Emploi, chômage, revenus du travail Édition 2020

L’Insee et la Dares présentent dans cette cinquième édition de l’Insee Références Emploi, chômage, revenus du travail un ensemble d’analyses et d’indicateurs portant sur le marché du travail.

Insee Références
Paru le :Paru le02/07/2020
Thomas Amossé (Cnam), Olivier Chardon (Insee)
Emploi, chômage, revenus du travail- Juillet 2020
Consulter
Sommaire

Une nomenclature socioprofessionnelle rénovée pour mieux décrire la société actuelle

Thomas Amossé (Cnam), Olivier Chardon (Insee)

Insee Références

Paru le :02/07/2020

Les professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) constituent la nomenclature de référence en France pour l’analyse du travail, des milieux sociaux et de la stratification sociale. Créée au début des années 1950 – sous le vocable de CSP –, elle a fait l’objet de refontes en 1982 et 2003. En 2018 et 2019, un groupe de travail du Conseil national de l’information statistique (Cnis) a mené une nouvelle rénovation, organisée autour de quatre objectifs principaux : simplifier la production de la nomenclature (pour en rendre le codage plus accessible dans toutes les enquêtes et plus transparent), actualiser son niveau détaillé, proposer de nouveaux agrégats de diffusion et améliorer sa documentation [Ouvrir dans un nouvel ongletCnis, 2019].

Une nomenclature resserrée

La nouvelle nomenclature, appelée PCS 2020, reste organisée avec une logique d’emboîtement partant de six groupes très larges, subdivisés en 30 catégories socioprofessionnelles, elles mêmes divisées en 316 professions. Ces groupes et catégories restent empiriquement pertinents pour des analyses de nature sociologique, géographique ou historique, et les professions pour comprendre le monde du travail.

Au niveau agrégé, les groupes (premier chiffre de la nomenclature) et catégories (deux premiers chiffres) demeurent inchangés pour pouvoir continuer les analyses en séries longues. Le vocabulaire bien connu pour décrire les actifs en six groupes socioprofessionnels (GS) est donc conservé : agriculteurs exploitants ; artisans, commerçants et chefs d’entreprise ; cadres et professions intellectuelles supérieures ; professions intermédiaires ; employés ; ouvriers.

Les 30 catégories socioprofessionnelles (CS) sont inchangées dans leur contenu, mais certains intitulés ont été revus pour mieux rendre compte de leur composition. Par exemple, la catégorie des « policiers et militaires » (CS 53) est constituée pour moitié de salariés qui ne sont ni l’un ni l’autre : ils peuvent être agents de l’administration pénitentiaire ou pompiers, mais aussi (et surtout du point de vue des effectifs) vigiles et agents de sécurité privés. Le nouvel intitulé est donc « policiers, militaires, pompiers et agents de sécurité privés ».

En revanche, le niveau détaillé, celui des professions, a été profondément rénové. Par rapport à la nomenclature de 2003, les professions sont moins nombreuses (316 contre 486) et de tailles plus homogènes. Les professions occupées par les femmes et par les hommes sont mieux réparties et les secteurs privé et public sont plus facilement comparables.

Enfin, un niveau intermédiaire, de 126 professions regroupées (les trois premières positions de la PCS 2020), est désormais organisé de façon lisible.

Les classes d’emploi, une nouvelle grille de lecture stratifiée de la société

La nomenclature de 2020 est complétée par d’autres regroupements qui fournissent des grilles de lecture actualisées de la société.

Tout d’abord, le schéma de « classes d’emploi » (figure 1) rend compte des inégalités liées à la structure des emplois et propose une grille de lecture stratifiée de la société, complémentaire aux groupes et catégories historiques.

Figure 1 - Grille des classes et sous-classes d’emploi

Figure 1 - Grille des classes et sous-classes d’emploi
I Emplois indépendants
I1 de niveau supérieur
I2 de niveau intermédiaire
I3 de petits indépendants, avec salarié ou aide familial
I4 de petits indépendants, sans salarié ou aide familial
A Emplois salariés de niveau supérieur
A1 d'orientation technique, en CDI
A2 d'orientation tertiaire en CDI
A3 fonctionnaires
A4 en contrat à durée limitée
B Emplois salariés de niveau intermédiaire
B1 d'orientation technique, en CDI
B2 d'orientation tertiaire en CDI
B3 fonctionnaires
B4 en contrat à durée limitée
C Emplois salariés d'exécution qualifiés
C1 d'orientation ouvrière, en CDI
C2 d'orientation employée, en CDI
C3 de fonctionnaires
C4 en contrat à durée limitée
D Emplois salariés d'exécution peu qualifiés
D1 d'orientation ouvrière, en CDI
D2 d'orientation employée, en CDI
D3 de fonctionnaires
D4 en contrat à durée limitée (ou auprès de particuliers)
  • Notes :
    - le terme fonctionnaire renvoie aux fonctionnaires et contractuels en CDI de la fonction publique ;
    - la classe I a été conçue de façon symétrique aux classes A, B, C, D, qui ne comportent que des salariés. Aussi, pour mener des analyses prenant comme premier principe de classement la position sur l’échelle sociale, il est possible de mettre I1 avec la classe A (alors appelée A*, emplois de niveau supérieur avec reclassement des indépendants), I2 avec la classe B (B*, emplois de niveau intermédiaire avec reclassement des indépendants), I3 avec la classe C (C*, emplois qualifiés avec reclassement des indépendants) et I4 avec la classe D (D*, emplois peu qualifiés avec reclassement des indépendants).

Concrètement, ce schéma définit quatre niveaux de qualification pour les indépendants et les salariés, depuis les emplois occupant les positions les moins élevées jusqu’à ceux de niveau supérieur. Le niveau de qualification des emplois salariés correspond à celui de la profession exercée ; il est estimé à partir d’une notion composite mêlant diplôme requis, position occupée et niveau de rémunération. Pour les emplois indépendants, la hiérarchisation s’appuie sur le niveau de qualification des professions salariées équivalentes et la taille de l’entreprise.

De plus, dans chaque sous classe d’emplois salariés, le schéma donne à voir des lignes de clivage jusqu’alors absentes de la nomenclature, selon le type de contrat de travail (à durée limitée ou non) et la nature de l’employeur (fonction publique ou secteur privé).

En conséquence, le schéma de « classes d’emploi » ne s’emboîte pas avec la nomenclature PCS, ne serait ce que parce qu’il redécoupe certaines professions pour tenir compte, en leur sein, de la situation différente des salariés et des indépendants (par exemple dans les domaines de la santé, du droit, des arts, etc.).

Selon les analyses réalisées dans le cadre des travaux de rénovation, la grille de classes d’emploi rend mieux compte que la nomenclature historique de la diversité des situations en matière d’âge, de vie en couple, de logement et de revenu. Par exemple, les sous classes et classes (y compris avec reclassement des indépendants) représentent mieux les différences sociales de l’habitat en HLM (figure 2).

Figure 2 - Part d’habitat en HLM par classe et sous-classe d’emploi

en %
Figure 2 - Part d’habitat en HLM par classe et sous-classe d’emploi (en %)
Par classe d'emploi
I Emplois indépendants 4,4
A Emplois salariés de niveau supérieur 3,4
B Emplois salariés de niveau intermédiaire 9,0
C Emplois salariés qualifiés 15,1
D Emplois salariés peu qualifiés 22,2
Par classe d'emploi avec reclassement des indépendants
A* Emplois de niveau supérieur 3,3
B* Emplois de niveau intermédiaire 8,3
C* Emplois qualifiés 14,1
D* Emplois peu qualifiés 19,9
Par sous-classe d'emploi
I1 Emplois indépendants de niveau supérieur 2,5
I2 Emplois indépendants de niveau intermédiaire 3,3
I3 Emplois de petits indépendants, avec salarié ou aide familial 4,0
I4 Emplois de petits indépendants, sans salarié ou aide familial 6,5
A1 Emplois salariés de niveau supérieur d'orientation technique, en CDI 2,1
A2 Emplois salariés de niveau supérieur d'orientation tertiaire en CDI 2,8
A3 Emplois salariés de niveau supérieur, fonctionnaires 4,3
A4 Emplois salariés de niveau supérieur, en contrat à durée limitée 6,9
B1 Emplois salariés de niveau intermédiaire d'orientation technique, en CDI 8,4
B2 Emplois salariés de niveau intermédiaire d'orientation tertiaire en CDI 9,2
B3 Emplois salariés de niveau intermédiaire, fonctionnaires 7,3
B4 Emplois salariés de niveau intermédiaire, en contrat à durée limitée 12,4
C1 Emplois salariés qualifiés d'orientation ouvrière, en CDI 13,2
C2 Emplois salariés qualifiés d'orientation employée, en CDI 13,5
C3 Emplois salariés qualifiés, fonctionnaires 15,2
C4 Emplois salariés qualifiés, en contrat à durée limitée 21,4
D1 Emplois salariés peu qualifiés d'orientation ouvrière, en CDI 23,8
D2 Emplois salariés peu qualifiés d'orientation employée, en CDI 20,6
D3 Emplois salariés peu qualifiés, fonctionnaires 17,0
D4 Emplois salariés peu qualifiés, en contrat à durée limitée (ou auprès de particuliers) 23,3
  • * Avec reclassement des indépendants.
  • Source : Insee, enquête Emploi 2017 ; calculs de Thomas Amossé.

Figure 2 - Part d’habitat en HLM par classe et sous-classe d’emploi

  • * Avec reclassement des indépendants.
  • Source : Insee, enquête Emploi 2017 ; calculs de Thomas Amossé.

La « PCS Ménage », un outil nouveau pour analyser les inégalités sociales entre ménages

La « PCS Ménage » (figure 3) permet d’analyser la société non plus seulement du point de vue des individus, mais aussi des ménages. Ce nouvel outil croise deux critères d’analyse des inégalités souvent séparés : la configuration résidentielle (ou familiale) et la situation socioprofessionnelle individuelle. En effet, définir la position sociale du ménage uniquement au travers de sa personne de référence a des limites : aux âges de travail, la bi activité s’est généralisée au sein des couples. La PCS Ménage propose donc une nomenclature de position sociale des ménages qui ne donne la priorité ni au sexe ou à l’âge, ni à la position économique d’un seul de leurs membres. Elle rend compte de la situation de plusieurs adultes du ménage : elle distingue les ménages homogames et hétérogames, ainsi que ceux ne comportant qu’un actif (ou retraité).

Figure 3 - Sept groupes et seize sous-groupes de la PCS Ménage

Figure 3 - Sept groupes et seize sous-groupes de la PCS Ménage
I Ménages à dominante cadre
A Cadre avec cadre
B Cadre avec profession intermédiaire
II Ménages à dominante intermédiaire (ou cadre)
A Cadre avec employé ou ouvrier
B Cadre avec inactif ou sans conjoint
C Profession intermédiaire ou cadre avec petit indépendant
D Profession intermédiaire avec profession intermédiaire
III Ménages à dominante employée (ou intermédiaire)
A Profession intermédiaire avec employé ou ouvrier
B Profession intermédiaire avec inactif ou sans conjoint
C Employé avec employé
IV Ménages à dominante petit indépendant
A Petit indépendant avec petit indépendant, avec inactif ou sans conjoint
B Petit indépendant avec employé ou ouvrier
V Ménages à dominante ouvrière
A Ouvrier avec employé
B Ouvrier avec ouvrier
VI Ménages monoactifs d’employé ou d’ouvrier
A Employé avec inactif ou sans conjoint
B Ouvrier avec inactif ou sans conjoint
VII Ménages inactifs
A Inactif avec inactif ou sans conjoint
  • Note : l’intitulé « inactif » exclut les retraités ayant déjà travaillé, mais inclut les chômeurs n’ayant jamais travaillé ; l’intitulé « cadre » renvoie au groupe des cadres et professions intellectuelles supérieures et, pour les actifs, à la catégorie des chefs d’entreprise de plus de 10 personnes (les inactifs retraités étant classés avec les petits indépendants, c'est-à-dire les exploitants agricoles, artisans et commerçants).

Plusieurs travaux de validation empirique ont comparé la grille proposée avec les groupes et catégories socioprofessionnelles de la personne de référence du ménage, et notamment lorsqu’elle est définie comme son principal apporteur de ressources. Dans toutes les analyses conduites, la grille proposée (dans sa version détaillée comme agrégée) s’est révélée plus explicative. S’agissant des inégalités d’accès des enfants à la seconde générale ou technologique selon leur origine sociale (figure 4), les écarts liés à la profession de l’autre conjoint y sont de fait davantage visibles. C’est particulièrement le cas des ménages comprenant un ou une employée, ou un ou une ouvrière : pour ces ménages, les taux d’orientation varient de 78 % si l’autre conjoint est cadre à 31 % s’il est inactif ou s’il n’y a pas de conjoint, en passant par 48 % pour les couples de deux employés et 43 % pour les couples employé/ouvrier.

Figure 4 - Part d’enfants allant en seconde générale ou technologique en fonction des sous-groupes de la PCS Ménage de leurs parents

en %
Figure 4 - Part d’enfants allant en seconde générale ou technologique en fonction des sous-groupes de la PCS Ménage de leurs parents (en %)
IA. Cadre avec cadre 91
IB. Cadre avec profession intermédiaire 89
IIA. Cadre avec employé ou ouvrier 78
IIB. Cadre avec inactif ou sans conjoint 80
IIC. Profession intermédiaire ou cadre avec petit indépendant 77
IID. Profession intermédiaire avec profession intermédiaire 81
IIIA. Profession intermédiaire avec employé ou ouvrier 63
IIIB. Profession intermédiaire avec inactif ou sans conjoint 57
IIIC. Employé avec employé 48
IVA. Petit indépendant avec petit indépendant, avec inactif ou sans conjoint 56
IVB. Petit indépendant avec employé ou ouvrier 53
VA. Ouvrier avec employé 43
VB. Ouvrier avec ouvrier 35
VIA. Employé avec inactif ou sans conjoint 31
VIB. Ouvrier avec inactif ou sans conjoint 32
VIIA. Inactif avec inactif ou sans conjoint 18
  • Champ : élèves scolarisés au collège.
  • Source : Panel du secondaire 2007 (Depp) ; calculs de Joanie Cayouette-Remblière (Ined).

Figure 4 - Part d’enfants allant en seconde générale ou technologique en fonction des sous-groupes de la PCS Ménage de leurs parents

  • Champ : élèves scolarisés au collège.
  • Source : Panel du secondaire 2007 (Depp) ; calculs de Joanie Cayouette-Remblière (Ined).

Des regroupements ad hoc de libellés pour enrichir la panoplie d’outils d’analyse

La nomenclature 2020 propose un dispositif de codage rénové, utilisable dans des enquêtes informatisées, passées avec ou sans enquêteurs. Il s’appuie sur une collecte de libellés de profession dans une liste de plusieurs milliers de libellés standardisés. Le recours à cette liste permet en outre une codification plus simple (avec seulement trois variables annexes additionnelles). La nomenclature pourra ainsi désormais être produite à son niveau le plus détaillé dans l’ensemble des enquêtes.

La liste de libellés présente bien d’autres intérêts que celui du codage.

D’abord, elle permet de coder Isco, la nomenclature internationale des professions, à un niveau détaillé et avec bien plus de précision qu’aujourd’hui.

Ensuite, il est possible de faire des regroupements ad hoc de libellés pour étudier des domaines professionnels spécifiques : le rapport du groupe de travail du Cnis sur la rénovation [Ouvrir dans un nouvel ongletCnis, 2019] décrit par exemple des regroupements correspondant aux « cadres dirigeants, professionnels et experts de haut niveau », aux « enseignants », aux « professions numériques » et aux « métiers verts ».

L’ensemble des « cadres dirigeants, professionnels et experts de haut niveau » permettra d’analyser le sommet de la structure des emplois : il comprend l’ensemble des professions qui, par leur position dans les organisations de travail et la société, partagent, domaine par domaine, un niveau élevé de rémunération, de qualification et de responsabilité.

Pour les « enseignants », le regroupement proposé exclut les professions participant au système éducatif sans être enseignants (chefs d’établissement, conseillers principaux d’éducation, etc.) ainsi que les professions exerçant une activité d’enseignement sans avoir le statut d’enseignant (professeurs de conservatoire de musique par exemple). Ces professions étant présentes dans deux CS (34 et 42), l’agrégat proposé permettra d’harmoniser les études sur ce groupe professionnel important pour le débat public.

Les « métiers verts » permettront d’analyser la dynamique et les caractéristiques des emplois dont la finalité et/ou les compétences mises en œuvre contribuent à mesurer, prévenir, maîtriser, corriger les impacts négatifs et les dommages sur l’environnement.

Enfin, le regroupement des « professions numériques » rend compte de la modification de la structure des emplois liée à la diffusion des technologies numériques (informatique, téléphonie mobile, web, données massives, intelligence artificielle, etc.). Le regroupement de libellés en six familles de professions rend plus visible un domaine aux multiples grilles d’analyse (catégorisations de la statistique publique, référentiels d’observatoires et branches professionnelles). Ces regroupements ont déjà été utilisés dans Insee (2019).

La nouvelle nomenclature structurera le recueil des données dans les futures enquêtes

En octobre 2019, le Cnis a acté la rénovation de la PCS. L’Insee va maintenant la mettre en œuvre dans les prochaines enquêtes auprès des ménages. La première enquête diffusée avec la PCS 2020 sera l’enquête Emploi de 2021. En raison d’un temps plus long d’adaptation de la collecte, certaines sources, comme le recensement de la population, continueront à utiliser la PCS 2003 pendant plusieurs années après la rénovation.

L’ensemble des enquêtes informatisées réalisées par le Service statistique public et le secteur privé a également vocation à utiliser la PCS 2020, grâce au protocole rénové et simplifié de codage mis à disposition.

Pour en savoir plus

Cnis, « Ouvrir dans un nouvel ongletLa rénovation de la nomenclature socioprofessionnelle (2018 2019) », Rapport du groupe de travail du Cnis n° 156, décembre 2019.

Amossé T., « La nomenclature socioprofessionnelle, une rénovation en prise avec les attentes sociales », Chroniques du Cnis n° 22, décembre 2019.

Insee, L’économie et la société à l’ère du numérique , coll. « Insee Références », édition 2019.