Insee Analyses Grand Est · Octobre 2024 · n° 183

Une consommation modérée d’espace pour l’habitat dans le Grand Est

Les conséquences actuelles et futures du réchauffement climatique et de l’érosion de la biodiversité contraignent les politiques publiques à relever de nouveaux défis environnementaux en matière d’aménagement du territoire. La loi Climat et résilience oblige ainsi les collectivités à s’inscrire dans une tendance forte de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers (encadré).

Dans le Grand Est, 10 000 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers ont été consommés pour l’habitat entre 2009 et 2019. Cette surface correspond quasiment à celle de la ville de Paris.

L’habitat est le principal consommateur d’espace : il représente 57 % de la consommation totale hors infrastructures de transport, contre 31 % pour l’activité économique.

Entre 2009 et 2019, l’espace consacré à l’habitat augmente de 5,3 % dans la région, moins qu’en France métropolitaine (+7,4 %) (figure 1). Le Grand Est se classe à la troisième place des régions ayant le moins consommé de surfaces naturelles pour le logement, après l’Île-de-France et les Hauts-de-France.

Dans chaque département de la région, l’évolution des surfaces consommées pour l’habitat entre 2009 et 2019 est inférieure à la moyenne métropolitaine. Elle varie entre +3,2 % en Haute-Marne et +6,9 % dans les Ardennes.

Dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Meurthe-et-Moselle, la consommation d’espace pour l’habitat peut être reliée à l’évolution de leur population. À l’inverse, dans les autres départements, cette consommation est élevée au vu de la faible dynamique démographique. En Haute-Marne, le nombre de ménages diminue même de 1 % entre 2009 et 2019 : la consommation d’espace pour l’habitat n’est donc pas liée à l’évolution démographique sur ce territoire mais à d’autres facteurs décrits plus loin dans cette étude.

Alors qu’en dix ans la population du Grand Est n’a que très faiblement progressé (+0,5 %), le nombre de ménages a augmenté de près de 6 %. Seuls les départements rhénans ainsi que l’Aube gagnent des habitants, tandis que la Haute-Marne, la Meuse, les Ardennes et les Vosges en perdent. La dynamique démographique semble donc influer faiblement sur la consommation d’espace. En effet, la progression du nombre d’habitants n’explique que 5 % de la hausse de l’espace consommé dans la région, contre 34 % en France métropolitaine.

En revanche, les séparations, le départ des enfants du domicile parental, le vieillissement de la population ou encore les mobilités géographiques modifient fortement la structure des ménages. En conséquence, de nouveaux besoins apparaissent en matière de logement. Ainsi, la décohabitation explique à elle seule 53 % de l’accroissement des surfaces consommées pour l’habitat entre 2009 et 2019, contre 33 % à l’échelle de la France métropolitaine.

Les logements vacants contribuent à hauteur de 29 % à l’évolution de la consommation d’espace dans le Grand Est. Leur nombre croît de 33 %. Il s’accroît nettement dans tous les départements de la région : de +15 % en Haute-Marne à +45 % dans les Ardennes entre 2009 et 2019.

La vacance concerne plus particulièrement les trois pièces. Ils représentent un tiers des logements inoccupés de la région en 2019, quelle que soit l’ancienneté de la construction, contre un quart en 2009. Le parc de logements de trois pièces a augmenté deux fois plus vite que l’ensemble des résidences principales et logements vacants au cours de la décennie.

Les résidences secondaires quant à elles contribuent à hauteur de 9 % à l’évolution de la consommation d’espace et leur nombre progresse de 24 % en dix ans. Cette évolution est plus marquée dans le Bas-Rhin, où le nombre de résidences secondaires double sur la période. À l’inverse, dans la Meuse et en Haute-Marne, ce nombre baisse légèrement.

L’augmentation du nombre de logements explique 96 % de la consommation d’espace dédiée à l’habitat. Au-delà de cette hausse, la consommation d’espace peut aussi être liée aux évolutions de certaines caractéristiques des logements ou de leur bâti.

Les maisons individuelles représentent 56 % des logements dans le Grand Est, avec en moyenne des surfaces plus importantes que les appartements. Cela a pour conséquence d’accroître le taux d’emprise au sol des logements. Cette hausse contribue ainsi à hauteur de 5 % à la consommation d’espace de la région (figure 2), avec des contributions particulièrement élevées dans les Ardennes, la Meuse et la Haute-Marne (20 %, 16 % et 15 %).

La diminution de la surface des logements a un effet inverse : contrairement aux autres facteurs, cela réduit l’espace consommé pour l’habitat. Entre 2009 et 2019, la contribution de la réduction de la surface moyenne des logements atteint ‑1,2 % dans la région, contre -3,7 % en France métropolitaine. Cette contribution négative est plus forte dans le Bas-Rhin et en Moselle (-7,4 % et -4,7 %).

Ces dernières années, la hausse des surfaces consommées ralentit dans le Grand Est, passant de +3,1 % entre 2009 et 2014 à +2,0 % entre 2014 et 2019. Ce ralentissement s’observe dans tous les départements de la région, mais est particulièrement marqué dans l’Aube, les Ardennes ainsi qu’en Haute-Marne où la progression est trois fois moins rapide entre 2014 et 2019 par rapport à la période complète. Hormis dans les départements de la Haute-Marne et de la Meuse, pour lesquels la consommation d’espace est la plus basse entre 2014 et 2019 (+1,1 % et +1,2 %), les valeurs se situent autour de la moyenne régionale avec un maximum de +2,4 % pour le Haut-Rhin.

Durant la période récente, l’évolution de l’espace consommé est davantage liée à la baisse de la taille des ménages ainsi qu’à l’augmentation du nombre de résidences secondaires. Entre 2014 et 2019, l’effet des décohabitations sur la consommation d’espace est 1,6 fois plus fort que lors des cinq années précédentes (67 %, contre 42 % entre 2009 et 2014). Entre les deux mêmes périodes, la contribution des résidences secondaires à la consommation d’espace est passée de 4 % à 14 %, tandis que celle liée à la vacance des logements est passée de 22 % à 14 %.

Entre 2009 et 2019, la consommation d’espace pour l’habitat progresse à la périphérie des principales agglomérations et plus particulièrement dans les couronnes de la plupart des aires d’attraction des villes de la région. Les surfaces consommées augmentent ainsi de plus de 7,4 % sur la décennie en périphérie d’Épinal, Vitry-le-François, Châlons-en-Champagne et Charleville-Mézières (figure 3).

De la même manière, les taux de croissance sont relativement élevés dans les couronnes des grandes et moyennes villes de la région comme Reims, Metz, Haguenau, Strasbourg et Troyes (de +6,2 % à +7,2 %). En revanche, dans les communes-centres de ces aires d’attraction des villes, l’évolution est moins dynamique et ne dépasse pas +3,3 %.

Au centre de la région, dans des départements comme la Meuse et la Haute-Marne, la hausse de la consommation d’espace est modérée quasiment partout.

La consommation d’espace est en lien avec la démographie dans 23 % des EPCI du Grand Est (figure 4). C’est notamment le cas dans les départements alsaciens, près de la frontière luxembourgeoise et autour de certaines agglomérations comme Reims, Troyes et Nancy. Dans le reste de la région, la consommation d’espace est largement supérieure à l’évolution du nombre de ménages.

Le lien entre la démographie et la consommation d'espace est faible pour 17 % des EPCI du Grand Est. Parmi eux, 20 % ont une consommation d’espace importante, au-dessus de la moyenne nationale. Ces EPCI sont situés principalement en Haute-Marne, de part et d’autre de la frontière à l’est de la Meuse et dans le sud du massif vosgien côté lorrain.

Les contributions à l’évolution de la consommation d’espace sont estimées à partir des Fichiers démographiques sur les logements et les individus et des Recensements de la population.

Une méthode de décomposition de la variation de la surface au sol des logements permet d’évaluer les contributions respectives de la variation de la surface moyenne des logements, de leur taux d’emprise au sol et de leur nombre. L’évolution du nombre de logements est elle-même décomposée en plusieurs termes : la contribution correspondant à la variation de population et de la taille des ménages (expliquant l’évolution du nombre de logements en résidence principale), celles de la variation du nombre de résidences secondaires et de logements vacants.

La classification des EPCI tient compte de la variation du nombre de ménages (avec un seuil fixé à plus ou moins vingt ménages supplémentaires), de la progression de la consommation de 2009 à 2019 (par comparaison à la moyenne nationale) et de la consommation en m² par ménage supplémentaire au cours de la période 2009-2019 (uniquement pour les EPCI qui gagnent au moins vingt ménages) (figure 4).