Insee Analyses Grand Est · Septembre 2025 · n° 198

Près de 30 % de la consommation d’espace du Grand Est est due à l’activité économique entre 2012 et 2021

Afin de répondre à des objectifs écologiques et socio-économiques (encadré 1), la loi « Climat et Résilience » impose de diviser le rythme de la consommation d’espace par deux entre 2022 et 2031 par rapport à la décennie précédente. Dans le Grand Est, près de 15 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers ont été consommés entre 2012 et 2021 (figure 1) : c’est l’équivalent de six terrains de football par jour.

Le Grand Est se classe au sixième rang des régions les plus consommatrices d’espace. Cependant, l’espace urbanisé s’est moins étendu qu’ailleurs : +4 % en dix ans, soit la région métropolitaine ayant la plus faible augmentation derrière l’Île-de-France. Ce taux d’extension est modéré, concernant à la fois l’espace consommé pour l’activité économique et l’espace consommé pour l’habitat, sans doute en lien avec l’évolution de la démographie et de l’emploi dans la région.

Le développement de l’habitat représente 53 % de la consommation d’espace, et l’activité économique 28 %, contre 63 % et 23 % au niveau national (France hors Mayotte). De plus, 2 % de la surface a été consommée à la fois pour l’habitat et pour l’activité économique, comme dans le cas d’une maison implantée au cœur d’une ferme ou d’un bâtiment accueillant à la fois des appartements et des locaux commerciaux. Les routes et chemins de fer représentent 9 % de ces changements d’usage. Pour les 8 % restants, le nouvel usage est inconnu.

Ainsi, l’activité économique a consommé plus de 4 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers de 2012 à 2021. Son poids dans la consommation d’espace varie fortement d’un département à l’autre (figure 2) : de 15 % dans les Ardennes à 34 % dans le Haut-Rhin.

L’activité économique représente près de la moitié de l’espace consommé dans les pôles des aires d’attraction des villes. Au contraire, elle est bien moins importante dans les couronnes et les communes hors attraction des villes (respectivement un quart et un cinquième de la surface urbanisée en dix ans).

En lien avec la forte concentration de l’emploi dans les zones dédiées à l’activité économique (dans le Grand Est, plus de la moitié des emplois est concentrée sur 1 % du territoire), la consommation d’espace économique est très localisée. Ainsi, les 10 % des communes qui consomment le plus d’espace naturel, agricole et forestier pour l’activité économique représentent 85 % de la surface utilisée dans cet objectif, soit 5 points de plus qu’au niveau national. Cette concentration est bien moins importante dans les 10 % des communes les plus consommatrices pour l’habitat, qui représentent 48 % de la consommation d’espace liée à l’habitat (contre 51 % au plan national).

Porté par les grands pôles urbains, l’emploi salarié a légèrement progressé dans le Grand Est entre fin 2011 et fin 2021. Il a au contraire reculé dans plus de la moitié des zones d’emplois de la région sur cette période. Pour autant, la surface consommée continue d’augmenter dans l’ensemble de la région. Le rythme de la consommation d’espace n’est donc pas toujours en lien avec l’évolution de l’emploi (figure 3).

Dans les zones d’emploi de Forbach, Saint-Avold, Mulhouse et Épinal, la consommation d’espace est élevée malgré une perte d’emplois. La surface urbanisée progresse plus modérément pour l’économie (entre 1 et 1,3 %) dans sept autres zones où l’emploi diminue également.

En revanche, les zones d’emploi de Sélestat, Strasbourg, Chaumont et Troyes sont plus économes en foncier au vu de leur dynamique d’emploi. La diversité des activités, des contextes géographiques locaux et économiques peuvent expliquer ces écarts.

L’industrie ainsi que le secteur des bureaux et services publics représentent trois cinquièmes des surfaces consommées pour l’activité économique (figure 4). Le commerce pèse également pour un cinquième dans les espaces naturels agricoles ou forestiers consommés entre 2012 et 2021.

La surface au sol nécessaire à l’implantation ou au développement d’une entreprise varie fortement selon le secteur d’activité. Ainsi, certains secteurs sont particulièrement consommateurs en surfaces au regard de leur poids dans l’emploi. C’est le cas de l’industrie, qui représente dans le Grand Est 32 % de la consommation d’espace économique sectorisée (Pour comprendre), alors que seuls 18 % des emplois relèvent du secteur en 2011. Ce rapport est d’autant plus significatif que la région subit une baisse de l’emploi industriel : ‑12 % d’emplois en dix ans.

De même, les secteurs du commerce et du transport-entreposage consomment beaucoup d’espace relativement à leur poids dans l’emploi. Le rapport est plus équilibré pour le secteur de la construction mais celui-ci perd des emplois sur la période récente.

Au contraire, les bureaux et services publics consomment peu d’espace au vu de leur nombre de salariés (28 % de la consommation d’espace économique sectorisée entre 2012 et 2021, pour 53 % des emplois), avec de plus une hausse de l’emploi sur la décennie. À l’échelle de la France, ce secteur est encore plus économe : également 28 % de l’espace consommé, mais 57 % des emplois.

En moyenne dans le Grand Est, pour chaque mètre carré de surface plancher de locaux professionnels mis en chantier, 2,1 m² de surfaces naturelles, agricoles ou forestières sont consommées pour l’activité économique. L’activité économique est plus sobre que l’habitat, qui consomme 4 m² pour chaque m² de logement.

Le rapport entre consommation d’espace et surface de plancher construite varie beaucoup d’un secteur à l’autre. Le secteur des bureaux et services publics a utilisé 1 000 hectares en dix ans, ce qui a permis de construire plus de 550 hectares de locaux professionnels. Le secteur industriel a consommé plus d’espace mais la surface de plancher créée pour ce secteur est moitié moindre. Cela s’explique notamment par la prise en compte des contraintes liées à l’exploitation (comme la présence d’équipements volumineux et d’espaces de stockage), le respect des règles d’urbanisme, la création de réserves foncières pour de futures extensions, le nombre d’étages de la construction… De même, l’hébergement-restauration consomme 3,7 fois plus d’espace que de surface construite, sans doute en lien avec la présence de parkings pour accueillir la clientèle, et de jardins d’ornement.

À l’exception des bureaux et services publics, la consommation d’espace est plus efficiente dans le Grand Est qu’au niveau national dans tous les secteurs.

Plus de quatre communes du Grand Est sur cinq appartiennent à l’un des 37 schémas de cohérence territoriale (SCoT), maille privilégiée pour la territorialisation et l’application locale des objectifs de limitation de la consommation d’espace et de l’artificialisation des sols. Dans dix SCoT, la consommation d’espace est spécialisée dans les bureaux et services publics (figure 5) : le secteur présente en effet l’écart le plus élevé entre sa part dans la consommation d’espace économique du territoire et sa part dans la consommation d’espace économique nationale (28 %). Dans sept des dix plus grandes villes de la région, la part du secteur des bureaux et services publics dans la consommation d’espace pour l’activité économique est supérieure à la moyenne régionale, atteignant même 73 % à Strasbourg. La forte présence de bureaux et services publics dans les villes contribue à expliquer que certaines zones d’emploi sont plus sobres en foncier avec une économie plus dynamique.

Dans onze SCoT, le secteur de l’industrie est le plus surreprésenté et son poids dépasse 40 % de la consommation d’espace économique. Dans le Pays Barrois par exemple, deux tiers de la consommation d’espace pour l’activité économique est due à l’industrie. Ce secteur est particulièrement important et pourvoyeur d’emplois dans les territoires peu économes en foncier au vu de l’évolution des effectifs salariés. Dans certaines zones rurales de Haute-Marne, des Ardennes et des Vosges, l’industrie est un secteur économique majeur.

Le commerce est le plus surreprésenté dans sept autres SCoT, alors que la construction est plus présente dans les départements alsaciens et dans l’est des Vosges.

La mesure de la consommation d’espace

La consommation d’espace est calculée par le Ouvrir dans un nouvel ongletCentre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) à partir des fichiers fonciers selon une méthode de calcul détaillée sur le Ouvrir dans un nouvel ongletportail de l’artificialisation des sols. Les flux de consommations sont mesurés à l’échelle de la parcelle cadastrale, même si cette dernière comprend des portions de sols non artificialisés (jardin, parking…). Par ailleurs, cette source ne permet pas de mesurer une « déconsommation d’espace », la renaturation, ni de tenir compte d’un potentiel nouveau changement d’usage de parcelles déjà consommées.

La sectorisation de la consommation d’espace économique

Les flux de consommation d’espace produits par le Cerema sont ventilés selon leur usage : l’habitat, l’activité, l’usage mixte (activité et habitat), mais aussi les chemins de fer et les routes (depuis l’été 2023), ou encore usage inconnu.

Afin de prendre en compte les spécificités de chaque secteur économique, l’Insee a développé une méthode permettant de distinguer la consommation d’espace économique selon sept secteurs : agriculture, industrie, construction, commerce, transports et entreposage, hébergement-restauration, et bureaux et services publics. Dans le Grand Est, 8 % de la surface n’a pas pu être sectorisée.

L’espace consommé pour l’agriculture correspond aux parcelles sur lesquelles un bâtiment agricole a été construit, les terrains agricoles étant considérés comme non consommés. Cependant, l’exonération de taxe foncière pour les bâtiments utilisés à des fins d’exploitation conduit à une probable sous-estimation de la consommation d’espace agricole. À l’inverse, les parcelles consommées pour la construction sont sans doute surestimées ; elles sont associées ici à des entreprises du secteur mais aussi à certains gros chantiers publics qui peuvent avoir un usage final différent de la construction.