Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Décembre 2025 · n° 206

Les déplacements domicile-travail produisent 2,1 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an

Le secteur des transports est le plus émetteur de gaz à effet de serre (GES), 30 % en 2022. Les trajets domicile-travail sont le premier motif de déplacement des particuliers. La mesure des émissions de GES associées constitue ainsi un enjeu majeur.

En 2022, Auvergne-Rhône-Alpes compte 3,3 millions de navetteurs. Ils produisent 2,1 millions de tonnes d’équivalent CO₂ (tCO ₂e) en un an (pour comprendre), soit 16 % des émissions de France de province ; Grand Est et les Hauts-de-France en produisent chacun 12 %. Rapporté au nombre de navetteurs, la région figure toutefois parmi les moins émettrices : un navetteur génère en moyenne 650 kg de CO₂e par an. Cela représente 8 % de moins que la moyenne de France de province (710 kg de CO₂e) et place la région en troisième position derrière Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Corse (590 kg de CO₂e).

Les actifs de la région utilisent davantage les transports en commun et les mobilités douces (marche et vélo) mais moins la voiture qu’en France de province (figure 1). Les quatre métropoles et les villes de plus de 100 000 habitants, pourvoyeuses d’emplois, sont bien équipées en transports en commun et les liaisons ferroviaires facilitent les déplacements vers celles-ci.

Les navetteurs se déplaçant en voiture parcourent un trajet moyen domicile-travail légèrement plus long que ceux empruntant les transports en commun (16 km contre 13 km) et émettent chacun, en moyenne, 14 fois plus (830 kg de CO₂e contre 60 kg de CO₂e). Dans l’hypothèse où 10 % des navetteurs automobilistes emprunteraient les transports en commun pour se rendre au travail, près de 190 000 tCO₂e pourraient être évitées chaque année dans la région.

Les navetteurs de l’Ain sont les plus gros émetteurs de GES par personne et par an (840 kg de CO₂e), devant la Haute-Loire (780 kg de CO₂e), la Haute-Savoie et l’Ardèche (730 kg de CO₂e). Ils recourent plus fréquemment à la voiture et parcourent les distances domicile-travail les plus longues, devant les navetteurs de l’Isère et de la Haute-Savoie, et très loin devant ceux du Cantal et du Rhône. S’ils bénéficient de la forte attractivité des agglomérations de Lyon et de Genève en termes d’emploi (17 % des navetteurs travaillent dans le Rhône et 13 % en Suisse), le coût de l’immobilier et l’adéquation de logements adaptés aux structures familiales, entre autres, les poussent à s’éloigner de leur lieu de travail.

Également soumis à l’attractivité de la Suisse, occasionnant de longs trajets, les Hauts-Savoyards émettent toutefois moins de GES que les Aindinois.

Dans le duo de tête, les navetteurs hauts-ligériens sont aussi des émetteurs conséquents de GES, car ils empruntent plus fréquemment la voiture. Leurs émissions sont toutefois inférieures à celles des Aindinois, en raison d’une distance moyenne domicile-travail plus courte. Le caractère rural de la Haute-Loire explique cette situation. Les navetteurs de l’Ardèche et de l’Allier, autres départements ruraux, dépendent également de la voiture et produisent des émissions au-dessus de la moyenne régionale. Le Cantal, département également rural, fait exception.

Les navetteurs de ce département diffusent peu de GES. Les Cantalous sont en effet plus proches de leur emploi, facilitant l’usage des mobilités douces. Enfin, les Rhodaniens sont ceux qui émettent le moins de GES par personne et par an (410 kg de CO₂e), grâce à des distances domicile-travail plus courtes et à une offre de transports en commun et d’équipements urbains, notamment les pistes cyclables, favorisant les mobilités douces.

Le caractère urbain ou rural des territoires détermine en partie les comportements. Un navetteur d’un territoire rural produit en moyenne 920 kg de CO₂e par an contre 660 kg de CO₂e dans un territoire urbain et 320 kg de CO₂e dans un grand centre urbain. Les différences sont encore plus marquées selon que l’on circule ou non entre les aires d’attraction des villes (AAV).

Quatre navetteurs sur cinq résident et travaillent dans la même aire d’attraction des villes. Ils génèrent trois cinquièmes des émissions de GES régionales (figure 2). Les autres se déplacent pour moitié entre deux AAV (28 % des GES) et pour moitié en dehors des AAV (15 % des GES).

Un navetteur qui travaille dans une aire différente de celle dans laquelle il réside, produit 1 580 kg de CO₂e par an, trois fois plus que celui qui reste dans son aire, et moitié plus que celui qui reste, sort ou entre dans une commune hors AAV. Il utilise autant la voiture que ceux en provenance ou à destination d’une commune hors AAV, mais il parcourt une distance plus longue. Un navetteur sur quatre qui quitte son aire pour aller travailler est un ouvrier ; un sur trois exerce une profession intermédiaire. Leur part est plus importante que dans l’ensemble des navetteurs de la région (respectivement +4 points et +3 points).

Les navetteurs qui se déplacent d’une aire à l’autre se rendent principalement dans celles de Lyon et de Genève, pourvoyeuses d’emplois. L’aire de Lyon attire 61 000 personnes, et ces dernières émettent 19 % des émissions dues aux déplacements entre AAV. Les flux en provenance de Saint-Étienne contribuent à 5 % de ces émissions (figure 3). À l’est de la région, 45 000 navetteurs vont en direction de l’AAV de Genève et produisent 14 % des GES. Ceux en provenance d’Annecy participent pour 6 % de ces émissions entre AAV. Loin derrière, les flux vers les aires de Saint-Étienne, du sillon alpin, d’Annecy, de Chambéry et de Grenoble, ainsi que vers celles de Valence et de Clermont-Ferrand produisent chacun entre 4 et 6 % des émissions régionales.

Les navetteurs sortant des aires de Lyon et Annecy contribuent également aux émissions (8 % chacune). Un quart des GES émis depuis l’aire de Lyon concerne des déplacements vers celle de Saint-Étienne et les trois quarts des émissions depuis celle d’Annecy relèvent de trajets vers celle de Genève.

Hors AAV de Genève (encadré 1), un tiers des navetteurs de la région reste dans son pôle, un quart dans sa couronne. Résider et travailler dans la couronne d’une AAV génère annuellement trois fois plus de GES que dans la ville centre (520 kg de CO₂e contre 170 kg de CO₂e). Les trajets y sont en effet deux fois plus longs et la voiture plus utilisée. Le recours aux transports en commun ainsi que celui aux mobilités douces y est faible.

Se déplacer d’une couronne vers un pôle ou inversement (21 % des navetteurs de la région), a encore plus de répercussions (780 kg de CO₂e), en raison de l’allongement des distances (17 km). Au final, avec un volume de flux inférieur de 60 %, leurs émissions pèsent autant dans la région que les autres flux internes aux AAV.

Depuis cinquante ans, la croissance démographique alimente principalement des zones de plus en plus éloignées du cœur des agglomérations et conduit à un étalement urbain encore plus important dans les aires très peuplées. Mais les emplois restent largement concentrés dans les pôles. Du fait de trajets plus longs, les navetteurs des couronnes des aires de plus de 200 000 habitants émettent 1,7 fois plus que ceux des couronnes des aires de moins de 50 000 habitants (figure 4), l’écart étant plus marqué que dans les pôles (1,2 fois).

Les trajets domicile-travail dans les aires de plus de 200 000 habitants sont deux fois plus longs que dans les plus petites (respectivement 10 km et 5 km dans les couronnes et 5 km et 2 km dans les pôles). Les transports en commun sont moins développés dans les couronnes, quelle que soit la taille des AAV. Dans les couronnes des aires de moins de 50 000 habitants comme dans celles de plus de 200 000 habitants, 4 % des habitants seulement vivent à moins de 10 min à pied d’une gare ferroviaire alors qu’ils sont 20 % dans les pôles de ces AAV.

Un navetteur de l’aire lyonnaise se déplaçant dans sa couronne produit 580 kg de CO₂e, tandis que celui de Grenoble émet 500 kg de CO₂e. Le navetteur lyonnais parcourt pourtant 1 km de plus que celui de Grenoble, mais il utilise davantage sa voiture (88 % contre 85 %) et moins les mobilités douces (8 % contre 12 %). Dans une optique de réduction des émissions de GES, les métropoles de Lyon et de Grenoble activent les zones à faibles émissions (ZFE), dispositifs incitant à verdir le parc des véhicules (encadré 2). Les navetteurs se déplaçant au sein du pôle de Saint-Étienne diffusent 200 kg de CO₂e, soit 1,4 fois plus que ceux de Clermont-Ferrand (140 kg de CO₂e). Là aussi, les distances moyennes parcourues sont proches (4 km contre 3 km) mais les modes de transport expliquent les différences, notamment les mobilités douces.

Les émissions entre couronnes et pôles croissent aussi selon la taille des aires. Elles sont multipliées par 1,4 entre les aires de moins de 50 000 habitants et celles de plus de 200 000 habitants et les distances sont doublées.

Les émissions de gaz à effet de serre sont exprimées en équivalent CO₂ (CO₂e), les principaux gaz à effet de serre étant inclus. Seules les émissions générées au cours des déplacements sont comptabilisées. Les émissions dues à la production de l’énergie, la construction des véhicules ou des infrastructures de transport sont exclues. Ainsi, selon cette approche, les voitures électriques n’émettent aucun GES. Les effets de la fluidité du trafic ne sont pas non plus pris en compte. Les émissions de GES issues de ces trajets sont estimées en tenant compte de la fréquence des déplacements (intégrant le télétravail éventuel), des caractéristiques des voitures, de l’usage des transports en commun ou encore du taux d’occupation des véhicules.