Insee Conjoncture Occitanie ·
Juin 2025 · n° 47
Bilan économique 2024 - Occitanie En Occitanie, l'économie résiste dans un contexte d'incertitude
En 2024, dans un contexte national et international incertain, la croissance économique résiste plutôt bien en France. L’accélération des dépenses publiques compense la rétractation de l’investissement, mais la croissance de l'emploi salarié ralentit nettement. En Occitanie, il augmente seulement de 0,2 % sur un an après +0,8 % en 2023. Néanmoins, le taux de chômage diminue légèrement à 8,7 %, en raison d’un ralentissement de la population active.
Dans la région, l'activité est impactée par le contexte d'incertitude, même si l'industrie aéronautique reste dynamique. Ce dynamisme profite au Lot et aux Hautes-Pyrénées. En revanche, les activités tertiaires liées à cette industrie subissent un coup de frein qui pénalise le département de la Haute-Garonne.
Malgré un repli de l’inflation, l’activité reste atone dans les secteurs liés à la consommation des ménages comme le commerce ou les activités de loisirs. Elle diminue encore dans la construction avec des mises en chantier de logements historiquement faibles.
Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2024 publiés par l'Insee.
Aéronautique et spatial - L’activité progresse mais crée peu d’emplois dans la région Bilan économique 2024
Alan Manchon (Insee)
En 2024, le trafic aérien mondial progresse fortement et dépasse pour la première fois son niveau d’avant-crise. Malgré une forte demande d’avions, l’emploi dans les établissements de la filière aéronautique et spatiale d’Occitanie marque le pas. Il progresse de 0,4 % en 2024 après avoir augmenté de 4,4 % en 2023. Les effectifs continuent de progresser dans l’industrie tandis qu’ils reculent dans les activités de services, en particulier informatiques.
Airbus augmente sa cadence de livraisons et son carnet de commande continue de se remplir. L’avionneur européen conserve sa place de leader mondial de l’aéronautique face à l’américain Boeing qui termine une année noire. La santé commerciale d’Airbus bénéficie aux autres entreprises de la filière. Les principaux équipementiers enregistrent tous un chiffre d’affaires en hausse malgré des difficultés persistantes sur la chaîne d’approvisionnement. Dans le spatial, la situation est morose et aboutit à plusieurs plans de suppressions d’emplois.
Le trafic aérien mondial atteint un niveau record
En 2024, le trafic aérien mondial de passagers progresse à nouveau fortement (+10 %) et dépasse désormais son record d’avant-crise. La demande (mesurée en kilomètres-passagers payants) est supérieure de 4 % à celle enregistrée en 2019 selon l’association internationale du transport aérien (IATA). Elle progresse sur tous les continents.
Cette croissance s’explique par une forte dynamique du trafic international (+14 % sur un an) qui surpasse pour la première fois son niveau de 2019. La demande intérieure progresse également en 2024 (+6 %) et atteint de même son plus haut niveau historique.
La tendance est similaire pour le fret aérien qui réalise en 2024 une année exceptionnelle. La demande, mesurée en tonnes-kilomètres de chargement, enregistre une croissance annuelle record de 11 % en 2024. Selon l’IATA, le secteur bénéficie d’un e-commerce particulièrement vigoureux et de restrictions du transport maritime.
Airbus augmente la cadence des livraisons
En 2024, Airbus livre 766 avions, soit 31 appareils de plus qu’en 2023 (+4 %). Il n’atteint cependant pas son objectif initial de 800 livraisons en raison de contraintes de production et de difficultés d’approvisionnement. Cette cadence de production reste en deçà des performances record atteintes avant la crise sanitaire, en 2018 et 2019 (figure 1).
tableauFigure 1 – Livraisons annuelles d’Airbus et de Boeing
Année | Airbus | Boeing |
---|---|---|
2014 | 629 | 723 |
2015 | 635 | 762 |
2016 | 688 | 748 |
2017 | 718 | 763 |
2018 | 800 | 806 |
2019 | 863 | 380 |
2020 | 566 | 157 |
2021 | 611 | 340 |
2022 | 661 | 480 |
2023 | 735 | 528 |
2024 | 766 | 348 |
- Lecture : En 2024, Airbus livre 766 avions contre 348 pour Boeing.
- Champ : Livraisons annuelles d’avions civils de plus de 100 places.
- Sources : Constructeurs - Airbus et Boeing.
graphiqueFigure 1 – Livraisons annuelles d’Airbus et de Boeing

- Lecture : En 2024, Airbus livre 766 avions contre 348 pour Boeing.
- Champ : Livraisons annuelles d’avions civils de plus de 100 places.
- Sources : Constructeurs - Airbus et Boeing.
La hausse des livraisons s’explique par la progression des avions monocouloirs (+6 %). Ce type d’appareils représente désormais 88 % des aéronefs livrés par Airbus.
Le groupe enregistre par ailleurs 826 nouvelles commandes nettes des annulations, bien moins que le volume record de 2023 (2 094 commandes) mais qui s’expliquait par un rattrapage post-Covid (figure 2). Au total, le carnet de commandes continue de s’étoffer en 2024 et atteint 8 658 avions, soit 11 ans de production au rythme de 2024. Le groupe se donne pour objectif d’assurer 820 livraisons d’avions en 2025.
tableauFigure 2 – Commandes annuelles d’Airbus selon le type d’appareils
Type d'appareils | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | 2024 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Moncouloirs | 1 545 | 1 015 | 790 | 1 160 | 712 | 914 | 360 | 725 | 1 015 | 1 977 | 654 |
Dont A220* | // | // | // | // | 135 | 118 | 64 | 64 | 127 | 142 | 17 |
Gros-porteurs | 251 | 175 | 159 | 69 | 119 | 217 | 23 | 46 | 63 | 342 | 224 |
Dont A330 | 174 | 156 | 106 | 25 | 37 | 104 | 2 | 30 | 19 | 42 | 82 |
Dont A350 | 57 | 16 | 51 | 44 | 62 | 113 | 21 | 16 | 44 | 300 | 142 |
Dont A380** | 20 | 3 | 2 | 0 | 20 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 | 0 |
Total commandes brutes | 1 796 | 1 190 | 949 | 1 229 | 831 | 1 131 | 383 | 771 | 1 078 | 2 319 | 878 |
Annulations | 340 | 110 | 218 | 120 | 84 | 363 | 115 | 264 | 258 | 225 | 52 |
Total commandes nettes | 1 456 | 1 080 | 731 | 1 109 | 747 | 768 | 268 | 507 | 820 | 2 094 | 826 |
Carnet de commandes (Total des commandes reçues, non encore livrées) | 6 386 | 6 787 | 6 874 | 7 265 | 7 577 | 7 482 | 7 184 | 7 082 | 7 239 | 8 598 | 8 658 |
- *Avions Bombardiers rebaptisés en A220 après l’acquisition du groupe canadien par Airbus en 2018.
- **Les livraisons d’A380 se sont arrêtées en 2021.
- Lecture : En 2024, Airbus reçoit 654 commandes brutes d’avions monocouloirs.
- Champ : Commandes annuelles d’avions civils de plus de 100 places.
- Source : Constructeur – Airbus.
La hausse des livraisons d’aéronefs s’est traduite par une hausse de 6 % du chiffre d’affaires d’Airbus, atteignant 69,2 milliards d’euros. Le résultat net du groupe est en hausse de 12 % en 2024 (4,2 milliards d’euros de bénéfice après 3,8 milliards en 2023).
Face aux besoins grandissants des compagnies aériennes, Airbus opère des changements stratégiques au sein de son tissu productif, en particulier en région toulousaine. En juillet 2023, le groupe a inauguré une nouvelle ligne d’assemblage dans son usine Jean-Luc Lagardère à Blagnac. Celle-ci est dédiée à la production d’avions des gammes A320 et A321 et remplace la ligne historique productrice de l’A380. En décembre 2024, le groupe annonce avoir débuté l’assemblage de son premier A321XLR toulousain sur cette même ligne (ce modèle est également produit à Hambourg en Allemagne). Toujours dans l’optique d’accélérer les cadences, l’avionneur a démarré l’installation d’une deuxième ligne d’assemblage qui produira également des A320 et A321 dès 2026. Il poursuit ainsi la longue histoire de l’aérospatial dans la région dont l’importance a triplé dans l’économie locale au cours des quarante dernières années [Labaye B., 2025 ; pour en savoir plus (1)].
La situation économique d’Airbus tranche avec celle de son concurrent historique Boeing. L’avionneur américain termine une année noire, marquée par un nouvel incident grave d’un 737 Max de l’Alaska Airlines, une réduction de ses effectifs et une grève massive de ses salariés à l’automne. Le constructeur ne livre ainsi que 348 appareils au cours de l’année (figure 1) et reçoit 377 nouvelles commandes nettes des annulations. Ces difficultés outre-atlantique ne bénéficient pas nécessairement à la filière aéronautique occitane. D’une part, les chaînes de production d’Airbus sont limitées et ne peuvent pas absorber une augmentation soudaine de l’activité afin de compenser les commandes perdues par Boeing. D’autre part, Boeing est client d’entreprises de la filière aéronautique présentes en Occitanie, comme Safran qui fabrique les moteurs des 737 Max.
L’emploi dans la filière marque le pas en 2024
Malgré la volonté d’Airbus d’accélérer ses livraisons, les effectifs salariés de la filière aéronautique et spatiale augmentent peu en Occitanie en 2024. L’emploi au sein des établissements de la filière progresse de 0,4 % sur un an, soit environ 500 postes supplémentaires (figure 3). Cette légère augmentation marque un net ralentissement par rapport à la dynamique observée en 2023 (+4,4 %).
Les activités de services de la filière fléchissent (-2,7 %). En particulier, les activités informatiques sont en berne et perdent 1 100 postes au cours de l’année. Inversement, la situation est plutôt favorable au sein des établissements industriels avec la création d’environ 1 700 postes en 2024 (+2,5 %). Tant les constructeurs que les entreprises de la chaîne d’approvisionnement (pour comprendre) créent des emplois.
En 2024, les petites, moyennes entreprises et celles de taille intermédiaire de la filière sont créatrices nettes d’emploi, au contraire des grandes entreprises où l’emploi est stable. La très grande majorité des postes occupés dans les établissements de la filière sont des CDI. Ceux-ci progressent modérément en 2024 (+0,4 %). Les embauches d’alternants restent dynamiques mais le nombre de CDD recule. Malgré la progression des contrats d’alternance, le nombre de jeunes (15-29 ans) travaillant au sein de la filière recule tandis que le nombre de seniors (55 ans et plus) est en augmentation (figure 3).
tableauFigure 3 – Évolution de l’emploi dans les établissements de la filière aéronautique et spatiale en Occitanie
Filière aéronautique et spatiale | Évolution annuelle | Répartition | |
---|---|---|---|
2023 | 2024 | 2024 | |
Ensemble de la filière | 4,4 | 0,4 | 100 |
Secteurs d'activité | |||
Industrie | 5,6 | 2,5 | 61 |
Dont constructeurs | 6,9 | 2,4 | 39 |
Dont chaîne d'approvisionnement | 3,4 | 2,8 | 22 |
Services | 2,7 | -2,7 | 39 |
Dont ingénierie et autres activités spécialisées, scientifiques et techniques | 4,8 | -0,6 | 19 |
Dont activités informatiques | 0,5 | -5,3 | 17 |
Dont commerce, logistique et soutien | 3,9 | 0,0 | 2 |
Dont autres services | 2,5 | 0,1 | 1 |
Catégories d'entreprises | |||
Petites et moyennes entreprises | 3,3 | 2,2 | 14 |
Entreprises de taille intermédiaire | 5,1 | 0,9 | 26 |
Grandes entreprises | 4,4 | -0,1 | 60 |
Contrats de travail | |||
CDI | nd | 0,4 | 94 |
CDD | nd | -4,4 | 1 |
Alternance | nd | 2,9 | 4 |
Autre type de contrat | nd | 1,7 | < 1 |
Âge des salariés | |||
15-29 ans | nd | -2,7 | 20 |
30-54 ans | nd | 0,8 | 65 |
55 ans et plus | nd | 3,4 | 15 |
- nd : Non disponible.
- Lecture : En 2024, l’emploi progresse de 2,5 % dans les établissements industriels de la filière aéronautique et spatiale en Occitanie.
- Champ : Emplois salariés des établissements réalisant au moins une partie de leur chiffre d’affaires dans la filière aérospatiale et implantés en Occitanie.
- Sources : Insee – Enquête FAS-GSO 2022, Insee-Urssaf-Dares - Fichiers détails trimestriels 2023-2024.
La filière croît malgré des tensions d’approvisionnement
La société Avions de transport régional (ATR), dont la chaîne d’assemblage et le siège social sont localisés à Toulouse, livre 35 avions en 2024 soit un niveau identique à 2023. L’avionneur reçoit 56 nouvelles commandes brutes (contre 40 en 2023). Malgré la hausse des commandes, ATR prévoit de livrer un nombre équivalent d’avions en 2025 en raison de tensions sur la chaîne d’approvisionnement.
L’équipementier et motoriste Safran bénéficie de la forte dynamique du trafic aérien en 2024 et affiche une hausse annuelle de 18 % de son chiffre d’affaires. Cette progression masque cependant une baisse de 10 % des livraisons de son moteur LEAP (Leading Edge Aviation Propulsion) alors que le groupe visait une augmentation de la cadence en 2024. Thales, équipementier des industries de l’aéronautique, du spatial et de la défense, enregistre une progression de son chiffre d’affaires de 12 % en 2024. Enfin, l’équipementier Latécoère accroît son chiffre d’affaires de 16 % au premier semestre 2024 par rapport au premier semestre 2023.
Malgré ces hausses, les équipementiers continuent de relever des perturbations persistantes sur la chaîne d’approvisionnement qu’ils considèrent comme un frein à leur croissance.
De nombreux emplois sont supprimés dans le spatial toulousain
En 2024, le secteur spatial européen est en difficulté face à une forte concurrence américaine dans le domaine des satellites. Ces difficultés se traduisent par l’annonce de nombreuses suppressions de postes dans les plus grands établissements du spatial toulousain. Thales annonce ainsi le redéploiement de 1 200 postes issus de sa branche spatiale, dont 650 provenant du site de Toulouse. De son côté, Airbus déclare en fin d’année vouloir supprimer 2 000 emplois de sa branche « défense et espace » dont 540 en France (400 à Toulouse). Les suppressions d’emplois chez Airbus devraient s’échelonner de 2025 à 2026 tandis que le plan de Thales débute en 2024 et devrait se poursuivre en 2025.
La fusée Ariane 6 effectue avec succès son vol inaugural en juillet 2024 depuis la base de lancement de Kourou en Guyane française. Avec un retard de 4 ans sur le calendrier initial, le lanceur réussit son premier vol commercial le 6 mars 2025. Plus de 30 lancements sont d’ores et déjà prévus pour les prochaines années.
Pour comprendre
La chaîne d’approvisionnement de la filière aéronautique et spatiale désigne les fournisseurs, sous-traitants et prestataires de services de l’aéronautique et du spatial. Elle inclut également les petits constructeurs de la filière et les motoristes.
Pour 2024, l’emploi salarié (hors intérim) de la filière aéronautique et spatiale est estimé à partir de l’enquête « filière aéronautique et spatiale dans le Grand Sud-Ouest » 2022 (dernière année d’enquête disponible) et de sources auxiliaires. L’estimation est produite à partir des fichiers détails trimestriels d’emploi (Insee, Urssaf, Dares) pour les établissements des entreprises appartenant à la filière au 31/12/2022 employant au moins un salarié dans la filière et toujours actifs au 31 décembre 2024 (soit 92 % des établissements du périmètre de la filière telle qu’appréhendée au 31/12/2022 et 98 % des salariés). Les évolutions dues aux cessations d’activité ou à d’éventuelles créations d’établissements ne sont pas prises en compte. L’hypothèse est donc faite que les effectifs de l’ensemble de la filière ont évolué de la même manière que ceux des établissements observés.
Pour en savoir plus
(1) Labaye B., « Pour Toulouse et l’ex-région Midi-Pyrénées, l’importance de l’aérospatiale a triplé en 40 ans ». Insee Analyses Occitanie no 159, février 2025.
>(2) Morénillas N., Dhune M., Renne O., « La filière aéronautique et spatiale en Occitanie en 2023 : L’emploi dépasse son niveau d’avant-crise mais l’activité reste en deçà ». Insee Flash Occitanie no 138, décembre 2024.