Insee Focus · Janvier 2024 · n° 318

Des pratiques numériques durablement transformées par la crise sanitaire

En France, la communication et les échanges des personnes âgées de 15 ans ou plus se sont particulièrement développés pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. En 2021, 79 % ont envoyé des mails au cours des trois mois précédant l’enquête (sources) contre 73 % en 2019, soit 2,6 points de plus par an (figure 1). En comparaison, entre 2013 et 2019, le recours à ce mode de communication augmentait en moyenne de 0,9 point par an. Surtout, la proportion de personnes passant des appels audio ou vidéo par Internet et de celles utilisant une messagerie instantanée a fortement augmenté, passant dans les deux cas de 44 % en 2019 à 59 % en 2021. L’utilisation du téléphone par Internet avait cependant déjà connu, dès 2019, une augmentation de 15 points par rapport à 2018. Ces pratiques de communication en ligne se maintiennent après s’être fortement développées lors des confinements : en 2023, l’utilisation d’une messagerie instantanée et des appels par Internet reste très répandue, avec plus de 60 % de la population concernée pour chaque pratique.

Les plus jeunes étant déjà très utilisateurs de mails avant les confinements, la hausse des échanges par mail est davantage marquée pour les plus de 45 ans. Depuis 2021, plus d’un tiers des personnes de 75 ans ou plus envoient et reçoivent des mails, contre un quart en 2019.

Dans l’ensemble de l’Union européenne (UE), les pratiques de communication en ligne se sont aussi fortement développées entre 2019 et 2022 (figure 2). Parmi les personnes âgées de 16 à 74 ans, envoyer et recevoir des mails est plus fréquent en France que dans l’ensemble de l’UE (en 2022, 92 % contre 86 %). C’est l’inverse pour les appels par Internet et pour l’usage de messagerie instantanée : leur moindre usage en France tient en partie au développement plus précoce des offres mobiles incluant des appels et des SMS illimités.

Les restrictions liées à la crise sanitaire ont également eu un effet sur les pratiques de formation en ligne (cours en ligne, utilisation de supports audiovisuels, de logiciels d’apprentissage, de manuels électroniques, etc.). Ainsi, entre 2019 et 2021, en France, l’utilisation des cours en ligne a connu un fort essor parmi les plus jeunes : en 2019, 18 % de la population âgée de 15 à 24 ans indiquait avoir suivi des cours en ligne dans les trois derniers mois (figure 3). En 2021, cette proportion est passée à 54 %, avant de redescendre à 36 % en 2022 et 31 % en 2023.

La diffusion des cours en ligne ne concerne pas seulement les plus jeunes : désormais, en 2023, en France, 13 % des 25-59 ans et 3 % des 60 ans ou plus suivent des cours en ligne. L’utilisation d’autres supports de formation en ligne, tels que supports audiovisuels, manuels électroniques, logiciels ou applications d’apprentissage, a également augmenté entre 2019 et 2021, passant ainsi de 12 % en 2019 à 17 % en 2021, et se maintient depuis à 16 %.

Le recours aux cours en ligne se replie aussi post-Covid dans les autres pays européens : au sein de l’Union européenne, la part des personnes de 16 à 74 ans ayant suivi des cours en ligne, qui avait bondi de 8 % à 19 % entre 2019 et 2021, retombe à 16 % en 2022.

En dix ans, la part de personnes ayant effectué des achats en ligne au cours des trois mois précédant l’enquête a fortement augmenté en France, passant de 40 % en 2013 à 60 % en 2023 (figure 4). La diffusion de ce mode d’achat n’est pas nouvelle, mais elle s’est accélérée lors des confinements. En hausse de 2,1 points par an en moyenne entre 2013 et 2019, la part des acheteurs en ligne augmente de 3,5 points par an entre 2019 et 2021. Après cette période, avec la possibilité de se déplacer à nouveau dans les magasins, sans restriction du type de commerces ni de distance, la part d'acheteurs en ligne s’est stabilisée entre 2021 et 2023. Certains nouveaux acheteurs en ligne se détournent de cette pratique, tandis qu’elle continue d’augmenter notamment chez les plus jeunes (encadré).

Dans la grande majorité des pays européens, le recours au commerce en ligne s'est également développé en 2021, avant de se stabiliser globalement en 2022. Ainsi, dans l’Union européenne, la part d'acheteurs en ligne parmi les 16-74 ans est passée de 49 % en 2019 à 57 % en 2021, avant de s’établir à 56 % en 2022 (contre 63 % en 2022 en France pour cette même tranche d’âge).

La pratique étant déjà bien implantée chez les plus jeunes et les catégories sociales aisées, les catégories intermédiaires sont celles qui se sont le plus converties au e-commerce à l’occasion des confinements. Ainsi, en 2021 en France, 69 % des personnes âgées de 45 à 59 ans ont acheté en ligne au cours des trois mois précédant l’enquête, contre 57 % en 2019, soit une augmentation de 12 points sur cette tranche d’âge, contre 7 pour l'ensemble de la population. Une partie d'entre elles n’a toutefois pas conservé les mêmes habitudes d’achat une fois les contraintes sanitaires levées : en 2023, 65 % de cette classe d'âge a effectué un achat en ligne au cours des trois mois précédant l’enquête, soit une baisse de 4 points par rapport à 2021.

La croissance du recours au e-commerce diffère selon les catégories sociales : la part d’acheteurs en ligne a le plus augmenté chez les employés et les ouvriers, avec une hausse de respectivement 13 et 11 points entre 2019 et 2021. Les cadres et professions intermédiaires, qui étaient déjà en 2019 les plus gros acheteurs en ligne, ont connu une hausse moins élevée.

À l'inverse, le recours aux achats en ligne a moins augmenté en 2021 pour les 20 % des personnes les plus modestes, celles sans diplôme, inactives ou encore résidant dans un département d'outre-mer (DOM). Elles étaient déjà les populations ayant le moins recours au e-commerce avant la crise sanitaire, car elles n’avaient probablement pas toujours les moyens ou les compétences numériques pour le faire [Bendekkiche, Viard-Guillot, 2023].

À autres caractéristiques identiques, les hommes et les femmes ont la même propension à acheter en ligne. Toutefois, au printemps 2021, période de restrictions induites par la crise sanitaire, les femmes ont davantage eu recours au e-commerce que les hommes, notamment lorsqu’elles vivaient en couple avec des enfants.

En 2019, 40 % des internautes n’ayant jamais fait d’achat en ligne évoquaient les risques pour la sécurité et la confidentialité comme un frein à acheter en ligne. En 2021, ils ne sont plus que 27 % à évoquer ces motifs.

Cette baisse des craintes liées à la sécurité et le besoin d’un recours accru aux outils numériques pendant la crise sanitaire s’accompagnent de la montée d’autres pratiques, comme l’accès à ses comptes bancaires en ligne. Ainsi, 66 % des personnes ont accédé à leur compte bancaire en ligne au cours des trois mois précédant l’enquête en 2021, comme en 2023 (contre 60 % en 2019).