Les entreprises en France Édition 2023
Cet ouvrage offre une vue structurelle complète de notre système productif.
L’année 2021 est analysée dans une vue d’ensemble qui rend compte de la diversité des situations des entreprises, en se fondant sur la définition de l’entreprise au sens économique. Cette synthèse revient aussi sur la reprise d’activité à la suite de la crise sanitaire et sur l‘évolution de l’appareil productif sur moyenne période depuis 2014. L’ouvrage comprend deux dossiers. Le premier étudie l’impact de la hausse des prix de l’énergie en 2022 sur l’activité des entreprises et leur consommation d’énergie. Le second analyse, de manière structurelle, l’effet du diplôme sur la productivité des entreprises.
L’ouvrage rassemble enfin vingt-quatre fiches thématiques, onze fiches sectorielles et quatre fiches européennes présentant les chiffres de référence sur les entreprises.
Impact de la hausse des prix de l’énergie en 2022 sur l’activité des entreprises et leur consommation d’énergie
Virginie Andrieux (SDES), Nicolas Bignon (Insee), Charles‑Marie Chevalier (Insee), Étienne Jezioro (SDES), Christophe Meilhac (SDES), Christian Rieg (Insee), Renaud Vigne (DSECE), Tony Vuillemin (Insee)
En 2022, les prix de l’énergie payés par les entreprises s’envolent, après avoir déjà augmenté fin 2021. Le prix de l’électricité, qui, depuis 2010, progressait en moyenne d’environ 3 % par an, a augmenté de 38 % pour les entreprises entre 2019 et 2022. Sur la même période (2019‑2022), le prix du gaz a doublé, alors qu’il était sur une tendance baissière depuis 2013.
En outre, ces hausses de prix sont nettement plus rapides pour les entreprises qui consomment le plus d’énergie. Alors que ce n’était pas le cas auparavant, les entreprises consommant beaucoup de gaz le paient désormais plus cher à l'unité que les entreprises peu consommatrices. Le prix de l’électricité reste en revanche plus élevé pour les petits consommateurs, mais l’écart entre petits et grands consommateurs se réduit fortement. La hausse de prix subie par chaque établissement dépend du type de contrat souscrit, de sa durée et de sa date d’échéance. Les augmentations des prix affectent davantage les établissements dont le contrat de gaz et/ou d’électricité est indexé sur le prix de marché. Dans le secteur de l’industrie, les établissements très consommateurs d’énergie optent majoritairement pour ce type de contrat ; ils ont donc subi des hausses de prix plus élevées que les petits consommateurs qui souscrivent davantage de contrats à prix fixes. Le pouvoir de négociation des plus gros consommateurs d’énergie a probablement diminué avec une offre modifiée par le contexte géopolitique. Les établissements avec un contrat à prix fixe qui s’est terminé au cours de l’année 2022 ont également subi des hausses de prix très élevées.
En 2022, la facture énergétique des établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie est en hausse de 54 %, alors que leur consommation d’énergie diminue de 5 %. Elles subissent une deuxième année consécutive de forte hausse de leur facture énergétique (après +40 % en 2021).
Les industries les plus énergivores sont celles qui ont le plus réduit leur consommation d’énergie en 2022. Les unités fabriquant des produits chimiques de base, de la pâte à papier et travaillant dans la sidérurgie, connaissent une forte baisse de production au second semestre 2022.
La hausse des prix de l’énergie affecte les industriels directement, mais aussi indirectement, en raison de la hausse des prix de leurs consommations intermédiaires. Face à la hausse des prix de l’énergie, les établissements industriels ont également adapté leurs prix et leur taux de marge : un établissement sur deux déclare avoir augmenté ses prix en 2022, et 45 % avoir comprimé leur marge. 36 % de ces établissements industriels ont adapté leurs méthodes de production ou de travail, et 29 % ont investi pour réduire et optimiser leur consommation à moyen terme. Ces adaptations s’inscrivent dans une tendance amorcée avant la crise énergétique pour répondre également à des préoccupations environnementales.
Insee Références
Paru le :06/12/2023
- En 2021 et 2022, les tensions d’approvisionnement tirent les prix de l’électricité et du gaz vers le haut
- Le prix moyen du gaz double pour les entreprises entre 2019 et 2022
- Le prix de l’électricité payé par les entreprises augmente en moyenne de 38 % entre 2019 et 2022
- Dans l’industrie, des contrats de gaz et d’électricité majoritairement à prix fixe pour les plus faibles consommateurs
- De très fortes hausses de tarifs lors des renouvellements de contrats à prix fixe en 2022
- Une facture énergétique de l’industrie au plus haut en 2022 malgré une baisse de 5 % de la consommation énergétique
- Une hausse des prix de toutes les énergies dans l’industrie, et particulièrement du gaz
- En 2022, la consommation énergétique de gaz dans l’industrie baisse de 9 %
- Une baisse beaucoup plus marquée de la consommation pour les établissements les plus consommateurs
- Forte baisse de la production de certaines branches industrielles énergivores au second semestre 2022
- Face à la hausse des prix de l’énergie, les entreprises réagissent en augmentant leurs prix de vente
- Les entreprises prévoient aussi d’investir ou d’adapter leurs méthodes de production pour supporter ces coûts à plus long terme
- Encadré 1 – Le bouclier tarifaire mis en œuvre en 2022
- Encadré 2 – Le nucléaire reste la source majeure d’électricité, mais connaît des difficultés en 2022Les filières nucléaires et hydrauliques connaissent des difficultés en 2022Le recours aux centrales thermiques s’accroît en 2022Ces évolutions renforcent les difficultés sur les marchés de gros de l’électricité
- Encadré 3 – Une forte dépendance énergétique de la France, mais un risque de rupture d’approvisionnement limité
- Encadré 4 – La hausse des prix de l’énergie dans les entreprises de services
En 2021 et 2022, les tensions d’approvisionnement tirent les prix de l’électricité et du gaz vers le haut
Après une décennie d’évolutions modérées (hausse du prix de l’électricité et baisse du prix du gaz), les prix de l’énergie pour les entreprises varient fortement entre 2019 et 2022. Alors qu’en 2020, les prix ont baissé dans un contexte de crise sanitaire, la reprise économique, puis la guerre en Ukraine, entraînent une forte augmentation des prix en 2021 et 2022, même si elle a été partiellement contenue pour les usagers par les mesures de protection mises en place par le gouvernement, comme le bouclier tarifaire (encadré 1).
La forte demande puis les tensions d’approvisionnement sur le gaz à partir de la fin 2021 conduisent à une hausse des prix de gros du gaz qui se répercute sur les prix de gros de l’électricité. Des difficultés conjoncturelles sur la maintenance des centrales nucléaires en France contribuent également à la hausse des prix de l’électricité en 2022 (encadré 2). L’activité économique en France, tout comme en Europe, reste fortement dépendante des importations d’énergie, même si le risque de rupture d’approvisionnement est limité (encadré 3).
En France, la grande majorité des entreprises est affectée par la hausse des prix de l’énergie, mais elles ne le sont pas toutes dans les mêmes proportions. Jusqu’en 2020, les prix (hors TVA) du gaz et de l’électricité non résidentiel, c’est‑à‑dire celui payé par les entreprises (hors TVA), étaient fortement dégressifs selon le niveau de consommation : les entreprises les plus consommatrices, qui ont davantage de pouvoir de négociation vis‑à‑vis des fournisseurs, ont bénéficié de prix plus bas. Mais ces entreprises sont plus sensibles aux prix du marché de gros et ont donc subi, à partir de fin 2021, de fortes hausses de prix. Au contraire, les entreprises les moins consommatrices peuvent avoir des contrats sur des temps plus longs, et être moins sensibles à des hausses conjoncturelles, ou subir avec retard cette hausse.
Le prix moyen du gaz double pour les entreprises entre 2019 et 2022
Entre 2019 et 2022, le prix moyen du gaz acheté par les entreprises double (figure 1a). Il quadruple pour les entreprises les plus consommatrices, celles consommant plus de 278 gigawatt‑heures (GWh) par an, qui payent désormais un prix supérieur à celles consommant moins de 2,8 GWh (74,8 contre 71,8 euros par mégawatt‑heure (MWh)). En 2019, elles payaient 17,6 euros par MWh, soit un prix trois fois inférieur à celui payé par les entreprises les moins consommatrices. Le prix pour ces dernières a pour sa part augmenté de 37 % entre 2019 et 2022.
La composante « fourniture », constituée des coûts d’approvisionnement, de commercialisation et de stockage, augmente fortement, passant en moyenne de 22,3 à 56,7 euros par MWh entre 2019 et 2022, en raison de l’envolée des prix du marché de gros. La fiscalité n’évolue en revanche qu’à la marge sur la période : elle reste plus favorable aux gros consommateurs avec un taux d’imposition dégressif en fonction du niveau de consommation. Entre 2019 et 2022, le montant des taxes passe de 5,1 à 5,7 euros par MWh en moyenne, soit une hausse de 12 %. La composante « réseau », constituée des coûts d’utilisation du réseau de transport et de distribution, est stable entre 2019 et 2022, à 7,2 euros par MWh.
Le prix de l’électricité payé par les entreprises augmente en moyenne de 38 % entre 2019 et 2022
Entre 2010 et 2019, le prix du MWh de l’électricité acheté par les entreprises a augmenté en moyenne chaque année de 3 %. Entre 2019 et 2022, il progresse de 38 % (figure 1b). Comme pour le gaz, les évolutions sont plus fortes pour les entreprises les plus consommatrices. En 2019, les entreprises consommant moins de 0,5 GWh par an ont payé leur électricité 136,6 euros par MWh, soit 2,8 fois plus cher que les entreprises qui consomment le plus. En 2022, le prix payé par les plus consommatrices (90,2 euros par MWh) reste nettement plus faible que celui payé par les moins consommatrices (161,8 euros par MWh), mais le rapport n'est plus que de 1,8.
tableauFigure 1a – Évolution du prix hors TVA du gaz naturel pour les entreprises entre 2019 et 2022 selon leur niveau de consommation
Tranche | Année | Fourniture | Réseau | Taxes | Prix hors TVA |
---|---|---|---|---|---|
Moins de 2,8 GWh | 2019 | 29,7 | 13,8 | 9,2 | 52,6 |
2022 | 50,8 | 12,4 | 8,6 | 71,8 | |
Entre 2,8 et 27,8 GWh | 2019 | 22,4 | 7,9 | 6,7 | 37,0 |
2022 | 52,9 | 6,2 | 7,0 | 66,2 | |
Entre 27,8 et 277,8 GWh | 2019 | 19,8 | 3,5 | 2,4 | 25,6 |
2022 | 60,8 | 2,8 | 2,5 | 66,1 | |
Plus de 278 GWh | 2019 | 15,8 | 1,2 | 0,5 | 17,6 |
2022 | 72,4 | 1,6 | 0,9 | 74,8 | |
Ensemble | 2019 | 22,3 | 7,2 | 5,1 | 34,6 |
2022 | 56,7 | 7,2 | 5,7 | 69,6 |
- Lecture : En 2022, le prix du gaz naturel payé par les entreprises s’élève à 69,6 euros par MWh. Il se décompose en 56,7 euros par MWh pour la fourniture, 7,2 euros par MWh pour le réseau et 5,7 euros par MWh pour les taxes.
- Champ : France, ensemble des entreprises.
- Source : SDES, enquêtes transparence des prix du gaz et de l’électricité de 2019 et 2022.
graphiqueFigure 1a – Évolution du prix hors TVA du gaz naturel pour les entreprises entre 2019 et 2022 selon leur niveau de consommation
La composante « fourniture » du prix de l’électricité bondit de 88 % à la suite de la hausse des prix de marché. Cette composante correspond à la somme des coûts d’approvisionnement en électricité et en garanties de capacité, des coûts de commercialisation (incluant les certificats d’économie d’énergie) et de la rémunération du fournisseur (marge). L’allègement de la fiscalité permet d’absorber une partie de la hausse des prix : les taxes passent ainsi de 17,5 à 6,2 euros par MWh. Enfin, la composante « réseau », correspondant au tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (Turpe), augmente légèrement, en lien avec les développements du réseau. Elle passe de 24,9 euros par MWh en 2019, à 27,0 euros par MWh en 2022.
Dans l’industrie, des contrats de gaz et d’électricité majoritairement à prix fixe pour les plus faibles consommateurs
La hausse de prix subie par chaque établissement dépend du type de contrat d’énergie souscrit, de sa durée et de sa date d’échéance ; elle peut donc varier fortement d’un établissement à l’autre. Les clients ne relevant pas du tarif réglementé négocient habituellement les conditions de leur contrat avec leur fournisseur d’électricité pour une année civile entière, parfois pour deux ou trois années. Les contrats peuvent prévoir des prix fixes, une modulation saisonnière et/ou des clauses d’indexation sur le marché au comptant. Ainsi, l’évolution des montants des factures dépend surtout des évolutions des marchés à terme de l’année précédente pour les prix fixes et des évolutions du marché au comptant du moment pour les parties variables indexées sur celui‑ci.
Dans toute la suite de cette analyse, les résultats portent sur le secteur de l’industrie, fortement énergivore, où les effets de la hausse des prix de l’énergie sont particulièrement marqués. Ils ont également été significatifs dans un certain nombre de secteurs des services ou du commerce, dépendant de systèmes de chauffe ou de refroidissement (encadré 4).
En 2022, 56 % des établissements industriels disposent d’un contrat d’électricité à prix fixe sur une durée contractuelle (figure 2). Pour ces établissements, le prix payé par MWh reste le même durant la durée du contrat, mais dans une conjoncture défavorable, la hausse de prix peut être particulièrement forte lors du renouvellement de contrat. Ainsi, un établissement ayant signé un contrat à prix fixe pluriannuel début 2021, (avant l’envolée des cours de l’énergie) sur trois ans bénéficie a priori en 2022 d’un prix de l’énergie beaucoup plus faible qu’un établissement dont le contrat a expiré fin 2021.
tableauFigure 2 – Type de contrat d’électricité des établissements industriels en 2022, selon leur consommation
Type de contrats | Inférieur à 2 000 MWh | Entre 2 000 et 5 000 MWh | Entre 5 000 et 20 000 MWh | Supérieur à 20 000 MWh | Ensemble |
---|---|---|---|---|---|
Prix fixe sur une durée contractuelle | 55 | 54 | 47 | 25 | 53 |
Prix indexé sur le prix de gros | 8 | 15 | 22 | 37 | 11 |
Tarif réglementé | 17 | 10 | 10 | 7 | 15 |
Prix indexé sur le tarif réglementé | 6 | 6 | 3 | 4 | 6 |
Autres1 | 14 | 15 | 18 | 26 | 15 |
- 1. Contrats indexés sur le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), contrats mixtes (une partie des prix est indexé sur le prix de marché), etc.
- Lecture : En 2022, 55 % des établissements industriels consommant moins de 2 000 MWh d’électricité par an possèdent un contrat d’électricité dont le prix du MWh est fixe pendant la durée du contrat, contre 25 % pour les établissements industriels consommant plus de 20 000 MWh d’électricité par an.
- Champ : France, établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie, y compris récupération, hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
- Source : Insee, enquête annuelle sur les consommations d'énergie dans l’industrie en 2022.
graphiqueFigure 2 – Type de contrat d’électricité des établissements industriels en 2022, selon leur consommation
Par ailleurs, 21 % des établissements industriels ont en 2022 un contrat au tarif réglementé ou indexé sur ce tarif, et 11 % bénéficient d’un contrat au tarif indexé sur le prix du marché de gros. Enfin, 15 % ont un autre type de contrat : parmi eux, on distingue des contrats dont le prix est indexé sur le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), des contrats mixtes (une partie des prix est indexée sur le prix de marché) et des contrats dont le prix du MWh varie en fonction de la consommation.
Les établissements qui consomment moins (moins de 2 000 MWh) ont plus fréquemment un contrat à prix fixe sur une durée contractuelle ou un contrat lié au tarif réglementé que ceux qui consomment plus (supérieur à 20 000 MWh). À l’inverse, ces derniers détiennent plus souvent des contrats indexés sur le prix de marché : 37 %, contre 8 % pour les petits consommateurs.
Le constat est similaire pour les contrats de gaz. En 2022, parmi les établissements consommateurs de gaz, 74 % ont un contrat à prix fixe sur la durée contractuelle, et 18 % ont un contrat dont les prix sont indexés sur les prix du marché de gros (figure 3). Enfin, 8 % bénéficient d’autres types de contrat, majoritairement des contrats mixtes avec une partie du prix du gaz fixe et une partie indexée sur le prix du marché de gros. Comme pour l’électricité, les établissements les plus consommateurs de gaz ont plus fréquemment des contrats à prix indexé sur le prix du marché de gros : 51 % des gros consommateurs de gaz, contre 13 % des petits consommateurs.
tableauFigure 3 – Type de contrat de gaz des établissements industriels en 2022, selon leur consommation
Type de contrats de gaz | Inférieur à 2 000 MWh | Entre 2 000 et 5 000 MWh | Entre 5 000 et 20 000 MWh | Supérieur à 20 000 MWh | Ensemble |
---|---|---|---|---|---|
Prix fixe sur une durée contractuelle | 81 | 73 | 59 | 29 | 74 |
Prix indexé sur le prix de gros | 13 | 18 | 30 | 51 | 18 |
Autres1 | 6 | 9 | 11 | 20 | 8 |
- 1. Autres types de contrats. Par exemple : contrats mixtes (une partie du prix est indexé sur le prix de marché).
- Lecture : En 2022, 81 % des établissements industriels consommant moins de 2 000 MWh de gaz possèdent un contrat de gaz dont le prix du MWh est fixe pendant la durée du contrat, contre 29 % pour les établissements industriels consommant plus de 20 000 MWh de gaz en 2022.
- Champ : France, établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie, y compris récupération, hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
- Source : Insee, enquête annuelle sur les consommations d'énergie dans l’industrie en 2022.
graphiqueFigure 3 – Type de contrat de gaz des établissements industriels en 2022, selon leur consommation
De très fortes hausses de tarifs lors des renouvellements de contrats à prix fixe en 2022
En 2022, 29 % des établissements ont renouvelé leur contrat d’électricité ou de gaz arrivé à échéance. Les établissements industriels ayant un contrat à prix fixe mais ayant dû renouveler leur contrat connaissent une augmentation de prix très élevée. Ainsi, 49 % des établissements ayant renouvelé un contrat d’électricité à prix fixe ont subi une hausse de prix de 150 % ou plus, contre 28 % seulement des établissements renouvelant un contrat indexé sur le prix de gros (figure 4). À l’inverse, les établissements renouvelant un contrat d’électricité fondé sur le tarif réglementé ou au prix indexé sur le tarif réglementé subissent une hausse de prix plus faible : pour un établissement sur cinq, il n’y a pas de hausse de prix.
tableauFigure 4 – Augmentation du prix du MWh lors du renouvellement de contrat d’électricité et de gaz en 2022, selon le précédent type de contrat
Augmentation du prix du MWh | Type de contrat d’électricité | Type de contrat de gaz | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Prix fixe sur une durée contractuelle | Prix indexé sur le prix de gros | Tarif réglementé | Prix indexé sur le tarif réglementé | Autres1 | Prix fixe sur une durée contractuelle | Prix indexé sur le prix de gros | Autres1 | |
Pas d’augmentation | 9 | 16 | 20 | 16 | 13 | 16 | 23 | 38 |
Moins de 20 % | 10 | 10 | 12 | 14 | 11 | 14 | 13 | 4 |
De 20 à moins de 50 % | 16 | 20 | 20 | 19 | 21 | 9 | 13 | 7 |
De 50 à moins de 100 % | 9 | 17 | 10 | 20 | 13 | 10 | 9 | 5 |
De 100 à moins de 150 % | 7 | 9 | 4 | 2 | 10 | 10 | 15 | 9 |
150 % ou plus | 49 | 28 | 34 | 30 | 33 | 42 | 28 | 37 |
- 1. Contrats indexés sur le mécanisme de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), contrats mixtes (une partie des prix est indexé sur le prix de marché), etc.
- Lecture : En 2022, parmi les établissements ayant renouvelé leur contrat, 49 % des établissements industriels qui possédaient un contrat d’électricité dont le prix du MWh est fixe pendant la durée du contrat subissent une augmentation de plus de 150 % du prix du MWh d’électricité lors du renouvellement.
- Champ : France, établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie ayant renouvelé leur contrat d’électricité ou de gaz, y compris récupération, hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
- Source : Insee, enquête annuelle sur les consommations d'énergie dans l’industrie en 2022.
Comme pour l’électricité, les établissements qui bénéficiaient, en début d’année 2022, d’un contrat de gaz à prix fixe sur la durée contractuelle ont davantage subi la hausse du prix du MWh lorsqu’ils avaient à renouveler leur contrat en 2022. 42 % d’entre eux ont subi une hausse de plus de 150 % du MWh de gaz, contre 28 % pour les établissements dont le prix du gaz était indexé sur le prix de marché.
L’ampleur de la hausse des prix de l’électricité et du gaz varie même en fonction de la période à laquelle l’établissement a renouvelé son contrat d’électricité et/ou de gaz. Ceux qui renouvellent leur contrat dans la première moitié de l’année 2022 subissent des hausses bien moins élevées que ceux ayant renouvelé leur contrat en fin d’année, lorsque les prix de marché atteignaient leur sommet.
Une facture énergétique de l’industrie au plus haut en 2022 malgré une baisse de 5 % de la consommation énergétique
En 2022, l’électricité et le gaz sont les deux énergies les plus consommées dans l’industrie, respectivement 37 % et 34 %. La hausse de leurs prix, mais aussi celle des autres types d’énergie se traduit par une explosion de la facture énergétique.
Dans le secteur de l’industrie, la facture énergétique des établissements de 20 salariés ou plus augmente fortement pour la deuxième année consécutive : +54 % en 2022, après une hausse déjà forte de 40 % en 2021. En deux ans, cette facture fait plus que doubler (+116 %) (figure 5). Elle atteint 22 milliards d’euros, soit un niveau très supérieur à celui enregistré en 2012 (14 milliards d’euros), année pour laquelle la facture a été la plus élevée sur la période 2005‑2020.
tableauFigure 5 – Consommation d’énergie et facture énergétique (hors matières premières) des établissements de l’industrie entre 2005 et 2022
Année | Consommation brute d'énergie (hors matières premières) | Consommation brute d'énergie | Facture énergétique (hors matières premières) | Facture énergétique |
---|---|---|---|---|
(en millions de tep)1 | (en millions de tep) | (en milliards d’euros courants)2 | (en milliards d’euros courants) | |
2005 | 34,4 | 44,0 | 11,1 | 12,8 |
2006 | 33,6 | 42,9 | 12,4 | 14,3 |
2007 | 33,2 | 42,5 | 12,5 | 14,4 |
2008 | 33,3 | 42,6 | 14,1 | 16,3 |
2009 | 28,5 | 36,5 | 11,5 | 13,3 |
2010 | 29,4 | 37,6 | 12,6 | 14,5 |
2011 | 28,5 | 36,4 | 13,5 | 15,6 |
2012 | 28,2 | 36,0 | 14,0 | 16,1 |
2013 | 27,8 | 35,6 | 13,8 | 15,9 |
2014 | 27,7 | 35,4 | 13,2 | 15,2 |
2015 | 28,0 | 35,8 | 12,4 | 14,3 |
2016 | 28,5 | 36,5 | 11,4 | 13,1 |
2017 | 27,7 | 35,5 | 11,0 | 13,3 |
2018 | 28,0 | 35,7 | 12,0 | 14,5 |
2019 | 27,9 | 35,3 | 11,7 | 13,8 |
2020 | 25,1 | 32,2 | 10,2 | 11,7 |
2021 | 26,8 | 34,3 | 14,3 | 17,0 |
2022 | 25,4 | 32,0 | 22,0 | 26,0 |
- 1. Tep : tonne d'équivalent pétrole ; unité d’énergie utilisée pour les comparaisons entre différentes sources d’énergie.
- 2. La facture et la consommation énergétiques comprennent l'électricité, la vapeur, le gaz, les combustibles minéraux solides et les produits pétroliers, ainsi que le bois depuis 2012 et l’hydrogène depuis 2019.
- Note : Les consommations brutes et nettes ne prennent pas en compte la quantité de vapeur autoproduite.
- Lecture : En 2022, la consommation brute d’énergie des établissements de l’industrie, hors matières premières, est de 25,4 millions de tep.
- Champ : France, établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie, y compris récupération, hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
- Sources : Insee, SSP, enquêtes annuelles sur les consommations d'énergie dans l'industrie de 2005 à 2022.
graphiqueFigure 5 – Consommation d’énergie et facture énergétique (hors matières premières) des établissements de l’industrie entre 2005 et 2022
La forte hausse de la facture énergétique dans l’industrie entre 2021 et 2022 s’explique uniquement par la hausse des prix de l’énergie, alors que la consommation d’énergie du secteur diminue (-5 %, après +7 % en 2021), et que sa production est stable (+1 %).
Une hausse des prix de toutes les énergies dans l’industrie, et particulièrement du gaz
En moyenne, tous types d’énergie confondus, acquérir une tonne équivalent pétrole coûte 64 % plus cher aux établissements industriels en 2022 qu’en 2021 et 124 % plus cher qu’en 2020 (figure 6).
tableauFigure 6 – Évolution des prix unitaires des énergies entre 2005 et 2022
Année | Électricité | Gaz | Vapeur | Produits pétroliers |
Combustibles minéraux solides |
Ensemble |
---|---|---|---|---|---|---|
2005 | 79,1 | 76,2 | 77,3 | 65,9 | 70,0 | 75,9 |
2006 | 88,9 | 95,2 | 94,0 | 77,0 | 66,3 | 86,5 |
2007 | 88,0 | 99,0 | 93,6 | 82,6 | 65,2 | 87,5 |
2008 | 93,0 | 118,1 | 121,0 | 104,0 | 74,7 | 98,6 |
2009 | 98,3 | 105,1 | 100,4 | 78,6 | 71,8 | 94,6 |
2010 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 | 100,0 |
2011 | 106,6 | 106,0 | 113,7 | 123,8 | 127,2 | 110,4 |
2012 | 108,9 | 114,7 | 124,5 | 137,4 | 115,2 | 115,2 |
2013 | 113,6 | 120,4 | 122,3 | 124,0 | 88,0 | 114,1 |
2014 | 115,5 | 111,3 | 115,9 | 115,2 | 79,4 | 109,4 |
2015 | 114,3 | 105,6 | 104,3 | 83,1 | 76,2 | 101,8 |
2016 | 105,2 | 90,8 | 92,7 | 74,9 | 74,3 | 90,9 |
2017 | 101,2 | 88,1 | 94,8 | 91,6 | 109,1 | 94,9 |
2018 | 105,4 | 96,8 | 106,4 | 109,7 | 106,9 | 103,2 |
2019 | 109,9 | 90,7 | 94,4 | 93,7 | 106,3 | 98,8 |
2020 | 111,8 | 77,7 | 84,5 | 76,9 | 95,9 | 91,7 |
2021 | 135,2 | 128,6 | 144,2 | 115,2 | 115,2 | 125,0 |
2022 | 193,3 | 262,3 | 255,2 | 174,0 | 203,9 | 205,1 |
- Lecture : Entre 2010 et 2022, le prix de l’électricité augmente de 93,3 %.
- Champ : France, établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie, y compris récupération hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
- Source : Insee, SSP, enquêtes annuelles sur les consommations d'énergie dans l'industrie de 2005 à 2022.
graphiqueFigure 6 – Évolution des prix unitaires des énergies entre 2005 et 2022
Les prix de toutes les énergies augmentent en 2022 pour les établissements industriels. Le prix du gaz double en 2022 (+104 %) après avoir augmenté de 66 % en 2021. Le prix des combustibles minéraux solides (charbon et coke) augmente également fortement (+77 %). Pour la deuxième année consécutive, le prix des produits pétroliers (butane‑propane, fioul lourd, fioul domestique, coke de pétrole) augmente de 50 %. Historiquement, l’électricité est le type d’énergie dont le prix connaît le moins de variations (entre -8 % et +7 % entre 2007 et 2020). Cela reste le cas en 2022, mais la hausse de prix atteint toutefois 43 %.
En 2022, la consommation énergétique de gaz dans l’industrie baisse de 9 %
La hausse nettement plus marquée du prix du gaz se traduit par une baisse plus forte en 2022 de la consommation de gaz (-9 %) que celle d’électricité (-3 %) (figure 7). De plus, certains établissements substituent en partie le gaz par du fioul, dont le prix augmente moins (+38 %). La hausse de la consommation de produits pétroliers (+4 %) s’explique ainsi par une consommation en forte hausse du fioul (+26 %). Par ailleurs, pour certains établissements, le renchérissement de l’énergie les contraint en 2022 à la fermeture pour quelques semaines, voire quelques mois.
tableauFigure 7 – Évolution de la consommation et du prix unitaire par énergie en 2022
Énergie | Évolution consommation (hors matières premières) |
Évolution prix unitaire |
---|---|---|
Électricité | -3 | 43 |
Gaz | -9 | 104 |
Vapeur | -5 | 76 |
Combustibles minéraux solides | -25 | 77 |
Produits pétroliers principaux | 4 | 51 |
Ensemble | -5 | 64 |
- Lecture : En 2022, la consommation d’électricité baisse de 3 % et le prix de l’électricité augmente de 43 %.
- Champ : France, établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie, y compris récupération, hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
- Source : Insee, SSP, enquêtes annuelles sur les consommations d'énergie dans l'industrie de 2021 et 2022.
Une baisse beaucoup plus marquée de la consommation pour les établissements les plus consommateurs
Davantage affectés par la hausse des prix, les établissements industriels les plus consommateurs réduisent le plus leur consommation globale d’énergie en 2022. Ainsi, leur consommation d’énergie baisse de 7 % en 2022, tandis que celle des plus petits consommateurs diminue moins (-1 %) (figure 8).
tableauFigure 8 – Évolution de la consommation d’énergie en 2022, selon la quantité consommée
Borne de consommation énergétique | Évolution de la consommation d’énergie hors matières premières 2021/2022 |
---|---|
Moins de 100 tep1 | -1,3 |
Entre 100 et 1 000 tep | -3,1 |
Entre 1 000 et 10 000 tep | -4,3 |
Supérieur à 10 000 tep | -6,8 |
- 1. Tep : tonne équivalent pétrole ; unité d’énergie utilisée pour les comparaisons entre différentes sources d’énergie.
- Lecture : En 2022, les établissements consommant moins de 100 tonnes équivalent pétrole ont diminué leur consommation de 1,3 %.
- Champ : France, établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie, y compris récupération, hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
- Source : Insee, enquête annuelle sur les consommations d'énergie dans l’industrie en 2022.
graphiqueFigure 8 – Évolution de la consommation d’énergie en 2022, selon la quantité consommée
Les secteurs les plus énergivores sont les plus touchés, ce qui conduit à une diminution de la production. Cependant, la baisse de la production au niveau agrégé est bien moindre que la baisse de la consommation d’énergie. Ainsi, pour la métallurgie, la baisse de la consommation de 8 % s’accompagne d’une baisse de production de 1 % seulement. Dans le caoutchouc, plastique minéraux, la baisse de la consommation est de 5 %, mais là aussi, la baisse de production est de 1 %.
Forte baisse de la production de certaines branches industrielles énergivores au second semestre 2022
À un niveau encore plus fin, au sein des branches les plus énergivores, la production baisse fortement dans plusieurs activités au second semestre 2022 par rapport au second semestre 2021. Elle diminue dans la sidérurgie (-16 %), les autres métaux non ferreux (-8 %), la fabrication de pâte à papier, de papier et de carton (-11 %) et la fabrication de produits chimiques de base (-17 %) (figure 9). Dans ces branches, les entreprises font face à une hausse particulièrement forte de leurs coûts, notamment énergétiques, qui peuvent les pousser à réduire leur production et/ou augmenter leurs prix de vente, pesant ainsi sur leur compétitivité et la demande qui leur est adressée. Cette baisse se poursuit au premier semestre 2023.
tableauFigure 9 – Évolution de la production industrielle pour les branches industrielles les plus énergivores
Branche industrielle2 | S2 2021 | S1 2022 | S2 2022 | S1 2023 |
---|---|---|---|---|
Métallurgie | 1,1 | -2,2 | -6,9 | -11,4 |
Sidérurgie | 15,6 | -2,0 | -16,0 | -27,9 |
Autres métaux non ferreux (Aluminium, plomb, zinc, cuivre) | 0,4 | -3,9 | -7,5 | -4,2 |
Industrie du papier et du carton | 3,8 | 0,8 | -5,6 | -9,5 |
Fabrication de pâte à papier, de papier et de carton | 6,4 | 1,8 | -10,5 | -24,2 |
Industrie chimique | 2,8 | -1,6 | -5,0 | -3,8 |
Fabrication de produits chimiques de base | 1,7 | -4,2 | -17,4 | -13,9 |
Fabrication d’autres produits minéraux non métalliques | 0,0 | 0,7 | -3,0 | -5,4 |
Fabrication de verre et d’articles en verre | 8,1 | 7,4 | 1,7 | -6,6 |
Ensemble de l’industrie manufacturière | 0,6 | 1,0 | 2,2 | 1,1 |
- 1. Indice moyen sur le semestre rapporté à l’indice moyen sur le même semestre un an plus tôt, CVS-CJO.
- 2. Division de la NAF Rév. 2.
- Lecture : Dans la métallurgie, l’indice moyen de la production industrielle au premier semestre 2023 est inférieur de 11,4 % à l’indice moyen de la production industrielle au premier semestre 2022.
- Champ : France.
- Source : Insee, indices de la production industrielle, 2021-2023.
D’autres activités intensives en énergie présentent une baisse de production plus modérée, avec parfois des comportements très hétérogènes d’une sous‑branche à l’autre. Ainsi, la branche de la fabrication de verre et d’articles en verre résiste relativement bien, même si certaines sous‑branches comme la verrerie de table et de cuisine et la cristallerie souffrent davantage.
Face à la hausse des prix de l’énergie, les entreprises réagissent en augmentant leurs prix de vente
Ainsi, 52 % des établissements industriels déclarent avoir augmenté leurs prix de vente en 2022 pour faire face à la hausse des prix, tandis que 45 % ont comprimé leurs marges et 30 % prélevé sur leur trésorerie (figure 10). Les petits établissements déclarent plus souvent que les plus grands avoir eu recours à ces trois mesures.
tableauFigure 10 – Réactions des établissements face à la hausse des prix de l’énergie en 2022, et prévisions pour 2023
Réactions | En 2022 | Prévues en 2023 |
---|---|---|
Comprimer la marge | 45 | 36 |
Augmenter les prix de vente | 52 | 59 |
Prélever sur la trésorerie | 30 | 22 |
Réduire l’activité | 4 | 5 |
Arrêter temporairement l’activité | 2 | 4 |
Adapter les méthodes de production ou de travail | 36 | 43 |
Engager des investissements | 29 | 40 |
Changer de contrat ou de fournisseur d’énergie | 8 | 14 |
Mettre en place d’autres mesures d’économie | 24 | 31 |
Aucune des réponses précédentes | 11 | 7 |
- Note : Un établissement peut donner plusieurs réponses.
- Lecture : Face à la hausse des prix de l’énergie, 52 % des établissements industriels ont augmenté leurs prix de vente en 2022.
- Champ : France, établissements de 20 salariés ou plus de l’industrie, y compris récupération, hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
- Source : Insee, enquête annuelle sur les consommations d'énergie dans l’industrie en 2022.
Fin 2022, selon les enquêtes de conjoncture, la majorité des entreprises (65 % dans l’industrie, 31 % dans les services) déclarent aussi avoir l’intention de répercuter au moins une partie de la hausse des prix énergétiques sur leurs propres prix de vente, tandis qu’une part non négligeable (plus d’un tiers dans l’industrie, et un peu moins de 20 % dans les services) anticipent une diminution de leurs marges, et une part plus faible (7 % dans l’industrie, 3 % dans les services) une réduction de leur activité.
La hausse des prix de l’énergie affecte la situation des entreprises de façon directe, via les intrants énergétiques du processus de production, mais aussi indirecte. En effet, les entreprises mobilisent des consommations intermédiaires qui incorporent elles‑mêmes des consommations énergétiques, que ce soit lors de leur production ou lors de l’acheminement vers l’utilisateur [Lafrogne‑Joussier et al., 2023].
Les entreprises prévoient aussi d’investir ou d’adapter leurs méthodes de production pour supporter ces coûts à plus long terme
36 % des établissements industriels de 20 salariés ou plus indiquent par ailleurs avoir adapté en 2022 leurs méthodes de production ou de travail, et 29 % avoir investi pour réduire et optimiser leur consommation à moyen terme.
Les comportements de sobriété énergétique, en particulier des entreprises qui n’avaient pas encore amélioré leur efficience énergétique, se sont développés. Au cours du second semestre 2022, les entreprises qui ont le plus amélioré leur efficience énergétique seraient souvent celles qui avaient fait le moins preuve de sobriété entre 2018 et 2021 [Marquis et al., 2023].
Ces adaptations s’inscrivent dans une tendance amorcée avant la crise énergétique, pour répondre en particulier à des préoccupations environnementales. Ainsi, en 2021, 13 % des établissements industriels de 20 salariés ou plus ont investi dans des technologies visant à consommer moins d’énergie ou à utiliser une énergie plus propre, notamment dans des systèmes de récupération de chaleur fatale. Les dépenses dans ce domaine représentent un quart du montant total investi dans des technologies pour protéger l’environnement en 2021 [Vuillemin, 2023a].
Encadré 1 – Le bouclier tarifaire mis en œuvre en 2022
En 2022, le bouclier tarifaire se compose de deux mesures pour permettre de limiter la hausse des tarifs réglementés de vente (TRV) à 4 % TTC :
- une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) à la limite des minima fixés par la directive sur la taxation de l’énergie, soit 0,5 euro le mégawatt‑heure (MWh) pour les professionnels et 1 euro le MWh pour les particuliers, contre 22,5 euros le MWh en 2021 ;
- une hausse exceptionnelle du plafond de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH). Le plafond réglementaire de l’ARENH vendu par EDF aux fournisseurs alternatifs est de 100 térawatt‑heures (TWh) au prix de 42 euros le MWh. Pour l’année 2022, le gouvernement a décidé d’ajouter 20 TWh à ce plafond au prix de 46,5 euros le MWh. Cela limite la part d’électricité que les fournisseurs alternatifs doivent acheter sur les marchés de gros à un prix alors beaucoup plus élevé.
Encadré 2 – Le nucléaire reste la source majeure d’électricité, mais connaît des difficultés en 2022
Les réacteurs nucléaires fournissent la majorité de l’électricité nette produite en France (61 % en 2022, 68 % en 2021). Les énergies renouvelables (hydraulique, éolienne et photovoltaïque) représentent une part grandissante du bouquet électrique, environ un quart des quantités produites (24 %). La part de l’électricité produite sur le territoire provenant des centrales thermiques à combustibles demeure significative (14 %), alors que celle provenant de centrales utilisant la géothermie ou la vapeur achetée est marginale (0,2 %).
Les filières nucléaires et hydrauliques connaissent des difficultés en 2022
La production d’électricité nucléaire pâtit en 2022 de l’immobilisation prolongée de nombreux réacteurs pour contrôle et réparation, à la suite de la détection, fin 2021, de défauts sur les circuits auxiliaires de refroidissement de la centrale de Civaux. La production d’électricité d’origine nucléaire tombe ainsi en 2022 à son plus bas niveau depuis 1988. La baisse de la production entre 2021 et 2022 est deux fois plus importante que celle observée entre 2019 et 2020 durant la crise sanitaire (baisse de la demande d’électricité et calendrier de maintenance perturbé).
La production hydraulique chute également en 2022 (-20 %) en raison d’un déficit de précipitations et d’un stock hydraulique bas (sécheresse au printemps et à l’été) ; elle atteint un niveau bas inédit depuis 1976. Elle était déjà en recul modéré en 2021 (-5 %).
C’est la production d’électricité photovoltaïque qui augmente le plus vite (28 %), mais sa part dans le bouquet électrique reste encore mineure (3 %). La production d’énergie éolienne est également en hausse (+3 %) grâce à l’augmentation des capacités de production, en dépit de conditions de vent plutôt défavorables en 2022.
Le recours aux centrales thermiques s’accroît en 2022
Pour faire face à la faiblesse de la production nucléaire et hydraulique, et malgré un hiver assez doux, les centrales thermiques ont produit nettement plus d’électricité en 2022 (+21 %) qu’en 2021. En 2022, les centrales à gaz sont particulièrement sollicitées : la production d’électricité à partir de gaz naturel augmente ainsi de 37 %. Les centrales électriques fonctionnant au pétrole et au charbon sont en revanche de moins en moins utilisées en France.
Ces évolutions renforcent les difficultés sur les marchés de gros de l’électricité
Le prix du gaz sur les marchés augmente très nettement en fin d’année 2021 et en 2022 avec les tensions géopolitiques. Des pics sont notamment observés après l’invasion de l’Ukraine fin février, et en août après l’annonce d’un arrêt des acheminements de gaz russe via le gazoduc Nord Stream. Le prix du gaz naturel reflue les mois suivants, grâce notamment au recours massif aux importations de gaz naturel liquéfié, à des stocks conséquents et à la baisse de consommation autorisée par des températures relativement clémentes, ainsi que par la modération de la consommation à climat constant. Il reste néanmoins très volatile, avec un sursaut en fin d’année 2022. L’envol du prix du gaz s’est répercuté sur le prix de marché de gros de l’électricité, car les centrales à gaz sont généralement les centrales mises en service pour équilibrer l’offre et la demande en cas de forte demande, et c’est leur coût de fonctionnement qui détermine principalement le prix de marché. En 2022, notamment de juillet à septembre, les difficultés des filières de production électrique (nucléaire et hydraulique) renforcent les tensions sur les prix de marché de l’électricité livrable en France. Du fait d’une production inférieure à la demande, les prix spot de l’électricité ont pu être très supérieurs en août à ceux des pays voisins, en Allemagne et en Belgique notamment, alors qu’ils sont habituellement identiques. La France a importé massivement de l’électricité en été, alors qu’elle en exporte traditionnellement à cette période.
Encadré 3 – Une forte dépendance énergétique de la France, mais un risque de rupture d’approvisionnement limité
L’envolée de la facture énergétique en 2022 remet en lumière la forte dépendance des économies européennes aux importations d’énergie. Dans le cas de la France, la consommation de pétrole, de gaz et de houille est presque entièrement couverte par les importations. Cette dépendance vis‑à‑vis de l’extérieur constitue un facteur de vulnérabilité pour le pays. Toutefois, les pays auprès desquels la France s’approvisionne, ainsi que ceux vers lesquels elle pourrait se tourner en cas de défaillance d’un fournisseur habituel sont, a priori, suffisamment nombreux pour limiter le risque de rupture d’approvisionnement.
Ainsi, les importations de pétrole de la France proviennent de nombreux pays, et la part de marché de ses principaux fournisseurs (États‑Unis, Russie, Arabie saoudite) est limitée (32 % en 2022). De plus, l’offre mondiale de pétrole est répartie entre suffisamment de pays pour que la France puisse se tourner vers d’autres fournisseurs de pétrole en cas de défaut de ceux auprès desquels elle s’approvisionne. Elle est donc peu vulnérable à une rupture d’approvisionnement.
La mise en œuvre par la France, à compter de fin 2022, de l’embargo vis‑à‑vis des importations de pétrole en provenance de Russie témoigne de ce potentiel de substitution de ses approvisionnements en pétrole. Pour le pétrole brut comme pour le raffiné, la disparition des importations d’origine russe est presque intégralement compensée à la fois par la hausse d’approvisionnements originaires de fournisseurs existants (notamment la Norvège et le Kazakhstan pour le pétrole brut, ou la Belgique et l’Arabie saoudite pour le raffiné), mais aussi par le recours à de nouveaux fournisseurs (le Brésil, et le Guyana notamment pour le pétrole brut) [Ouvrir dans un nouvel ongletVigne, 2023].
Cette possibilité de diversifier ses fournisseurs est un peu moins aisée dans le domaine du gaz naturel compte tenu du degré de concentration – supérieur à celui du pétrole – des importations gazières de la France auprès d’un nombre réduit de pays fournisseurs : les États‑Unis, la Norvège et la Russie détiennent plus des deux tiers du marché en France en 2022. Par ailleurs, bien que les exportations mondiales de gaz naturel soient peu concentrées – les premiers exportateurs mondiaux ne détenant qu’un tiers du marché mondial en 2022 – l’absence d’interconnexions entre tous les gazoducs et la nécessité de disposer d’infrastructures de transport et de conversion entre gaz gazeux et gaz naturel liquéfié (GNL) limite également les capacités de substitution.
Confrontée à l’arrêt des importations de gaz gazeux russe depuis fin septembre 2022, en raison de la mise hors service du gazoduc Nord Stream, la France est cependant parvenue à lui substituer du GNL, principalement originaire des États‑Unis. Cette substitution s’est toutefois accompagnée d’une hausse inédite du coût du gaz importé, le montant des approvisionnements de gaz étant passé de 11 milliards d’euros en 2019, à 52 milliards d’euros en 2022.
Enfin, s’agissant de la houille, la France est très vulnérable vis‑à‑vis des approvisionnements extérieurs, mais la part très réduite de cette source d’énergie dans les importations totales d’énergie en nuance l’importance.
À l’inverse des formes fossiles d’énergie primaire, la France n’est pas dépendante des importations d’électricité, dont elle est traditionnellement exportatrice nette. Néanmoins, en 2022, faute d’une disponibilité suffisante du parc nucléaire, la France est devenue, pour la première fois depuis le début du suivi en 1980, importatrice nette d’électricité, mais ces importations n’ont couvert qu’une part très faible des besoins (1,5 %).
Cependant, en prenant en compte l’uranium importé nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires, la vulnérabilité de la France à ses fournisseurs existe, notamment vis‑à‑vis du Niger, de l’Australie et du Kazakhstan qui ont assuré près des trois quarts des approvisionnements de la France en uranium naturel en 2022. De plus, les possibilités de substitutions de fournisseurs d’uranium au niveau mondial sont limitées, le Kazakhstan, le Canada et l’Australie assurant plus des deux tiers des ventes de ce métal.
Encadré 4 – La hausse des prix de l’énergie dans les entreprises de services
En novembre 2022, selon les enquêtes de conjoncture de l’Insee, près de 45 % des entreprises de services disposent d’un contrat de fourniture d’électricité à tarif réglementé, ou indexé sur ce tarif, plus fréquent que pour les entreprises industrielles. Les très petites entreprises peu électro‑intensives ont pu bénéficier, comme les ménages, du tarif réglementé de vente (TRV) sur l’électricité, et bénéficier du « bouclier tarifaire » qui en a limité la hausse à 4 % pour 2022. 9 % des entreprises de services indiquent par ailleurs avoir un contrat d’électricité indexé sur le prix du marché de gros.
Fin 2022, 52 % des entreprises des services estiment que le prix unitaire auquel elles achètent leur électricité n’a pas augmenté entre 2021 et 2022, et 43 % ne projettent pas de hausse de ce prix entre 2022 et 2023. Ces proportions sont environ deux fois plus élevées que celles relevées dans l’industrie. 20 % estiment néanmoins la hausse subie entre 2021 et 2022 à 25 % ou plus. Une entreprise de services sur trois anticipe par ailleurs une hausse de prix pour 2023 au moins égale à 25 %.
Les anticipations de hausse des prix de l’électricité entre 2022 et 2023 sont plus fréquentes dans le secteur de l’hébergement‑restauration (78 %) ou le transport routier de marchandises (64 %), traduisant sans doute une exposition ou une sensibilité plus forte à la hausse des prix de l’énergie.
L’utilisation du gaz est beaucoup moins fréquente dans les services que dans l’industrie, et concentrée dans le transport routier de marchandises, l’hébergement‑restauration et les services immobiliers [Bjai et al., 2022].
Sources
Les données sont notamment issues de l’enquête sur la transparence des prix du gaz et de l’électricité, pilotée par le service des données et études statistiques (SDES), et des enquêtes annuelles sur les consommations d’énergie dans l’industrie (EACEI).
L’enquête sur la transparence des prix du gaz et de l’électricité collecte des informations auprès des entreprises de l’ensemble des secteurs d’activité, tandis que l’EACEI porte sur des établissements du secteur de l’industrie, de 20 salariés ou plus, hors industrie de l’énergie et artisanat commercial.
Pour la première fois en 2022, l’EACEI portait non seulement sur les consommations des établissements, mais aussi sur les contrats d’énergie dont ils disposaient.
Des exploitations d’autres sources statistiques ont permis de compléter les informations issues des deux enquêtes citées, comme les enquêtes de conjoncture et les données de production industrielle qui servent au calcul de l’indice de production industrielle.
Définitions
Un marché au comptant est un marché pour une livraison instantanée, en pratique dans le cas de l’électricité généralement le lendemain.
Un marché à terme est un marché dont le dénouement des opérations d’achat ou de vente est différé dans le temps.
Les offres au tarif réglementé de vente (TRV) sont uniquement proposées par EDF et les entreprises locales de distribution. Fixé par les pouvoirs publics, le tarif réglementé vise à garantir aux consommateurs un prix de l’électricité plus stable que les prix de marché. Les évolutions du tarif réglementé de vente peuvent intervenir une à deux fois par an.
Les contrats indexés sur le prix de gros (de marché) fixent le prix en fonction de l’évolution des marchés de gros. Depuis la libéralisation et la création d’un marché européen de l’électricité dans les années 2000, le prix de gros de l’électricité se fixe sur le coût marginal de production de la dernière centrale appelée.
L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) permet aux fournisseurs d’accéder à l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF à un prix régulé (42 euros le mégawatt-heure depuis le 1er janvier 2012).
La consommation d’énergie est obtenue en sommant les consommations en combustibles (hors matières premières) et en électricité, ainsi que les achats de vapeur.
La tonne d’équivalent pétrole (tep) représente la quantité d’énergie contenue dans une tonne de pétrole brut, soit 41,868 gigajoules. Cette unité est utilisée pour exprimer dans une unité commune la valeur énergétique des diverses sources d’énergie.
Les combustibles minéraux solides regroupent la houille, le coke de houille et le lignite.
Les produits pétroliers principaux regroupent le butane‑propane, les fiouls lourd et domestique ainsi que le coke de pétrole. Les autres produits pétroliers regroupent les gaz de raffinerie, le pétrole lampant, les résidus lourds de raffinage, le goudron, l’éthane, etc.
Pour en savoir plus
Andrieux V., Meilhac C., Mesqui B., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes chiffres clés de l’énergie, édition 2023 », Service des données et études statistiques, Commissariat général au développement durable, septembre 2023.
Khadira O., Meilhac C., « Ouvrir dans un nouvel ongletPrix du gaz naturel en France et dans l'Union européenne en 2022 », Datalab Essentiel, SDES, août 2023.
Khadira O., Meilhac C., « Ouvrir dans un nouvel ongletPrix de l'électricité en France et dans l'Union européenne en 2022 », Datalab Essentiel, SDES, août 2023.
Bjai B., Chevalier C.-M., Génin H., Lefebvre C., Rouleau G., « Les entreprises face à la hausse des prix de l’énergie : des situations et des réactions contrastées », Note de conjoncture Insee, décembre 2022.
Chevalier C.-M., « Face aux prix de l’énergie, les entreprises réagissent surtout en augmentant leurs prix de vente, tout en envisageant aussi des investissements pour réduire leur facture énergétique », Note de conjoncture, Insee, mars 2023.
Dunand O., Faucheux J.-C., Lutinier B., Passerieux C., Studer N., « Des prix de vente de l’électricité aux clients professionnels attendus en forte hausse en 2023 », Insee Focus n° 290, février 2023.
Lafrogne-Joussier R., Martin J., Méjean I., « La transmission directe des coûts des intrants importés et de l’énergie aux prix de production : un impact très variable d’une entreprise à l’autre », Insee Analyses n° 84, mai 2023.
Marquis J., Pécresse G., Roulleau G., « La sobriété électrique dans les industries intensives en énergie en 2022 », Note de conjoncture, Insee, juin 2023.
Vigne R., « Ouvrir dans un nouvel ongletVulnérabilité énergétique de la France », Études et éclairages n° 95, Département des statistiques et des études sur le commerce extérieur, octobre 2023.
Vuillemin T., « En 2021, un quart des montants antipollution investis dans l’industrie visent à consommer une énergie plus propre ou moins d’énergie », Insee Focus n° 308, octobre 2023.
Vuillemin T., « En 2022, le prix annuel moyen du MWh d’électricité a augmenté de 45 % et celui du MWh de gaz de 107 % », Insee Première n° 1952, juin 2023.
Il est toutefois possible que les importations de pétrole de la France soient en réalité plus concentrées lorsque les dépendances de deuxième niveau sont prises en compte, la France étant non seulement tributaire de ses fournisseurs de pétrole raffiné, mais également, de façon indirecte, de leurs fournisseurs de pétrole brut.
Ce niveau de concentration pourrait être plus élevé car environ 10 % du gaz importé par la France est d’origine indéterminée, car acheté sur les marchés.
Les estimations produites ici pondèrent les réponses des entreprises par leur chiffre d’affaires.
Il est toutefois possible que les importations de pétrole de la France soient en réalité plus concentrées lorsque les dépendances de deuxième niveau sont prises en compte, la France étant non seulement tributaire de ses fournisseurs de pétrole raffiné, mais également, de façon indirecte, de leurs fournisseurs de pétrole brut.
Ce niveau de concentration pourrait être plus élevé car environ 10 % du gaz importé par la France est d’origine indéterminée, car acheté sur les marchés.
Les estimations produites ici pondèrent les réponses des entreprises par leur chiffre d’affaires.