Insee Conjoncture Guadeloupe ·
Juin 2025 · n° 34
Bilan économique 2024 - Guadeloupe En 2024, l’économie guadeloupéenne fait preuve de résilience face à une inflation
persistante
En 2024, la Guadeloupe traverse une période de stabilisation économique marquée par des dynamiques contrastées. L'inflation ralentit, mais demeure élevée, continuant de peser sur le pouvoir d’achat des ménages, notamment à travers la hausse des prix de l'énergie et des services. Les conditions de crédit évoluent de manière différenciée : les taux diminuent pour les entreprises, mais augmentent pour les ménages, reflet d’une activité bancaire dynamique, mais fragilisée par la progression des créances douteuses. Sur le marché du travail, la situation s’améliore progressivement. En effet, le taux de chômage s’établit à 17 % et le halo autour du chômage recule à 9,0 %. Parallèlement, le nombre de demandeurs d’emploi décroît. Cette évolution favorable est principalement portée par le secteur tertiaire. Dans le même temps, la dynamique entrepreneuriale ralentit, dominée par les créations de micro-entreprises. Les importations diminuent légèrement, influencées par une baisse des véhicules automobiles, tandis que les exportations hors produits pétroliers raffinés restent stables. Le secteur touristique se maintient à un niveau élevé. Le trafic aérien est stable. Il progresse avec la France métropolitaine, l'Europe et l'Amérique du Nord, tandis que la desserte régionale décroît. La fréquentation hôtelière reste soutenue, bien qu’en léger recul par rapport à 2023.
Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2024 publiés par l'Insee.
Agriculture - Une année difficile dans la plupart des secteurs Bilan économique 2024
Marie Bascou, Lucas Etchevers (Direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt)
En 2024, les conditions climatiques ne sont pas favorables à l’agriculture. La campagne sucrière également contrainte par un calendrier resserré lié à des mouvements sociaux, est particulièrement décevante pour les producteurs. Le volume de canne broyé recule de 24,9 % par rapport à 2023. La production de sucre et de rhum qui en découle sont en retrait également de 45,8 % et de 31,1 %. Cette dernière entraîne avec elle les exportations de rhum (-22,1 %). En 2024, les exportations de bananes augmentent légèrement ainsi que leur prix. Du côté des éleveurs, la production animale est en baisse, excepté pour les volailles. En lien avec une inflation toujours présente, les coûts de productions progressent et entraînent une hausse quasi généralisée des prix des fruits et légumes produits localement.
La campagne sucrière enregistre son plus bas niveau de production
En 2024, la production agricole guadeloupéenne souffre de conditions climatiques défavorables, alternant entre périodes de forte chaleur et épisodes de précipitations intenses. Un arrêté préfectoral reconnaît la calamité agricole dans plusieurs communes de la Grande-Terre suite aux pluies abondantes de mars. Ces conditions météorologiques accroissent les pressions sanitaires sur la plupart des cultures.
La campagne sucrière, sur laquelle à également pesé des mouvements sociaux, démarre avec deux mois de retard. Dans ce contexte, la récolte de canne chute de 24,9 %, après une année 2023 prometteuse (+10,0 %). Avec un volume de 409 000 tonnes de cannes broyées, la campagne clôture sur le niveau de production le plus bas jamais enregistré en Guadeloupe (figure 1).
En lien avec les conditions de récolte dégradées, la richesse saccharimétrique (teneur en sucre) de la canne broyée est au plus bas. Elle s’établit à 6,7 % en 2024, alors que la moyenne des 10 dernières années atteignait 8,8 %. Combiné à la contraction de la récolte sur l’année, cela entraîne une baisse de la production de sucre de 45,8 % par rapport à 2023, pour s’établir à 19 575 tonnes.
La production de rhum est également affectée. Elle chute de 31,1 %, alors que l’année précédente était l’une des meilleures tant pour la production que pour l’exportation. Les ventes vers l’extérieur reculent de 22 % par rapport à l’année précédente (figure 2).
tableauFigure 1 – Chiffres clés de la canne
Utilisation de la canne | 2023 | 2024 | Evolution 2023 / 2024 (en %) |
---|---|---|---|
Cannes broyées (tonne) | 545 300 | 409 502 | -25,0 |
Sucreries | 456 502 | 328 233 | -28,0 |
Distilleries | 88 798 | 81 269 | -8,0 |
Prix payés planteurs (euros/t) | |||
Part sucrerie | 32,3 | 36,8 | 14,0 |
Part État | 40,0 | 40,0 | 0,0 |
Part Distilleries | 67,4 | 61,7 | -8,0 |
Rémunération bagasse (euros/t) | 14,3 | 13,4 | -6,0 |
Sucre produit (tonne) | 36 148 | 19 575 | -46,0 |
Richesse saccharine (%) | 7,9 | 6,7 | -15,0 |
Mélasse (tonne) | 22 315 | 13 358 | -40,0 |
- Sources : Syndicat des producteurs de sucre et de rhum , DAAF.
tableauFigure 2 – Production et exportation de rhum agricole et de sucrerie
Production | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | Evolution 2024 / 2023 (en %) |
---|---|---|---|---|---|
Agricole | 43 309 | 39 809 | 49 023 | 31 978 | -34,8 |
Sucrerie | 43 536 | 46 784 | 46 686 | 33 985 | -27,2 |
Totale | 86 845 | 86 593 | 95 709 | 65 963 | -31,1 |
Exportations totales | |||||
Agricole | 18 742 | 20 701 | 21 076 | 16 890 | -19,9 |
Sucrerie | 33 926 | 34 429 | 37 474 | 28 730 | -23,3 |
Totale | 52 668 | 55 130 | 58 550 | 45 620 | -22,1 |
Marché local | |||||
Agricole | 16 761 | 17 652 | 16 258 | 16 258 | 0,0 |
Sucrerie | 10 | 10 | 18 | 21 | 16,7 |
Totale | 16 771 | 17 662 | 16 276 | 16 279 | 0,0 |
- Note : HAP : Hectolitre d’alcool pur.
- Source : Douanes.
La production de bananes d’exportation augmente légèrement
Avec près de 55 000 tonnes, la production de bananes destinées à l’export en 2024 est légèrement supérieure à celle de 2023 (+2 %), mais reste en deçà des prévisions. Au premier trimestre, la production reste inférieure aux niveaux précédant la tempête Fiona en 2022, et le pic d’exportation est moins prononcé et décalé d’un mois (figure 3). La pression exercée par la cercosporiose noire, maladie causée par un champignon microscopique et affectant les bananiers, continue de peser lourdement sur les capacités de production.
tableauFigure 3 – Exportations de bananes de Guadeloupe dans l’Union européenne
Mois | 2022 | 2023 | 2024 |
---|---|---|---|
Janvier | 4 143 | 2 865 | 3 520 |
Février | 3 529 | 2 925 | 3 075 |
Mars | 3 642 | 3 147 | 3 481 |
Avril | 4 041 | 3 418 | 4 142 |
Mai | 5 128 | 5 562 | 5 341 |
Juin | 5 700 | 6 356 | 5 912 |
Juillet | 5 766 | 6 041 | 6 159 |
Août | 5 272 | 5 450 | 5 738 |
Septembre | 5 816 | 4 568 | 5 318 |
Octobre | 4 390 | 4 612 | 4 586 |
Novembre | 3 655 | 4 577 | 4 081 |
Décembre | 2 741 | 4 317 | 3 611 |
Total | 53 823 | 53 838 | 54 964 |
- Sources : CIRAD/ DAAF.
graphiqueFigure 3 – Exportations de bananes de Guadeloupe dans l’Union européenne

- Sources : CIRAD/ DAAF.
La baisse de production bovine et porcine se confirme
La filière bovine, confrontée à des problématiques structurelles importantes, continue de décliner, affichant une production en retrait de 4 % par rapport à 2023, après une année 2023, en fort retrait (-11%) (figure 4). Pour la deuxième année consécutive, la filière porcine, ne parvient pas non plus à renouer avec la croissance et baisse de 6 % par rapport à 2023.
En revanche, le secteur de la volaille poursuit sa structuration et affiche des volumes en nette augmentation dans les principaux abattoirs suivis (+8,5 %), après une production 2023 en légère hausse (+0,3 %).
Pour la filière caprine, dont les volumes restent marginaux par rapport aux autres secteurs, la production diminue.
tableauFigure 4 – Volume de viande produite par espèce entre 2014 et 2024
Production viande | Bovins | Porcins | Caprins (axe de droite) | Jeunes bovins | Veaux |
---|---|---|---|---|---|
2014 | 1 728 | 1 244 | 7 | 9 | 8 |
2015 | 1 628 | 1 200 | 6 | 11 | 3 |
2016 | 1 569 | 1 409 | 5 | 7 | 2 |
2017 | 1 516 | 1 521 | 5 | 6 | 2 |
2018 | 1 408 | 1 497 | 4 | 5 | 2 |
2019 | 1 356 | 1 320 | 3 | 5 | 3 |
2020 | 1 410 | 961 | 3 | 2 | 1 |
2021 | 1 301 | 1 128 | 3 | 2 | 1 |
2022 | 1 295 | 1 237 | 6 | 6 | 2 |
2023 | 1 149 | 1 066 | 5 | 3 | 1 |
2024 | 1 105 | 999 | 4 | 4 | 1 |
Evolution 2023/2024 | -3,8 | -6,3 | -20,0 | 33,3 | 0,0 |
- Source : DAAF.
graphiqueFigure 4 – Volume de viande produite par espèce entre 2014 et 2024

- Source : DAAF.
Les prix producteurs des fruits et légumes s’envolent
Dans un contexte économique toujours marqué par l’inflation, les prix de la quasi totalité des fruits et légumes sont en forte augmentation. Les fruits enregistrent la hausse moyenne la plus importante (+18,5 %), suivis par les tubercules (+11,3 %) et les légumes, (+8,1 %) (figure 5). Cette évolution du prix producteur a été constatée sur le marché de Gourdeliane (le principal marché hors organisation de producteurs) où les marchandises sont vendues en gros à des professionnels (restaurateurs, primeurs…). Parmi ces productions locales, les hausses les plus marquées concernent le maracudja (+38 %), la salade (+36 %), le navet (+33 %), la mangue (+27 %), le chou et la tomate (+20 %), l’igname et l’ananas (+17 %), ainsi que le piment (+15 %).
Le volume d’importation révèle une indication sur la capacité de la production locale à maintenir ses parts de marché estimées à 50 %. Le volume des importations augmente de 3 % en 2024, témoignant d’une tendance globalement baissière de la production locale, en lien avec les conditions météorologiques et sanitaires défavorables. Pour ces mêmes raisons, les exportations baissent, avec le melon notamment, qui enregistre en 2024 une baisse de plus de 50.
tableauFigure 5 – Prix moyens annuels des Fruits, Légumes et Tubercules
Année | Légumes | Fruits | Tubercules | |||
---|---|---|---|---|---|---|
Prix | Evolution (en %) | Prix | Evolution (en %) | Prix | Evolution (en %) | |
2014 | 1,03 | nd | 1,80 | nd | 1,40 | nd |
2015 | 1,14 | 10,4 | 1,84 | 2,0 | 1,47 | 4,9 |
2016 | 1,09 | -4,2 | 1,75 | -5,0 | 1,39 | -5,1 |
2017 | 1,22 | 11,6 | 1,95 | 11,6 | 1,42 | 2,2 |
2018 | 1,09 | -10,6 | 1,98 | 1,8 | 1,31 | 2,2 |
2019 | 1,19 | 9,5 | 1,82 | -8,3 | 1,67 | 27,7 |
2020 | 1,37 | 15,1 | 1,91 | 4,9 | 1,70 | 1,4 |
2021 | 1,18 | -14,0 | 2,01 | 5,3 | 1,57 | -7,2 |
2022 | 1,33 | 12,7 | 2,34 | 16,4 | 1,66 | 5,5 |
2023 | 1,73 | 30,1 | 2,21 | -5,6 | 1,86 | 12 |
2024 | 1,87 | 8,1 | 2,62 | 18,5 | 2,07 | 11,3 |
- Nd : non disponible.
- Sources : DAAF – Prix producteurs, vente en gros.
graphiqueFigure 5 – Prix moyens annuels des Fruits, Légumes et Tubercules

- Nd : non disponible.
- Sources : DAAF – Prix producteurs, vente en gros.
tableauFigure 6 – Principaux fruits et légumes importés en 2023 en Guadeloupe
Fruits et Légumes | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 | Evolution 2024 / 2023 (en %) |
---|---|---|---|---|---|
Fruits comestibles | 17 540 | 17 460 | 17 237 | 17 732 | 3 |
dont oranges | 4 320 | 4 020 | 3 725 | 3 352 | -10 |
dont citrons | 2 421 | 2 205 | 2 241 | 2 345 | 5 |
dont ananas frais ou secs | 1 022 | 1 244 | 1 363 | 1 349 | -1 |
dont avocats frais ou secs | 225 | 342 | 372 | 343 | -8 |
dont pamplemousses | 408 | 413 | 344 | 443 | 29 |
dont goyaves, mangues et mangoustans, papayes, tamarins | 147 | 148 | 203 | 250 | 23 |
Légumes, plantes, racines et tubercules | 23 305 | 25 429 | 26 205 | 26 904 | 3 |
dont carottes et navets | 1 814 | 1 932 | 2 077 | 2 263 | 9 |
dont ignames | 1 310 | 1 392 | 1 332 | 1 473 | 11 |
dont tomates | 650 | 903 | 1 296 | 1 346 | 4 |
dont piments doux ou poivrons | 498 | 538 | 684 | 549 | -20 |
dont choux blancs et choux rouges | 216 | 301 | 406 | 486 | 20 |
dont laitues et chicorées | 289 | 225 | 248 | 251 | 1 |
dont salades, autres que laitues | 17 | 40 | 37 | 62 | 68 |
dont céleris | 93 | 132 | 128 | 177 | 38 |
dont racines de manioc | 58 | 63 | 77 | 87 | 13 |
dont bananes plantains | 10 | 6 | 10 | 8 | -20 |
TOTAL | 40 844 | 42 889 | 43 442 | 44 636 | 3 |
- Sources : Douanes/ DAAF, données provisoires.
Encadré - L’agriculture biologique se développe
Engagés autour d’un plan local de souveraineté alimentaire à échéance 2030, professionnels et pouvoirs publics mettent tout en œuvre pour reconquérir des parts sur le marché guadeloupéen, voire hexagonal. Dans ce contexte, les surfaces agricoles converties en agriculture biologique continuent de progresser (les chiffres précis ne sont pas encore disponibles pour 2024). Elles avaient augmenté de 24 % entre 2022 et 2023. Même si elles ne représentent que 4 % de la surface agricole, elles sont vouées à augmenter encore et leur croissance s’explique en partie par le déploiement du programme de production de canne à sucre bio.