Insee Conjoncture Martinique ·
Juin 2023 · n° 24Bilan économique 2022 - Martinique Bonne orientation de l’économie martiniquaise en 2022
En 2022, le marché du travail s’améliore avec une baisse du nombre de demandeurs d’emploi et une hausse de l’emploi salarié du secteur tertiaire marchand (hors intérim). Les créations d’entreprises sont également en hausse. La situation financière des ménages et des entreprises est satisfaisante. Les secteurs portuaire et aérien redécollent portés en partie par la progression du flux de touristes de séjour.
Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2022 publiés par l'Insee.
Épargne-Crédit - L’activité bancaire est le reflet de la bonne orientation de l’économie martiniquaise Bilan économique 2022
Evie Coyan (Institut d’émission des départements d’outre-mer)
L’activité bancaire a été dynamique au cours de l’année 2022. Les entreprises et les ménages continuent à mobiliser des financements, notamment pour leurs investissements et leurs projets immobiliers. Les encours d’actifs détenus en banque sont également en hausse, même si le rythme de progression est plus modéré que pendant la période exceptionnelle de la crise sanitaire. L’année 2022 est marquée par l’amorce d’une remontée des taux directeurs opérée par les banques centrales. Ce changement de paradigme n’a pas encore sensiblement pesé sur la demande de crédit en 2022. En revanche, les placements à court terme sont redevenus attractifs, ce qui a d’ores et déjà influé sur l’allocation des actifs des épargnants.
Les agents normalisent leur comportement d’épargne
Les encours de crédits accordés aux agents économiques martiniquais, ainsi que les encours d’actifs détenus en banque, s’inscrivent en hausse en 2022. La demande de crédits ne semble pas encore avoir été pénalisée par la remontée des taux d’intérêt intervenue à partir du deuxième semestre (notamment +98 points de base sur les crédits d’équipement et +43 points de base sur les crédits à l’habitat, en un an). En revanche, le comportement d’épargne connaît des évolutions sensibles compte tenu de l’attractivité retrouvée des placements à court terme.
Après deux années où les restrictions sanitaires avaient fortement influencé la consommation et généré un surplus atypique d’épargne des ménages atypiques (progression des dépôts de 7,6 % en 2020 et de 5,0 % en 2021), l’évolution des dépôts retrouve un rythme plus tendanciel, avec une croissance de 3,1 % en 2022. Ainsi, en moyenne, l’épargne « forcée » accumulée pendant les périodes de confinement n’a pas été utilisée à des fins de consommation (figure 1).
Pour leur part, les entreprises voient leurs actifs en légère hausse (+0,8 %) après un recul marqué en 2021 (-4,8 %). Le recours massif aux Prêts Garantis par l’État (PGE) en 2020 avait entraîné une forte croissance de leur trésorerie, car les PGE avaient, pour partie, été souscrits par précaution et n’avaient été que peu utilisés au cours de la première année. Avec l’arrêt progressif des mesures d’accompagnement et de soutien aux entreprises (fonds de solidarité, activité partielle, report d’échéances fiscales et sociales, etc.), les PGE ont été davantage consommés en 2021 dans la mesure où les trésoreries ont été largement sollicitées. En 2022, l’évolution des actifs des entreprises se normalise (figure 2).
tableauFigure 1 – Évolution annuelle des actifs des ménages
Années | Tous actifs |
---|---|
2019 | 2,7 |
2020 | 7,6 |
2021 | 5,0 |
2022 | 3,1 |
- Source : Institut d’Émission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM).
graphiqueFigure 1 – Évolution annuelle des actifs des ménages
tableauFigure 2 – Évolution annuelle des actifs des entreprises
Années | Tous actifs |
---|---|
2019 | 4,2 |
2020 | 35,4 |
2021 | -4,8 |
2022 | 0,8 |
- Source : Institut d’Émission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM).
graphiqueFigure 2 – Évolution annuelle des actifs des entreprises
Les placements de court terme font le plein
L’analyse par nature montre une évolution de l’arbitrage entre les produits d’épargne. En effet, avec la remontée des taux d’intérêt créditeurs, dans le sillage de celle des taux directeurs à partir de juillet 2022 (encadré), les placements de court terme retrouvent une attractivité. Ainsi, ils affichent une forte hausse (+9,0 %) en 2022, alors que les dépôts à vue connaissent une augmentation bien moindre (+1,5 %), contrairement aux années précédentes, où dans un contexte de taux bas, ils captaient l’essentiel de la hausse des dépôts. En revanche, les placements de long terme ne tirent pas leur épingle du jeu, signe probable d’une certaine précaution face aux incertitudes conjoncturelles et de la concurrence accrue des produits de court terme (figure 3).
tableauFigure 3 – Évolution annuelle des actifs par terme
Années | Dépôts à vue | Placements long terme | Placements court terme |
---|---|---|---|
2022 | 1,5 | -1,3 | 9,0 |
2021 | 1,2 | 1,7 | 1,7 |
2020 | 31,2 | 0,0 | 6,9 |
2019 | 5,7 | 1,3 | 1,9 |
- Source : Institut d’Émission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM).
graphiqueFigure 3 – Évolution annuelle des actifs par terme
Les crédits d’investissement et à l’habitat restent dynamiques
La croissance de l’encours brut de crédits, toutes catégories d’agents confondus, s’accélère en 2022 (+4,0 %), après une hausse de 2,9 % en 2021.
Les ménages continuent de profiter de conditions de financement encore favorables (malgré la remontée progressive des taux au deuxième semestre) pour conclure leurs projets immobiliers. Les crédits à l’habitat maintiennent un rythme de croissance soutenu et régulier (+5,9 %). En revanche, les crédits à la consommation enregistrent une faible hausse de 0,8 % (figure 4).
Le haut niveau affiché par les chefs d’entreprise sur les intentions d’investissement se matérialise par des encours de crédits d’investissement en augmentation de 7,9 %, soit une évolution soutenue et comparable à celle de l’année précédente. De même, les crédits d’exploitation enregistrent une hausse notable (+5,9 %). Parmi les crédits d’exploitation, les comptes ordinaires débiteurs et l’affacturage augmentent, alors que les crédits de trésorerie diminuent du fait des remboursements de PGE. Ce constat fait écho aux soldes d’opinion un peu dégradés sur les questions de liquidité (figure 5).
Pour leur part, les collectivités locales connaissent un nouveau recul de leurs encours de crédit. Ces derniers, presque exclusivement constitués de crédits d’investissement, se replient de 7,6 %, ce qui traduit que l’amortissement des gros crédits effectués par le passé est plus important que la production de nouveaux crédits.
tableauFigure 4 – Évolution annuelle des crédits aux ménages
Années | Consommation | Immobilier |
---|---|---|
2019 | 7,0 | 6,4 |
2020 | 1,1 | 6,3 |
2021 | 2,2 | 6,4 |
2022 | 0,8 | 5,9 |
- Source : Institut d’Émission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM).
graphiqueFigure 4 – Évolution annuelle des crédits aux ménages
tableauFigure 5 – Évolution annuelle des crédits aux entreprises
Années | Investissement | Exploitation |
---|---|---|
2019 | 9,9 | 13,3 |
2020 | 9,4 | 152,7 |
2021 | 8,1 | -2,6 |
2022 | 7,9 | 5,9 |
- Source : Institut d’Émission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM).
graphiqueFigure 5 – Évolution annuelle des crédits aux entreprises
Encadré - La remontée progressive des taux d’intérêt
Suite à un double choc inflationniste résultant d’une forte reprise post-Covid puis du conflit entre l’Ukraine et la Russie, la BCE a mis fin à sa politique monétaire très accommodante et a procédé à une normalisation progressive des taux d’intérêt au second semestre 2022. Ainsi, les taux directeurs progressent de 250 points de base en 2022. Il s’agit de la première remontée des taux depuis 2011.
Ces évolutions se répercutent assez mécaniquement sur l’ensemble des taux, y compris en Martinique où les taux des crédits ont commencé à remonter. En un an, les taux moyens des crédits aux entreprises augmentent de 1 à 1,5 point selon la nature des financements. Pour les ménages, les taux moyens progressent de 0,5 point (figure 6).
En parallèle, les taux des livrets réglementés sont également revus à la hausse. Ainsi, le taux du livret A, qui avait atteint un minimum de 0,5 % en février 2020, a été relevé deux fois en 2022 (à 1,0 % en février, puis 2,0 % en août). Il a de nouveau augmenté en février 2023 pour atteindre 3,0 %.
tableauFigure 6 – Taux des crédits par nature
Nature du crédit | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 |
---|---|---|---|---|
Ménages - Habitat | 1,5 | 1,4 | 1,3 | 1,8 |
Ménages - Prêts personnels | 3,9 | 3,9 | 3,6 | 4,0 |
Entreprises - Équipement | 1,8 | 1,9 | 1,6 | 2,6 |
Entreprises - Trésorerie | 1,9 | 0,4 | 1,2 | 2,6 |
- Source : Institut d’Émission des Départements d’Outre-Mer (IEDOM).
graphiqueFigure 6 – Taux des crédits par nature
Pour comprendre
L’année 2022 est marquée par la mise en place de la collecte réglementaire Ruba (Reporting Unifié Banques et Assimilés) en remplacement de la collecte SURFI (Système Unifié de Reporting FInancier) à partir de l’arrêté du 31 janvier 2022. Ce changement impacte les données diffusées par l’IEDOM. Afin de permettre l’analyse des évolutions réelles de l’année, la présente note a été réalisée sur la base d’un échantillon stable.
Sources
Définitions
un point de base (pdb) équivaut à 0,01 %.
taux d’intérêt fixé par une banque centrale pour les prêts qu’elle accorde aux banques commerciales qui en ont besoin. Il influence le taux d’intérêt auquel les banques commerciales prêtent à leur tour à leurs clients, notamment les ménages et les entreprises. Dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) utilise, comme d’autres banques centrales, non pas un mais trois taux directeurs.
personne physique ou morale participant à l’activité économique, via la production, la consommation ou l’échange de biens et services. Sont ici distingués : les entreprises, les ménages, les collectivités locales et les autres agents.
ensemble des dépôts et placements bancaires de la clientèle.
dépôts fait dans un organisme bancaire et que l’on peut retirer à tout moment, sans contrainte de délai (au contraire du dépôt à terme).
Pils regroupent les placements liquides (quand le possesseur peut récupérer son argent de manière instantanée) et ceux à maturité courte (que le possesseur ne peut récupérer qu’au bout d’une durée fixée par contrat, inférieure à 2 ans). Ils comprennent les comptes d’épargne (ex. les livrets ordinaires ou les livrets A) et des placements indexés sur les taux du marché (ex. les dépôts à terme ou les OPCVM monétaires).
ils regroupent les placements à maturité longue tels que les plans d’épargne logement, l’assurance-vie, etc.