Emploi, chômage, revenus du travail Édition 2021
L’Insee et la Dares présentent dans cet ouvrage un ensemble d’analyses et d’indicateurs portant sur le marché du travail.
Le dispositif d’activité partielle a amorti l’impact économique de la crise sanitaire
Catherine Renne (Insee)
En 2020, la baisse de l’activité en France a été d’une ampleur inédite du fait de l’épidémie de Covid‑19 ; le produit intérieur brut a chuté de 8,0 % et la production des seules branches marchandes non agricoles de 9,6 %. En indemnisant des salariés dont le nombre d’heures rémunérées a baissé mais qui n’ont pas perdu leur emploi, le dispositif d’activité partielle mis en œuvre en mars 2020 a grandement joué le rôle d’amortisseur. Ainsi, le volume de travail rémunéré par les entreprises du privé a chuté de 9,4 % en moyenne sur l’année, 80 % de cette baisse ayant pour contrepartie des heures d’activité partielle. En conséquence, l’emploi salarié privé n’a reculé que de 1,7 % entre fin 2019 et fin 2020.
Tous les secteurs d’activité ont été affectés par le premier confinement, bien qu’à des degrés divers. L’effet du deuxième confinement sur le nombre d’heures rémunérées par les entreprises est beaucoup plus concentré sur quelques secteurs : hébergement‑restauration, services aux ménages, etc.
Si la baisse du volume de travail rémunéré varie selon les territoires, les variations apparaissent relativement homogènes au regard de l’ampleur du choc économique et de l’hétérogénéité entre secteurs d’activité.
Insee Références
Paru le :29/06/2021
Depuis 2017, les entreprises privées transmettent chaque mois leur déclaration sociale nominative (DSN) à un ensemble d’organismes et d’administrations, l’Insee étant destinataire d’une partie de ces informations. Ces déclarations permettent de connaître la situation de chaque établissement employeur du privé au moment où la paie a été réalisée et éclairent notamment sur le volume d’heures de travail qu’elles rémunèrent chaque mois. Ce volume est une composante importante de l’activité économique, même s’il ne le mesure pas directement : d’une part, certaines absences comme les congés payés sont considérées comme du travail rémunéré et d’autre part, la rémunération des salariés ne reflète pas toujours les fluctuations de leur productivité.
Cependant, la corrélation avec la production des différentes branches en 2020 apparaît suffisamment forte (figure 1) pour analyser l’impact de la crise actuelle à l’aune de cet indicateur et ce, selon de nombreuses caractéristiques des établissements employeurs ou de leurs salariés. Le volume du travail rémunéré dans le privé a moins chuté que l’activité dans certaines branches (notamment les services immobiliers ou la cokéfaction‑raffinage) : cela traduit le fait que le facteur travail ne représente qu’une faible part de l’activité de ces branches, les deux agrégats étant habituellement peu corrélés.
tableauFigure 1 - Évolutions en 2020 des heures de travail rémunérées et de la production
Heures rémunérées | Production | ||
---|---|---|---|
C1 | Industrie agro-alimentaires | -5,0 | -2,8 |
C2 | Cokéfaction et raffinage | -3,6 | -27,7 |
C3 | Biens d'équipement | -8,0 | -11,6 |
C4 | Matériels de transport | -13,3 | -28,6 |
C5 | Autres branches industrielles | -10,1 | -9,9 |
DE | Énergie, eau, déchets | -4,4 | -5,3 |
FZ | Construction | -10,0 | -13,1 |
GZ | Commerce | -8,6 | -7,6 |
HZ | Transport | -8,4 | -19,2 |
IZ | Hébergement-restauration | -35,4 | -34,9 |
JZ | Information-communication | -3,9 | 0,5 |
KZ | Services financiers | -2,6 | -2,6 |
LZ | Services immobiliers | -8,8 | -1,0 |
MN | Services aux entreprises | -7,3 | -5,9 |
OQ | Services non marchands | -3,4 | -3,4 |
RU | Services aux ménages | -19,0 | -23,4 |
- Lecture : en 2020, la production de matériels de transport a baissé de 28,6 % ; les heures rémunérées dans le secteur ont baissé de 13,3 %.
- Champs : France pour les comptes nationaux ; France hors Mayotte pour les DSN, établissements du privé hors agriculteurs et particuliers-employeurs.
- Source : Insee, comptes nationaux ; déclarations sociales nominatives (DSN) - traitements provisoires.
graphiqueFigure 1 - Évolutions en 2020 des heures de travail rémunérées et de la production
Le recours à l’activité partielle a permis d’amortir la chute de l’activité
En moyenne annuelle, le volume de travail rémunéré par les entreprises du secteur privé a reculé de 9,4 % en 2020 par rapport à 2019, soit une chute d’ampleur comparable à celles, inédites depuis l’après‑guerre, du produit intérieur brut (PIB) en volume (– 8,0 %) ou de la production marchande des branches non agricoles (– 9,6 %).
Au plus fort de la crise sanitaire et des restrictions d’activité lors du premier confinement, la baisse des heures rémunérées a atteint 33 % en avril 2020 par rapport au même mois de 2019. Le déconfinement progressif a permis à de nombreux secteurs de reprendre, mais l’activité est restée au‑dessous de son niveau d’avant‑crise ; ainsi, en moyenne entre août et octobre 2020, le volume d’heures de travail rémunérées est demeuré inférieur de 5 % à son niveau de l’année précédente. Lors du deuxième confinement à partir de fin octobre, le recul s’est à nouveau accentué, mais a culminé à 10 % en novembre, soit une intensité nettement moindre que lors du premier confinement (figure 2).
En indemnisant des salariés dont le nombre d’heures rémunérées a baissé mais qui n’ont pas perdu leur emploi, le dispositif d’activité partielle renforcé mis en œuvre à compter de mars 2020 a grandement joué le rôle d’amortisseur. Les heures d’activité partielle contribuent ainsi pour 80 % de la baisse sur l’année du nombre d’heures rémunérées, et plus encore pendant les périodes de confinement. De ce fait, l’emploi salarié dans le secteur privé n’a que modérément baissé au cours de l’année (– 1,7 % entre fin 2019 et fin 2020) au regard de la chute de l’activité et du volume d’heures de travail rémunéré.
tableauFigure 2 - Évolution sur un an du volume de travail rémunéré et contributions à cette évolution en 2020
Heures rémunérées (en %) | Activité partielle (en points) | Arrêts maladie, autres (en points) | Heures supplémentaires (en points) | Volume de contrats de travail (en points) | |
---|---|---|---|---|---|
Janvier | 1,9 | 0,0 | -0,2 | 0,2 | 1,8 |
Février | 1,8 | 0,0 | -0,2 | 0,1 | 1,9 |
Mars | -13,3 | -10,8 | -2,3 | -0,4 | 0,2 |
Avril | -33,3 | -26,1 | -0,9 | -0,8 | -5,5 |
Mai | -22,5 | -17,3 | 1,2 | -0,6 | -5,7 |
Juin | -10,3 | -8,1 | 0,7 | -0,4 | -2,5 |
Juillet | -6,8 | -3,9 | 0,4 | -0,2 | -3,1 |
Août | -4,5 | -2,4 | 0,4 | -0,1 | -2,3 |
Septembre | -4,4 | -2,2 | -0,2 | -0,1 | -1,9 |
Octobre | -4,7 | -2,6 | -0,3 | -0,1 | -1,7 |
Novembre | -9,8 | -8,1 | 0,0 | -0,2 | -1,5 |
Décembre | -6,7 | -6,0 | 0,3 | -0,2 | -0,8 |
- Lecture : en janvier 2020, le volume d'heures rémunérées a augmenté de 1,9 % sur un an. Le nombre de contrats de travail a contribué pour 1,8 point à cette hausse.
- Champ : France hors Mayotte, établissements du privé hors agriculteurs et particuliers-employeurs.
- Source : Insee, déclarations sociales nominatives (DSN) - traitements provisoires.
graphiqueFigure 2 - Évolution sur un an du volume de travail rémunéré et contributions à cette évolution en 2020
Les deux confinements de 2020 ont eu un impact différent selon les secteurs d’activité
Les secteurs dont l’activité a été considérée comme non essentielle ou est très liée au tourisme ont été ceux dont le volume de travail rémunéré a le plus plongé en avril 2020, bien au‑delà de la baisse moyenne dans le secteur privé de 33 % par rapport au mois d’avril 2019. Il s’agit notamment de la restauration et de l’hébergement, des services personnels (coiffeurs, pressings, etc.), du commerce et de la réparation d’automobiles, des activités artistiques et de spectacles, ou sportives, récréatives et de loisirs, du transport aérien, des agences de voyage ainsi que du cinéma et de l’édition musicale. Ces secteurs, qui ne représentaient que 11 % des heures de travail rémunérées en 2019, ont contribué pour un quart à la baisse d’ensemble.
Lors du deuxième confinement, la chute est restée bien plus forte pour ces secteurs qu’en moyenne et ils ont contribué pour la moitié de la baisse de 10 % en novembre 2020 (par rapport à novembre 2019), illustration d’un effet bien plus concentré de ce deuxième confinement.
Aussi, alors que presque aucun secteur n’a été épargné lors du premier confinement (la chute des heures a dépassé 8 % sur un an pour 90 % des secteurs d’activité), l’ampleur a été plus limitée pour la plupart des secteurs lors du deuxième confinement (le recul n’a pas excédé 5 % pour la moitié des secteurs), notamment dans l’industrie. Au cours des deux confinements, les secteurs où le télétravail était possible, comme les services aux entreprises, les activités financières ou les services informatiques ont été les plus épargnés.
Le choc a touché l’ensemble des départements
À l’image de l’épidémie, la crise a massivement touché tous les départements français lors des deux confinements et sans qu’aucun ne retrouve les niveaux d’avant la crise dans la période entre les deux confinements. Si la baisse varie selon les territoires, les variations apparaissent relativement homogènes au regard de l’ampleur du choc économique d’une part, et de l’hétérogénéité sectorielle d’autre part : la distribution des chutes par département est ainsi plus de 4 fois moins dispersée (au sens de l’écart‑type) que celle des baisses par secteur d’activité. En moyenne sur l’année, pour 94 départements (sur les 100 de la France hors Mayotte), la chute des heures rémunérées est comprise entre – 6,8 % et – 13,0 %. Le département des Deux‑Sèvres, le moins touché, se situe juste au‑dessus de cette fourchette (– 6,4 %) alors qu’à l’opposé, les départements corses, les Alpes‑Maritimes, Paris et les Hautes‑Pyrénées subissent un recul un peu plus accentué que le bas de cette fourchette, jusqu’à – 17,8 % en Haute‑Corse.
Les différences territoriales dépendent surtout de la composition sectorielle du tissu productif, notamment du poids du tourisme. Deux configurations se distinguent parmi les départements avec forte orientation touristique : d’une part, ceux qui ont profité d’une clientèle résidant en France pour limiter le recul annuel dans la période entre les deux confinements ; d’autre part, ceux qui accueillent habituellement une clientèle touristique étrangère importante qui n’est pas revenue à l’été, notamment Paris et les départements de la Côte d’Azur (figure 3).
tableauFigure 3 – Évolution du volume d'heures rémunérées selon le département en 2020
Évolution en moyenne annuelle | |
---|---|
Ain | -9,2 |
Aisne | -8,3 |
Allier | -10,9 |
Alpes-de-Haute-Provence | -10,5 |
Hautes-Alpes | -11,6 |
Alpes-Maritimes | -14,4 |
Ardèche | -8,8 |
Ardennes | -10,4 |
Ariège | -9,6 |
Aube | -8,7 |
Aude | -10,6 |
Aveyron | -9,0 |
Bouches-du-Rhône | -9,5 |
Calvados | -8,9 |
Cantal | -8,0 |
Charente | -7,7 |
Charente-Maritime | -9,2 |
Cher | -9,0 |
Corrèze | -8,2 |
Côte-d'Or | -8,5 |
Côtes-d'Armor | -6,8 |
Creuse | -8,6 |
Dordogne | -9,3 |
Doubs | -11,9 |
Drôme | -8,7 |
Eure | -7,1 |
Eure-et-Loir | -7,2 |
Finistère | -7,4 |
Corse-du-Sud | -17,8 |
Haute-Corse | -16,0 |
Gard | -8,8 |
Haute-Garonne | -9,9 |
Gers | -8,7 |
Gironde | -7,6 |
Hérault | -9,3 |
Ille-et-Vilaine | -7,0 |
Indre | -10,9 |
Indre-et-Loire | -9,4 |
Isère | -7,9 |
Jura | -9,6 |
Landes | -8,8 |
Loir-et-Cher | -8,4 |
Loire | -9,5 |
Haute-Loire | -8,0 |
Loire-Atlantique | -7,6 |
Loiret | -7,7 |
Lot | -9,7 |
Lot-et-Garonne | -7,9 |
Lozère | -6,9 |
Maine-et-Loire | -7,0 |
Manche | -7,3 |
Marne | -8,7 |
Haute-Marne | -10,1 |
Mayenne | -8,0 |
Meurthe-et-Moselle | -8,4 |
Meuse | -7,2 |
Morbihan | -8,0 |
Moselle | -10,7 |
Nièvre | -9,8 |
Nord | -8,0 |
Oise | -9,5 |
Orne | -8,4 |
Pas-de-Calais | -7,7 |
Puy-de-Dôme | -8,9 |
Pyrénées-Atlantiques | -9,9 |
Hautes-Pyrénées | -13,6 |
Pyrénées-Orientales | -9,8 |
Bas-Rhin | -9,7 |
Haut-Rhin | -12,4 |
Rhône – métropole de Lyon | -8,2 |
Haute-Saône | -8,1 |
Saône-et-Loire | -9,0 |
Sarthe | -8,6 |
Savoie | -12,1 |
Haute-Savoie | -11,6 |
Paris | -13,6 |
Seine-Maritime | -8,9 |
Seine-et-Marne | -13,0 |
Yvelines | -9,6 |
Deux-Sèvres | -6,4 |
Somme | -8,7 |
Tarn | -7,8 |
Tarn-et-Garonne | -6,9 |
Var | -12,2 |
Vaucluse | -9,8 |
Vendée | -7,5 |
Vienne | -9,8 |
Haute-Vienne | -8,4 |
Vosges | -9,0 |
Yonne | -9,5 |
Territoire-de-Belfort | -11,4 |
Essonne | -7,9 |
Hauts-de-Seine | -6,9 |
Seine-Saint-Denis | -11,1 |
Val-de-Marne | -10,9 |
Val-d'Oise | -10,4 |
Guadeloupe | -11,2 |
Martinique | -10,9 |
Guyane | -7,4 |
La Réunion | -7,0 |
- Lecture : en 2020, le volume d'heures rémunérées a baissé de 7,4 % dans le Finistère.
- Champ : France hors Mayotte, établissements du privé hors agriculteurs et particuliers-employeurs.
- Source : Insee, déclarations sociales nominatives (DSN) - traitements provisoires.