Économie et Statistique n° 417-418 - 2008 Patrimoine : développements récents
Patrimoine et retraite : l'expérience française de 1820 à 1940
Jérôme Bourdieu et Lionel Kesztenbaum
Depuis les controverses sur les retraites ouvrières dans la seconde moitié du XIXe siècle, la capacité des individus à s'assurer eux-mêmes pour leur vieillesse a fait débat ; hier pour stigmatiser l'imprévoyance de l'ouvrier et lui refuser tout droit à une pension, aujourd'hui pour réclamer la liberté de chacun de constituer son propre pécule pour ses vieux jours. Dès lors, il est légitime de se demander quelle était, réellement, la situation de ceux qui atteignaient la vieillesse dans une période où il n'existait pas, ou peu, de pensions de retraite. Des données patrimoniales individuelles permettent d’estimer quelle fraction de la population disposait des moyens financiers pour vivre sa vieillesse de façon autonome. L’épargne de cycle de vie était très insuffisante pour financer le grand âge durant le XIXe siècle : bien au-delà de la classe ouvrière ou du salariat le moins qualifié, de larges couches de la population française ne possédaient pas un patrimoine suffisant pour vivre, même modestement, une fois arrivées au terme d'une vie de labeur et d’épargne. Surtout, la situation des plus âgés, qui s'améliore continûment durant le XIXe siècle, connaît une brutale dégradation dans les années 1900. Les fortes inégalités d'accès à l'inactivité en fin de vie, entre hommes et femmes ou entre catégories socioprofessionnelles, achèvent de compléter ce tableau d'une crise du financement des vieux jours, au début du XXe siècle.
Economie et Statistique
No 417-418
Paru le :01/06/2009