En 2023, en France hors Mayotte, 13 % des personnes en emploi exercent leur emploi principal en tant qu’indépendants (source et méthode). Il s’agit en majorité d’hommes (62 %), plus âgés que les salariés : 67 % d’entre eux ont plus de 40 ans, contre 56 % des salariés. Le statut est parfois lié au métier occupé, certains métiers étant exercés presque exclusivement par des indépendants. C’est le cas, par exemple, des exploitants agricoles, des artisans, ou des commerçants. Mais certaines professions peuvent être exercées indifféremment sous les deux statuts, comme notamment les médecins (45 % d’indépendants), les journalistes (37 %) ou les infirmiers (18 %).

En 2022, 5 % des jeunes adultes ayant terminé leurs études initiales depuis un à quatre ans occupent un emploi avec un statut d’indépendant, soit 7 % des jeunes en emploi (figure 1). La part des indépendants augmente avec l’ancienneté sur le marché du travail : 9 % des personnes sorties de formation initiale depuis cinq à dix ans exercent un emploi à leur compte (soit 11 % parmi celles en emploi) ; c’est le cas de 10 % des personnes qui ont terminé leurs études depuis au moins 11 ans (soit 14 % parmi celles en emploi). Ainsi, les jeunes indépendants sont très minoritaires dans l’ensemble des indépendants ; ils en représentent à peine 4 %.

Bien que l’entrée sur le marché du travail par un emploi d’indépendant soit un phénomène relativement peu fréquent pour les jeunes, elle a plus que doublé en vingt ans, passant de 3 % en 2003 à 7 % en 2023 (figure 2). À ces deux périodes, le contexte conjoncturel de leur entrée sur le marché du travail est pourtant équivalent, avec un taux d’emploi des jeunes sortants proche (76 % en 2003, 74 % en 2023).

Cette hausse s’inscrit dans un contexte d’augmentation de la part des indépendants dans la population en emploi depuis la fin des années 2000, avec notamment la création du statut de micro‑entrepreneur et son essor. Il est possible de devenir indépendant dès le début de sa vie professionnelle ou en cours de carrière, après des épisodes de salariat. Les parcours professionnels sont moins linéaires qu’autrefois, et les changements d’emploi et de statut sont plus fréquents au cours de la carrière [Célérier, Le Minez, 2020]. Les métiers exercés par les jeunes indépendants ont également changé, allant de pair avec une évolution de leur profil (encadré 1).

Par la suite, les « jeunes » indépendants sont définis comme les personnes exerçant leur emploi principal sous le statut d’indépendant et ayant terminé leurs études initiales depuis un à quatre ans. Parmi les jeunes, l’exercice d’une activité secondaire en tant qu’indépendant est relativement marginale : plus généralement, la pluriactivité concerne 1,2 % des jeunes en emploi (encadré 2). Les indépendants « anciens » correspondent aux personnes sorties de formation initiale depuis onze ans ou plus, et travaillant à leur compte au titre de leur emploi principal. Dans les deux cas, cela ne présume pas de leur expérience professionnelle en tant que travailleur indépendant, mais traduit leur ancienneté sur le marché du travail.

Les jeunes indépendants se distinguent des anciens à plusieurs titres. Ils comptent presque autant de femmes que d’hommes dans leurs rangs, alors que parmi les indépendants anciens, les hommes sont largement majoritaires (figure 3). En effet, ils n’exercent pas les mêmes métiers. Notamment, près de la moitié des indépendants anciens sont artisans ou commerçants, professions peu féminisées, alors que c’est seulement le cas d’un jeune indépendant sur quatre. Les jeunes exercent dans un quart des cas une profession libérale : c’est deux fois plus que les indépendants anciens. En outre, les professions libérales ne sont pas les mêmes selon l’ancienneté : la moitié des jeunes en profession libérale sont médecins ou avocats, contre un cinquième des anciens, qui eux, exercent plutôt des métiers de consultants. Les jeunes indépendants exercent aussi plus souvent des professions intermédiaires de la santé et du travail social, comme les kinésithérapeutes ou les orthophonistes. Par suite, les secteurs d’activité dans lesquels exercent les indépendants diffèrent selon la durée écoulée depuis la fin de leur formation initiale. Trois jeunes à leur compte sur dix se lancent dans une activité liée à la santé humaine, tandis qu’un ancien indépendant sur quatre exerce dans le secteur du commerce ou de la construction.

Les jeunes indépendants occupent des emplois en moyenne plus qualifiés que leurs homologues salariés sortis de formation initiale depuis un à quatre ans. Notamment, 35 % des jeunes indépendants occupent un emploi de niveau supérieur au sens des classes d’emplois, contre 26 % des salariés (figure 4). Cela s’explique principalement parce que les professions libérales sont classées dans les emplois de niveau supérieur. Plus de la moitié des autres jeunes indépendants occupent un emploi de niveau intermédiaire, et un tiers d’entre eux des postes d’exécution, alors que, parmi les jeunes salariés, un quart occupent un emploi de niveau intermédiaire et la moitié un emploi d’exécution.

Les jeunes indépendants sont très diplômés, en comparaison à la fois des indépendants plus anciens et des salariés sortis de formation initiale à la même période. La moitié des jeunes indépendants ont poursuivi des études supérieures couronnées d’un diplôme de niveau bac+5 ou plus. C’est davantage que les jeunes salariés d’ancienneté équivalente sur le marché du travail, 30 % d’entre eux ayant atteint ce niveau de diplôme. La différence s’accentue pour les professions libérales, où 95 % des jeunes indépendants sont titulaires d’un diplôme de niveau supérieur au baccalauréat, contre 59 % des salariés et 71 % des jeunes indépendants hors professions libérales.

Les jeunes à leur compte sont plus souvent issus de familles favorisées que les salariés entrés sur le marché du travail à la même période. 41 % d’entre eux ont au moins l’un de leurs parents dont l’emploi relève du niveau supérieur, au sens des classes d’emploi, contre 29 % des jeunes salariés. C’est encore plus le cas des jeunes exerçant une profession libérale : 50 % ont au moins l’un de leurs deux parents dont l’emploi relève du niveau supérieur ; à l’inverse, c’est deux fois moins fréquent parmi les jeunes artisans (24 %), et parmi les jeunes agriculteurs (9 %).

Avoir des parents eux‑mêmes à leur compte peut favoriser l’esprit d’entreprise [Gollac, 2009]. Ce qui est déterminant n’est pas tant d’hériter de l’affaire familiale que de bénéficier d’autres héritages, tels que du soutien économique, des compétences professionnelles et managériales, ou encore du réseau familial. Ainsi, 37 % des jeunes indépendants en 2022 ont l’un de leurs parents qui était lui‑même travailleur indépendant, contre 22 % des jeunes salariés. En particulier, la reproduction sociale est très fréquente parmi les jeunes agriculteurs et les jeunes artisans ou commerçants : plus de la moitié des jeunes agriculteurs (53 %) ont l’un de leurs parents qui a lui‑même été agriculteur, et 29 % des jeunes artisans, commerçants ou chefs d’entreprise ont l’un de leurs parents qui a exercé en tant qu’artisan, commerçant ou chef d’entreprise. Ainsi, à diplôme et caractéristiques sociodémographiques donnés, avoir un parent à son compte ou avoir un parent qui occupe un emploi de niveau supérieur augmentent significativement la probabilité de devenir jeune indépendant.

La transmission du statut d’indépendant perdure, même si elle s’atténue depuis quinze ans (encadré 1). En 2007, 49 % des jeunes indépendants avaient un de leurs parents qui était lui‑même travailleur indépendant, contre 37 % en 2022.

Dans l’ensemble, les trois quarts des indépendants ont créé ex nihilo l’entreprise à la tête de laquelle ils travaillent (figure 5). Ce mode de création est largement majoritaire parmi les jeunes indépendants : 87 % d’entre eux sont dans cette situation. En particulier, 94 % des jeunes commerçants et assimilés et des professions intermédiaires de la santé et du travail social ont créé leur entreprise. Quelques exceptions à la création « pure » d’entreprise existent parmi les jeunes indépendants, à l’instar des anciens. Ainsi, plus de la moitié des jeunes agriculteurs exploitants ont repris une exploitation existante, bien souvent l’exploitation familiale (quatre cas sur dix). Les jeunes professions libérales ont repris, dans un cas sur six, une affaire déjà existante, mais non héritée de la famille. Les jeunes indépendants sont au total peu nombreux à avoir repris une entreprise (11 %), à la différence des indépendants anciens (24 %), pour qui l’entrepreneuriat peut correspondre à une reconversion ou à une opportunité en cours de carrière, se concrétisant par l’héritage d’une entreprise familiale par exemple.

Les trois quarts des jeunes indépendants travaillent seuls, notamment parce qu’ils ont récemment créé leur entreprise. Ils sont près de deux fois moins souvent employeurs de salariés que les anciens indépendants (23 % contre 40 %). Ils sont même cinq fois moins nombreux que les plus anciens à être chefs d’entreprise de plus de dix personnes. Le statut de micro‑entrepreneur, forme juridique qui permet à une entreprise individuelle de bénéficier d’un régime fiscal et social simplifié, est plus répandu parmi les jeunes indépendants : 38 % d’entre eux contre 22 % des anciens indépendants. Parmi les jeunes indépendants exerçant sous le régime de la microentreprise, se trouvent notamment des commerçants et assimilés ainsi que des artisans. Toutefois, le statut de microentreprise est limité à certaines activités. En particulier, certaines professions libérales réglementées, telles que les médecins, les avocats ou les experts comptables, ne peuvent s’exercer sous ce statut. Les jeunes professionnels libéraux ont donc globalement moins souvent recours à ce statut et la moitié d’entre eux exercent sous le statut d’entrepreneur individuel (contre seulement 36 % en moyenne). Les jeunes indépendants sont deux fois moins nombreux que les anciens à travailler dans le cadre d’une société (moins d’un quart) ; il s’agit notamment de certaines professions libérales, comme les chirurgiens‑dentistes par exemple, et d‘artisans, de commerçants et assimilés, comme des artisans du bâtiment ou des agents immobiliers.

Comparés à leurs homologues salariés, les jeunes indépendants déclarent plus souvent des horaires atypiques, en particulier ceux qui n’exercent pas une profession libérale, qui travaillent plus souvent le samedi (70 %) que les jeunes salariés sortis de formation initiale en même temps qu’eux (42 %), ainsi que le dimanche (34 % contre 24 %) et le soir (46 % contre 29 %) (figure 6). À l’instar de leurs aînés, les jeunes indépendants sont nombreux à déclarer travailler plus de 40 heures par semaine (45 %, contre 22 % des jeunes salariés). Toutefois, leurs horaires de travail sont globalement moins contraignants que ceux des anciens. Les jeunes indépendants sont notamment moins nombreux à travailler le dimanche (32 %, contre 40 % des indépendants anciens) ou plus de 40 heures par semaine (45 % contre 57 %), mais ils travaillent souvent le samedi (66 %) ou le soir (46 %). Ces différences sont liées aux métiers exercés.

Les jeunes à leur compte sont en revanche plus nombreux à travailler à temps partiel que les anciens indépendants ou que les jeunes salariés (25 %, contre respectivement 18 % et 13 %). En lien avec cette part du temps partiel plus élevée, le sous‑emploi est également plus fréquent parmi les jeunes indépendants : il touche 11 % des jeunes indépendants contre 6 % de leurs aînés et 7 % des jeunes salariés. Le sous‑emploi des indépendants reflète généralement des périodes de manque de travail [Babet, Picart, 2020]. Parmi les jeunes indépendants, il concerne relativement peu ceux qui exercent une profession libérale (5 %) et davantage les autres (12 %). Le souhait de trouver un emploi en remplacement de l’emploi actuel est cependant beaucoup moins fort chez les jeunes indépendants (10 %) que chez les jeunes salariés (19 %).

L’enquête Emploi est la seule source permettant de mesurer le chômage et l’activité au sens du Bureau international du travail (BIT). Elle est menée en continu sur l’ensemble des semaines de l’année, en France hors Mayotte, auprès des personnes de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire (c’est‑à‑dire hors foyers, hôpitaux, prisons, etc.). De nombreuses informations sur la formation, les caractéristiques d’emploi et les caractéristiques sociodémographiques sont disponibles.

Cette étude s’intéresse à l’emploi principal des personnes selon la durée écoulée depuis la sortie de formation initiale. Les jeunes indépendants constituant une population relativement peu nombreuse, les résultats présentés sont issus d’un empilement des millésimes 2021, 2022 et 2023 de l’enquête Emploi. Les jeunes indépendants dits de 2022 correspondent à l’ensemble des personnes des millésimes 2021, 2022 et 2023 de l’enquête Emploi ayant terminé leur formation initiale depuis un à quatre ans par rapport au millésime concerné. La cohorte des jeunes indépendants de 2007 a été composée de la même façon à partir des millésimes 2006, 2007 et 2008. Les statistiques de la figure 2 sont estimées pour chaque année entre 2003 et 2023, sans stratégie d’empilement.

Babet D., Picart C., « Indépendants : une offre de travail plus contrainte depuis 2008 », in Emploi et revenus des indépendants, coll. « Insee Références », édition 2020.

Célérier S., Le Minez S., « Les indépendants, témoins des transformations du travail ? », in Emploi et revenus des indépendants, coll. « Insee Références », édition 2020.

Gollac S., « Travail indépendant et transmissions patrimoniales : le poids des inégalités au sein des fratries », in Économie et Statistique/Economics and Statistics n° 417‑418, Insee, juin 2009.

Ouvrir dans un nouvel ongletComprendre et analyser la société française. La nomenclature socio-professionnelle. Insee‑Progedo‑Cnam‑CEET‑Printemps USVQ‑Université Paris‑Saclay‑Maison des Sciences de l’Homme‑Paris‑Saclay.