Pas de confiance, un peu de croissance Note de conjoncture - septembre 2025
Vue d'ensemble
Depuis le début de l’année, l’économie mondiale a plutôt bien résisté à l’augmentation progressive et chaotique par la nouvelle administration américaine des droits de douane à des niveaux inédits depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce grand retour du protectionnisme outre-Atlantique s’est traduit par une envolée du commerce mondial en début d’année, les entreprises américaines se dépêchant de constituer des stocks avant l’instauration des nouvelles barrières tarifaires. Les échanges ont ensuite connu un repli assez modéré au printemps, les industriels asiatiques réorientant rapidement leur production vers leurs voisins. Craignant un excès d’offre, les marchés des matières premières affichent une tendance générale à la baisse depuis le début de l’année, diminuant les pressions inflationnistes dans les économies avancées et facilitant les assouplissements monétaires par les banques centrales.
L’économie américaine ralentit certes, notamment parce que le marché du travail se grippe, mais elle semble loin d’une récession, la demande intérieure restant assez solide. Les économies asiatiques semblent avoir trouvé la parade avec l’intensification des échanges régionaux. La zone euro, en revanche, sort affaiblie : l’euro s’est fortement apprécié, dégradant un peu plus une compétitivité déjà mise à mal par la crise de l’énergie en 2022-2023 et la rude concurrence des industriels chinois. Une lueur d’espoir apparaît toutefois sur le Vieux Continent, où l’investissement reprend quelques couleurs : les marchés immobiliers redémarrent après avoir touché le fond, les entreprises recommencent à se doter de biens d’équipement et les termes de l’échange s’améliorent grâce à la baisse des cours du pétrole. Au sein de la zone euro, après deux ans de récession, l’Allemagne amorcerait un redressement progressif avec un PIB qui augmenterait un peu en 2025, tandis que la croissance serait plus vigoureuse en Italie, et surtout en Espagne.
La France évolue à rebours de cette timide embellie européenne. Certes, la croissance a bien résisté au printemps (+0,3 % après +0,1 %) et ne décrocherait pas d’ici la fin de l’année (+0,3 % à l’été puis +0,2 % en fin d’année) : le PIB augmenterait ainsi de 0,8 % sur toute l’année 2025 (+0,6 % en variation non corrigée des jours ouvrables), mais essentiellement parce que quelques branches maintiennent l’activité à flot (tourisme, marché immobilier, aéronautique, agriculture). Pour le reste, l’investissement redémarre un peu moins vite qu’ailleurs, les industriels perdent un peu plus de parts de marché, et le climat des affaires se maintient en deçà de sa moyenne de long terme depuis l’été 2024 sans signe d’amélioration. Surtout, la consommation n’embraye pas, la situation des ménages français apparaissant paradoxale : avec une inflation qui resterait plus faible que dans les autres pays de la zone euro, à +1,2 % sur un an en décembre, leurs gains de pouvoir d’achat ont été plus importants qu’ailleurs en Europe, mais leurs achats y sont moins dynamiques et le taux d’épargne bat chaque trimestre un nouveau record à la hausse. Dans les enquêtes de conjoncture, le pessimisme des consommateurs est patent : la confiance des ménages qui se redressait tendanciellement jusqu’à l’été 2024, recule presque continûment depuis. Cet écart entre les perceptions individuelles et les agrégats effectivement mesurés s’observe par exemple sur le marché du travail : les craintes sur le chômage culminent au plus haut depuis dix ans (hors crise sanitaire), alors même que l’emploi résiste et que le chômage n’augmenterait que légèrement d’ici la fin de l’année, à 7,6 %.
Au total, les moteurs de l’économie française en 2025 ne semblent pas pérennes. La demande intérieure ralentirait, en particulier du fait de la consommation des ménages, et la croissance s’expliquerait comptablement par un fort mouvement de reconstitution de stocks, après deux années où les entreprises les avaient massivement sollicités. La principale bonne nouvelle provient du bâtiment : après trois années de fort repli, l’activité arrêterait de reculer, et les entreprises du secteur sont nettement plus optimistes sur leurs perspectives d’activité.
Plusieurs aléas entourent cette prévision. Au niveau international, même si les décisions commerciales des États-Unis et les éventuelles ripostes des économies partenaires semblent se stabiliser, l’imprévisibilité de l’administration américaine reste forte. Le marché pétrolier demeure en outre très volatil : malgré un probable excès d’offre, un regain de tensions pourrait balayer les gains de termes de l’échange engrangés par les économies avancées depuis le début de l’année. En France, l’incertitude est de nouveau montée d’un cran avec la chute du Gouvernement le 8 septembre, même si les mouvements sur les marchés financiers restent pour le moment en deçà de ceux enregistrés à l’été 2024 au moment de la dissolution de l’Assemblée nationale. Si cette incertitude perdurait, elle fragiliserait la faible activité mais, à l’inverse, un rétablissement rapide de la confiance pourrait débloquer enfin les comportements d’achat.