Courrier des statistiques N1 - 2018
Éditorial
En janvier 1977 paraissait le premier numéro du Courrier des statistiques, préfacé par Edmond Malinvaud. Il écrivait alors : « Grâce à cette revue, chaque statisticien devrait, même s’il a une fonction très spécialisée, être averti des travaux de ses collègues et des problèmes qu’ils rencontrent. Information générale donc sur les différentes activités du système statistique, mais aussi information plus pointue sur l’évolution des méthodes et des moyens de l’activité statistique. »
Cette aventure s’est interrompue en septembre 2011, après plus de 130 numéros publiés. À l’ère d’internet de l’Open data et de l’Open government, le projet d’origine semblait obsolète : chacun ne peut-il aujourd’hui trouver facilement l’information dont il a besoin en ligne ? L’Insee, les services statistiques ministériels, ont des sites internet très fournis, ils diffusent largement leurs travaux et leur méthodologie et donnent à voir leur organisation à qui prend la peine de chercher. Pourquoi cela ne suffirait-il pas ? L’étude de l’opportunité de (re)créer une revue professionnelle faite par l’Inspection générale de l’Insee fin 2017 a montré qu’il fallait revenir sur ce postulat. L’abondance de l’information peut être en elle-même un obstacle à son appropriation. Et surtout, nous nous illusionnons sur notre capacité collective à produire spontanément une information complète et partageable par tous – et d’abord au sein de notre communauté professionnelle – sur nos méthodes, nos enjeux, notre organisation et son contexte. Certes, nous produisons une documentation abondante, mais elle reste souvent très technique, confinée dans un petit cercle de spécialistes.
L’étude d’opportunité de l’Inspection générale a montré que nombreux étaient les cadres du service statistique public qui regrettaient la disparition de la revue et qui estimaient qu’il manquait désormais un chaînon essentiel dans la chaîne d’information que nous produisons. Le besoin de faire circuler l’information au-delà des spécialités, de présenter de la méthodologie d’une manière plus synthétique et pédagogique que nous ne le faisons dans nos documents de travail, de donner à voir aussi notre organisation, le rôle de coordination du système statistique national consacré par le règlement européen n° 223/2009 et les évolutions dans la construction de la statistique européenne, le besoin enfin de garder la mémoire de ce que nous sommes et de ce que nous faisons, ces besoins sont toujours là. Et rien ne les satisfait spontanément.
Enfin, en cette ère de post-vérité, nous sommes plus que jamais tenus, devant nos concitoyens, à la rigueur et l’impartialité de nos méthodes. Le Courrier des statistiques permettra à tous ceux qui le souhaitent, enseignants, chercheurs, étudiants, citoyens curieux, de mieux s’informer sur la fabrique de nos statistiques et le cadre déontologique dans lequel elles se construisent. Ce qui garantit précisément que l’on ne fait pas dire aux chiffres ce que l’on veut.
C’est pourquoi le comité de direction de l’Insee a décidé de relancer le Courrier des statistiques. J’en ai confié la responsabilité à l’Inspection générale, qui en assume désormais la rédaction en chef. J’ai été heureux de constater que les bonnes volontés ont été nombreuses à se manifester pour alimenter ce premier numéro et les suivants. Le Courrier des statistiques est en effet notre bien commun. Sa pérennité repose sur la bonne volonté de tous.
Je vous souhaite une bonne lecture de ce premier numéro.
Jean-Luc Tavernier
Directeur général de l’Insee
Paru le :06/12/2018