Bien qu’il soit moins marqué que les années précédentes (-4 %), le déficit de précipitations affecte tout de même la Corse pour la cinquième année consécutive. Seule région française en déficit pluviométrique en 2024, ce sont surtout les disparités des pluies qui atteignent les activités agricoles : disparité géographique, avec une partie sud de l’île restée très sèche, et disparité temporelle, avec de fortes intempéries en début d’année et à l’automne, entrecoupées de périodes de sécheresse (figure 1) (figure 2). Amorcée en 2023 après deux années de hausses, la baisse des prix des moyens de production s’infléchit en 2024. Ces prix profilent toutefois un rebond au dernier trimestre, ils pèsent sur les exploitations agricoles dans un climat international toujours incertain.

Avec un vignoble marqué par une récolte exceptionnelle l’année précédente, la production 2024 revient dans les standards d’une année normale avec 350 000 hectolitres. Elle se confronte pourtant à des sécheresses récurrentes et à un nouveau ravageur, la cicadelle africaine. Les vendanges s’allongent dans la durée et débordent largement sur le mois d’octobre pour les cépages les plus tardifs, fait rare dans le contexte du réchauffement climatique.

Ces aléas compliquent le travail des vignerons avec notamment une hétérogénéité marquée dans la maturité des raisins (figure 3). En termes de commercialisation, les stocks importants de 2023 peinent à s’écouler, surtout pour le vin rosé. À l’international, les professionnels redoutent les futures taxes américaines, avec en arrière-plan un premier épisode douloureux en 2019.

Avec 48 600 tonnes récoltées en 2024, la clémentine corse pulvérise son précédent record – vieux de deux ans – de près de 6 000 tonnes (figure 4). De ce fait, la commercialisation est plus difficile cette année, l’abondance de fruits à écouler se double de problèmes de qualité : manque de coloration en début de campagne du fait des températures élevées d’octobre et beaucoup de petits calibres engendrant un surcroît de tris. Paradoxalement, les apports manquent parfois à des moments clés de la campagne, comme au moment des fêtes de fin d’année. Les conditions climatiques gênent en effet la récolte et l’acheminement, avec des perturbations dans les liaisons maritimes. Les prix sont globalement en dessous de ceux de l’année passée, notamment lors de la période des fêtes.

Parmi les autres cultures tirant leur épingle du jeu, l’avocat poursuit son développement accéléré (figure 5). Marginale il y a encore cinq ans, sa production a de nouveau doublé en un an. Elle dépasse dorénavant les 650 tonnes.

Encore fragilisée par la fièvre catarrhale et toujours en manque de structuration en 2024, la filière pastorale a du mal à faire face aux dégradations de ses conditions d’exploitation (figure 6).

Malgré une décélération, le coût des intrants reste élevé. L’accès au foncier agricole demeure difficile et l’adaptation continue au réchauffement climatique rajoute aléas et contraintes. Dans ce contexte, les cheptels ovins et caprins et les productions laitières afférentes poursuivent leur baisse (figure 7).

Il en est de même pour les bovins dont les effectifs sont en recul constant depuis plusieurs années. Première région française à avoir bénéficié en 2023 du nouveau système d’identification du bétail, l’opération de puçage via bolus (petite capsule en céramique déposée dans l’estomac de l’animal) est en voie d’achèvement. Fin 2024, 90 % du cheptel est couvert. Côté production, si l’abattage des veaux connaît une légère amélioration, celui des gros bovins poursuit sa décrue depuis 2020 pour atteindre des niveaux inférieurs à ceux de 2019, année pourtant historiquement basse.

Enfin, la découverte d’un nid de frelons asiatiques en août 2024 à Bastelicaccia inquiète les acteurs d’une filière apicole déjà fragile. Des mesures de prévention sont d’ores et déjà à l’étude, avec la mise en place envisagée d’un protocole de surveillance accrue et l’installation de pièges sélectifs.

Championne des circuits courts, la Corse incarne une relation directe entre producteurs et consommateurs. Une bonne partie du potentiel d’écoulement des produits locaux se situe au coeur de la saison touristique. Or, 2024 marque peut-être un tournant dans ce domaine : si la fréquentation touristique se maintient en volume, les dépenses des visiteurs sont plus mesurées avec la contraction de leur pouvoir d’achat. Dans de nombreux secteurs (charcuterie, fromages, vins), les stocks restants sont plus élevés que les années précédentes.