Économie et Statistique n° 391-392 - 2006 Sans-domicile
L'alcoolisation des personnes sans domicile : remise en cause d'un stéréotype
François Beck, Stéphane Legleye et Stanislas Spilka
À partir de quelques questions, l'enquête auprès des personnes fréquentant les services d'hébergement ou les distributions de repas chauds offre un regard sur les niveaux d'alcoolisation des différentes catégories de personnes sans domicile qui ont recours à ces services. Cet effort de quantification permet de mettre en évidence la diversité des pratiques au sein de cette population. Des distinctions nettes apparaissent suivant le type d'hébergement et de ressources, mais aussi suivant l'âge, le sexe et la nationalité des répondants. À la grande diversité des situations sociales rencontrées correspond ainsi une grande variété de comportements à l'égard de l'alcool. Les personnes de nationalité française apparaissent ainsi plus souvent consommatrices, tandis que les usages les plus importants s'avèrent liés aux situations de précarité les plus marquées. Il est possible, dans une certaine mesure, de comparer les niveaux d'usage d'alcool déclarés par les personnes sans domicile avec ceux observés au sein de la population générale par le biais d'enquêtes auprès des ménages. Cette comparaison reste fragile sur le plan méthodologique, mais elle montre que l'alcool n'est pas toujours aussi présent dans les parcours des personnes sans domicile que dans l'imaginaire collectif. Ce constat général doit toutefois être nuancé par l'examen des signes d'usages problématiques d'alcool : la proportion de personnes semblant présenter d'importants risques d'usage nocif ou de dépendance à l'alcool apparaît nettement plus élevée au sein de la population des personnes sans domicile que dans la population générale, en particulier parmi les individus dont les situations sociales sont les plus difficiles.
Economie et Statistique
No 391-392
Paru le :01/10/2006