Consolidation modérée, croissance ravivée Note de conjoncture - décembre 2025

 

Note de conjoncture
Paru le :Paru le17/12/2025
Note de conjoncture- Décembre 2025
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Vue d'ensemble Consolidation modérée, croissance ravivée

Note de conjoncture

Paru le :17/12/2025

Jusqu’ici, l’économie mondiale a plutôt bien traversé la mise en place de droits de douane massifs par l’administration américaine. Première cible du président américain, la Chine a remarquablement résisté : elle a réorienté rapidement ses ventes vers d’autres pays et accentué la baisse du prix de ses produits, pour gagner toujours plus de parts de marché et compenser la faiblesse persistante de sa demande intérieure. De l’autre côté du Pacifique, l’économie américaine connaîtrait un trou d’air en fin d’année 2025 en raison du shutdown qui a duré un mois et demi, mais elle resterait tout de même portée par un investissement solide et par les effets favorables des protections douanières sur la production locale. Les ménages américains commencent toutefois à recevoir la facture, sous l’effet de la poussée des prix des produits importés. Au grand jeu du commerce mondial, l’Europe quant à elle semble perdre sur les deux tableaux : l’accès au marché américain s’est réduit et la concurrence chinoise s’est exacerbée.

Pour autant, malgré ce boulet extérieur, l’horizon se dégage pour le Vieux Continent, qui digère peu à peu les effets du choc inflationniste de 2022 et 2023. Les moteurs intérieurs se rallument, en particulier l’investissement. Dans les enquêtes de conjoncture européennes, les industriels sont un peu plus optimistes depuis l’été sur leurs perspectives de demande et l’assouplissement monétaire passé de la BCE commence à porter ses fruits. Enfin, et surtout, l’Allemagne a brutalement modifié l’orientation de sa politique budgétaire, optant pour un « bazooka » pour 2026, qui, combiné à l’effort commun en matière de défense et aux derniers versements du plan de relance européen, est susceptible d’entraîner tout le continent.

Malgré les incertitudes politiques, la France est montée à bord de la reprise européenne. Elle en a même été un des moteurs cet été, avec une croissance de +0,5 %, supérieure aux prévisions, et l’une des meilleures de la zone euro. La soudaine levée des contraintes d’offre dans l’aéronautique a propulsé la production (+1,3 %) et les exportations (+4,8 %) manufacturières.

L’investissement des entreprises a bondi (+0,8 %), comme ailleurs en Europe, et le réacteur de la consommation publique n’a pas faibli. Seule ombre persistante au tableau, la consommation privée : extrêmement pessimistes sur l’avenir du pays, les ménages n’ont presque pas augmenté leurs achats sur le trimestre, ni même sur un an.

Les indicateurs conjoncturels disponibles suggèrent que cette éclaircie se prolongerait : le climat des affaires en France, englué 4 points en deçà de sa moyenne de long terme depuis la dissolution de l’Assemblée nationale à l’été 2024, s’est déverrouillé depuis deux mois et s’en rapproche désormais. La production industrielle n’a pas décroché en octobre, signe que les gains engrangés cet été sont consolidés. Dans l’industrie, les entreprises sont optimistes sur la demande qui leur est adressée et leurs moyens de production semblent de plus en plus sollicités. Surtout, les détaillants retrouvent le moral et la consommation semble se dégeler un peu, stimulée en particulier par le leasing social dans l’automobile. Par ailleurs, le compromis politique qui se dessine est plutôt favorable à l’activité à court terme : en réduisant la consolidation budgétaire, il limite l’effet négatif sur les marges des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages ; en évitant la crise institutionnelle, il apaise l’incertitude. L’activité ralentirait un peu par contrecoup en fin d’année (+0,2 %), l’exploit aéronautique de l’été ne pouvant être renouvelé, mais la croissance se stabiliserait au premier semestre 2026 à un rythme proche de la moyenne des années 2010 (+0,3 % par trimestre). La croissance française (corrigée des jours ouvrables) atteindrait ainsi +0,9 % en 2025 et afficherait déjà +1,0 % d’acquis à mi-année pour 2026.

Dans ce contexte, les revalorisations salariales sont limitées et la timide résurgence de l’activité ne rallumerait pas les pressions inflationnistes. À +0,9 % sur un an en novembre, l’inflation française est l’une des plus faibles de la zone euro. Même si elle remonterait un peu, elle demeurerait sage à +1,5 % en juin 2026. Malgré la revalorisation des pensions et du salaire minimum au 1er janvier, le pouvoir d’achat des ménages serait nettement moins dynamique que l’activité (+0,5 % en 2025 et +0,4 % d’acquis à mi-année 2026) et resterait même étale par unité de consommation. En effet, les revenus du patrimoine sont affaiblis par la baisse des taux d’intérêt et, par ailleurs, les impôts augmentent, notamment sur les hauts revenus. Ces deux facteurs concernent plutôt les ménages aisés et auraient donc peu d’effets sur la consommation : en conséquence, le taux d’épargne dégonflerait, tombant à 18,0 % à la mi-2026, contre 18,7 %, un sommet atteint un an plus tôt.

Plusieurs aléas entourent cette prévision. À l’international, la politique commerciale des États-Unis semble s’être stabilisée mais les revirements de l’administration américaine sur le sujet ont toutefois été nombreux et constituent toujours un aléa important, aussi bien à la hausse qu’à la baisse. Dans un contexte d’excédent d’offre massif, les cours du pétrole pourraient baisser et échauffer un peu plus la reprise européenne. En France, l’incertitude reste forte concernant l’orientation exacte de la politique budgétaire : cette Note de conjoncture, établie sur la base des informations disponibles jusqu’au 12 décembre, fait l’hypothèse d’une consolidation budgétaire inférieure à celle envisagée initialement par le Gouvernement. Une éventuelle loi spéciale sur le budget de l’État, qui maintiendrait les crédits à leur niveau de 2025, aurait peu d’impact sur le scénario à court terme. Du côté des agents privés, si la reprise de l’investissement des entreprises semble corroborée par un faisceau d’indices, le redémarrage de la consommation des ménages est plus incertain. Après deux ans de variations étonnamment faibles au regard de ses déterminants usuels, cette Note suppose le retour à une progression habituelle de la consommation des ménages au premier semestre 2026, sans compenser la faiblesse passée. Cette hypothèse centrale est soumise à deux aléas : d’une part, le taux d’épargne élevé constitue un réservoir de croissance évident si la confiance revenait mais, à l’inverse, la mauvaise passe du marché du travail pourrait inciter les ménages à étoffer encore davantage leur épargne de précaution.