La croissance et l’inflation à l’épreuve des incertitudes géopolitiques Note de conjoncture - mars 2022

 

Note de conjoncture
Paru le :Paru le16/03/2022
Note de conjoncture- Mars 2022
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Vue d'ensemble

Note de conjoncture

Paru le :16/03/2022

Les développements de la guerre en Ukraine conditionnent en partie la conjoncture économique

La guerre en Ukraine est un événement géopolitique porteur de conséquences économiques importantes, à court terme (en attisant l’inflation) comme à plus long terme (avec la réorganisation probable de certaines chaînes de valeur). Elle survient dans un contexte déjà marqué par de fortes tensions sur les prix, en lien avec le dynamisme de la reprise mondiale en sortie de crise sanitaire.

L’ampleur des conséquences économiques immédiates de ce nouveau choc « exogène » n’est certes pas comparable à celui de mars 2020, et ses canaux sont différents. Mais il rend à nouveau la prévision économique particulièrement incertaine, précisément parce qu’elle dépend en partie de facteurs qui ne relèvent pas de l’analyse conjoncturelle habituelle, qu’il s’agisse par exemple de l’évolution de la situation militaire ou de celle des sanctions contre la Russie.

Dans ces circonstances très évolutives, cette Note propose un diagnostic conjoncturel complet pour le premier trimestre 2022, et fournit, pour le futur proche, non pas des prévisions mais des éléments d’appréciation. Il s’agit d’une part d’estimations conditionnelles menées à partir de modèles macroéconométriques, et d’autre part des résultats précoces des enquêtes de conjoncture de mars, publiés à titre exceptionnel dans cette édition, avant la publication fin mars des résultats complets.

Au premier trimestre 2022, l’activité économique française aurait globalement progressé, malgré une consommation en retrait

Les trois premiers mois de l’année 2022 ont été contrastés. Comme anticipé, l’ombre portée de la vague Omicron a été circonscrite et temporaire en janvier. En février, la plupart des restrictions sanitaires ont été levées et les enquêtes de conjoncture envoyaient alors des signaux laissant attendre une accélération de l’activité. Le mois de mars est quant à lui marqué par les premières conséquences de la guerre en Ukraine, exacerbant les tensions déjà présentes sur les prix et faisant baisser les perspectives d’activité déclarées dans les enquêtes par les chefs d’entreprise. Au total, la prévision de croissance du PIB est maintenue à + 0,3 % pour le premier trimestre (après + 0,7 % au trimestre précédent), avec toutefois plus d’incertitude qu’à l’accoutumée, notamment pour mars.

La demande intérieure hors stocks marquerait globalement le pas au premier trimestre, sous l’effet de mouvements en sens contraires de ses composantes. La consommation des ménages fléchirait, du fait de la vague Omicron en janvier et de soldes d’hiver atones. À l’inverse, la consommation publique serait portée par les tests et les vaccinations. L’investissement des entreprises resterait dynamique mais décélérerait quelque peu. Les échanges extérieurs ralentiraient également après leur forte accélération en fin d’année 2021. Enfin, la contribution des variations de stocks serait positive ce trimestre.

L’emploi salarié ralentirait ce trimestre (+ 0,1 % prévu entre décembre et mars) et le taux de chômage se stabiliserait à 7,4 % de la population active. En février, le glissement sur un an des prix à la consommation a atteint 3,6 %. Il aurait été de l’ordre de 5 % sans le « bouclier tarifaire » sur les tarifs réglementés de vente du gaz et de l’électricité. En mars, l’inflation dépasserait 4 % sur un an : l’énergie expliquerait environ la moitié de ce glissement annuel. Du fait de la hausse des prix et malgré la bonne tenue des revenus d’activité, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages diminuerait au premier trimestre 2022 (– 1,4 % prévu par unité de consommation, dont toutefois un point de pourcentage expliqué par le contrecoup de la comptabilisation au quatrième trimestre 2021 de l’indemnité inflation).

La conjoncture serait plus incertaine au cours des prochains mois, avec davantage d’inflation importée

En première analyse, la guerre en Ukraine et les sanctions adoptées contre la Russie affectent l’économie française par plusieurs canaux. Il s’agit tout d’abord d’un choc sur le prix de l’énergie et des matières premières, mais aussi d’un choc d’incertitude et d’un choc sur le commerce extérieur. Le choc sur les prix de certaines importations peut par ailleurs se doubler d’un choc sur les volumes, avec le risque d’un accroissement des difficultés d’approvisionnement – alors même que celles qui préexistaient, par exemple s’agissant des semi-conducteurs, ne semblent pas encore résorbées.

Les résultats précoces des enquêtes de conjoncture de mars, collectés entre le 25 février et le 14 mars, fournissent de premières indications sur la manière dont les entreprises modifient leurs anticipations depuis le début de la guerre en Ukraine. Les perspectives générales tout comme les perspectives personnelles d’activité apparaissent particulièrement affectées dans l’industrie, mais aussi dans le commerce de gros et dans certains services. En revanche, à ce stade, les perspectives en matière d’emploi semblent relativement peu modifiées.

La croissance devrait logiquement s’en ressentir dans les prochains mois. À titre illustratif, si les prix d’importation de l’énergie observés début mars, certes très volatils, devaient se maintenir jusqu’à la fin de l’année, la perte d’activité associée pourrait être de près d’un point de PIB annuel pour l’économie française en 2022, relativement aux évolutions que l’on aurait pu attendre en l’absence de conflit. Ce chiffrage, issu d’un modèle macroéconométrique, prend en compte les effets de bouclage international, mais sans considérer ni les réponses de politique économique – susceptibles de réduire l’impact du choc – ni les autres canaux évoqués ci-dessus – susceptibles de l’aggraver. Il ne s’agit au demeurant pas d’une évaluation « centrale » de l’effet du conflit, compte tenu de la très grande volatilité actuelle des cours de l’énergie, et plus largement du degré d’incertitude liée à l’évolution du conflit.

Les perspectives d’inflation pour les prochains mois sont également incertaines, s’agissant notamment de l’énergie, même si la « remise à la pompe » réduirait la hausse des prix des carburants. Les prix alimentaires pourraient être tirés à la hausse par les cours des matières premières mais aussi à la suite des négociations commerciales entre producteurs et distributeurs. Le glissement annuel global des prix pourrait ainsi se situer autour de 4,5 % entre avril et juin.

Au total, la croissance annuelle en 2022 bénéficierait d’un fort effet d’acquis (+ 2,7 % à l’issue du premier trimestre) lié au dynamisme de la reprise après la crise sanitaire, mais les aléas sur l’activité des prochains trimestres seraient importants. Au-delà du développement du conflit lui-même, des sanctions associées mais aussi des réponses de politique économique, ces aléas portent par exemple sur les conséquences du choc de confiance et sur l’ampleur des difficultés d’approvisionnement, qu’elles soient liées à la guerre ou bien éventuellement à la résurgence de la pandémie, si celle-ci devait entraîner des arrêts d’activité notamment en Chine.