L’activité suspendue à un regain de confiance Note de conjoncture - décembre 2024
Éclairage – Le dynamisme économique espagnol depuis la crise sanitaire : miracle ou mirage ?
Depuis la fin de la crise sanitaire, l’Espagne se démarque des autres grandes économies européennes par son dynamisme. Au troisième trimestre 2024, le PIB en volume espagnol se situe 7,3 % au-dessus de son niveau de 2019, contre 4,8 % pour la zone euro dans son ensemble. Le chômage continue, par ailleurs, d’y reculer atteignant 11,3 %, contre 26,3 % à son plus haut au premier trimestre 2013.
Des facteurs temporaires expliquent en partie cet écart de dynamisme avec le reste de la zone euro : en particulier, sa relativement faible dépendance aux hydrocarbures en provenance de Russie et sa forte autonomie pour la production d’électricité ont en partie protégé l’Espagne du choc inflationniste qu’ont connu les autres pays européens. En outre, le pays bénéficie d’importants financements européens dans le cadre du plan national de relance et de résilience mis en œuvre depuis la crise sanitaire : ces derniers représentent 13 % du PIB de 2019 (une moitié sous forme de subventions, l’autre sous forme de prêts) et soutiennent l’activité économique depuis 2021. Enfin, une partie de la croissance des revenus des salariés et de leur consommation a été temporairement soutenue par un retour à la normale des marges des entreprises qui avaient beaucoup augmenté après la crise financière de 2008.
D’autres facteurs, plus structurels, expliquent la persistance de la surperformance de l’économie espagnole. D’une part, elle bénéficie aussi d’une forte attractivité touristique, véritable moteur de la croissance depuis la fin de la crise sanitaire. D’autre part, l’Espagne profite d’une dynamique démographique très favorable, tirée par l’immigration de personnes qualifiées provenant d’Amérique du Sud qui s’intègrent plutôt facilement sur le marché du travail. Ainsi, si la croissance du PIB réel est élevée, celle du PIB par habitant paraît beaucoup plus proche de celle de ses voisins européens.
En outre, cette performance économique doit être mise en perspective en s’intéressant à l’évolution au cours des deux dernières décennies. En effet, en 2019, le PIB par habitant espagnol n’était supérieur à son niveau pré-crise financière de 2008 que de quelques points. L’investissement n’a jamais rattrapé son niveau de 2007, et la consommation privée n’est que légèrement supérieure à son niveau d’il y a 17 ans, en dépit de l’accroissement de la population. Une partie de la croissance espagnole provient donc, encore aujourd’hui, d’un effacement progressif du stigmate de la crise financière.
À l’horizon de prévision à la mi-2025, la plupart de ces facteurs continueraient de soutenir la croissance espagnole, notamment la dynamique démographique et l’attractivité touristique du pays. Par ailleurs, les dépenses de relance financées sur fonds européen continueraient de monter en charge en 2025 tandis que la consolidation budgétaire serait modérée. En revanche, l’écart de prix de l’énergie est de moins en moins susceptible de justifier une différence de dynamisme avec les autres pays européens alors que l’inflation a déjà fortement reflué partout en Europe au troisième trimestre 2024. Enfin, à court terme, les gains de salaire réel enregistrés depuis la crise sanitaire continueraient de porter la consommation des ménages. Toutefois, en l’absence de gains de productivité, la dynamique des salaires réels pourrait s’enrayer, les marges des entreprises étant revenues à leur niveau de 2007...
Note de conjoncture
Paru le :17/12/2024