Insee Première ·
Juillet 2022 · n° 1911En dix ans, le sentiment de discrimination augmente, porté par les femmes et le motif
sexiste
En 2019-2020, 18 % des personnes de 18-49 ans déclarent avoir subi « des traitements inégalitaires ou des discriminations », contre 14 % en 2008-2009. Cette augmentation de l’expérience déclarée de discrimination concerne principalement les femmes. Pour celles‑ci, le motif sexiste est devenu la cause principale de discrimination, dépassant ceux liés à l’origine, la nationalité ou la couleur de peau. Pour les hommes, la hausse du sentiment discriminatoire s’explique principalement par une augmentation dans la population des profils rapportant le plus de discriminations. Pour les personnes musulmanes, les motifs de discrimination se déplacent de l’origine vers la religion par rapport à 2008-2009. À caractéristiques égales, l’origine immigrée ou ultramarine demeure le principal déterminant des expériences déclarées de discrimination, pour les hommes comme pour les femmes.
Malgré une plus forte sensibilisation ces dix dernières années, entamer des démarches à la suite de discriminations reste rare.
- Le sentiment de discrimination augmente de 4 points en dix ans
- Pour les femmes, le motif sexiste est devenu la principale source de discrimination, devant les origines
- Le sentiment de discrimination persiste parmi les personnes d’origines immigrée et ultramarine
- Pour les musulmans, les motifs de discrimination se déplacent de l’origine vers la religion
- Les profils rapportant plus de discriminations sont devenus plus nombreux depuis dix ans
- À caractéristiques égales, l’origine géographique demeure le principal déterminant des déclarations de discriminations
- Malgré une plus forte sensibilisation, entamer des démarches à la suite de discriminations reste rare
Avertissement : le 23 février 2023, les résultats initialement publiés dans cet Insee Première
le 5 juillet 2022 ont été actualisés à la suite d’une correction des pondérations
de l’enquête Trajectoires et Origines 2 (voir Documents de travail 2022-02).
Cette correction des pondérations entraîne de légers changements dans les chiffres
présentés dans la publication, sans en modifier les principales conclusions.
La catégorie anciennement dénommée « Afrique subsaharienne » a par ailleurs été renommée
« Autres pays d’Afrique », afin de mieux correspondre aux pays regroupés dans cette
catégorie.
Le sentiment de discrimination augmente de 4 points en dix ans
Les discriminations sont au cœur des débats de société depuis plus de vingt ans. De nombreux testings ont démontré l’existence de biais discriminatoires à l’embauche [Ouvrir dans un nouvel ongletArnoult et al., 2021] ou dans la recherche de logement. L’enquête Trajectoires et Origines (TeO) (sources) a enregistré l’expérience auto-déclarée des discriminations en utilisant le même questionnement en 2008-2009 et en 2019-2020. À la question « Au cours des cinq dernières années, pensez-vous avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations ? », 14 % de la population de 18 à 49 ans vivant en logement ordinaire en 2008-2009 avait répondu « souvent » ou « parfois » (figure 1). Dix ans plus tard, en 2019-2020, cette proportion est passée à 18 %. Au niveau individuel, la hausse du sentiment de discrimination peut refléter deux choses : d’une part, une augmentation des traitements défavorables subis et d’autre part, une plus grande sensibilité à la question des discriminations. Autrement dit, pour un même traitement subi, les personnes sont peut-être plus promptes à déclarer des discriminations aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a dix ans.
tableauFigure 1 – Déclarations de traitements inégalitaires ou de discriminations subis1
A déclaré avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années¹ |
2019-2020 | 2008-2009 |
---|---|---|
Personnes sans ascendance migratoire | 15 | 10 |
Natifs d’Outre-mer | 32 | 31 |
Descendants de natifs d’Outre-mer | 33 | 39 |
Immigrés | 26 | 27 |
Maghreb | 26 | 32 |
Autres pays d’Afrique | 37 | 42 |
Turquie, Moyen-Orient | 22 | 22 |
Autres pays d'Asie | 19 | 21 |
Europe du Sud | 24 | 9 |
Autres pays de l'UE27 | 24 | 20 |
Autres pays du monde | 20 | 24 |
Descendants d’immigrés | 28 | 24 |
Maghreb | 37 | 38 |
Autres pays d’Afrique | 42 | 43 |
Turquie, Moyen-Orient | 28 | 28 |
Autres pays d'Asie | 28 | 25 |
Europe du Sud | 13 | 12 |
Autres pays de l'UE27 | 19 | 9 |
Autres pays du monde | 17 | 19 |
Femmes | 22 | 14 |
Hommes | 15 | 13 |
Ensemble | 18 | 14 |
- 1. La question posée était la suivante : « Au cours des cinq dernières années, pensez-vous avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations ? ».
- Lecture : en 2019-2020, 26 % des immigrés du Maghreb déclarent avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 à 49 ans vivant en logement ordinaire.
- Sources : Ined-Insee, enquêtes Trajectoires et Origines 2 (2019-2020) et Trajectoires et Origines (2008-2009).
graphiqueFigure 1 - Déclarations de traitements inégalitaires ou de discriminations subis¹
Pour les femmes, le motif sexiste est devenu la principale source de discrimination, devant les origines
En dix ans, l’augmentation du sentiment de discrimination est davantage marquée pour les femmes que pour les hommes. En 2019-2020, 22 % d’entre elles déclarent avoir subi des discriminations, contre 15 % des hommes, alors qu’en 2008-2009, ces proportions étaient relativement proches (14 % contre 13 %).
Le motif sexiste est devenu la principale source de discrimination pour les femmes : 47 % pensent avoir été discriminées en raison de leur sexe, contre 28 % en 2008-2009, où elles citaient ce motif après l’origine, la nationalité ou la couleur de peau (figure 2). Pour les hommes, l’origine demeure le principal motif de discrimination ressentie (dans 57 % des cas, contre 31 % pour les femmes en 2019-2020).
tableauFigure 2a – Principaux motifs de traitements inégalitaires ou de discriminations¹, parmi les femmes en ayant déclaré
Principaux motifs de traitements inégalitaires ou de discrimination¹, parmi les femmes en ayant déclarés |
2019-2020 | 2008-2009 |
---|---|---|
Origine, nationalité, couleur de peau | 31 | 44 |
Sexe | 47 | 28 |
Âge | 14 | 14 |
Religion | 8 | 5 |
Lieu de résidence ou quartier | 5 | 6 |
État de santé ou handicap | 8 | 6 |
- 1. D’autres motifs de discrimination étaient proposés aux enquêtés (orientation sexuelle, tenue vestimentaire, façon de parler, accent, etc.) mais ne sont pas présentés dans ce tableau. Une personne peut déclarer plusieurs motifs de traitements inégalitaires ou de discriminations. Ainsi, la somme des pourcentages associés aux « motifs » peut être supérieure à 100 %.
- Lecture : en 2019-2020, 47 % des femmes déclarant avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années ont déclaré que ces discriminations étaient dues à leur sexe.
- Champ : France métropolitaine, femmes de 18 à 49 ans vivant en logement ordinaire.
- Sources : Ined-Insee, enquêtes Trajectoires et Origines 2 (2019-2020) et Trajectoires et Origines (2008-2009).
graphiqueFigure 2a – Principaux motifs de traitements inégalitaires ou de discriminations¹, parmi les femmes en ayant déclaré
Le sentiment de discrimination persiste parmi les personnes d’origines immigrée et ultramarine
Les discriminations liées à l’origine, la nationalité ou la couleur de peau sont principalement déclarées par les personnes ayant une relation à l’immigration sur une ou deux générations. En 2019-2020, 22 % des immigrés et 20 % des descendants d’immigrés estiment avoir fait l’objet d’un traitement inégalitaire en raison de leur origine, et même un tiers des personnes originaires d’Afrique hors Maghreb, contre moins d’une personne sur dix en moyenne toutes origines confondues (8 %). Les personnes originaires d’Outre-mer comptent également parmi celles qui rapportent le plus de discriminations du fait de leur origine ou de leur couleur de peau : 26 % parmi les natifs d’Outre-mer et leurs enfants nés en France métropolitaine. Dans les groupes d’origine non européenne, les descendants d’immigrés déclarent plus de discriminations que les immigrés de même origine ; l’écart est le plus élevé pour les descendants d’origine asiatique. Le rapport s’inverse pour les groupes d’origine européenne.
En une décennie, les déclarations de discriminations selon l’origine ont légèrement augmenté (de 7 % à 8 %). Cette augmentation concerne davantage les populations qui exprimaient peu ce sentiment dix ans plus tôt : les immigrés originaires de l’Union européenne, et dans une moindre mesure, les descendants d’immigrés d’Asie hors Turquie et Moyen-Orient. Cette tendance peut témoigner d’une augmentation des expériences de discrimination comme d’une sensibilité croissante aux questions de discriminations selon l’origine – sans qu’une évolution soit exclusive de l’autre – parmi des groupes qui avaient moins tendance à se déclarer discriminés auparavant.
Par contraste, les déclarations pour ce motif ont baissé parmi les immigrés et les descendants originaires du Maghreb et des autres pays d’Afrique, même si ces groupes restent de loin les plus exposés. Cette diminution s’explique en partie par un report vers des déclarations de discriminations pour motif religieux.
Pour les musulmans, les motifs de discrimination se déplacent de l’origine vers la religion
Si la religion est un motif de discrimination généralement peu cité dans l’ensemble de la population (1 % des personnes en 2008-2009 comme en 2019-2020), la part des personnes ayant déclaré des discriminations et citant ce motif a augmenté depuis dix ans (de 5 % à 8 %). Ce motif est beaucoup plus saillant pour les immigrés du Maghreb, de Turquie et du Moyen-Orient : il est cité par 29 % des immigrés du Maghreb et 27 % de ceux de Turquie et du Moyen-Orient ayant déclaré des discriminations, contre environ un sur dix en 2008-2009. Ce phénomène s’observe également parmi les descendants de ces origines. Plus que l’origine des personnes, c’est la religion qui explique ces évolutions : 10 % des personnes se déclarant de confession musulmane rapportent des discriminations religieuses, contre 5 % en 2008-2009. Parmi les musulmans ayant déclaré une discrimination, 31 % l'attribuent à leur religion, alors qu’ils n’étaient que 15 % dans ce cas dix ans auparavant. Réciproquement, la part de l’origine ou couleur de peau dans les discriminations subies par les musulmans est tombée à 81 % alors qu’elle était à 91 % dix ans plus tôt, témoignant d’un glissement du motif de l’origine vers celui de la religion. L’identification plus fréquente de la religion comme cause de discrimination peut refléter à la fois une persistance, voire une aggravation, des comportements discriminatoires, et une focalisation accrue autour des questions religieuses dans les rapports sociaux.
Les profils rapportant plus de discriminations sont devenus plus nombreux depuis dix ans
L’évolution depuis dix ans des caractéristiques socioéconomiques et démographiques de la population peut elle-même être un facteur d’explication de l’évolution des déclarations de discriminations. Ainsi, l’augmentation des déclarations de discriminations, tous motifs confondus, chez les hommes (+2 points entre 2008-2009 et 2019-2020) s’explique essentiellement par le fait que les profils qui rapportent le plus de discriminations sont devenus plus nombreux en dix ans. Par exemple, parmi les hommes de 18 à 49 ans, la proportion d’immigrés et de descendants originaires du Maghreb et des autres pays d’Afrique est passée de 10 % à 13 %. En revanche, pour les femmes, cet effet de composition sociodémographique n’explique qu’une faible partie de la progression du sentiment de discrimination (2 points sur une hausse de 8 points), ce qui suggère que d’autres facteurs, tels qu’une plus grande sensibilisation, y contribuent.
À caractéristiques égales, l’origine géographique demeure le principal déterminant des déclarations de discriminations
Certaines caractéristiques ou situations exposent à des risques accrus de déclarations de traitements inégalitaires. Le premier facteur qui structure l’expérience des discriminations est l’origine géographique, pour les femmes et plus encore pour les hommes. Par rapport aux personnes sans ascendance migratoire, celles originaires, sur une ou deux générations, d’Outre-mer, du Maghreb ou des autres pays d’Afrique ont des risques nettement plus élevés de déclarer des discriminations, toutes choses égales par ailleurs (à âge, niveau de diplôme, situation d’activité, revenus, catégorie socioprofessionnelle, religion, résidence ou non dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, et état de santé donnés) (figure 3). Le risque de déclarer une discrimination est quatre à cinq fois plus élevé pour les hommes immigrés ou descendants originaires d’Afrique hors Maghreb et les descendants de natifs d’Outre-mer, relativement aux personnes sans ascendance migratoire partageant par ailleurs les mêmes caractéristiques. Il en est de même pour les femmes de ces mêmes origines, même si l’écart de risque est plus faible. De manière générale, si le sentiment de discrimination a augmenté pour les femmes, ce dernier les affecte de manière moins différenciée que les hommes. Certains groupes s’avèrent davantage exposés aux discriminations presque uniquement parmi les hommes : les descendants d’immigrés de Turquie et du Moyen-Orient (essentiellement originaires de Turquie) et les immigrés européens. De fait, l’influence de l’origine sur l’expérience des discriminations s’est modulée depuis 2008-2009. À autres caractéristiques sociodémographiques similaires, elle a reculé pour les personnes d’origine extra-européenne, à l’exception des femmes descendantes d’Asiatiques. Ainsi, les discriminations selon l’origine se diffusent et sont de moins en moins concentrées sur les personnes originaires d’Afrique et d’Outre-mer.
tableauFigure 3a – Facteurs influençant le risque de déclarer avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années, pour les femmes
2019-2020 | 2008-2009 | |||
---|---|---|---|---|
Statut d'activité | Étudiante | ns | ns | |
Chômeuse | ns | 1,7 | ||
Inactive hors étudiante | ns | ns | ||
En emploi | Réf. | Réf. | ||
Religion | Chrétienne | ns | ns | |
Musulmane | ns | ns | ||
Autres religions | ns | 2,4 | ||
Sans religion | Réf. | Réf. | ||
Origine | Outre-mer | Native | 2,5 | 2,8 |
Descendante de natifs | 2,2 | 3,7 | ||
Maghreb | Immigrée | ns | 2,5 | |
Descendante d'immigrés | 1,9 | 3 | ||
Autres pays d’Afrique | Immigrée | 2,5 | 4,7 | |
Descendante d'immigrés | 2,9 | 3,8 | ||
Turquie, Moyen-Orient | Immigrée | ns | 2,1 | |
Descendante d'immigrés | ns | ns | ||
Autres pays d'Asie | Immigrée | ns | ns | |
Descendante d'immigrés | 1,6 | ns | ||
Europe du Sud | Immigrée | ns | ns | |
Descendante d'immigrés | ns | ns | ||
Autres pays de l'UE27 | Immigrée | 1,6 | 2 | |
Descendante d'immigrés | ns | ns | ||
Autres pays monde | Immigrée | ns | 2,2 | |
Descendante d'immigrés | ns | 2,2 | ||
Personne sans ascendance migratoire | Réf. | Réf. | ||
État de santé | Dégradé ou fortement limité | 1,7 | 1,7 |
- Notes :
- - estimation des rapports de risque (odds ratio) par des modèles logit, par sexe et par millésime d'enquête. Pour chaque variable, les odds ratio permettent de comparer les différentes modalités avec la modalité de référence (Réf.) qui vaut 1. Une valeur supérieure à 1 indique qu’une variable est associée, toutes choses égales par ailleurs, à une augmentation du risque de déclaration. La mention « ns » indiquent que le risque relatif n’est pas significativement différent de 1 (seuil de 5 %) ;
- - d'autres variables ont été incluses dans le modèle mais les résultats n'ont pas été reportés car peu ou pas significatifs : l'âge, le diplôme, les revenus du ménage, la catégorie socioprofessionnelle et le lieu de résidence.
- Lecture : en 2019-2020, par rapport aux femmes sans ascendance migratoire, les femmes immigrées originaires d'autres pays d’Afrique ont un risque de déclarer des discriminations 2,5 fois supérieur. En 2008-2009, ce risque était 4,7 fois supérieur.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 à 49 ans vivant en logement ordinaire.
- Sources : Ined-Insee, enquêtes Trajectoires et Origines 2 (2019-2020) et Trajectoires et Origines (2008-2009).
graphiqueFigure 3a – Facteurs influençant le risque de déclarer avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations au cours des cinq dernières années, pour les femmes
La situation dans l’emploi est déterminante face aux discriminations : les hommes chômeurs ont un risque accru de déclarer des discriminations (de 2,0 fois plus, relativement aux personnes en emploi). La recherche d’emploi augmente en effet le risque d’être confronté à une expérience discriminatoire, alors que ces situations sont moins fréquentes une fois en emploi [Athari et al., 2019]. La catégorie socioprofessionnelle n’influence pas significativement le risque de discrimination. Tandis que la religion a peu d’effet perceptible sur le risque de déclarer une discrimination chez les femmes, les hommes musulmans ont un risque multiplié par 1,5 de déclarer des traitements inégalitaires par rapport à ceux se déclarant sans religion. L’effet du diplôme est par ailleurs contrasté : alors que pour les hommes, le niveau de diplôme n’a pas d’effet sur la probabilité de déclarer des discriminations, les femmes diplômées du supérieur sont au contraire les plus susceptibles de rapporter des traitements inégalitaires (1,6 fois plus que celles diplômées du secondaire). Pour les femmes comme pour les hommes, l’expérience discriminatoire dépend de l’état de santé : les personnes dont l’état de santé est dégradé ou fortement limité déclarent près de deux fois plus souvent avoir vécu une discrimination que les personnes en bonne santé.
Malgré une plus forte sensibilisation, entamer des démarches à la suite de discriminations reste rare
Les personnes ayant subi des discriminations peuvent entamer des démarches auprès de structures dédiées (associations, syndicats, Défenseur des droits) ou les porter en justice (plainte). Les recours, dépôts de plainte ou démarches auprès d’associations ou de syndicats restent cependant relativement rares en 2019-2020, comme en 2008-2009 [Ouvrir dans un nouvel ongletBeauchemin et al., 2010]. Pour l’essentiel, les réactions face aux discriminations consistent à s’indigner ou contester (38 % des cas), ou à en parler à des proches (48 %) (figure 4). Seules 8 % des personnes ayant déclaré avoir subi une discrimination ont entrepris une démarche auprès d’une association, d’un syndicat ou du Défenseur des droits, et 2 % portent plainte. De fait, la plus forte sensibilisation aux discriminations ne se traduit pas par une plus grande capacité à faire valoir ses droits : près de la moitié des personnes se disant discriminées n’ont rien fait parce qu’elles pensent qu’entamer une démarche ne servirait à rien.
tableauFigure 4 – Réactions à la suite de discriminations, par motif
J’ai contesté ou me suis indigné | J’en ai parlé à mes proches (amis, famille, collègues) | J’en ai parlé à une structure (association, syndicat, Défenseur des droits) | J’ai porté plainte | Je n’ai rien fait car je ne savais pas quoi faire | Je n’ai rien fait car je pensais que ça ne servirait à rien | |
---|---|---|---|---|---|---|
Origine, nationalité ou couleur de peau | 34 | 42 | 6 | 2 | 12 | 54 |
Sexe | 48 | 54 | 7 | 2 | 11 | 45 |
Âge | 50 | 62 | 8 | 1 | 16 | 46 |
Religion | 42 | 53 | 10 | 4 | 16 | 51 |
État de santé, handicap | 27 | 61 | 12 | 7 | 28 | 46 |
Tous motifs | 38 | 48 | 8 | 2 | 13 | 48 |
- Note : une personne peut déclarer plusieurs réactions possibles, notamment parce qu'elles peuvent concerner plusieurs expériences de discriminations. Ainsi, la somme des pourcentages peut être supérieure à 100 %.
- Lecture : en 2019-2020, 42 % des personnes ayant déclaré avoir subi des discriminations en raison de leur origine, de leur nationalité ou de leur couleur de peau dans les cinq dernières années déclarent en avoir parlé à leurs proches.
- Champ : France métropolitaine, personnes de 18 à 49 ans vivant en logement ordinaire.
- Sources : Ined-Insee, enquête Trajectoires et Origines 2 (2019-2020).
graphiqueFigure 4 – Réactions à la suite de discriminations, par motif
Les réactions varient en fonction des motifs. Seules 2 % des personnes discriminées en raison de leur origine ou de leur sexe déposent une plainte. Les personnes déclarant une discrimination en relation à l’état de santé ou au handicap se montrent les plus susceptibles de faire valoir leurs droits : 7 % ont porté plainte et 12 % se sont adressées à une association, un syndicat ou au Défenseur des droits. Les discriminations en raison de la religion ne donnent pas lieu à de telles réactions, et si les victimes s’adressent un peu plus souvent à des associations ou à des proches, elles sont parmi les plus enclines à penser qu’il ne sert à rien de réagir. Cette résignation est partagée par les victimes de discriminations en raison de l’origine ou de la couleur de peau, qui sont également moins nombreuses à parler de leur expérience à des proches ou à s’indigner de la situation. Cette hétérogénéité dans le recours à des structures extérieures ou à des démarches juridiques traduit un sentiment de moindre légitimité ou d’impuissance face à certaines discriminations. Les personnes subissant des discriminations en raison de leur origine ou de leur religion ont un moindre espoir que leurs démarches aboutissent, et vont donc moins souvent avoir recours à une aide administrative ou juridique, tandis que les personnes discriminées en raison de leur état de santé ou d’un handicap auront plus souvent confiance en l’utilité et l’aboutissement d’une plainte pour discrimination.
Sources
Coproduite par l’Ined et l’Insee, l’Ouvrir dans un nouvel ongletenquête Trajectoires et Origines 2 (TeO2), collectée en 2019-2020, est une réédition de l’enquête TeO1 (2008-2009). Elle reprend les grands principes de la première édition : 60 % des questions sont identiques et la stratégie d’échantillonnage est similaire [Beauchemin et al., à paraître].
Le champ de TeO2 est celui des individus âgés de 18 à 59 ans vivant en logement ordinaire en France métropolitaine. L’enquête a été effectuée auprès d’environ 27 200 personnes, avec l’objectif de réaliser des analyses fines sur les principaux groupes de population qui ont une expérience directe ou indirecte de la migration vers la France métropolitaine. Les immigrés et les natifs d’Outre-mer, ainsi que leurs enfants nés en France métropolitaine, ont donc été surreprésentés. L’échantillon comprend par ailleurs des individus représentatifs du reste de la population. L’échantillonnage de TeO1 n’ayant pas permis de bien couvrir les descendants d’immigrés de 50-59 ans, les comparaisons menées dans ce travail ne portent que sur les 18-49 ans.
Le questionnaire de TeO2 renseigne sur l’histoire migratoire des répondants et/ou de leurs parents, décrit leurs parcours scolaires et professionnels, leur histoire familiale, leur vie de couple, leurs enfants, leurs conditions de logement, leur santé, la transmission des langues et de la religion. De façon transversale, il examine l’accès des individus aux ressources de la vie sociale (école, travail, logement, services, soins, etc.) ainsi que les discriminations pouvant y faire obstacle.
L’enquête TeO utilise des définitions et des concepts un peu différents de ceux utilisés habituellement par l’Insee. Elle tient compte des spécificités juridiques liées à la nationalité des anciennes colonies et distingue les personnes originaires des territoires d’Outre-mer. Ces dernières ont en effet un profil particulier en matière de discrimination.
Définitions
Le terme « première génération » désigne les immigrés et les natifs d’Outre-mer dans le sens où ils sont la première génération à vivre en France métropolitaine. Par suite, les descendants directs sont dits de « deuxième génération ».
Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Un individu continue à être immigré même s’il acquiert la nationalité française. Les personnes nées Françaises à l’étranger et vivant en France ne sont pas immigrées. Toutefois, dans TeO, pour tenir compte notamment des spécificités des anciennes colonies, les personnes Françaises par réintégration sont classées parmi les immigrées.
Un descendant d’immigrés (de deuxième génération) est une personne née en France métropolitaine ayant au moins un parent immigré. Dans TeO, les parents nés Français dans une ancienne colonie qui auraient perdu leur nationalité française à l’indépendance sont reclassés comme immigrés.
Un natif d’Outre-mer est une personne née dans un territoire d’Outre-mer (DROM-COM) et ayant migré en France métropolitaine.
Les personnes sans ascendance migratoire directe sont celles qui ne sont ni immigrées ni descendantes d’immigrés (de deuxième génération), et dans le cas spécifique de TeO, ni natives d’Outre-mer ni descendantes de natifs d’Outre-mer.
Un descendant de natif d’Outre-mer est une personne née en France métropolitaine ayant au moins un parent natif d’Outre-mer. Par convention, si un parent est natif d’Outre-mer et l’autre est immigré, la personne est classée comme descendante d’immigrés.
Pour en savoir plus
Retrouver plus de données en téléchargement.
Beauchemin C., Ichou M., Simon P., « Trajectoires et Origines 2 : présentation d’une enquête sur la diversité des populations en France », Population, Ined, à paraître.
Thao Khamsing W., Guin O., Merly-Alpa T., Paliod N., « Enquête Trajectoires et Origines 2, de la conception à la réalisation », Documents de travail n° 2022/02, Insee, juillet 2022.
Arnoult É., Ruault M., Valat E., Villedieu P., IPP, ISM Corum, « Ouvrir dans un nouvel ongletDiscrimination à l’embauche des personnes d’origine supposée maghrébine : quels enseignements d’une grande étude par testing ? », Dares Analyses n° 67, novembre 2021.
Athari E., Lê J., Brinbaum Y., « Le rôle des origines dans la persistance des inégalités d’emploi et de salaire », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2019.
Beauchemin C., Hamel C., Simon P., « Ouvrir dans un nouvel ongletTrajectoires et origines - Enquête sur la diversité des populations en France », Grandes Enquêtes, Ined, 2016.
Beauchemin C., Hamel C., Lesné M., Simon P., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes discriminations : une question de minorités visibles », Population et Sociétés n° 466, Ined, avril 2010.