins forte que dans le secteur privé, notamment dans la moitié supérieure de la distribution : entre 1995 et 2022, le rapport D9/D5 a fluctué entre 1,62 et 1,74 et se situe à 1,67 en 2022, contre 1,98 dans le secteur privé. Le rapport D9/D1, après avoir légèrement baissé de 1996 à 2012, s’est stabilisé depuis 2014.

S’agissant du revenu salarial, les inégalités, mesurées depuis 1967, ont commencé par croître dans le secteur privé (figure 2) : le rapport D9/D1 du revenu salarial a ainsi fortement augmenté du milieu des années 1970 jusqu’au milieu des années 1990. Ce n’est qu’ensuite qu’il s’est replié - à l’exception d’une période de stabilisation entre 2008 et 2014 – passant de 26,39 en 1995 à 17,95 en 2022. Les fluctuations reflètent celles du bas de l’échelle des revenus salariaux et sont surtout imputables aux variations des disparités en matière de temps de travail, plus fortes pour les premiers déciles : elles sont liées d’une part à la proportion de salariés travaillant sur des contrats à durée limitée (CDD, intérim), d’autre part à celle de salariés à temps partiel.

Dans le haut de la distribution du revenu salarial, le rapport D9/D5 a peu fluctué sur longue période. La part de la masse salariale perçue par les 1 % les mieux rémunérés a davantage varié (figure 3). Après une baisse au cours des années 1970, puis une stabilisation, cette part a augmenté entre 1996 (6,8 %) et 2018 (8,1 %), hormis un léger recul durant la crise économique de 2008-2009. Cette tendance haussière s’est interrompue depuis 2019, cette part étant restée inférieure à son niveau de 2018 (7,8 % en 2022). Le dispositif de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), ciblé sur les salaires les moins élevés, a notamment favorisé cette stabilisation.

Dans la fonction publique, les inégalités de revenu salarial, mesurées depuis 1988, sont, en termes de ratio D9/D1, deux fois plus faibles que dans le secteur privé ; mais elles sont plus marquées que pour le salaire en EQTP. Elles ont augmenté durant les années 1990 avant de décroître légèrement au début des années 2000. Après une nouvelle hausse entre 2007 et 2011, les inégalités de revenu salarial ont baissé jusqu’en 2014 et se sont stabilisées depuis. Leur évolution provient, comme dans le privé, du bas de l’échelle des revenus salariaux alors que dans le haut de la distribution, le rapport D9/D5 est resté globalement stable. La part de la masse salariale perçue par les 1 % les mieux rémunérés, près de deux fois plus faible que dans le secteur privé (4,3 % en 2022), est restée stable depuis 2005.