Emploi et revenus des indépendants Édition 2020
Cet ouvrage offre un ensemble d’analyses sur les travailleurs indépendants. Cette population hétérogène recouvre les exploitants agricoles, les commerçants, les artisans ou encore les professionnels libéraux. Ils sont liés par l’absence de lien de subordination juridique à l’égard d’un donneur d’ordre et ne disposent pas de contrat de travail. La plupart n’ont pas le statut de salarié et sont donc « non-salariés ».
Conditions de travail des indépendants
Insee Références
Paru le :28/04/2020
Les conditions de travail des indépendants, comme celles des salariés, peuvent être appréhendées à travers différents facteurs de risque professionnel : pénibilité physique des travaux, cumul de contraintes de rythme, manque d’autonomie, isolement, emprise du travail sur la vie quotidienne ou encore insécurité de la situation d’emploi.
La pénibilité physique est particulièrement forte dans l’agriculture, parmi les agriculteurs exploitants – 60 % sont concernés en 2016, contre 28 % des indépendants dans leur ensemble – comme parmi les salariés agricoles (figure 1). À l’opposé, les professions libérales, les chefs d’entreprises de dix salariés ou plus et les commerçants sont les moins exposés à la pénibilité physique, à l’image des cadres salariés.
tableauFigure 1 - Conditions de travail des indépendants en 2016
Indépendants | Salariés | |||||||
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Agriculteurs exploitants | Artisans | Commerçants | Chefs d'entreprises de 10 salariés ou plus | Professions libérales | Professions intermédiaires | Ensemble | ||
Pénibilité physique | 60,2 | 44,2 | 14,9 | 12,9 | 1,7 | 21,5 | 27,9 | 22,3 |
Cumul de contraintes de rythme | 31,9 | 29,6 | 13,1 | 19,8 | 20,3 | 26,9 | 23,4 | 41,5 |
Faire trop vite une opération qui demanderait davantage de soin | 26,3 | 20,9 | 17,3 | 33,3 | 21,1 | 21,8 | 21,6 | 26,2 |
Fierté du travail bien fait | 83,2 | 93,8 | 89,5 | 93,0 | 76,2 | 89,5 | 87,6 | 72,3 |
Manque d’autonomie | 9,2 | 1,7 | 8,4 | 1,2 | 2,9 | 7,5 | 5,6 | 22,4 |
Travailler toujours ou souvent seul | 74,5 | 79,6 | 71,1 | 46,6 | 73,9 | 81,7 | 74,3 | 55,2 |
Forte emprise du travail | 62,4 | 17,7 | 36,1 | 29,4 | 9,0 | 29,5 | 30,6 | 3,9 |
- Lecture : 60,2 % des agriculteurs exploitants déclarent être concernés par des critères de pénibilité physique.
- Champ : France métropolitaine, personnes en emploi âgées de 15 ans ou plus.
- Source : Dares, enquête Conditions de travail - risques psychosociaux 2016.
Les indépendants exercent un travail moins soumis aux contraintes de rythme que les salariés : 23 % subissent un cumul de ces contraintes, contre 41 % des salariés. Alors que 22 % des salarés affirment manquer d’autonomie, ce n’est le cas que de 6 % des indépendants et de 1 % des chefs d’entreprises d’au moins dix salariés. En revanche, les indépendants sont nombreux à travailler toujours ou souvent seuls : 74 % d’entre eux, contre 55 % des salariés. Les chefs d’entreprises sont les indépendants les moins concernés par l’isolement au travail.
Les marges de manœuvre plus élevées dont disposent les indépendants dans l’exercice de leur activité, ainsi que la moindre exposition à des rythmes de travail contraints les protègent un peu du sentiment dit de « qualité empêchée » : un indépendant sur cinq déclare faire trop vite une opération qui demanderait davantage de soin, contre un salarié sur quatre. Les indépendants sont également plus nombreux à éprouver la fierté du travail bien fait (88 %, contre 72 % des salariés).
Près d’un tiers des indépendants (et jusqu’aux deux tiers des exploitants agricoles) subissent une forte emprise du travail sur leur vie (34 % des hommes et 24 % des femmes), contre seulement 4 % des salariés, notamment en raison d’une durée de travail nettement plus longue : les indépendants déclarent travailler habituellement 46 heures en moyenne par semaine au titre de leur emploi principal, contre 36 heures pour les salariés. De ce fait, ils ont plus de mal à concilier vies personnelle et professionnelle : 28 % disent que leurs horaires de travail ne s’accordent pas très bien avec leurs engagements sociaux ou familiaux hors du travail (contre 18 % des salariés) ; 26 % disent que leurs proches se plaignent de leur manque de disponibilité (contre 13 % des salariés) (figure 2).
tableauFigure 2 - Conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle des indépendants en 2016
Horaires de travail peu compatibles avec leurs engagements hors du travail | Pas assez disponible aux yeux des proches | |
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Agriculteurs exploitants | 35 | 28 |
Artisans | 29 | 27 |
Commerçants | 26 | 27 |
Chefs d'entreprises de 10 salariés ou plus | 22 | 25 |
Professions libérales | 28 | 20 |
Professions intermédiaires | 27 | 27 |
Ensemble des indépendants | 28 | 26 |
Salariés | 18 | 13 |
- Lecture : 35 % des agriculteurs exploitants déclarent en 2016 que leurs horaires de travail ne s'accordent pas très bien avec leurs engagements sociaux ou familiaux hors du travail.
- Champ : France métropolitaine, personnes en emploi âgées de 15 ans ou plus.
- Source : Dares, enquête Conditions de travail - risques psychosociaux 2016.
graphiqueFigure 2 - Conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle des indépendants en 2016
Les indépendants, à l’exception des chefs d’entreprises, sont plus inquiets pour la pérennité de leur emploi que les salariés : un indépendant sur trois craint de perdre son emploi dans les douze mois à venir, contre un salarié sur quatre (figure 3). En revanche, à l’exception des commerçants, ils pensent moins souvent qu’ils vont « devoir changer de métier ou de qualification dans les trois ans à venir » (19 %, contre 31 % des salariés).
tableauFigure 3 - Craintes des indépendants pour la pérennité de leur emploi en 2016
Craindre pour son emploi dans les 12 mois | Devoir changer de métier dans les 3 ans | |
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Agriculteurs exploitants | 27 | 17 |
Artisans | 34 | 12 |
Commerçants | 40 | 29 |
Chefs d'entreprises de 10 salariés ou plus | 18 | 12 |
Professions libérales | 27 | 12 |
Professions intermédiaires | 28 | 22 |
Ensemble des indépendants | 32 | 19 |
Salariés | 24 | 31 |
- Lecture : 17 % des agriculteurs exploitants déclarent en 2016 devoir changer de métier ou de qualification dans les 3 ans.
- Champ : France métropolitaine, personnes en emploi âgées de 15 ans ou plus.
- Source : Dares, enquête Conditions de travail - risques psychosociaux 2016.
graphiqueFigure 3 - Craintes des indépendants pour la pérennité de leur emploi en 2016
Sources
L’ Ouvrir dans un nouvel ongletenquête Conditions de travail de la Dares vise à cerner au plus près le travail tel qu’il est perçu par les travailleurs, et non pas, pour les salariés, le travail prescrit tel qu’il peut être décrit par l’entreprise ou l’employeur. L’enquête est réalisée à domicile et chaque actif occupé du ménage répond personnellement. Les questions posées ne renvoient ni à des mesures objectives (cotation de postes ou analyses ergonomiques), ni à des questions d’opinion sur le travail, mais à une description concrète du travail, de son organisation et de ses conditions, selon divers angles : les marges de manœuvre, la coopération, les rythmes de travail, les efforts physiques ou les risques encourus. En 2013 et en 2016, un ensemble de questions consacrées aux risques psychosociaux au travail est posé en complément de questions déjà présentes sur la charge mentale. L’enquête cherche en effet à aborder l’ensemble des dimensions préconisées par le collège d’expertise sur le suivi statistique des risques psychosociaux au travail qui, dans son rapport final publié en avril 2011, propose un grand nombre d’indicateurs organisés en six dimensions : intensité du travail et temps de travail, exigences émotionnelles, autonomie, rapports sociaux au travail, conflits de valeur et insécurité de la situation de travail.
L’enquête Conditions de travail fournit de l’information sur les travailleurs indépendants. Dans cette enquête, il s’agit des personnes ayant déclaré exercer leur profession principale en tant qu’indépendant, à leur compte ou comme dirigeant salarié.
Définitions
Risque professionnel : les conditions de travail des indépendants, comme celles des salariés, peuvent être appréhendées à travers différents facteurs de risque professionnel : pénibilité physique, cumul de contraintes de rythme, manque d'autonomie, forte emprise du travail.
Pénibilité physique : elle s’applique aux travailleurs concernés par au moins quatre des six critères suivants : rester longtemps debout, rester longtemps dans une posture pénible, porter des charges lourdes, subir des secousses ou des vibrations, effectuer des déplacements à pied longs ou fréquents, être exposé à un bruit intense.
Indépendants : personnes ayant déclaré dans l'enquête Conditions de travail exercer leur profession principale en tant qu’indépendant (à leur compte ou comme dirigeant salarié), y compris les aides familiaux.
Cumul de contraintes de rythme : il s’applique aux travailleurs concernés par au moins trois des neuf critères suivants : le déplacement automatique d’un produit ou d’une pièce, la cadence automatique d’une machine, d’autres contraintes techniques, la dépendance vis‑à‑vis de collègues, des normes de production ou des délais à respecter en une heure, ou en une journée au plus, une demande extérieure obligeant à une réponse immédiate, des contrôles exercés par la hiérarchie, un contrôle suivi ou informatisé.
Manque d’autonomie : il s’applique aux travailleurs concernés par au moins trois des cinq critères suivants : ne pas pouvoir interrompre le travail, ne pas régler seul les incidents, ne pas apprendre de choses nouvelles, ne pas avoir une formation suffisante et adaptée, avoir un travail qui consiste à répéter une même série d’opérations.
Forte emprise du travail : il s’applique aux travailleurs concernés par au moins trois des six critères suivants : ne pas pouvoir modifier ses horaires, ne pas connaître ses horaires du lendemain, travailler plus de 50 heures par semaine, travailler 6 ou 7 jours par semaine, travailler habituellement la nuit, travailler habituellement le dimanche.
Pour en savoir plus
Landour J., « Ouvrir dans un nouvel ongletL’indépendance favorise‑t‑elle l’articulation travail/famille ? », Connaissance de l’emploi n° 147, CEET, avril 2019.