France, portrait social Édition 2024
Cet ouvrage rassemble trois analyses des discriminations ressenties et vécues par différents groupes de personnes. Par ailleurs, deux dossiers analysent le niveau de vie des ménages en 2023, année encore marquée par une forte inflation. Enfin, une quarantaine de fiches synthétiques dressent le panorama social de la France.
Les déclarations de maltraitances et de discriminations sont plus fréquentes en cas de handicap relationnel
Suzanne Scott (Drees)
Les adultes handicapés vivant à domicile, qu’ils soient restreints dans les activités de la vie quotidienne ou qu’ils aient des limitations fonctionnelles, déclarent plus souvent avoir subi certaines formes de maltraitances que les adultes sans handicap. Ils se déclarent aussi plus souvent victimes de discriminations en raison de leur santé, d’un handicap ou de leur avancée en âge.
Ceux qui ont des limitations relationnelles sévères sont particulièrement affectés : la moitié déclare avoir subi au moins une maltraitance au cours des douze derniers mois et un sur cinq fait part d’au moins un traitement inégalitaire lié à la santé, au handicap ou à l’avancée en âge au cours de sa vie.
À caractéristiques comparables, les limitations fonctionnelles jouent un plus grand rôle que les caractéristiques sociodémographiques sur les risques de déclarer avoir subi au moins une maltraitance au cours des douze derniers mois ou avoir déjà subi au moins une discrimination liée à l’état de santé ou à l’âge. L’ampleur de ces risques varie selon le type de limitation fonctionnelle. Ils sont en particulier trois fois plus élevés pour les personnes ayant des limitations relationnelles.
Insee Références
Paru le :21/11/2024
- Le handicap expose aux discriminations et aux situations de maltraitance
- Un adulte handicapé sur trois déclare avoir subi au moins une maltraitance au cours des douze derniers mois
- Les personnes ayant des limitations relationnelles déclarent davantage endurer des maltraitances
- Les adultes handicapés déclarent trois à cinq fois plus souvent des discriminations liées à leur santé, leur handicap ou leur âge que ceux sans handicap
- Les personnes ayant des limitations relationnelles déclarent cinq fois plus souvent des discriminations liées au handicap, à la santé ou à l’âge que les personnes sans handicap
- À caractéristiques identiques, le risque de déclarer au moins une maltraitance est trois fois plus élevé pour les personnes avec des limitations relationnelles
- À caractéristiques comparables, les personnes avec des limitations physiques ont quatre fois plus de risques de déclarer avoir déjà subi une discrimination liée au handicap sur un lieu de loisir
Le handicap expose aux discriminations et aux situations de maltraitance
En 2023, le handicap constitue le premier motif de réclamation pour discrimination auprès du Défenseur des droits (une réclamation sur cinq). Les adultes ayant un état de santé dégradé ou étant fortement limités dans les activités de la vie quotidienne ont, à caractéristiques égales, deux fois plus de risques que les autres de déclarer avoir subi une discrimination en raison de leur état de santé ou d’un handicap [Beauchemin et al., 2022]. Ces discriminations regroupent un ensemble de traitements inégalitaires, comme le fait de se voir refuser un emploi, un logement, un bien ou un service. Dans le cadre du handicap, elles incluent aussi l’absence d’aménagement raisonnable (de l’espace public, du poste de travail, etc.) ou d’environnement accessible pour permettre aux personnes d’exercer leurs droits ou de profiter de leurs libertés.
La plus grande vulnérabilité des personnes handicapées peut également les exposer à des situations de maltraitance, comme des paroles ou des actions portant atteinte à leurs besoins, leurs droits, leur développement, ou encore leur santé. En particulier, les femmes handicapées et les personnes ayant des handicaps cognitifs et mentaux déclarent davantage de situations de maltraitance [Ouvrir dans un nouvel ongletBrown, 2002].
L’enquête Autonomie de la Drees a interrogé en 2022 les personnes vivant à leur domicile sur leur santé et les limitations qu’elles rencontrent dans leur vie quotidienne (sources). Elle permet d’appréhender le handicap selon plusieurs approches, parmi lesquelles deux sont retenues pour cette étude : d’une part le fait de déclarer une forte restriction depuis plus de six mois, pour des raisons de santé, dans les activités que les gens font habituellement (restriction globale d’activité, mesurée par l’indicateur synthétique Gali), et d’autre part le fait de déclarer des limitations fonctionnelles (physiques, sensorielles, cognitives ou relationnelles) sévères (méthodes). Cette enquête permet également de quantifier et de caractériser certaines maltraitances subies par les personnes handicapées, pour la première fois dans la statistique publique, ainsi que les discriminations qu’elles rencontrent en raison de leur état de santé, d’un handicap ou de leur avancée en âge.
Un adulte handicapé sur trois déclare avoir subi au moins une maltraitance au cours des douze derniers mois
En 2022, les adultes handicapés vivant à domicile déclarent plus souvent avoir subi au moins une forme de maltraitance au cours des douze derniers mois que les adultes non handicapés : un adulte handicapé sur trois au sens des limitations fonctionnelles comme de la restriction globale d’activité, contre un adulte sur quatre n’ayant aucun handicap selon ces deux approches (figure 1). Cet écart est plus ou moins marqué selon le type de maltraitance. Les personnes handicapées déclarent presque autant que les personnes non handicapées qu’on leur a parlé de manière agressive, méchante ou méprisante, mais elles dénoncent quatre à cinq fois plus souvent des situations de négligence, caractérisées par un manque de prise en compte de leur santé ou de leur souffrance psychique (16 % pour le handicap au sens du Gali et 12 % au sens des limitations, contre 3 % des personnes sans handicap). Elles déclarent aussi deux à trois fois plus souvent avoir été ignorées ou avoir vu leur intimité ou leur rythme de vie non respectés.
tableauFigure 1 – Maltraitances déclarées selon la situation de handicap en 2022
Situation de handicap | Au moins une maltraitance |
On vous a mal parlé (de manière agressive, méchante, grossière ou méprisante) |
On vous a ignoré | On ne s'est pas assez occupé de votre santé ou de votre souffrance psychique |
On n'a pas respecté votre intimité ou votre rythme de vie |
---|---|---|---|---|---|
Activité fortement limitée (Gali) | 34,1 | 22,6 | 12,5 | 16,4 | 8,3 |
Au moins une limitation fonctionnelle sévère | 33,1 | 25,2 | 11,7 | 11,6 | 6,2 |
Aucun handicap | 24,6 | 20,9 | 5,6 | 3,1 | 2,8 |
- Lecture : En 2022, 34,1 % des adultes handicapés au sens du Gali et 33,1 % des adultes avec au moins une limitation fonctionnelle sévère déclarent avoir subi au moins une maltraitance au cours des douze derniers mois, contre 24,6 % des adultes n'ayant aucun handicap selon l'une ou l'autre de ces mesures.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 ans ou plus vivant à domicile et pouvant répondre seules et isolées au module sur la maltraitance.
- Source : Drees, enquête Autonomie 2022 en logement ordinaire.
graphiqueFigure 1 – Maltraitances déclarées selon la situation de handicap en 2022
Qu’elles soient handicapées ou non, environ 60 % des personnes qui déclarent qu’on ne s’est pas assez occupé de leur santé physique ou mentale désignent comme responsables leurs proches. Cette part est de 50 % pour ce qui est du non-respect de leur intimité ou de leur rythme de vie. En revanche, les personnes qui ont été ignorées et à qui on a mal parlé attribuent majoritairement ces maltraitances à des personnes autres que leurs proches ou que les professionnels (de santé ou autres) intervenant chez elles (70 % à 80 %). Les professionnels intervenant à domicile sont rarement désignés comme responsables de maltraitances : une personne ayant subi des maltraitances sur dix les leur attribue.
Les personnes ayant des limitations relationnelles déclarent davantage endurer des maltraitances
Les maltraitances déclarées par les personnes ayant des limitations fonctionnelles sévères varient selon le type de handicap. Les personnes qui rencontrent des limitations relationnelles (difficultés relationnelles, comportementales ou psychologiques) se démarquent nettement : en 2022, la moitié d’entre elles signalent avoir été victimes d’au moins une maltraitance au cours des douze derniers mois, contre environ un tiers des personnes ayant des limitations cognitives (troubles de la mémoire, de la concentration ou des capacités de décision), physiques (mobilité du haut ou du bas du corps) ou sensorielles (troubles visuels ou auditifs) sévères et un quart des personnes n’ayant aucune limitation sévère (figure 2). Elles déclarent plus souvent toutes les formes de maltraitances : 38 % disent qu'on leur a mal parlé, 21 % qu'on les a ignorées, 23 % qu'on ne s'est pas assez occupé de leur santé ou de leur souffrance psychique et 12 % que leur intimité ou leur rythme de vie n'a pas été respecté.
tableauFigure 2 – Maltraitances déclarées selon les limitations fonctionnelles rencontrées en 2022
Limitation fonctionnelle sévère | Au moins une maltraitance |
On vous a mal parlé (de manière agressive, méchante, grossière ou méprisante) |
On vous a ignoré | On ne s'est pas assez occupé de votre santé ou de votre souffrance psychique |
On n'a pas respecté votre intimité ou votre rythme de vie |
---|---|---|---|---|---|
Physique | 28,2 | 18,6 | 9,5 | 13,0 | 5,5 |
Sensorielle | 31,5 | 21,9 | 14,4 | 14,4 | 5,6 |
Cognitive | 36,5 | 29,7 | 13,0 | 11,2 | 7,6 |
Relationnelle | 52,0 | 38,1 | 20,9 | 23,1 | 12,1 |
Aucune limitation sévère | 24,7 | 20,9 | 5,7 | 3,2 | 2,9 |
- Notes : Parmi les personnes n'ayant aucune limitation fonctionnelle sévère, 2,1 % sont handicapées au sens du Gali. Une personne peut par ailleurs cumuler plusieurs types de limitations.
- Lecture : En 2022, 52,0 % des adultes handicapés avec une limitation relationnelle sévère déclarent avoir subi au moins une maltraitance au cours des douze derniers mois, contre 24,7 % des adultes ne déclarant aucune limitation fonctionnelle sévère.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 ans ou plus vivant à domicile et pouvant répondre seules et isolées au module sur la maltraitance.
- Source : Drees, enquête Autonomie 2022 en logement ordinaire.
graphiqueFigure 2 – Maltraitances déclarées selon les limitations fonctionnelles rencontrées en 2022
Trois personnes sur dix ayant des limitations cognitives sévères déclarent qu'on leur a mal parlé. C'est le cas d’une personne sur cinq parmi celles ayant des limitations physiques ou sensorielles, soit autant que les personnes sans limitation sévère. Pour toutes les autres maltraitances, les personnes ayant des limitations cognitives, sensorielles ou physiques sont davantage concernées que les personnes n’ayant aucune limitation sévère : elles déclarent plus souvent qu’on ne s’est pas assez occupé de leur santé physique ou mentale (entre 11 % et 14 %, contre 3 % des personnes sans limitation), qu’on les a ignorées (entre 10 % et 14 %, contre 6 %) ou qu’on n’a pas respecté leur intimité ou leur rythme de vie (entre 5 % et 8 %, contre 3 %).
Les adultes handicapés déclarent trois à cinq fois plus souvent des discriminations liées à leur santé, leur handicap ou leur âge que ceux sans handicap
En 2022, 17 % des adultes fortement limités par leur état de santé dans les activités de la vie quotidienne déclarent avoir déjà subi des traitements inégalitaires en raison de leur état de santé, d’un handicap ou de leur avancée en âge, dans l’un ou plusieurs des lieux suivants : au travail, dans un établissement scolaire ou de santé, une administration, un lieu de loisir ou dans tout autre lieu (figure 3). C’est le cas de 12 % des personnes ayant au moins une limitation fonctionnelle sévère, qui forment un ensemble plus large, contre seulement 4 % des personnes sans handicap. Les adultes handicapés déclarent ainsi trois à cinq fois plus souvent avoir subi des discriminations pour ce motif que les personnes ne déclarant aucune limitation fonctionnelle sévère et n’étant pas fortement limitées dans leur vie quotidienne. En 2008, les personnes âgées de 25 à 54 ans handicapées au sens des limitations fonctionnelles déclaraient avoir subi des discriminations liées à leur santé ou à leur handicap six fois plus souvent que celles sans handicap [Bouvier, Niel, 2010], contre trois fois plus souvent en 2022 pour les personnes de la même tranche d’âge.
tableauFigure 3 – Traitements inégalitaires déclarés en raison de l'état de santé, d'un handicap ou de l'avancée en âge, selon la situation du handicap en 2022
Situation de handicap | Au moins un lieu de traitement inégalitaire |
Lieux de travail | Établissements scolaires |
Établissements de santé |
Administrations | Lieux de loisir | Autres lieux |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Activité fortement limitée (Gali) | 17,0 | 7,4 | 3,3 | 4,7 | 3,5 | 3,7 | 2,5 |
Au moins une limitation fonctionnelle sévère | 12,1 | 5,4 | 3,1 | 2,7 | 2,2 | 2,0 | 1,8 |
Aucun handicap | 4,2 | 1,7 | 1,3 | 0,7 | 0,6 | 0,4 | 0,3 |
- Lecture : En 2022, 17,0 % des adultes handicapés au sens du Gali et 12,1 % des adultes avec au moins une limitation fonctionnelle sévère déclarent avoir subi au moins un traitement inégalitaire en raison de leur santé, d'un handicap ou de l'avancée en âge, contre 4,2 % des personnes n'ayant aucun handicap selon l'une ou l'autre de ces mesures.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 ans ou plus vivant à domicile.
- Source : Drees, enquête Autonomie 2022 en logement ordinaire.
graphiqueFigure 3 – Traitements inégalitaires déclarés en raison de l'état de santé, d'un handicap ou de l'avancée en âge, selon la situation du handicap en 2022
Les personnes handicapées signalent plus souvent avoir été victimes de discriminations pour ce motif au travail que dans les autres lieux (7 % pour le handicap au sens du Gali et 5 % au sens des limitations). Les personnes handicapées au sens du Gali se déclarent particulièrement plus souvent victimes de discriminations sur les lieux de loisir (4 %, contre 2 % des personnes handicapées au sens des limitations et moins de 1 % des personnes sans handicap) et dans les administrations (4 % des personnes handicapées au sens du Gali, contre moins de 1 % des personnes sans handicap). Or cette mesure du handicap identifie les personnes qui s’estiment limitées par leurs problèmes de santé dans les activités que les gens font habituellement. Les restrictions d’activité dont elles font part pourraient donc être liées à la fois aux conséquences directes de leur handicap, mais également aux discriminations qui en découlent.
Les personnes ayant des limitations relationnelles déclarent cinq fois plus souvent des discriminations liées au handicap, à la santé ou à l’âge que les personnes sans handicap
Parmi les personnes ayant des limitations fonctionnelles sévères, celles ayant des limitations relationnelles déclarent beaucoup plus souvent avoir subi des traitements inégalitaires en raison de leur état de santé, de leur handicap ou de leur avancée en âge que les personnes ayant d’autres types de limitations. 20 % d'entre elles ont déjà subi une discrimination pour ce motif, contre 4 % des personnes sans limitation sévère, soit cinq fois plus (figure 4). C'est également le cas de 13 % des personnes ayant des limitations cognitives ou sensorielles et 12 % des personnes ayant des limitations physiques.
tableauFigure 4 – Traitements inégalitaires déclarés en raison de l'état de santé, d'un handicap ou de l'âge, selon les limitations fonctionnelles rencontrées en 2022
Limitation fonctionnelle sévère | Au moins un lieu de traitement inégalitaire |
Lieux de travail | Établissements scolaires |
Établissements de santé |
Administrations | Lieux de loisir | Autres lieux |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Physique | 11,6 | 4,6 | 2,0 | 3,5 | 2,5 | 2,8 | 1,8 |
Sensorielle | 13,0 | 4,9 | 2,6 | 3,9 | 3,2 | 3,0 | 2,4 |
Cognitive | 13,4 | 6,0 | 4,3 | 2,6 | 2,6 | 2,0 | 2,0 |
Relationnelle | 19,9 | 9,0 | 6,4 | 4,3 | 3,7 | 3,6 | 3,5 |
Aucune limitation sévère | 4,4 | 1,8 | 1,3 | 0,8 | 0,6 | 0,4 | 0,4 |
- Notes : Parmi les personnes n'ayant aucune limitation fonctionnelle sévère, 2,1 % sont handicapées au sens du Gali. Une personne peut par ailleurs cumuler plusieurs types de limitations.
- Lecture : En 2022, 19,9 % des adultes avec une limitation relationnelle sévère déclarent avoir subi au moins un traitement inégalitaire en raison de leur santé, d'un handicap ou de l'avancée en âge, contre 4,4 % des personnes ne déclarant aucune limitation fonctionnelle sévère.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 ans ou plus vivant à domicile.
- Source : Drees, enquête Autonomie 2022 en logement ordinaire.
graphiqueFigure 4 – Traitements inégalitaires déclarés en raison de l'état de santé, d'un handicap ou de l'âge, selon les limitations fonctionnelles rencontrées en 2022
Les adultes avec des limitations relationnelles se déclarent en particulier bien plus souvent victimes de ces traitements inégalitaires sur leur lieu de travail : 9 % contre 6 % des adultes ayant des limitations cognitives, 5 % de ceux ayant des limitations physiques ou sensorielles et 2 % des adultes sans limitation sévère. 6 % d’entre eux déclarent avoir subi ces discriminations en milieu scolaire, contre entre 2 % et 4 % des adultes ayant d'autres types de limitations sévères et 1 % de ceux sans limitation sévère. Dans les établissements de santé, les administrations et les lieux de loisir, la fréquence des discriminations déclarées par les personnes handicapées varie moins selon le type de limitation : entre 2 % et 4 %, contre moins de 1 % pour les personnes ne déclarant aucune limitation sévère.
Ces limitations ne sont cependant pas réparties uniformément dans la population : les jeunes adultes sont en proportion davantage concernés par les limitations cognitives ou relationnelles et, inversement, les plus âgés rencontrent plus de limitations physiques et sensorielles [Ouvrir dans un nouvel ongletEideliman, Rey, 2024]. Cette différence pourrait expliquer que les personnes avec des limitations relationnelles déclarent plus souvent des discriminations en milieu scolaire ou sur un lieu de travail, tandis que le type de handicap a peu d’influence sur la fréquence des discriminations déclarées dans les lieux fréquentés par toutes les générations.
À caractéristiques identiques, le risque de déclarer au moins une maltraitance est trois fois plus élevé pour les personnes avec des limitations relationnelles
La plus forte prévalence des maltraitances chez les adultes handicapés se confirme à autres caractéristiques comparables, notamment le sexe, l’âge, la situation matrimoniale, le lien à l’immigration et la situation d’emploi (méthodes). Le risque de déclarer au moins une maltraitance augmente davantage avec la présence d’une limitation sévère qu’avec les autres caractéristiques. À caractéristiques comparables, ce risque est multiplié par 1,2 pour les personnes ayant un handicap physique, cognitif ou sensoriel sévère par rapport aux personnes n’ayant pas ces limitations, et jusqu’à 2,9 pour celles avec au moins une limitation relationnelle sévère (figure 5).
tableauFigure 5 – Influence des caractéristiques et limitations fonctionnelles sur la probabilité de déclarer chaque type de maltraitance en 2022
Caractéristiques | Au moins une maltraitance |
On vous a mal parlé (de manière agressive, méchante, grossière ou méprisante) |
On vous a ignoré | On ne s'est pas assez occupé de votre santé ou de votre souffrance psychique |
On n'a pas respecté votre intimité ou rythme de vie |
|
---|---|---|---|---|---|---|
Sexe | Homme | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Femme | 1,5*** | 1,5*** | 1,4*** | 2,0*** | 1,6*** | |
Âge | 18 à 29 ans | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
30 à 44 ans | 0,9** | 0,8*** | ns | 1,3** | ns | |
45 à 59 ans | 0,7*** | 0,6*** | 0,8** | 1,2** | 0,7*** | |
60 ans ou plus | 0,4*** | 0,3*** | 0,4*** | 0,5*** | 0,3*** | |
Situation d'emploi | En emploi | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au chômage | ns | 0,8*** | ns | 1,5*** | 1,4*** | |
Inactif | 0,7*** | 0,6*** | 0,8*** | ns | ns | |
Lien à l'immigration | Né français, de parents français | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Né français, de parent(s) immigré(s) | ns | 1,1** | ns | 1,2* | 1,3*** | |
Immigré | 0,9** | ns | ns | ns | ns | |
Situation matrimoniale | Célibataire | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Marié ou remarié, y c. séparé légalement | 0,8*** | 0,8*** | 0,7*** | ns | ns | |
Veuf ou Divorcé | ns | ns | ns | 1,2** | ns | |
Limitation physique | Aucune limitation sévère | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au moins une limitation sévère | 1,2*** | ns | 1,2* | 1,8*** | 1,4*** | |
Limitation sensorielle | Aucune limitation sévère | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au moins une limitation sévère | 1,2*** | ns | 1,7*** | 1,4*** | 1,3** | |
Limitation cognitive | Aucune limitation sévère | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au moins une limitation sévère | 1,2*** | 1,2*** | 1,5*** | 1,3*** | 1,6*** | |
Limitation relationnelle | Aucune limitation sévère | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au moins une limitation sévère | 2,9*** | 2,4*** | 3,1*** | 3,8*** | 3,6*** |
- ns : non significatif ; * : significatif au seuil de 10 % ; ** : significatif au seuil de 5 % ; *** : significatif au seuil de 1 % ; Réf. : modalité de référence.
- Note : Ces résultats sont issus de quatre régressions logistiques estimant la probabilité de déclarer avoir subi chaque type de maltraitance (méthodes).
- Lecture : En 2022, à autres caractéristiques identiques, les personnes avec une limitation sensorielle sévère ont 1,7 fois plus de risques que celles sans limitation sensorielle de déclarer avoir été ignorées au cours des douze derniers mois plutôt que de ne pas le déclarer.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 ans ou plus vivant à domicile.
- Source : Drees, enquête Autonomie 2022 en logement ordinaire.
Les personnes ayant des limitations relationnelles ont des risques plus importants de déclarer chaque forme de maltraitance. Elles ont en particulier des risques 3,8 fois plus élevés de déclarer qu'on ne s'est pas assez occupé de leur santé ou de leur souffrance psychique et 3,6 fois plus élevés de déclarer qu'on n'a pas respecté leur intimité ou leur rythme de vie. Les personnes ayant d’autres limitations sévères ne sont quant à elles surexposées qu’à certaines formes de maltraitances. Les personnes avec des limitations cognitives sévères ont un risque 1,5 fois plus élevé de déclarer qu’on les a ignorées ou qu’on n’a pas respecté leur intimité ou leur rythme de vie et 1,3 fois plus élevé de déclarer qu’on ne s’est pas assez occupé de leur santé ou de leur souffrance psychique. Celles ayant des limitations sensorielles sévères ont davantage de risques de déclarer qu’on les a ignorées et celles ayant des limitations physiques sévères de déclarer qu’on n’a pas porté assez d’attention à leur santé physique ou mentale. À caractéristiques identiques, les personnes avec des limitations sensorielles ou physiques n’ont pas plus de risques de déclarer qu’on leur a parlé de manière agressive, méchante, grossière ou méprisante que les personnes n’ayant pas ces limitations fonctionnelles.
Les déclarations de maltraitances dépendent aussi de caractéristiques autres que le handicap, mais dans une moindre mesure. À autres caractéristiques comparables, notamment le type de limitations fonctionnelles, le risque de déclarer la plupart des maltraitances diminue avec l’âge : il est entre 2 et 3 fois plus faible pour les personnes de plus de 60 ans que pour les plus jeunes. Le risque de déclarer un manque d’attention envers sa santé physique et mentale est le seul qui augmente à certains âges : il est multiplié par 1,3 pour les 30-59 ans par rapport aux 18-29 ans, mais il est 2,0 fois plus faible pour les personnes âgées de 60 ans ou plus. Par ailleurs, à caractéristiques identiques, les femmes ont 1,5 fois plus de risques de déclarer au moins une maltraitance. Les personnes nées françaises de parents immigrés ont aussi des risques légèrement accrus de déclarer qu’on n’a pas respecté leur intimité ou leur rythme de vie, qu’on ne s’est pas assez occupé de leur santé ou qu’on leur a parlé de manière agressive ou méprisante. Enfin, les personnes au chômage et inactives ont un risque un peu réduit de déclarer qu’on leur parle mal par rapport aux personnes en emploi (peut-être en raison de moindres interactions sociales en moyenne). Les chômeurs ont cependant un risque accru de déclarer qu’on ne s’est pas assez occupé de leur santé physique ou mentale et qu’on n’a pas respecté leur intimité ou leur rythme de vie.
À caractéristiques comparables, les personnes avec des limitations physiques ont quatre fois plus de risques de déclarer avoir déjà subi une discrimination liée au handicap sur un lieu de loisir
Le type de limitation fonctionnelle joue un rôle majeur dans le risque de déclarer avoir déjà subi au moins un traitement inégalitaire en raison du handicap, de la santé ou de l’âge. Ce risque varie fortement selon le type de limitation : à autres caractéristiques comparables, il est multiplié par 1,3 pour les limitations cognitives ou sensorielles et jusqu’à 2,7 pour les limitations relationnelles par rapport aux personnes n’ayant pas ces limitations (figure 6).
tableauFigure 6 – Influence des caractéristiques et limitations fonctionnelles sur la probabilité de déclarer un traitement inégalitaire en raison de sa santé, d'un handicap ou de son avancée en âge, selon le lieu en 2022
Caractéristiques | Au moins un lieu de traitement inégalitaire |
Lieu de travail | Établissement scolaire |
Établissement de santé |
Administration | Lieu de loisir | Autre lieu | |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Sexe | Homme | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Femme | 1,1** | 1,2*** | 0,7*** | 1,4*** | ns | ns | ns | |
Âge | 18 à 29 ans | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
30 à 44 ans | ns | 2,1*** | 0,5*** | 1,4* | ns | ns | ns | |
45 à 59 ans | 0,8** | 2,4*** | 0,2*** | ns | 1,4* | 0,6*** | 0,7* | |
60 ans et plus | 0,3*** | ns | 0,1*** | 0,4*** | 0,4*** | 0,2*** | 0,3*** | |
Situation d'emploi | En emploi | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au chômage | 1,7*** | 1,7*** | 1,4** | 2,0*** | 1,5* | ns | 1,9*** | |
Inactif | 1,2*** | 0,7*** | 1,4*** | 2,0*** | 1,5*** | 1,7*** | 1,7*** | |
Lien à l'immigration | Né français, de parents français | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Né français, de parent(s) immigré(s) | ns | ns | 0,6*** | ns | 1,6*** | ns | ns | |
Immigré | 0,8*** | 0,7*** | ns | ns | ns | ns | ns | |
Situation matrimoniale | Célibataire | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Marié ou remarié, y c. séparé légalement | 0,8*** | 0,9* | 0,5*** | ns | ns | 0,6*** | 0,7** | |
Veuf ou Divorcé | 0,7*** | 0,7*** | 0,6*** | ns | ns | 0,7** | 0,6** | |
Répondant | Personne enquêtée | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Personne tierce | 0,7*** | 0,2*** | ns | ns | ns | ns | ns | |
Limitation physique | Aucune limitation sévère | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au moins une limitation sévère | 1,9*** | 1,6*** | ns | 1,9*** | 2,2*** | 4,0*** | 1,9*** | |
Limitation sensorielle | Aucune limitation sévère | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au moins une limitation sévère | 1,3*** | 1,2** | 1,6*** | 1,7*** | 1,6*** | 1,7*** | 1,6*** | |
Limitation cognitive | Aucune limitation sévère | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au moins une limitation sévère | 1,3*** | 1,2** | 1,5*** | 1,2* | ns | ns | ns | |
Limitation relationnelle | Aucune limitation sévère | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. | Réf. |
Au moins une limitation sévère | 2,7*** | 2,6*** | 2,8*** | 2,4*** | 2,9*** | 2,5*** | 2,6*** |
- ns : non significatif ; * : significatif au seuil de 10 % ; ** : significatif au seuil de 5 % ; *** : significatif au seuil de 1 % ; Réf. : modalité de référence.
- Note : Ces résultats sont issus de régressions logistiques estimant la probabilité de déclarer un traitement inégalitaire en raison de sa santé, d'un handicap ou de son avancée en âge, quel que soit le lieu et dans chacun des lieux (méthodes).
- Lecture : En 2022, à autres caractéristiques identiques, les personnes avec une limitation sensorielle sévère ont 1,7 fois plus de risques que celles sans limitation sensorielle de déclarer avoir subi un traitement inégalitaire dans un établissement de santé plutôt que de ne pas le déclarer.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 ans ou plus vivant à domicile.
- Source : Drees, enquête Autonomie 2022 en logement ordinaire.
À caractéristiques égales, les adultes avec des limitations physiques sévères ont un risque particulièrement élevé de déclarer des discriminations liées au handicap sur un lieu de loisir : quatre fois plus que ceux n’ayant pas de telles limitations. Ce risque est multiplié par 2,5 pour les personnes avec des limitations relationnelles sévères et par 1,7 pour celles avec des limitations sensorielles sévères. L’absence d’aménagement dans ces lieux peut contribuer à augmenter les discriminations ressenties en cas de handicap physique.
Les personnes avec des limitations relationnelles sévères ont un risque entre deux et trois fois plus élevé de déclarer des traitements inégalitaires liés au handicap, à la santé ou à l’âge dans l’ensemble des lieux qu’elles fréquentent. En particulier, leur risque de déclarer avoir subi ces discriminations dans les administrations est multiplié par 2,9 et dans les établissements scolaires par 2,8. Une fois leurs autres caractéristiques prises en compte, les personnes ayant des limitations cognitives sévères n’ont pas plus de risques de déclarer avoir subi ces discriminations dans les administrations et les lieux de loisir. Elles ont des risques légèrement plus élevés dans les autres lieux qu’elles fréquentent (jusqu’à 1,5 fois plus en milieu scolaire).
Les discriminations subies en raison de la santé, du handicap ou de l’avancée en âge sont aussi liées à d’autres caractéristiques que les limitations fonctionnelles. À caractéristiques identiques, le risque de déclarer avoir subi ces discriminations diminue avec l’âge dans la plupart des lieux : les personnes âgées de 60 ans ou plus ont un risque au moins deux fois inférieur de les déclarer en chaque lieu que les personnes âgées de 18 à 29 ans. Les personnes âgées déclarent de manière générale moins de discriminations que leurs cadets [Ouvrir dans un nouvel ongletSSMSI, 2023], possiblement en lien avec un biais de souvenir (si l’épisode de discrimination est lointain pour la personne interrogée) ou avec une moindre sensibilisation à ce sujet. Les personnes d’âge intermédiaire ont toutefois un risque plus élevé de déclarer avoir déjà vécu des discriminations sur le lieu de travail que les plus jeunes, qui ont sans doute une expérience professionnelle plus courte pour beaucoup d’entre eux. Les personnes inactives et celles au chômage ont, à caractéristiques égales, des risques accrus de déclarer avoir déjà subi au moins un traitement inégalitaire en raison de leur santé, de leur handicap ou de leur âge, particulièrement lors de leurs passages en établissement de santé où ces risques sont doublés par rapport aux personnes en emploi. Les personnes immigrées et celles nées françaises de parents immigrés ont, à caractéristiques comparables, des risques réduits de déclarer avoir subi des discriminations en raison d’un handicap sur leur lieu de travail ou en établissement scolaire, peut-être car elles subissent des discriminations pour d’autres motifs. Les descendants de parents immigrés ont cependant un risque accru de déclarer un traitement inégalitaire lié à leur état de santé dans les administrations. À caractéristiques égales, les femmes ont légèrement plus de risques que les hommes de déclarer des discriminations en raison de leur santé, d’un handicap ou de leur âge en établissement de santé et sur leur lieu de travail, malgré les autres types de discriminations qu’elles peuvent également rencontrer en ces lieux. Elles ont cependant un risque réduit de déclarer en avoir subi en établissement scolaire, les garçons représentant par ailleurs une part plus importante des jeunes handicapés en âge d’être scolarisés que les filles.
Sources
Le Ouvrir dans un nouvel ongletdispositif d’enquêtes « Autonomie » réalisé par la Drees a pour objectif de mesurer le nombre de personnes handicapées ou en perte d’autonomie selon différentes définitions, de décrire leur état de santé et leurs conditions de vie et d’analyser les difficultés qu’elles rencontrent dans la vie quotidienne et la participation à la vie sociale. Il s’inscrit dans la lignée des grandes enquêtes sur le handicap et la dépendance, à commencer par l’enquête « Handicap, Incapacité, Dépendance » de 1998-2001, poursuivie par l’enquête « Ouvrir dans un nouvel ongletHandicap-Santé » de 2007-2009, puis par l’enquête « Ouvrir dans un nouvel ongletCare » de 2014-2016 sur le champ des personnes de 60 ans ou plus.
Cette étude exploite le volet de l’enquête Autonomie auprès des personnes handicapées vivant à domicile, collectée en 2022. Le module de cette enquête portant sur la discrimination interroge les personnes sur les traitements inégalitaires qu’elles ont pu subir dans divers lieux au cours de leur vie, en raison de leur état de santé, d’un handicap ou de leur avancée en âge. La question est posée en une seule fois (« En raison de votre état de santé, d’un handicap ou de votre avancée en âge, pensez-vous déjà avoir subi des traitements inégalitaires ou injustes dans l’un ou plusieurs de ces lieux ? ») et liste directement les différents lieux où ces traitements ont pu se produire. Dans l’enquête Handicap-Santé 2007-2009, cette question était posée en deux temps : en demandant d’abord s’il y a eu des traitements inégalitaires, puis quand il y en a eu, les différents motifs possibles, dont la santé ou le handicap.
Le module portant sur la maltraitance, posé pour la première fois par la statistique publique, interroge les personnes sur des comportements spécifiques de maltraitance que d’autres peuvent avoir eu envers elles au cours des douze derniers mois : les ignorer, leur parler de manière agressive, méchante, grossière ou méprisante, ne pas respecter leur intimité ou leur rythme de vie, ou encore ne pas assez s’occuper de leur santé ou de leur souffrance psychique. La plupart des questions de l’enquête pouvaient être posées à un tiers (membre de la famille, du ménage ou de l’entourage, ou encore aidant professionnel) pour les personnes n’étant pas aptes à y répondre seules. Le module portant sur la maltraitance ne pouvait cependant être rempli que par la personne enquêtée, seule et isolée du reste du ménage. Ces questions et leur mode de passation ont été établis en collaboration avec un groupe de travail réunissant des services statistiques ministériels, des institutionnels et des représentants d’associations de personnes en situation de handicap et d’aidants. La définition de la maltraitance utilisée s’appuie sur celles établies par l’Organisation mondiale de la Santé et le Conseil de l’Europe.
Au total, 22 500 personnes ont répondu à l’enquête, dont 19 619 personnes
âgées de 18 ans ou plus, représentant 49,6 millions d’individus après pondération.
Parmi ces
personnes majeures, 5 075 sont handicapées au sens du Gali, 9 703 déclarent
au moins une
limitation fonctionnelle sévère et 9 289 ne sont pas handicapées selon ces
deux mesures.
86 % des répondants majeurs ont répondu aux questions portant sur la maltraitance.
Ce taux de
réponse est plus faible pour les personnes handicapées : 77 % pour les personnes
handicapées au
sens du Gali et 80 % au sens des limitations fonctionnelles, contre 92 % pour
les personnes
sans handicap.
Méthodes
La définition du handicap
Cette étude propose deux approches du handicap, qui conduisent à identifier deux populations partiellement différentes [Ouvrir dans un nouvel ongletRey 2023 ; Eideliman, Rey, 2024]. La première approche est celle dite du Gali (General activity limitation index), un indicateur synthétique qui vise à identifier avec une seule question les personnes handicapées dans de nombreuses enquêtes en France et en Europe. Les personnes identifiées comme handicapées selon cet indicateur sont celles qui se déclarent « fortement limitées dans les activités que les gens font habituellement, depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé ».
La seconde approche est celle des limitations fonctionnelles, selon laquelle une personne est handicapée si elle déclare au moins une limitation sévère pour une fonction physique, sensorielle, cognitive ou relationnelle, une personne pouvant cumuler plusieurs types de limitations. Dans cette étude, cela correspond à remplir au moins une des conditions suivantes :
- limitation physique : soit devoir rester toute la journée dans un lit ou un fauteuil non roulant, soit ne pas pouvoir (ou avoir de grandes difficultés à), sans aide humaine ou technique, marcher 500 mètres sur un terrain plat, monter et descendre un étage d’escalier à pied, lever un bras au-dessus de la tête, se servir de ses mains et de ses doigts, se baisser ou s’agenouiller, ou porter un sac à provisions de 5 kilos sur une distance de 10 mètres ;
- limitation sensorielle : y compris avec ses lunettes ou lentilles ou son implant ou appareil auditif, ne pas pouvoir (ou avoir de grandes difficultés à) voir clairement le visage de quelqu’un à 4 mètres ou les caractères d’un journal, se déplacer dans un environnement faiblement éclairé, entendre ce qui se dit dans une conversation avec plusieurs personnes, ou avec une personne dans une pièce silencieuse, ou entendre les sons usuels de la vie quotidienne ;
- limitation cognitive : avoir souvent des « trous de mémoire », des difficultés pour savoir quel est le moment de la journée, se concentrer plus de 10 minutes, ou pour prendre des décisions adaptées dans sa vie quotidienne, ou encore avoir besoin d'un rappel ou d'incitations pour faire des activités quotidiennes (se laver, prendre un repas, etc.) ;
- limitation relationnelle : voir souvent sa vie quotidienne perturbée par des difficultés psychologiques, se mettre en danger par son comportement, ou avoir des difficultés pour demander de l’aide lorsqu’on en a besoin, pour nouer des relations avec les autres, ou pour comprendre ou se faire comprendre des autres.
Les populations définies selon ces approches se recoupent en partie : 7 % des
personnes majeures vivant à domicile sont handicapées au sens des deux critères
en 2022. Les
personnes handicapées au sens du Gali sont nettement moins nombreuses (9 %
des majeurs vivant à
domicile, contre 28 % pour les limitations fonctionnelles). 83 % d’entre elles
ont au moins une
limitation fonctionnelle sévère. Parmi les personnes handicapées au sens des
limitations
fonctionnelles, 27 % le sont aussi au sens du Gali et 32 % cumulent plusieurs
types de
limitations. La complexité du handicap impose le recours à des indicateurs
statistiques
complémentaires les uns des autres, qui dessinent des populations aux contours
différents
[Ouvrir dans un nouvel ongletDauphin,
Eideliman, 2021] : l’enquête Autonomie permet de détailler ces différences
[Eideliman, Rey, 2024].
Modèle de régression logistique
La régression logistique permet d’étudier l’effet des variables de contrôle sur une variable d’intérêt, indépendamment les unes des autres : on parle de raisonnement « à caractéristiques comparables ». Ces relations restent descriptives et ne doivent pas être interprétées comme des causalités.
Plusieurs régressions logistiques ont été menées pour étudier la probabilité de déclarer avoir subi plutôt que ne pas avoir subi chaque forme de maltraitance au cours des douze derniers mois, et d’avoir déjà subi des discriminations dans chaque lieu, en fonction des caractéristiques sociodémographiques des personnes et des limitations fonctionnelles sévères qu’elles déclarent. Les résultats de ces régressions sont présentés à travers des odds ratio qui correspondent à la variation du risque de déclarer ces maltraitances et discriminations pour une caractéristique donnée par rapport à une caractéristique de référence. Ce risque est construit à partir de la probabilité de faire cette déclaration, mais n’y est pas égal (plus précisément, le risque est égal à cette probabilité rapportée à la probabilité de l’événement contraire, celui de ne pas déclarer). Les odds ratio ne doivent donc pas être interprétés comme des variations de probabilités.
Pour en savoir plus
Beauchemin C., Ichou M., Lê J., Rouhban O., Simon P., Tanneau P., « En dix ans, le sentiment de discrimination augmente, porté par les femmes et le motif sexiste », Insee Première no 1911, juillet 2022.
Bouvier G., Niel X., « Les discriminations liées au handicap et à la santé », Insee Première no 1308, juillet 2010.
Bouvier G., Jugnot S., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes personnes ayant des problèmes de santé ou de handicap sont plus nombreuses que les autres à faire part de comportements stigmatisants », in Inégalités et discriminations : questions de mesure, Économie et statistique no 464-466, pp. 189-213, 2013.
Brown H., « Ouvrir dans un nouvel ongletProtection des adultes et des enfants handicapés contre les abus », Éditions du Conseil de l’Europe, 2003.
Dauphin L., Eideliman J.-S., « Ouvrir dans un nouvel ongletÉlargir les sources d’étude quantitative de la population handicapée : que vaut l’indicateur “GALI” ? », Les Dossiers de la Drees no 74, Drees, février 2021.
Défenseur des droits, Ouvrir dans un nouvel ongletRapport annuel d’activité, 2023.
Eideliman J.-S., Rey M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLe handicap, différentes approches pour une notion complexe - Premiers résultats de l’enquête Autonomie 2022 », Études et Résultats no 1317, novembre 2024.
Rey M., « Ouvrir dans un nouvel ongletEn France, une personne sur sept de 15 ans ou plus est handicapée, en 2021 », Études et Résultats no 1254, Drees, février 2023.
SSMSI, « Ouvrir dans un nouvel ongletVécu et ressenti en matière de sécurité », Rapport d’enquête, édition 2022.
Le questionnement sur les discriminations a évolué entre l’enquête Handicap-Santé 2007-2009 et l’enquête Autonomie (méthodes). Les protocoles d’enquête et la formulation des questions influencent la mesure des discriminations ressenties [Ouvrir dans un nouvel ongletBouvier, Jugnot, 2013].
Le questionnement sur les discriminations a évolué entre l’enquête Handicap-Santé 2007-2009 et l’enquête Autonomie (méthodes). Les protocoles d’enquête et la formulation des questions influencent la mesure des discriminations ressenties [Ouvrir dans un nouvel ongletBouvier, Jugnot, 2013].