La croissance résiste, l’inflation aussi Note de conjoncture - mars 2023

 

Note de conjoncture
Paru le :Paru le15/03/2023
Note de conjoncture- Mars 2023
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Vue d'ensemble

Note de conjoncture

Paru le :15/03/2023

Un an après, trois ans après, …

Un an après le début de la guerre en Ukraine, trois ans après le premier confinement de 2020, les économies occidentales ont sans doute mieux résisté aux chocs que ce que l’on pouvait craindre, mais elles restent sous la menace d’une inflation élevée. Tous les pays ne sont pas exposés de la même manière à ces chocs, notamment aux conséquences de la guerre en Ukraine et à la crise énergétique : les États-Unis le sont assurément moins que l’Europe ; et au sein de la zone euro, la France l’est sans doute moins que l’Allemagne et que les pays dont l’approvisionnement en énergie dépendait, avant la guerre, assez largement du gaz russe.

Quand on les compare à leurs niveaux d’il y a un an et d’il y a trois ans, les principaux indicateurs macroéconomiques publiés récemment par l’Insee témoignent tout à la fois de l’empreinte laissée par les chocs et de la relative résistance de l’économie française. Le produit intérieur brut (PIB) trimestriel français se situe ainsi fin 2022 un peu plus de 1 % au-dessus de celui de la fin 2019 (contre près de -1 % pour l’Espagne et le Royaume-Uni, 0 % pour l’Allemagne, mais presque 2 % pour l’Italie) et 0,5 % au-dessus de celui du dernier trimestre 2021. Après le fort rebond post-confinement, l’activité française a nettement ralenti en 2022 mais la croissance trimestrielle est restée légèrement positive en fin d’année.

L’emploi salarié a été plus dynamique que l’activité, en partie du fait de l’apprentissage : en décembre 2022, il dépasse de 4,5 % son niveau de décembre 2019, et de 1,3 % celui de décembre 2021. L’investissement des entreprises, tiré par des dépenses en services informatiques elles aussi très dynamiques, dépasse de près de 9 % son niveau d’il y a trois ans.

À l’inverse, l’indice de la production manufacturière est en retrait de 3 % en janvier 2023 par rapport à janvier 2020 (et de près de 1 % par rapport à janvier 2022), reflet notamment des difficultés d’approvisionnement et du renchérissement de l’énergie. Les exportations de biens et de services sont elles aussi en retrait (-1 %) au quatrième trimestre 2022 par rapport à fin 2019, même si elles ont progressé d’environ 4 % depuis la fin 2021.

Le fait marquant des trimestres récents reste l’envolée des prix à la consommation. Leur glissement s’élève en février 2023 à 6,3 % sur un an, mais la recrudescence de l’inflation avait démarré plus tôt si bien que le niveau général des prix s’est accru de 10,8 % par rapport à février 2020. Globalement préservé pendant la pandémie, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages par unité de consommation se situe quant à lui au quatrième trimestre 2022 un peu plus de 1 % au-dessus de son niveau de la fin 2019, mais près de 1 % sous son niveau de la fin 2021. La consommation des ménages, qui avait vigoureusement rebondi après les confinements, se situe quant à elle tout juste à son niveau d’avant la crise sanitaire, qu’elle avait pourtant dépassé au cours de l’été 2021 : elle a en effet reculé d’un peu plus de 1 % entre la fin 2021 et la fin 2022. Le taux d’épargne des ménages se situe ainsi fin 2022 environ 2 points au-dessus de son niveau d’avant-crise.

L’inflation d’ensemble pourrait refluer légèrement au printemps 2023, mais l’inflation sous-jacente continuerait de progresser

Les enquêtes de conjoncture montrent depuis quelques mois une détente relative de certaines contraintes d’offre, en particulier des difficultés d’approvisionnement. Les difficultés de recrutement restent quant à elles proches de leurs plus hauts niveaux. Du côté de la demande, les inquiétudes remontent quelque peu. Les soldes d’opinion sur les évolutions probables des prix de vente restent globalement élevés et sont en nette hausse en février dans le commerce de détail, en particulier alimentaire.

Cette hausse signalée dans les enquêtes fait écho aux récentes négociations entre producteurs et distributeurs. Il est difficile d’en prévoir l’impact exact sur l’évolution à court terme des prix à la consommation. L’hypothèse retenue dans cette Note est que cet impact pourrait être lissé sur plusieurs mois, en fonction notamment de l’écoulement des stocks déjà achetés par les distributeurs et des dispositions prises par ces derniers pour atténuer les hausses de prix. À l’horizon de la prévision (mi-2023), l’alimentation, dont le glissement annuel des prix dépasserait 15 %, resterait la première contribution à l’inflation. Les données de comptabilité nationale montrent à ce sujet que le taux de marge des industries agroalimentaires a été comprimé en 2021 sous l’effet du renchérissement des intrants, puis s’est redressé ensuite tout au long de l’année 2022, ce qui peut apparaître, au moins en partie, comme un effet de rattrapage.

Les prix des biens manufacturés et des services resteraient par ailleurs relativement dynamiques. Leur glissement annuel dépasserait, respectivement, 5 % et 3 % d’ici la mi-2023. À l’inverse, la contribution de l’énergie au glissement annuel de l’indice des prix à la consommation deviendrait nulle voire négative d’ici juin, du fait essentiellement d’un « effet de base » lié aux prix très élevés des produits pétroliers au printemps 2022. Cet effet suffirait à faire refluer l’inflation d’ensemble (+5,4 % sur un an prévu en juin). Mais l’inflation sous-jacente, de laquelle sont retirés les prix les plus volatils, continuerait d’augmenter pour atteindre +6,4 % sur un an en juin.

Au premier semestre 2023, la croissance resterait légèrement positive et le taux de chômage serait stable

Dans ce contexte d’inflation élevée, la confiance des ménages reste dégradée mais le climat des affaires continue de résister en France, selon les enquêtes de conjoncture. Nombre d’entreprises font face à des prix élevés de l’énergie. Elles réagissent surtout en augmentant leurs prix de vente, et plus marginalement en diminuant leur activité. C’est toutefois le cas des branches les plus intensives en énergie (par exemple la sidérurgie, la fabrication de pâte à papier, de papier et de carton, ainsi que la fabrication de produits chimiques de base), dont la production a chuté au second semestre 2022.

La production manufacturière pourrait, de ce fait, se replier légèrement au premier trimestre 2023, comme le laisse augurer l’indice de janvier. Les services marchands ne croîtraient quant à eux que modérément ce trimestre, avec un recul dans les transports les plus affectés par le mouvement social en cours. Ce dernier, compte tenu des informations disponibles à ce stade, n’aurait toutefois au niveau macroéconomique qu’un effet limité. Au total, le PIB français augmenterait modestement au premier trimestre (+0,1 % prévu), avec, du côté de la demande, un faible rebond de la consommation des ménages et un nouveau recul de leur investissement en construction, dans un contexte de hausse des taux d’intérêt. La croissance serait un peu plus élevée au deuxième trimestre (+0,2 % prévu), sous l’hypothèse notamment d’une stabilité de la production manufacturière, d’une légère accélération dans les services et, s’agissant de la demande, d’un soutien des échanges extérieurs avec de nouvelles livraisons aéronautiques et navales.

L’acquis de croissance annuelle pour 2023 s’élèverait ainsi à +0,6 % à mi-année, une prévision soumise à de nombreux aléas, tant nationaux (durée et étendue des grèves, par exemple) qu’internationaux (développements géopolitiques, effets des resserrements monétaires en cours, stabilité du système financier, etc.).

Sur le marché du travail, l’emploi ralentirait (+0,1 % prévu au premier puis au deuxième trimestre 2023), dans le sillage de l’activité. La productivité par tête serait donc presque stable. Elle resterait ainsi bien en deçà de son niveau d’avant la crise sanitaire, en particulier dans l’industrie : cet écart ne s’explique qu’en partie par le net développement de l’alternance ces dernières années. Le taux de chômage se maintiendrait au premier semestre 2023 à 7,2 % de la population active.

Inflation, consommation : disparités entre ménages et changements de comportements

Au second semestre 2022, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages a globalement rebondi, après son recul du premier semestre. Il a en effet été tiré à la hausse par de nombreuses mesures de soutien. Parmi celles-ci, la prime de partage de la valeur (PPV), exonérée de cotisations sociales et défiscalisée, a été versée massivement en fin d’année à près d’un tiers des salariés des branches marchandes non agricoles. L’ « effet d’aubaine » a été important pour les entreprises, puisqu’environ 30 % de ces versements se seraient substitués à des revalorisations du salaire de base.

Le pouvoir d’achat du RDB reculerait néanmoins à nouveau au premier semestre 2023, sous l’effet du dynamisme des prix et du ralentissement prévu des revenus (contrecoup des versements de PPV fin 2022, décélération de l’emploi) et ce malgré une probable nouvelle revalorisation automatique du Smic au cours du printemps. Le glissement annuel du salaire moyen par tête (SMPT) nominal dans les branches marchandes non agricoles s’élèverait à un peu moins de +5 % au deuxième trimestre 2023. L’acquis d’évolution annuelle du pouvoir d’achat par unité de consommation s’établirait quant à lui à -0,7 % à mi-année pour 2023.

Tous les ménages ne sont pas affectés de la même manière par l’inflation. Les différences entre les structures de consommation se traduisent en effet de manière sensible sur les écarts d’inflation par catégories de ménages. Ces écarts se sont accentués ces derniers mois, avec la hausse des prix alimentaires qui s’est conjuguée à celle des prix de l’énergie pour le logement. En janvier 2023, l’inflation est ainsi plus élevée pour les ménages les plus âgés (plus de 1 point par rapport à la moyenne, et +2,5 points par rapport aux plus jeunes, qui sont davantage locataires et dans des logements sans doute plus petits), pour ceux vivant dans des communes rurales ou encore pour les ménages modestes (pour qui l’alimentation pèse a priori davantage). Au sein même de ces catégories, l’inflation peut différer sensiblement entre les ménages, avec un écart interquartile de l’ordre de 2 à 3 points de pourcentage.

Un questionnement exceptionnel a été introduit dans l’enquête de conjoncture auprès des ménages de décembre 2022 pour tenter de mesurer les évolutions des comportements de consommation dans ce contexte. Deux ménages sur trois déclarent avoir changé leurs habitudes de consommation depuis un an, du fait de l’inflation. Il s’agit davantage de ménages jeunes, modestes et/ou ayant des enfants. Ces changements consistent le plus souvent à diminuer la consommation d’énergie pour le logement et de produits alimentaires, comme en attestent par ailleurs, au niveau agrégé, les données « en dur ». Dans une moindre mesure, les ménages disent s’orienter vers de nouvelles enseignes ou de nouvelles gammes de produits. Si l’ensemble de ces évolutions portent sur les 12 derniers mois, il est probable qu’elles perdurent au cours des tout prochains mois, dans un contexte d’inflation qui resterait encore élevée, s’agissant notamment des produits alimentaires.