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Insee Conjoncture Martinique · Juin 2025 · n° 34
Insee Conjoncture MartiniqueBilan économique 2024 - Martinique En 2024, dans un contexte social dégradé en Martinique, les signes de ralentissement de l’économie se confirment

En 2024, l’activité économique en Martinique se dégrade, confirmant le ralentissement amorcé en 2023. Dans un contexte de mouvement social contre la vie chère en fin d’année, l’inflation persiste, à un rythme moins soutenu que l’année précédente. Malgré des conditions climatiques défavorables, la production agricole est stable, mais elle se réduit fortement pour les tubercules et la viande. L’emploi salarié diminue, la demande d’emploi augmente et le chômage s’élève à 12 % de la population active. Les créations d’entreprises sont en forte baisse et l’investissement s’érode. Les échanges commerciaux se contractent et la fréquentation touristique s’amoindrit légèrement.

Insee Conjoncture Martinique
No 34
Paru le :Paru le26/06/2025

Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2024 publiés par l'Insee.

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Épargne-Crédit - L’activité bancaire se maintient en Martinique  Bilan économique 2024

Evie Coyan (Institut d’émission des départements d’outre-mer Martinique)

En 2024, l’activité bancaire se maintient en Martinique L’épargne des ménages ainsi que celle des entreprises progressent. Les placements à court terme profitent encore des hausses de taux d’intérêt observées au cours des deux années précédentes. L’encours de crédits continue à progresser également, en dépit d’un ralentissement des crédits à l’équipement et des crédits à l’habitat. Dans un contexte social tendu, les indicateurs de risque se dégradent toutefois légèrement. La détente sur les taux directeurs, initiée par la Banque centrale européenne en juin 2024, ne se matérialise pas encore sur les taux des crédits, qui demeurent globalement en hausse sur un an.

Insee Conjoncture Martinique

No 34

Paru le :26/06/2025

L’épargne progresse, principalement portée par les placements liquides et à court terme

En Martinique, les actifs détenus en banque augmentent de 2,6 % en 2024 (après +1,0 % en 2023), et s’élèvent en fin d’année à 10,3 milliards d’euros. Comme l’année précédente, les établissements bancaires constatent une réallocation de l’épargne vers les dépôts rémunérés.

Les ménages, principaux détenteurs des dépôts bancaires (66 %, devant les entreprises qui en détiennent 28 %), accroissent leur épargne de 2,2 % (après +2,3 % en 2023) (figure 1). Ils alimentent certains livrets d’épargne (livrets A +5,4 %, livrets de développement durable +7,5 %, livrets d’épargne populaire +28,2 %), et effectuent des dépôts à terme (+21,8 %) ou des versements sur leurs contrats d’assurance-vie (+5,5 %), pour bénéficier des meilleurs rendements. À l’inverse, les encours des placements jugés moins intéressants se replient (livrets ordinaires -5,6 %, plans épargne logement -8,6 %), et les dépôts à vue stagnent (+0,4 %).

Les entreprises augmentent leurs dépôts, après le repli observé en 2023 (+3,7 % en 2024, après -1,2 %). Les dépôts à vue diminuent (-1,6 %), notamment au profit de l’épargne rémunérée. Ainsi, les dépôts à terme, qui constituent l’essentiel des dépôts bancaires des entreprises hors dépôts à vue, progressent fortement (+26,7 %). Par ailleurs, bien que les montants restent assez faibles (2 % des dépôts bancaires), les placements longs semblent intéresser les entreprises : l’encours correspondant augmente de 16,0 %.

Dans ces conditions, tous agents confondus, les dépôts à vue se stabilisent en 2024 (-0,2 %), alors que les placements liquides (comptes d’épargne) et les placements longs augmentent respectivement de 2,4 % et 2,2 %. Les placements à court terme affichent la croissance la plus forte (+19,7 %). Les dépôts à vue demeurent prépondérants parmi les dépôts en Martinique, cependant leur part diminue de 6 points en 3 ans (passant de 50 % en 2021 à 44 % en 2024), au profit des placements à court terme (passant respectivement de 4 % à 10 %) (figure 2).

Figure 1Évolution annuelle des dépôts par catégorie d’agent en Martinique

(en %)
Évolution annuelle des dépôts par catégorie d’agent en Martinique ((en %))
Années Ménages Entreprises
2020 7,6 34,1
2021 4,9 -4,7
2022 2,8 0,4
2023 2,3 -1,2
2024 2,2 3,7
  • Sources : Iedom, Ruba.

Figure 1Évolution annuelle des dépôts par catégorie d’agent en Martinique

  • Sources : Iedom, Ruba.

Figure 2Répartition des dépôts par année et selon leur durée avant échéance

(en %)
Répartition des dépôts par année et selon leur durée avant échéance ((en %))
Année Dépôts à vue Placements liquides (comptes épargne) Placements court terme (dont dépôts à terme) Épargne longue (dont assurance-vie) Ensemble
2020 50,0 20,1 4,1 25,8 100
2021 49,9 20,8 3,5 25,8 100
2022 50,8 20,3 4,4 24,6 100
2023 45,6 21,0 8,2 25,2 100
2024 44,3 21,0 9,6 25,1 100
  • Sources : Iedom, Ruba.

Figure 2Répartition des dépôts par année et selon leur durée avant échéance

  • Sources : Iedom, Ruba.

Les encours de crédits des entreprises ralentissent

L’encours global de crédits progresse de 3,0 % en 2024 (après +2,8 % en 2023), pour s’établir à 12,7 milliards d’euros. Il dépasse les dépôts collectés, ainsi le bancaire en Martinique atteint 2,4 milliards d’euros, un niveau supérieur à celui de l’année précédente (+4,9 %).

En 2024, les entreprises restent les premières emprunteuses avec 43 % des encours, en dépit du ralentissement de la croissance de leurs crédits (+2,5 %, après +3,8 % en 2023). En effet, les crédits d’investissement continuent à progresser, mais à un rythme sensiblement plus faible (+3,5 % après +10,5 %) (figure 3). Certains secteurs d’activité sont toutefois plus dynamiques, notamment le transport et entreposage (+24 % des crédits long termes), l’hébergement-restauration (+5 %), ou encore la production d’électricité (+5 %). Les crédits immobiliers des entreprises s’inscrivent aussi en hausse (+2,1 % en 2024, après +1,5 % en 2023). À rebours de ces évolutions, les crédits d’exploitation, en fort recul en 2023, se replient encore en 2024 (-2,8 %, après -13,1 %). Ces derniers sont principalement composés de crédits de trésorerie (72 %), suivis des découverts (20 %).

Les ménages sont titulaires de 42 % des encours de crédits en Martinique. Leur endettement augmente de 3,7 %, à un rythme similaire à celui de l’année précédente (+3,8 %). Le recul de la production de crédits à l’habitat, amorcé en 2023, se confirme en 2024. La croissance de l’encours correspondant se stabilise ainsi à +3,9 %, après +4,1 % en 2023, alors qu’elle atteignait en moyenne 6,8 % par an entre 2019 et 2022 (figure 4). Les crédits à la consommation augmentent de 3,3 %. Malgré un quatrième trimestre atone, en lien avec le mouvement contre la vie chère, la progression de l’encours en 2024 est légèrement supérieure à celle de 2023 (+3,1 %).

S’agissant des collectivités locales, l’encours de crédits est orienté à la hausse en 2024 (+5,4 % après -4,6 % en 2023). Les crédits d’investissement, qui composent l’essentiel de l’endettement des collectivités (95 %), augmentent de 3,9 %. Les crédits d’exploitation sont multipliés par deux par rapport à 2023.

En revanche, les autres agents (établissements hospitaliers, administrations, associations, etc.) enregistrent un nouveau recul de leurs encours de crédits (-8,4 % après -10,1 %).

Figure 3Évolution annuelle des crédits aux entreprises

(en %)
Évolution annuelle des crédits aux entreprises ((en %))
Année Exploitation Immobilier Investissement
2020 140,4 -1,0 12,0
2021 -4,7 0,4 4,0
2022 0,1 2,4 8,3
2023 -13,1 1,5 10,5
2024 -2,8 2,1 3,5
  • Sources : Iedom, Ruba.

Figure 3Évolution annuelle des crédits aux entreprises

  • Sources : Iedom, Ruba.

Figure 4Évolution annuelle des crédits aux ménages

(en %)
Évolution annuelle des crédits aux ménages ((en %))
Année Consommation Habitat
2020 0,9 4,8
2021 2,2 5,2
2022 2,6 7,1
2023 3,1 4,1
2024 3,3 3,9
  • Sources : Iedom, Ruba.

Figure 4Évolution annuelle des crédits aux ménages

  • Sources : Iedom, Ruba.

Les indicateurs de risque se dégradent légèrement

L’encours brut de crédits douteux, pour lesquels la banque estime qu’il existe un risque significatif de non remboursement, s’établit à près de 650 millions d’euros en 2024 (+6,5 % sur un an), soit 5,1 % de l’encours total (figure 5). Le taux de créances douteuses, qui suivait une tendance à la baisse depuis fin 2022, repart en légère hausse au second semestre 2024, en particulier au dernier trimestre, signe d’une augmentation du niveau de risque sur la place, peut être imputable aux incertitudes économiques générées par la mobilisation sociale et les dégradations commises en marge du mouvement.

Figure 5Taux de créances douteuses par trimestre en Martinique

(en %)
Taux de créances douteuses par trimestre en Martinique ((en %))
Année Date Taux de créances douteuses
2020 31/03/2020 5,9
30/06/2020 5,7
30/09/2020 5,4
31/12/2020 5,3
2021 31/03/2021 5,3
30/06/2021 5,4
30/09/2021 5,3
31/12/2021 4,7
2022 31/03/2022 4,9
30/06/2022 5,0
30/09/2022 5,1
31/12/2022 5,2
2023 31/03/2023 5,0
30/06/2023 4,9
30/09/2023 5,0
31/12/2023 4,9
2024 31/03/2024 4,8
30/06/2024 4,7
30/09/2024 4,8
31/12/2024 5,1
  • Sources : Iedom, Ruba.

Figure 5Taux de créances douteuses par trimestre en Martinique

  • Sources : Iedom, Ruba.

Encadré - Les taux des crédits restent globalement en hausse sur un an

La détente sur les taux directeurs initiée par la Banque centrale européenne en juin 2024 ne se matérialise pas encore sur les taux d’intérêt des crédits en Martinique.

Pour les ménages, les taux moyens sont tous en hausse par rapport à 2023. Le taux moyen des prêts personnels et autres crédits à la consommation augmente de 38 points de base (pdb) et s’établit à 6,14 % (figure 6). De même, le taux moyen des découverts grimpe de 53 pdb, à 9,21 %. Enfin, le taux moyen des crédits à l’habitat progresse de manière plus modérée (+12 pdb, à 3,72 %).

Pour les entreprises, le constat est plus nuancé. Le taux moyen des crédits à l’équipement augmente (+25 pdb, à 4,84 %), alors que le taux moyen des crédits immobiliers est stable (-2 pdb, à 3,67 %). Seul le taux moyen des crédits de trésorerie se replie sur un an (-53 pdb, à 4,03 %).

Figure 6Taux des crédits par nature

(en %)
Taux des crédits par nature ((en %))
Taux crédits 2020 2021 2022 2023 2024
Ménages - Habitat 1,4 1,3 1,8 3,6 3,7
Ménages - Prêts personnels 3,9 3,6 4,0 5,8 6,1
Entreprises - Équipement 1,9 1,6 2,6 4,6 4,8
Entreprises - Trésorerie 0,4 1,2 2,6 4,6 4,0
  • Sources : Iedom, Ruba.

Figure 6Taux des crédits par nature

  • Sources : Iedom, Ruba.
Publication rédigée par :Evie Coyan (Institut d’émission des départements d’outre-mer Martinique)

Pour comprendre

En Martinique, l’activité bancaire est réalisée par des établissements bancaires installés localement (EBIL), portant la majeure partie de l’activité, ainsi que de nombreux établissements bancaires non installés localement (EBNIL), intervenant depuis la France hexagonale. Les EBIL financent 80,3 % des crédits sur la place bancaire et représentent 93,2 % des dépôts, le reste étant porté par les EBNIL.

Les données sont issues des déclarations RUBA (Reporting Unifié des Banques et Assimilés), remplaçant SURFI (Système Unifié de Reporting FInancier) depuis janvier 2022. Ce changement méthodologique affecte les données diffusées par l’IEDOM, qui couvrent désormais un périmètre plus large.

Définitions

Déficit de place  :

Lorsque les dépôts collectés sur la place bancaire sont inférieurs aux encours accordés à la clientèle, il y a un déficit qui nécessite que les banques soient financées par leurs groupes.

Placements à court terme  :

Ils regroupent les placements liquides (quand le possesseur peut récupérer son argent de manière instantanée) et ceux à maturité courte (que le possesseur ne peut récupérer qu’au bout d’une durée fixée par contrat, inférieure à 2 ans). Ils comprennent les comptes d’épargne (ex. les livrets ordinaires ou les livrets A) et des placements indexés sur les taux du marché (ex. les dépôts à terme ou les OPCVM monétaires).

Taux directeur  :

Principal outil conventionnel de la politique monétaire, qui permet de piloter le taux du marché interbancaire. Dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) utilise trois taux directeurs : le taux de refinancement, le taux de prêt marginal et le taux de facilité de dépôt. Actuellement, le principal taux directeur est le taux de facilité de dépôt, c’est-à-dire le taux auquel sont rémunérés les dépôts que placent les banques et autres établissement financiers auprès de la banque centrale. Concrètement, ce taux influence le taux d’intérêt auquel les banques commerciales prêtent à leurs clients, notamment les ménages et les entreprises.

Dépôts à vue  :

Dépôts fait dans un organisme bancaire et que l'on peut retirer à tout moment, sans contrainte de délai (au contraire du dépôt à terme).

Agents économiques  :

Les agents économiques sont les personnes physiques ou morales participant à l’activité économique, via la production, la consommation ou l’échange de biens et services. Sont ici distingués : les entreprises, les ménages, les collectivités locales et les autres agents.

Taux de créances douteuses   :

Le taux de créances douteuses est le rapport entre l’encours de crédits douteux et l’encours de crédit total.

Point de base  :

Le point de base est une unité de mesure utilisée pour exprimer une variation précise d’un taux d’intérêt. Il équivaut à 0,01 %.