À La Réunion, améliorations économiques et sociales, dégradation environnementale Objectifs et indicateurs de développement durable à La Réunion : évolutions depuis 20 ans
Ces travaux ont été menés en partenariat entre l'Insee et la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Deal) de La Réunion.
Malgré les efforts de protection, la biodiversité est de plus en plus menacée Objectifs de développement durable à La Réunion
Caroline Coudrin, Sébastien Mariotti (Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement)
La transition écologique de La Réunion est indissociable de la préservation de sa biodiversité riche de nombreux milieux naturels et espèces uniques au monde. Cependant, un quart des espèces indigènes présentes est menacé de disparition. En réaction, le nombre d’espèces protégées réglementairement a fortement augmenté ces dernières années, tout comme la part des espaces naturels protégés. Pour préserver la biodiversité de l’île, des milieux naturels en bon état de conservation sont indispensables. La lutte contre l’implantation et la dissémination d’espèces invasives passe par une détection précoce, en combattant leur expansion ou en les éradiquant. Les milieux subissent aussi la pression des activités humaines. En particulier, l’état des masses d’eau superficielles et littorales se dégrade avec des ruptures importantes de continuité écologique de cours d’eau. Les récifs coralliens ne sont pas en bon état et leur situation se détériore depuis les années 1970.
Les crises sanitaires auxquelles La Réunion est exposée – chikungunya, dengue, Covid-19 – rappellent que la santé humaine est directement liée au respect des équilibres environnementaux.
- Les espèces menacées et les espaces naturels sont mieux protégés
- La lutte contre les espèces exotiques envahissantes continue
- Inventorier pour mieux connaître
- L’état des masses d’eau superficielles et littorales se dégrade
- Le récif corallien sous surveillance
- Cétacés et tortues sont de plus en plus observés près des côtes réunionnaises
- Encadré 1 - Un portail internet dédié aux données de la biodiversité
- Encadré 2 - La santé humaine est liée au respect des équilibres environnementaux
- Encadré 3 - Partenariat
La Réunion fait partie de l’ensemble « Madagascar et îles de l’océan Indien », un des 36 hauts lieux ou hotspots de la biodiversité reconnus mondialement [Conservation International, 2020]. Le patrimoine naturel de l’île est cependant très fragile et a déjà connu une forte dégradation, avec une perte de plus de 70 % de la végétation indigène antérieure à l’arrivée de l’homme. Du fait de son isolement géographique, La Réunion constitue un laboratoire vivant de l’évolution. Après des centaines de milliers d’années d’isolement, certaines espèces ont évolué au point de devenir génétiquement différentes de celles d’origine, créant des espèces dites endémiques.
L’endémicité peut être propre à La Réunion, s’étendre aux Mascareignes (La Réunion, Maurice, Rodrigues) ou relative aux pays de l’ouest de l’océan Indien (Mascareignes, Madagascar, Comores, Seychelles). Plus d’un quart des espèces indigènes réunionnaises sont endémiques strictes : leur disparition locale serait synonyme d’extinction mondiale, ce qui confère une responsabilité considérable de conservation. L’Ouvrir dans un nouvel ongletAgenda 2030 incite les nations à « prendre d’urgence des mesures énergiques pour réduire la dégradation du milieu naturel, mettre un terme à l’appauvrissement de la biodiversité et, d’ici à 2020, protéger les espèces menacées et prévenir leur extinction ».
Les espèces menacées et les espaces naturels sont mieux protégés
En 2017, un arrêté du ministère de la Transition écologique et solidaire définit 238 espèces végétales protégées à La Réunion, soit quatre fois plus que 30 ans auparavant (61 en 1987). Cet arrêté de protection des espèces interdit l’atteinte à leur vie et à leur reproduction, ainsi que le commerce d’espèces spécifiquement identifiées.
Dès 1966, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publie la liste rouge des espèces menacées, animales et végétales. Le grand public prend alors conscience que certaines espèces ne sont pas naturellement rares, mais en déclin ou en voie de disparition. À La Réunion, un quart des espèces évaluées en 2020 [UICN, 2020] est menacé de disparition, soit 22 % des espèces animales et 30 % des espèces végétales. Certaines d’entre elles sont endémiques strictes.
Pour enrayer la perte de biodiversité, protéger les espèces ne suffit pas : il convient aussi de protéger leurs habitats naturels. La première réserve naturelle nationale de La Réunion est créée en 1981 à Mare Longue. Jusqu’en 2006, d’autres espaces protégés voient le jour pour couvrir 8 % du territoire à cette date (figure 1).
tableauFigure 1 – Évolution des espaces de protection réglementaire entre 2006 et 2021
Espaces protégés à La Réunion | 2006 | 2021 |
---|---|---|
RNN1 Mare Longue | 70 | 0 |
RBI2 du Mazerin | 1 900 | 1 900 |
RBI des Hauts de Bois de Néfles | 200 | 200 |
APB3 Petite Ile | 2 | 2 |
RBD4 des Mares | 1 000 | 1 000 |
RBD Hauts de Saint-Philippe | 4 100 | 4 100 |
RBD du Grand Maratum | 800 | 800 |
RBD Forêt de Bébour | 4 800 | 4 800 |
RNN Roche Ecrite | 3 600 | 0 |
APB Piton des neiges | 1 800 | 0 |
RBD Bras des Merles- Bras Bémale | 900 | 900 |
APB Pétrel noir | 1 100 | 1 100 |
Coeur du parc national | 105 500 | |
RNN Etang St Paul et RNN Marine | 400 | |
APB Pandanaie | 400 | |
RBD des Tamarinaies des Hauts sous le vent | 100 | |
RBD du Littoral de Saint-Philippe | 60 | |
RBD de la forêt de Bois de Couleurs des Bas | 200 |
- 1. RNN : réserve naturelle nationale.
- 2. RBI : réserve biologique intégrale.
- 3. APB : arrêté de protection de biotope.
- 4. RBD : réserve biologique dirigée.
- Note : certaines surfaces étant protégées par plusieurs réglementations, l’espace total protégé n’est pas égal à la somme des surfaces protégées.
- Source : Deal.
graphiqueFigure 1 – Évolution des espaces de protection réglementaire entre 2006 et 2021
En 2007, la création du parc national permet de protéger 105 000 hectares du territoire terrestre. De son côté, la réserve naturelle nationale marine couvre 3 500 hectares de territoire maritime, soit 80 % des récifs coralliens proches des côtes. Depuis, les efforts continuent : en particulier, en 2020, deux nouvelles réserves biologiques domaniales sont créées (réserves biologiques dirigées du Littoral de Saint-Philippe et de la forêt de Bois de Couleurs des Bas). De fait, 44 % de la surface terrestre de l’île est protégée en 2021, la très grande majorité en protection forte (figure 2).
tableauFigure 2 – Espaces de protection réglementaire terrestre en 2019
Espaces de protection réglementaire terrestre | Surface |
---|---|
Coeur du parc national | 105 512 |
Réserves biologiques domaniales et forestières | 13 733 |
Arrêtés de protection du biotope | 1 472 |
Réserves naturelles nationales | 446 |
- Note : certaines surfaces étant protégées par plusieurs réglementations, l’espace total protégé n’est pas égal à la somme des surfaces protégées.
- Source : Sdes d’après Muséum national d’histoire naturelle (SIG), et données réglementaires du ministère de la Transition écologique et solidaire.
graphiqueFigure 2 – Espaces de protection réglementaire terrestre en 2019
La Réunion remplit ainsi les objectifs pour 2022 de la stratégie nationale des aires protégées de classer 30 % des écosystèmes terrestres et marins en aires protégées dont 10 % en protection forte. En revanche, moins de 2 % du territoire national est en protection forte en 2020. En 2010, le bien « Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion » est classé comme patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, pour ses paysages exceptionnels et la richesse de sa biodiversité (faune et flore) et de ses habitats naturels.
La lutte contre les espèces exotiques envahissantes continue
La lutte contre les espèces invasives constitue un autre axe de préservation de la biodiversité réunionnaise. Ces espèces animales ou végétales, comme le rat ou le longose, introduites depuis la découverte de l’île au XVe siècle, représentent un danger. En effet, elles se nourrissent d’espèces locales, dites indigènes, ou elles accaparent les ressources dont les espèces locales ont besoin pour survivre. En 2020, trois nouvelles espèces exotiques envahissantes ou potentiellement envahissantes sont détectées sur le territoire réunionnais. Elles s’ajoutent aux 28 nouvelles espèces détectées depuis 2016.
En 2020, 7 % des espèces végétales et 32 % des espèces animales exotiques sont identifiées comme ayant un caractère envahissant. Au total, 176 espèces exotiques à caractère envahissant sont présentes sur l’île. En 2019, seuls 15 % des zones à enjeu de conservation (soit 16 000 hectares) sont dépourvues de tout envahissement par la flore exotique.
Inventorier pour mieux connaître
Une connaissance précise de la situation est nécessaire pour préserver au mieux la biodiversité, en protégeant les milieux naturels, les espèces menacées ou en limitant les espèces exotiques envahissantes. De nombreuses espèces ne sont pas encore évaluées selon les critères des listes rouges des espèces menacées de l’UICN, car les inventaires et banques de données ne suffisent pas pour apprécier précisément leur état de conservation. Parfois, des espèces que l’on croyait disparues sont redécouvertes. C’est le cas par exemple en 2015 du Lobelia parva (petite campanule) par le conservatoire botanique national de Mascarin, alors qu’elle était classée « disparue à l’état sauvage ».
Certaines espèces exotiques à caractère envahissant sont considérées comme nouvelles, car aucun signalement n’avait été fait précédemment. L’enjeu est donc d’identifier les nouvelles espèces à risques avant leur introduction ou au tout début de celle-ci, et de les prélever avant qu’elles ne puissent se disséminer.
L’observation naturaliste en continu permet d’enrichir la mise à jour des inventaires de zones naturelles d’intérêt écologiques floristiques et faunistiques (ZNIEFF) qui constituent les premières couches d’information géographiques en termes d’enjeux naturalistes à prendre en compte dans l’aménagement du territoire.
L’état des masses d’eau superficielles et littorales se dégrade
La Réunion comprend 66 masses d’eau : 24 « cours d’eau », 1 « plan d’eau » (Grand Étang) et 2 masses d’eau de transition (Étang du Gol et Étang Saint-Paul), 27 masses d’eau souterraine (dont les nappes phréatiques) et 12 masses d’eau littorale (dont 4 de type récifal).
L’état des cours d’eau s’est dégradé récemment : en 2019, seulement 12 % d’entre eux sont en bon état contre 17 % en 2015 [Sdage, 2021]. Ceci est dû à la détection de polluants persistants au-dessus des seuils réglementaires et à la faible densité de poissons présents. Le Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage) 2022-2027 vise que d’ici 2027, plus de la moitié des cours d’eau soient en bon état (chimique et biologique), et plus des trois quarts d’ici 2033. Cela nécessite la mise en place d’actions de sensibilisation, la lutte contre la pêche illégale, la suppression des obstacles pour améliorer la continuité écologique. Il convient aussi de mettre en conformité les infrastructures d’eau et assainissement (réseaux pluviaux, assainissements collectifs et non collectifs, etc.) afin d’améliorer leurs rendements, réduire l’impact des ouvrages et réduire les rejets de polluants.
Depuis 2013, trois des quatre masses d’eau de type récifal ne répondent pas aux critères de « bon état » du Sdage (zones récifales de Saint-Gilles, Saint-Leu et de l’Étang-Salé). Le retour au bon état de ces masses d’eau passe par une meilleure prise en compte du continuum terre-mer et plus particulièrement de l’aménagement et des pratiques culturales entrepris sur les bassins versants (urbanisation, infrastructures, gestion du pluvial, pratiques agricoles, etc.).
Le récif corallien sous surveillance
Les premiers constats scientifiques de dégradation des récifs coralliens sont effectués dans les années 1980. Assez modérées jusqu’à 1997, les perturbations des milieux récifaux s’accentuent par la suite et se traduisent principalement par une diminution progressive des taux de recouvrement en coraux durs et par une augmentation d’espèces opportunistes (assemblages algaux, éponges, etc.). Depuis la fin des années 1990, le récif corallien est de plus en plus couvert d’algues molles, alors que la surface de corail vivant et la diversité des espèces diminuent. Entre 2000 et 2020, les taux de recouvrement coralliens baissent de plus de dix points en moyenne, avec des niveaux et des évolutions très variées selon le lieu du relevé (figure 3 et figure 4).
tableauFigure 3 – Évolution des recouvrements en coraux durs sur les platiers
Saint-Gilles 3 chameaux | Saint-Leu La Corne | Étang-Salé | Saint-Pierre Alizé plage | |
---|---|---|---|---|
2000 | 18 | 54 | 51 | 36 |
2001 | 36 | 63 | 44 | 40 |
2002 | 39 | 44 | 40 | 48 |
2003 | 41 | 39 | 44 | 42 |
2004 | 27 | 38 | 27 | 48 |
2005 | 25 | 28 | 23 | 47 |
2006 | 28 | 27 | 26 | 55 |
2007 | 32 | 32 | 31 | 55 |
2008 | 42 | 37 | 39 | 61 |
2009 | 41 | 40 | 47 | 58 |
2010 | 43 | 33 | 51 | 52 |
2011 | 48 | 29 | 54 | 55 |
2012 | 20 | 35 | 44 | 42 |
2013 | 27 | 40 | 46 | 36 |
2014 | 36 | 40 | 54 | 50 |
2015 | 48 | 36 | 50 | 58 |
2016 | 12 | 21 | 23 | 25 |
2017 | 15 | 15 | 21 | 21 |
2018 | 18 | 1 | 23 | 33 |
2019 | 27 | 1 | 28 | 47 |
2020 | 22 | 4 | 23 | 55 |
- Source : Suivi GCRNM de La Réunion.
graphiqueFigure 3 – Évolution des recouvrements en coraux durs sur les platiers
tableauFigure 4 – Évolution des recouvrements en coraux durs sur les pentes externes
Saint-Gilles 3 chameaux | Saint-Leu La Corne | Étang-Salé | Saint-Pierre Alizé plage | |
---|---|---|---|---|
2000 | 39 | 74 | 59 | 41 |
2001 | 43 | 77 | 50 | 47 |
2002 | 36 | 74 | 51 | 40 |
2003 | 33 | 79 | 48 | nd |
2004 | 33 | 78 | 43 | nd |
2005 | nd | nd | nd | 41 |
2006 | 29 | 70 | 42 | 49 |
2007 | 30 | 69 | 36 | 47 |
2008 | 21 | 71 | 26 | 53 |
2009 | 21 | 63 | 19 | 52 |
2010 | 23 | 60 | 26 | 63 |
2011 | 24 | 65 | 24 | 59 |
2012 | 25 | 61 | 31 | 55 |
2013 | 26 | 59 | 24 | nd |
2014 | 25 | 57 | 29 | 62 |
2015 | 32 | 56 | 36 | 58 |
2016 | 22 | 58 | 37 | 60 |
2017 | 17 | 43 | nd | nd |
2018 | 25 | 41 | 42 | nd |
2019 | 14 | 28 | 35 | 32 |
2020 | 21 | 31 | 31 | 48 |
- Note : pour certaines années, les relevés sur les pentes externes n’ont pas pu être faits sur toutes les stations.
- Source : Suivi GCRNM de La Réunion.
graphiqueFigure 4 – Évolution des recouvrements en coraux durs sur les pentes externes
Cette baisse générale est marquée par des événements aggravants comme de grandes marées exceptionnelles combinées à un fort ensoleillement durant l’hiver austral 2015 ou des coulées de boue dans le lagon à Saint-Leu en 2018. Sur les pentes externes des récifs de Saint-Pierre, plus exposées aux houles australes, les peuplements de coraux sont en meilleure santé, car les intrants venus de l’île sont dilués du fait d’un puissant hydrodynamisme.
En 2020, pour la première fois, l’UICN publie un état des lieux des coraux dans les îles françaises de l’océan Indien [UICN, 2020] : 15 % des espèces de corail constructeur sont menacées ou quasi menacées à La Réunion. Les récifs coralliens réunionnais sont de petite superficie (18 km²), très proches des côtes, et se situent uniquement sur la partie ouest et sud-ouest de l’île, où les activités littorales sont très développées. Au rang des principales menaces, les coraux constructeurs de récifs subissent les impacts de la dégradation de la qualité de l’eau due à l’urbanisation croissante du littoral et les rejets des bassins versants adjacents. Le réchauffement climatique constitue une autre menace majeure : il se manifeste par des épisodes de blanchissement corallien récurrents observés depuis la fin des années 1990, ce qui crée un stress supplémentaire pour les colonies coralliennes.
Les activités humaines impactent le milieu marin récifal, et s’ajoutent aux évènements climatiques majeurs et aux rejets d’eaux polluées mettant en danger la résilience du milieu à court terme. Pour qu’à l’horizon 2028-2033, le récif corallien redevienne en bon état, comme le Sdage le vise, des actions concrètes doivent être mises en place, notamment en matière d’assainissement, d’occupation et d’érosion des sols, d’usage du lagon et des ressources marines, de pollution. La stratégie de protection mise en œuvre dans la réserve naturelle marine semble atténuer l’impact sur les coraux de la dégradation générale de l’environnement littoral de l’ouest de La Réunion. En particulier, les zones où l’activité est interdite ou réglementée ont un effet positif sur le peuplement des poissons ; leur taille, leur nombre et leur diversité augmente. Cependant, ces zones de protection intégrales ne représentent en 2020 que 5 % du territoire de la réserve naturelle marine, ce qui limite les processus écologiques d’essaimage et de régénération en cours.
Cétacés et tortues sont de plus en plus observés près des côtes réunionnaises
Une vingtaine d’espèces de cétacés fréquente les eaux côtières de La Réunion, dont cinq fréquentent régulièrement le littoral. Il s’agit de la baleine à bosse et de quatre espèces de dauphins : le grand dauphin de l’Indo-Pacifique, le dauphin à long bec, le grand dauphin commun et le dauphin tacheté pantropical.
Les baleines à bosse viennent passer une partie de l’hiver austral sur les côtes réunionnaises pour mettre bas ou se reproduire. Elles étaient très abondantes dans le monde jusqu’à la fin du XIXe, période à partir de laquelle leur population a été décimée par la chasse commerciale, pratiquée de manière industrielle jusqu’à la première moitié du XXe siècle. Depuis l’arrêt de cette chasse en 1966, le nombre de baleines à bosse augmente dans le monde. Depuis 2008, en moyenne 80 d’entre elles fréquentent chaque saison les eaux réunionnaises. En 2020, seules 54 baleines sont identifiées, bien loin derrière les 300 de 2018.
Présents toute l’année dans les eaux réunionnaises, les populations résidentes de dauphins réalisent tout ou partie de leur cycle vital près des côtes. Ces espèces sont particulièrement vulnérables aux activités anthropiques, en particulier le grand dauphin de l’Indo-Pacifique dont l’habitat est le plus restreint et la population la plus limitée (environ 80 individus résidents). Les règles d’approche des cétacés ont changé au niveau national depuis le 1er janvier 2021 : il est désormais strictement interdit de les approcher à moins de 100 mètres dans tout le périmètre de la Réserve naturelle nationale marine de La Réunion.
Au cours du XXe siècle, les humains ont décimé les tortues marines à La Réunion. Aujourd’hui un millier d’individus de deux espèces – 70 % de tortues vertes et 30 % de tortues imbriquées – sont observables dans les eaux côtières réunionnaises. En 2019, dix fois plus de tortues sont observées qu’en 1998 : en moyenne, deux tortues supplémentaires chaque année, probablement grâce aux mesures de conservation et de sensibilisation entreprises au niveau local et régional depuis les années 1980. De même, les actions de restauration écologique des plages favorables à la ponte des tortues marines – neuf plages ont été réhabilitées en 2020 – semblent jouer un rôle positif pour le retour des femelles fécondées. Depuis 2004, 38 pontes ont eu lieu, sur deux plages uniquement, et quatre femelles ont été observées en ponte dont deux au cours de plusieurs saisons de ponte. Cependant, ces dernières années, le centre de soins Kélonia récupère davantage de tortues blessées par des bateaux. Malgré l’augmentation des observations de tortues marines, la population reste très faible à La Réunion au regard des îles voisines. Elles sont donc fragiles, et dépendent des mesures et actions de conservation et de sensibilisation pour leur préservation.
Encadré 1 - Un portail internet dédié aux données de la biodiversité
L’ensemble des données relatives à la biodiversité de La Réunion sont progressivement rassemblées dans le cadre du système d’information sur la nature et les paysages [Ouvrir dans un nouvel ongletwww.borbonica.re].
Celui-ci propose des outils et un cadre d’échange de données visant à faciliter leur utilisation dans les actions de conservation de la biodiversité ou les projets d’aménagement du territoire. Le grand public et les professionnels de l’environnement peuvent accéder aux données, mais également contribuer en communiquant leurs observations naturalistes.
Encadré 2 - La santé humaine est liée au respect des équilibres environnementaux
Les crises sanitaires qui ont frappé La Réunion ces 15 dernières années, comme le chikungunya, la dengue ou la Covid-19, viennent rappeler que la santé humaine est très liée à la préservation des équilibres et de la qualité de son environnement. La conversion d’habitats naturels en écosystèmes agricoles ou urbains et l’insalubrité ont une incidence sur le risque et l’émergence d’infections (bactéries, virus, prions) ou de parasites qui se transmettent naturellement des animaux à l’être humain, et vice-versa. Certaines sont déjà présentes sous forme épidémique à La Réunion comme la leptospirose.
En 2020, la période de confinement de mars à mai dans le cadre de la crise sanitaire de la Covid-19 a permis de sanctuariser le lagon durant une cinquantaine de jours. Si elle n’a pas eu d’influence notable sur les peuplements de poissons, de grands prédateurs (carangues bleues adultes, poissons flûtes, orphies de grande taille et poissons pierres), inaccoutumés du lagon, y ont été remarqués à plusieurs reprises. À l’instar des nombreuses observations répertoriées dans le monde, les grands animaux se sont réappropriés rapidement les lieux désertés par la population.
Encadré 3 - Partenariat
Cette étude a été menée en partenariat entre l’Insee et la Direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Deal) de La Réunion.
Définitions
L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) évalue l’état de conservation des espèces à travers le monde. Sa méthodologie, qui s’appuie sur des données chiffrées de taille de population, de répartition géographique et d’évolution démographique, permet d’identifier les espèces menacées de disparition. Ces espèces menacées sont réparties en trois catégories : espèce vulnérable, espèce en danger d’extinction et espèce en danger critique d’extinction.
Une aire protégée est un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés.
Une espèce indigène est arrivée sur l’île par des moyens naturels, avant la découverte de l’île au XVIIe siècle, au contraire d’une espèce exotique qui y a été introduite par des humains, volontairement ou non.
Une espèce exotique envahissante (ou espèce invasive) est une espèce exotique qui a des impacts négatifs sur les espèces indigènes ou les habitats naturels du territoire dans lequel elle a été introduite.
Une zone de protection forte est une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines susceptibles de compromettre la conservation des enjeux écologiques de cet espace sont supprimées ou significativement limitées, et ce de manière pérenne. Cela est possible grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d’une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif des activités concernées.
Les zones à enjeu de conservation sont des zones de naturalité préservée du parc national, de la réserve marine et des habitats d’espèces menacées en lien avec les plans nationaux d’actions.
Pour en savoir plus
Deal, « Ouvrir dans un nouvel ongletLa biodiversité à La Réunion à travers 20 indicateurs », septembre 2017.
Ministère de la Transition écologique, « Ouvrir dans un nouvel ongletStratégie nationale pour les aires protégées – 2030 », 2021.
UICN Comité français, OFB & MNHN, « Ouvrir dans un nouvel ongletCoraux constructeurs de récifs de La Réunion, de Mayotte et des îles Éparses », Liste rouge des espèces menacées en France, 2020.
UICN Comité français, OFB & MNHN, « Ouvrir dans un nouvel ongletTableau de synthèse des résultats de la liste rouge nationale », Liste rouge des espèces menacées en France, 2020.
Sdage 2022-2027, « Ouvrir dans un nouvel ongletÉtat des lieux 2019 », 2021.
Ouvrir dans un nouvel ongletConservation International, 2020.
Ifrecor, « Ouvrir dans un nouvel onglet2020 – L’état de santé des récifs coralliens, herbiers marins et mangroves des outre-mer français : un bilan mitigé », 2021.
Pour comprendre
À la suite de la définition par l’Organisation des Nations unies des 17 objectifs de développement durable (ODD) en 2015 et d’indicateurs permettant de les suivre, le Conseil national de l’information statistique (Cnis) a mis en place un groupe de travail sur la déclinaison française de ces indicateurs de suivi. Constitué de plus de 100 participants, ce groupe de travail rassemblait des personnes d’horizons très divers (société civile, parties prenantes, services ministériels et services statistiques). Les travaux du groupe ont permis de proposer en 2019 un tableau de bord de 98 indicateurs nationaux. Ces indicateurs, reprenant en partie ceux des Nations unies, sont jugés pertinents au regard des stratégies françaises. De plus, leur pérennité à l’horizon 2030 semble assurée et leur méthodologie robuste et publique.
En 2020, l’Insee et le service statistique du ministère de la Transition écologique (Sdes) ont travaillé en collaboration à la déclinaison territoriale de ces indicateurs nationaux, en s’appuyant sur des données déjà existantes, disponibles facilement, mises à jour régulièrement et comparables dans le temps et avec d’autres territoires.
Ce travail a abouti en septembre 2020 à la mise en ligne sur le site internet insee.fr d’un ensemble d’indicateurs territoriaux à différentes échelles, jusqu’au niveau communal.
Les analyses menées dans le cadre de la présente publication s’appuient prioritairement sur ces indicateurs territoriaux. Toutefois, certains indicateurs n’ont pas pu être exploités pour La Réunion, pour diverses raisons : données non disponibles à l’échelle de l’île, évolution temporelle insuffisante ou données trop anciennes. Ils n’ont donc pas été retenus pour réaliser ce diagnostic. Pour dresser un état des lieux aussi pertinent que possible et éclairer au mieux les enjeux du développement durable à La Réunion, des données statistiques et expertises complémentaires provenant de divers organismes ont été mobilisées par la Deal et l’Insee. En outre, quelques indicateurs supplémentaires illustrant des enjeux spécifiques à La Réunion ont été mobilisés, par exemple sur la mortalité infantile, l’accès des natifs aux postes à responsabilités ou le taux de recouvrement des récifs par les coraux.
Pour mettre l’analyse en perspective, les évolutions observées ont été mises en regard de cibles légales ou réglementaires. Ces cibles, nationales ou internationales si des cibles régionales n’existent pas, sont issues de documents officiels (loi, Agenda 2030, document cadre, etc.), et ont été sélectionnées car en lien avec les indicateurs étudiés. Cette revue ne se veut en revanche pas exhaustive. A fortiori, ce dossier constitue un diagnostic et permet un suivi, mais n’est pas un travail d’évaluation de politiques publiques.
Cette publication est centrée autour de cinq fiches thématiques, dont le découpage s’inspire des Ouvrir dans un nouvel ongletenjeux de la feuille de route de la France pour l’Agenda 2030 :
- 1. Lutter contre les discriminations et les inégalités ;
- 2. S’appuyer sur l’éducation et la formation, la participation citoyenne et la solidarité ;
- 3. Agir pour la santé et le bien-être de tous et toutes ;
- 4. Agir en faveur du climat via une économie circulaire ;
- 5. Agir en faveur de la biodiversité.
Chacune de ces fiches couvre deux à quatre objectifs de développement durable, dont les intitulés sont précisés en en-tête.
Cette publication comprend également une synthèse, ainsi qu’un tableau récapitulatif constitué de six indicateurs en moyenne pour chaque objectif, permettant de visualiser rapidement leur état actuel et leur évolution sur les dix à vingt dernières années.
Cette publication est diffusée sur le site de l’Insee et de la Ouvrir dans un nouvel ongletDeal.
Sur le site de l’Insee, les cinq fiches et la synthèse sont publiées sous la forme d’articles de la collection Insee Analyses La Réunion et Insee Flash La Réunion. Les données des graphiques de ces fiches sont disponibles en téléchargement, de même que le tableau récapitulatif des indicateurs par objectif de développement durable.
Sur le site de la Deal de La Réunion, la publication est diffusée sous la forme d’un dossier complet téléchargeable.
Encadré - Les six enjeux de la feuille de route de la France pour l’Agenda 2030
L’atteinte des 17 objectifs de développement durable (ODD) passe, en France, par la prise en compte d’enjeux particulièrement prégnants sur le territoire, en métropole et en outre-mer, et par la traduction des spécificités de la France dans son action à l’international. La contribution de la France à l’Agenda 2030 se décline en six enjeux, traduits sous forme d’engagements et de propositions concrètes.
- Enjeu 1 : Agir pour une transition juste
- Assurer une société inclusive pour tous
- Lutter contre toutes les discriminations
- Répartir équitablement les richesses
- Enjeu 2 : Transformer les modèles de sociétés
- Promouvoir la décarbonisation et l’adaptation au changement climatique
- Développer des modèles de production et de consommation économes en ressources
- Restaurer la biodiversité et ses écosystèmes
- Enjeu 3 : S’appuyer sur l’éducation et la formation tout au long de la vie
- Éduquer au développement durable
- Changer les comportements de tous
- Sensibiliser et former, en ne laissant personne de côté
- Enjeu 4 : Agir pour la santé et le bien-être de toutes et tous
- Faciliter l’accès aux soins
- Assurer un environnement sain à la population
- Promouvoir une agriculture durable pour une alimentation saine et sûre
- Enjeu 5 : Rendre effective la participation citoyenne à l’atteinte des ODD
- Soutenir les expérimentations et les innovations territoriales
- Lutter contre la fracture territoriale
- Encourager la participation des citoyens à l’action publique
- Enjeu 6 : Construire une transformation durable européenne et internationale
- Promouvoir le développement durable dans les instances internationales
- Adosser les politiques de solidarités internationales aux ODD
Cette publication est centrée autour de cinq fiches thématiques dans lesquelles les enjeux 1 et 4 sont conservés à l’identique, les enjeux 3, 5 et 6 sont regroupés et la thématique « biodiversité » - qui constitue un enjeu particulièrement fort à La Réunion – a été isolée. En se basant sur les thématiques soulignées dans chaque enjeu de la feuille de route, les 17 ODD ont été répartis dans chacune de ces fiches.
- 1. Lutter contre les discriminations et les inégalités :
- ODD1 - Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde
- ODD5 - Réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles
- ODD8 - Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous
- ODD10 - Réduire les inégalités entre les pays et en leur sein
- 2. S’appuyer sur l’éducation et la formation, la participation citoyenne et la solidarité :
- ODD4 - Veiller à ce que tous puissent suivre une éducation de qualité dans des conditions d’équité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie
- ODD16 - Promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et ouvertes aux fins du développement durable
- ODD17 - Partenariats pour la réalisation des objectifs
- 3. Agir pour la santé et le bien-être de tous et toutes :
- ODD2 - Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable
- ODD3 - Donner aux individus les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être à tous les âges
- ODD6 - Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau
- ODD11 - Faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables
- 4. Agir en faveur du climat via une économie circulaire :
- ODD7 - Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable
- ODD9 - Mettre en place une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation
- ODD12 - Établir des modes de consommation et de production durables
- ODD13 - Prendre d’urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions
- 5. Agir en faveur de la biodiversité :
- ODD14 - Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable
- ODD15 - Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres
Pour en savoir plus
Deal, Insee, « Ouvrir dans un nouvel ongletObjectifs du développement durable à La Réunion – Analyse de l’évolution des indicateurs depuis 20 ans », octobre 2021.
Insee, Deal, « Objectifs et indicateurs de développement durable : évolutions depuis 20 ans », Dossier de presse, octobre 2021.
Insee, Deal, « Ouvrir dans un nouvel ongletAméliorations économiques et sociales, dégradation environnementale à La Réunion - Objectifs de développement durable : une synthèse de l'étude en vidéo », Chaîne YouTube de l'Insee, octobre 2021.
CGDD, « Ouvrir dans un nouvel ongletÉtat des lieux de la France 2020 – Transformer la Société par les Objectifs de développement durable » , Document de travail, septembre 2021.
Insee, Indicateurs territoriaux de développement durable, Base de données, août 2021.
Durand J., Lavergne H., Boulin P., Vey F., « Spécificités des départements français au regard du développement durable », in La France et ses territoires – édition 2021, Insee Références, avril 2021.
Deal, Insee, « Ouvrir dans un nouvel ongletLes indicateurs du développement durable à La Réunion : un premier état des lieux », juin 2012.