Insee Analyses Grand Est · Octobre 2024 · n° 184

Les zones dédiées à l’activité économique regroupent la moitié de l’emploi salarié du secteur privé

Dans un contexte de raréfaction du foncier économique et de maîtrise de l’artificialisation des sols, les zones dédiées à l’activité économique (ZDAE) sont de plus en plus considérées comme un vivier potentiel d’espaces fonciers à repenser. À cette fin, la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 oblige les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à recenser les zones d’activités présentes sur leur territoire.

Dans cette étude, les ZDAE sont définies selon une méthodologie statistique. N’ayant pas de vocation résidentielle et concentrant un nombre significatif d’emplois salariés (pour comprendre), il peut s’agir de zones commerciales, de grands sites industriels, de quartiers d’affaires ou encore de sites touristiques. Les ZDAE se distinguent des zones d’activité économique (ZAE) définies par les collectivités territoriales.

En 2019, le Grand Est compte près de 1 300 ZDAE, qui occupent moins de 1 % du territoire (encadré) et qui concentrent près de 31 000 établissements, soit 29 % des établissements privés de la région. Elles rassemblent 600 000 emplois salariés, représentant 53 % des emplois du secteur privé (hors intérim, agriculture et emplois privés exerçant des missions de service public).

Par ailleurs, 4 500 établissements sont situés hors des zones d’habitat, mais ne sont pas comptabilisés dans le périmètre des zones dédiées à l’activité économique. Il s’agit d’établissements isolés et/ou n’employant que peu de salariés : ensemble, ils regroupent près de 40 000 emplois.

La part des établissements et des emplois localisés dans une ZDAE varie d’un département à l’autre. Elle est plus importante dans les départements du Haut-Rhin et de la Marne (figure 1). À l’inverse, cette part est bien plus faible dans des départements plus ruraux tels que la Meuse ou les Ardennes.

La moitié des zones dédiées à l’activité économique comprennent moins de cinq établissements. À l’image de la France métropolitaine, près d’une zone sur deux compte moins de cent salariés, et une sur dix en rassemble plus de 1 000.

La moitié des emplois en ZDAE, soit un quart des salariés du secteur privé, sont concentrés dans 5 % des zones de la région. Cette concentration est toutefois moins forte qu’à l’échelle de la France métropolitaine où la moitié des salariés sont rassemblés dans 2,5 % des zones [Antunez K., Bédué M., Simonovici M., 2023 ; pour en savoir plus (3)]. Le Grand Est compte relativement moins de zones regroupant plus de 10 000 emplois : cinq dans les départements alsaciens, une à Metz et une à Reims. Elles regroupent 85 000 emplois, soit 14 % des emplois situés en zone dédiée à l’activité économique. En comparaison, en Occitanie, 500 000 emplois sont localisés en ZDAE et onze zones dépassent le seuil des 10 000 salariés, représentant 42 % des emplois en ZDAE [Fontès-Rousseau C., Rodes V., 2022 ; pour en savoir plus (4)]. Parmi les ZDAE du Grand Est, les 1 % les plus grandes comptent en moyenne 10 200 salariés, contre 19 700 au niveau de la France métropolitaine.

Plus de 97 % des emplois exercés en zones dédiées à l’activité économique sont localisés dans une aire d’attraction des villes (AAV) et deux tiers dans une AAV de plus de 200 000 habitants. En cela, la répartition spatiale des emplois en ZDAE ne diffère pas des autres emplois du secteur privé, concentrés autour des grandes agglomérations.

Six ZDAE sur dix sont situées en couronne d’une AAV. Les zones dédiées à l’activité économique implantées dans les pôles des AAV rassemblent toutefois autant d’emplois que celles situées dans les couronnes.

Les ZDAE localisées dans les pôles sont en moyenne plus grandes : près de 70 % d’entre elles comptent plus de 100 salariés. En couronne d’AAV et hors AAV, cette part s’élève respectivement à 50 % et 40 %. De même, 20 % des ZDAE localisées dans un pôle d’AAV rassemblent plus de 1 000 salariés, contre 7 % en couronne d’AAV ; aucune ZDAE hors AAV n’est dans ce cas.

Quelle que soit la taille de l’aire d’attraction des villes, la proportion d’emplois situés dans une zone dédiée à l’activité économique est en moyenne plus élevée dans les couronnes que dans les pôles (figure 2). La séparation entre espaces résidentiels et espaces dédiés aux activités économiques est en effet plus marquée dans les couronnes. L’écart de proportions entre couronnes et pôles atteint 20 points dans les aires de plus de 700 000 habitants, tandis qu’il reste limité à trois points dans celles de moins de 50 000 habitants.

La part des emplois du secteur privé en ZDAE est en moyenne plus faible dans les pôles des AAV du Grand Est que dans les pôles du reste du pays. L’écart atteint huit points dans les AAV de plus de 700 000 habitants (44 % dans le Grand Est, contre 52 % en France de Province). Le pôle de Reims se distingue avec 58 % d’emplois en ZDAE.

Les grands établissements sont surreprésentés dans les ZDAE. Le nombre moyen de salariés par établissement est trois fois plus important en zone dédiée à l’activité économique que hors de ces zones (respectivement 19,2 salariés contre 6,7, comme au niveau national). Cet écart peut s’expliquer par des différences sur la composition sectorielle des activités présentes en ZDAE et hors ZDAE.

Dans les zones dédiées à l’activité économique, un tiers des emplois privés relèvent du secteur de l’industrie et un quart du commerce de détail ou inter-entreprise, soit 58 % au total. Ces mêmes secteurs représentent seulement 37 % des emplois hors zones dédiées à l’activité économique.

L’industrie rassemble ainsi près de 200 000 emplois salariés en ZDAE : 34 % des emplois salariés dans les zones de 100 emplois ou moins, 43 % dans les zones de taille intermédiaire et 28 % dans celles de plus de 1 000 emplois (figure 3).

Dans les ZDAE les plus petites, le secteur de la construction est surreprésenté avec une part des emplois salariés deux fois plus importante que dans les autres zones. À l’opposé, dans les zones de plus de 1 000 emplois, le secteur des services aux entreprises, ainsi que le secteur de l’information-communication, des activités financières, d’assurance et immobilières sont surreprésentés.

Deux tiers des salariés de l’industrie travaillent dans une zone dédiée à l’activité économique (figure 4). Cette surreprésentation en dehors d’espaces résidentiels peut s’expliquer par le besoin de plus grandes surfaces au sol et/ou par des contraintes réglementaires de localisation au regard de la production de diverses nuisances. Les industries de raffinage, papier, chimie, pharmacie, plastique, métallurgie comptent ainsi 2,3 fois plus d’emplois dans les ZDAE qu’en dehors de celles-ci. De même, sept emplois sur dix du commerce inter-entreprise et automobile sont également dans ces zones. En revanche, plus des trois quarts des salariés des services aux particuliers, de l’enseignement privé, de la santé privée et de l’action sociale travaillent en dehors de ces zones, comme les salariés de l’hébergement et de la restauration.

Ces tendances régionales masquent des disparités territoriales. Dans le Bas-Rhin, presque trois quarts des emplois de l’industrie sont localisés dans une zone dédiée à l’activité économique, contre la moitié dans les Ardennes et dans la Meuse. Dans le secteur du commerce de détail, plus de six emplois mosellans sur dix sont situés dans une ZDAE, contre seulement la moitié des emplois bas-rhinois et aubois. Dans le secteur des services aux particuliers, le Haut-Rhin se distingue avec 41 % des emplois localisés en ZDAE, soit 16 points de plus qu’au niveau régional.

Alors qu’une centaine de ZDAE ont émergé dans les années soixante-dix, leur nombre a progressé significativement au cours des vingt années suivantes, avec environ 350 créations par décennie. À partir de 2000, un ralentissement des créations s’amorce et depuis 2010, seules cent nouvelles ZDAE se sont formées.

En 2019, 47 % des établissements présents dans une zone dédiée à l’activité économique sont « stables » : ils sont implantés au même endroit depuis dix ans. Les autres établissements s’y sont installés au cours de la période 2009-2019, au moment de leur création ou à l’occasion d’un déménagement (respectivement 31 % et 22 %). Hors des zones dédiées à l’activité économique, la proportion d’établissements stables est plus élevée et celle d’établissements implantés lors de transferts (déménagements) est plus faible (respectivement 53 % et 15 %).

En 2019, deux tiers des établissements qui ont migré vers une ZDAE n’étaient pas installés dans ce type d’espace en 2009. Le tiers restant se partage entre les établissements ayant changé de ZDAE et ceux ayant changé d’emplacement au sein d’une même ZDAE (respectivement 19 % et 16 %). La distance de transfert est souvent très faible : la moitié des établissements ont déménagé à moins de 4 km et trois sur quatre à moins de 9 km. Un quart des établissements transférés quittent l’intercommunalité où ils étaient installés, tandis que moins de 3 % viennent d’une autre région.

Parmi les intercommunalités totalisant un grand nombre de salariés en zone dédiée à l’activité économique, la métropole de Metz se distingue : deux tiers des établissements présents dans une ZDAE y sont installés depuis moins de dix ans (40 % au moment de leur création et 26 % à l’occasion d’un transfert). Au sein de cette métropole, sur les 30 000 emplois localisés dans une ZDAE en 2019, la moitié n’y étaient pas présents en 2009. A contrario, dans l’agglomération de Mulhouse, sur les 42 000 emplois localisés dans une ZDAE en 2019, un peu plus de sept sur dix étaient déjà présents en 2009.

Sur le périmètre des zones dédiées à l’activité économique, l’industrie est le secteur où la part des établissements installés au même endroit depuis dix ans est la plus élevée (figure 5). La proportion d’établissements créés entre 2009 et 2019 est forte dans les secteurs du commerce de détail, de l’hébergement-restauration et des services aux particuliers. La proportion d’établissements transférés est la plus importante dans les secteurs de la construction, de l’information-communication et des services aux entreprises.

Les établissements créés dans une ZDAE entre 2009 et 2019 ont généré 75 000 emplois, dont la moitié relève de trois secteurs : commerce de détail, services aux entreprises et industrie (respectivement 16 000, 12 000 et 10 000 emplois).

Afin d’éclairer le débat public sur les zones d’activité économique, une méthodologie spécifique est proposée pour les approcher de façon statistique et harmonisée sur l’ensemble du territoire, et caractériser les établissements qui les composent. Cette méthode est identique à celle développée dans l’étude nationale [Antunez et al., 2023 ; pour en savoir plus (3)].

Dans l’objectif d’analyser finement l’activité économique, la géolocalisation des établissements permet de repérer des carreaux de 200 mètres de côté, proches les uns des autres, comportant moins de onze habitants et au moins un établissement du champ salarié privé. Un appariement avec les données fiscales permet ensuite d’obtenir les parcelles cadastrales des établissements intersectant ces espaces très peu habités. Les parcelles distantes de moins de 50 mètres les unes des autres sont agrégées lorsqu’elles regroupent au moins 50 salariés, ou trois établissements et plus de dix salariés. La surface de ces parcelles permet d’estimer les espaces occupés par les zones. Les espaces agrégés distants de moins de 400 mètres sont ensuite rassemblés en une seule et même zone, pas nécessairement d’un seul tenant. Ces zones statistiques, dites zones dédiées à l’activité économique, permettent ainsi de synthétiser au mieux les zones de concentration d’emplois et leurs effectifs salariés à des niveaux supracommunaux.

Ces « zones dédiées à l’activité économique » diffèrent des zones d’activité économique (ZAE) considérées dans l’article L318-8-1 du Code de l’urbanisme. Cette différence vient notamment de ce que les surfaces des zones d’activités « de fait » considérées dans l’étude sont celles des parcelles où sont effectivement implantés des établissements actifs, tandis que les surfaces des zones d’activités auxquelles il est fait référence dans le Code de l’urbanisme incluent des parcelles inoccupées.