Courrier des statistiques N1 - 2018

Le premier numéro est paru. Il comporte un article du directeur général de l’Insee sur l’organisation administrative du système statistique public en France, qui reprend son intervention au World Statistics Congress de l’International Statistical Institute en 2017.
Un dossier de quatre articles éclaire ensuite la problématique de l’utilisation des sources administratives en statistique, avec en particulier une présentation de la DSN par la directrice du GIP - Modernisation des Déclarations Sociales. Puis on change de registre avec la mise en place du dispositif mondial d’identifiant unique des intervenants sur les marchés financiers (Legal Entity Identifier, LEI), et le rôle qu’y joue l’Insee. Enfin, le dernier article présente de façon pédagogique la notion de statistique publique sous ses différentes facettes, tant au niveau français qu’européen.

Courrier des statistiques
Paru le :Paru le06/12/2018
Pierrette Schuhl, Cheffe du département des répertoires, infrastructures et statistiques structurelles, Insee.
Courrier des statistiques- Décembre 2018
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Le Legal Entity Identifier Contexte international et rôle de l’Insee

Pierrette Schuhl, Cheffe du département des répertoires, infrastructures et statistiques structurelles, Insee.

La volonté de créer un dispositif mondial d’identifiant unique des intervenants sur les marchés financiers s’est renforcée lors de la crise de 2007. Lancée par le G20 en 2011, l’initiative Legal Entity Identifier (LEI) s’est concrétisée par la mise en place d’un annuaire mondial pouvant servir de référentiel commun fin 2012-début 2013. Les codes LEI sont depuis lors utilisés au niveau international pour les obligations déclaratives des entités effectuant des transactions sur des instruments dérivés appliquées aux États-Unis ou en Europe. En France, l’Insee a été proposé dès 2013 par le ministère de l’Économie et des Finances pour être émetteur local d’identifiants LEI, en raison de son expérience dans la gestion de répertoires et d’identifiants. Il a été confirmé dans ce rôle en 2018 par son accréditation par la Global LEI Foundation (GLEIF). Cette nouvelle activité conforte ainsi sa position prépondérante dans les processus d’identification des entités économiques françaises. La seconde étape de l’initiative, lancée mi-2017, consiste à compléter les données d’identification des demandeurs de LEI par celles de leurs détenteurs direct et ultime. Ces données dites « de niveau 2 » sont porteuses d’améliorations significatives de la connaissance de la composition des groupes, de leur assise financière et potentiellement de leur stratégie.

Un mandat politique fort issu de la crise financière

Le monde académique, les régulateurs et les superviseurs ainsi que l’industrie financière ont depuis longtemps débattu des attraits et des avantages d’une codification internationale permettant d’identifier les entités juridiques de manière unique. La crise de 2007 a été un accélérateur de l’initiative Legal Entity Identifier (LEI). La première pierre en a été posée au sommet du G20 à Cannes en novembre 2011. Les dirigeants du G20 ont ainsi confié au Conseil de stabilité financière (CSF, ou FSB en anglais) la mission de proposer des recommandations permettant de développer un LEI mondial.

« Nous soutenons la création d’un identifiant international pour les entités juridiques (Legal Entity Identifier – LEI), qui identifie de manière unique les contreparties aux transactions financières. Nous invitons le FSB à prendre l’initiative en aidant à coordonner les travaux de la communauté des régulateurs afin d’élaborer, d’ici au prochain sommet, des recommandations sur la mise en œuvre d’un cadre de gouvernance approprié, tenant compte de l’intérêt général, pour cet identifiant international. » (Déclaration finale du G20, 2011)

Dans un premier temps, un groupe d’experts composé sous l’égide du FSB et associant des représentants des banques centrales, des ministères des finances et autorités de contrôle a défini l’architecture cible, posé les grands principes de gouvernance et précisé le mode de financement. Ce groupe d’experts a établi un ensemble de 35 recommandations (Rapport FSB, 2012) qui serviront de principes fondateurs à l’initiative, approuvées par les dirigeants du G20 au sommet de Los Cabos de juin 2012.

« Nous approuvons les recommandations du FSB concernant le cadre d’élaboration d’un système d’identifiant international pour les entités juridiques (Legal Entity Identifier – LEI), qui identifie les contreparties aux transactions financières, avec un cadre de gouvernance mondial représentant l’intérêt public. Le système LEI sera lancé d’ici mars 2013. » (Déclaration du G20, juin 2012).

Dès cette étape, sont posées les bases qui vont permettre le développement de l’initiative LEI. Il est ainsi affirmé que l’association avec le secteur privé est essentielle à son succès ; le groupe d’experts a ainsi bénéficié de l’interaction avec les représentants de l’industrie financière sous forme d’ateliers de travail ou d’échanges interactifs continus. En établissant qu’un système d’identification mondial est un bien public, le groupe d’experts en a tiré des grands principes d’organisation de l’initiative : transparence et gratuité de l’accès à l’information, indépendance financière de l’agence centrale gérant le système la mettant ainsi à l’abri des risques de dépendance vis-à-vis de groupes d’intérêt, neutralité politique...

Le groupe d’experts a laissé la place à un groupe chargé de la mise en œuvre opérationnelle des recommandations qui, de juin 2012 à décembre 2012, a posé les fondations de l’initiative. En particulier, la construction juridique a reposé sur une Charte (novembre 2012) proposée à la signature des autorités de tous les pays intéressés, après approbation par le FSB (5e rapport d’étape) et le G20 (Communiqué du G20, novembre 2012). Cette charte définissait l’architecture cible : une agence centrale (COU : Central Operating Unit), un réseau d’opérateurs locaux (LOU : Local Operating Unit), un comité de surveillance réglementaire (ROC : Regulatory Oversight Committee) et un comité d’évaluation et des standards (CES).

Des objectifs ambitieux

Née des réflexions engagées après la crise des subprimes survenue en 2007, l’initiative LEI a affiché dès le lancement une grande ambition : une vocation mondiale, une mise en œuvre accélérée, un champ large (le LEI s’adresse potentiellement à toute entité juridique pouvant engager des transactions financières) et des usages potentiels multiples.

De fait, l’initiative a été marquée par ses origines et la prise en compte de besoins de surveillance macro et micro-prudentielles.

Améliorer l’identification des contreparties permet de mieux gérer la prise de risque par les acteurs et favorise ainsi une allocation plus efficace des risques dans le système financier mondial. Un cadre standardisé d’identification des intervenants sur les marchés financiers permet de disposer des bases pour la collecte d’informations sur les positions individuelles et ainsi de mieux appréhender l’exposition au risque tant au niveau individuel que de l’ensemble du système. La base de cette collecte est l’obligation qui est faite aux entités souhaitant intervenir sur les marchés financiers de demander un identifiant LEI.

Par le passé, si les bénéfices potentiels d’un meilleur système d’identification étaient reconnus par tous, les progrès dans ce domaine avaient été traditionnellement limités par deux principaux facteurs :

  • Premièrement, les systèmes déclaratifs existants, construits en réponse à des besoins essentiellement locaux, étaient largement intégrés dans les processus opérationnels. De fait, le changement devenait potentiellement très coûteux.
  • Deuxièmement, les incitations à réformer ces systèmes locaux étaient trop limitées pour les acteurs individuels, illustrant ainsi un problème classique d’action collective et de premier pas à faire.

La crise financière survenue en 2007 dans les économies développées a permis une prise de conscience collective du besoin d’agir et de la nécessité pour les secteurs public et privé de travailler ensemble pour résoudre les problèmes d’action collective.

La mise en place d’un annuaire mondial pouvant servir de référentiel commun a été la première étape de l’initiative (fin 2012 - début 2013). La seconde étape, lancée mi-2017, consiste à utiliser ce socle pour mieux appréhender les relations entre les différentes entités et mettre en place un système d’identification des liens entre entités légales pour établir une cartographie des groupes d’entreprises et institutions financières. Ces données dites « de niveau 2 » sont porteuses d’amélioration significative de la connaissance de la composition des groupes, de leur assise financière et potentiellement de leur stratégie. Leur collecte a débuté mi-2017 auprès des entités détentrices ou demandeuses de LEI.

Un système fondé sur l’auto-enregistrement des déclarants

La première étape de l’initiative consiste donc à attribuer un identifiant (LEI) qui fournit une identification unique et exclusive du déclarant. La stratégie suivie, très pragmatique, emprunte tout à la fois à l’approche juridique et à la démarche statistique. Annuaire et référentiel, la base de données des LEI offre un socle juridique et statistique qui repose sur un même besoin de définition de l’objet traité (notamment de la notion d’entité légale).

Le déclarant peut être une institution financière, une société non financière, un fonds et, plus généralement, toute entité avec personnalité juridique morale partie d’une transaction financière soumise à déclaration réglementaire. Les fonds sans personnalité juridique mais soumis à la réglementation européenne sur les produits dérivés (European Market Infrastructure Regulation ou EMIR, juillet 2012), aux obligations déclaratives définies par la loi américaine « Dodd Franck » ou à toute autre obligation déclarative ont également la possibilité d’obtenir un LEI et ainsi d’être autorisés à intervenir sur les marchés financiers.

Les personnes physiques ne sont pas autorisées à obtenir un LEI, notamment à des fins de protection des données personnelles (les informations renseignées par les demandeurs sont en effet en libre accès). Pour autant, la question reste posée pour les individus exerçant une activité professionnelle pour leur compte et plus généralement pour les déclinaisons juridiques multiples au niveau mondial de la notion d’entreprise individuelle.

Quel que soit le statut juridique de l’entité, le LEI attribué est un code alphanumérique de 20 caractères conforme à la norme d’identification ISO 17442 de l’organisation internationale de normalisation et ne comporte aucune information sur le déclarant ou l’entité (voir Graphique 1).

Graphique 1. Le code LEI

 

 

Chaque code est associé à des données de référence identifiant l’entité légale (données dites « de niveau 1 ») telles que le nom de l’entité, l’adresse et le numéro d’enregistrement de l’entreprise dans le registre du commerce local (en France, chaque LEI de société est associé à un numéro d’enregistrement dans le répertoire des entreprises Sirene).

Le système est fondé sur l’auto-enregistrement, ce qui fait du déclarant le premier responsable de la qualité des données associées au LEI. Les opérateurs locaux attribuant les LEI ont cependant le devoir de valider les données déclarées (par exemple en s’appuyant sur le registre local) et les procédures de contrôle font l’objet de vérification par l’agence centrale.

Le système est financé, sur le principe de coûts recouverts, par les frais d’enregistrement et la cotisation annuelle versés aux LOU par les entités qui s’enregistrent. Les LOU reversent quant à eux une redevance à la GLEIF (voir ci-après) calculée sur le nombre des LEI qu’ils gèrent (17 USD par LEI en 2018). Le principe de coûts recouverts permet de contenir ou faire baisser progressivement les coûts pour les entités qui s’enregistrent.

Une organisation décentralisée, une coordination exigeante

La mise en place d’un réseau décentralisé de LOU a nécessité une coordination et une harmonisation des pratiques, notamment en termes de qualité des données. Ceci a été assuré dans un premier temps par les autorités publiques en charge de la supervision du système via la définition de standards applicables dans le système. Depuis juin 2014, cette coordination est assurée par une fondation de droit suisse, la Global LEI Foundation (GLEIF) créée dans ce but. Cette dernière est également en charge de la vérification du respect des standards qu’elle a définis, ainsi que du processus d’accréditation des émetteurs de LEI.

Ainsi, chaque LOU émetteur de LEI doit prouver sa capacité à mettre quotidiennement à disposition du public (et des autres émetteurs) un fichier standardisé des codes LEI émis localement et des informations qui leur sont associées, afin notamment de permettre une centralisation des LEI émis et d’éviter l’émission de doublons. Il doit également assurer la diffusion de ces données en open data, afin d’en permettre une utilisation large.

Une telle procédure suppose en premier lieu de pouvoir gérer globalement la multiplicité des langues utilisées localement et chaque entité doit donc fournir une version romanisée du nom local. Cette translitération associée à un code unique est une première et forte assurance contre la duplication des codes.

L’attention portée à la qualité des données recensées est un des éléments qui s’inspire de la démarche statistique. Le principe de gratuité et de transparence de l’information offerte en open data permet d’intégrer les utilisateurs dans le système d’évaluation de la qualité des données, chacun pouvant « contester » auprès des opérateurs locaux les informations diffusées et demander une actualisation ou une rectification des données.

Vers le système mondial d’identification d’entités légales

Six ans après le sommet de Los Cabos qui marquait le début de la réflexion opérationnelle sur la mise en œuvre du LEI, l’état des lieux est plus qu’encourageant.

Début 2013, les autorités qui avaient signé la Charte se sont réunies pour la première fois à Toronto dans le cadre du Comité de surveillance réglementaire (ROC en anglais). Le Comité, qui est l’organe décisionnaire et qui est responsable de la gouvernance du système dans l’intérêt public, est ouvert à toutes les autorités signant la Charte. Mi-2013, le Comité accueillait 53 autorités membres et 19 observateurs. Il accueille aujourd’hui 72 autorités membres (dont 28 de l’Union européenne) et 18 observateurs.

L’utilisation du LEI s’est développée sur la base d’un engagement volontariste des autorités publiques. L’obtention d’un LEI par les acteurs opérant sur les marchés financiers a été rendue obligatoire d’abord pour les produits dérivés par la loi Dodd-Franck aux États-Unis dès février 2013 et la réglementation EMIR en Europe à partir de février 2014. Par ailleurs, l’Autorité bancaire européenne a imposé le LEI dans le contexte des obligations déclaratives bientôt suivie en cela par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles. En France, l’instruction 2013-I-16 de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution rend l’obtention d’un LEI obligatoire pour tous les organismes assujettis (établissements de crédit, entreprises d’investissement...). Et depuis janvier 2018, la révision de la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers (MIF2) a élargi le champ des transactions sur instruments financiers nécessitant l’obtention d’un LEI. En dehors de l’Union européenne, de plus en plus de réglementations en imposent également l’obtention.

Les autorités membres du ROC ont posé les bases du succès de l’initiative en garantissant aux détenteurs d’un LEI la possibilité d’utiliser leur identifiant dans leur juridiction. Tout LEI, émis par un opérateur local agréé, peut être accepté dans le cadre des obligations déclaratives imposées par les autorités membres du ROC.

L’Insee, une exception dans le monde des LOU

Début 2015, 31 LOU étaient déjà sponsorisés par les membres du ROC mais seuls 22 étaient opérationnels. En France, dès février 2013, l’Insee a été désigné par le ministère de l’Économie et des Finances pour être opérateur local pour les entités de droit français (c’est-à-dire pour la juridiction française) : fonds enregistrés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et personnes morales immatriculées au répertoire Sirene. Cette décision a été justifiée par :

  • le savoir-faire de l’institut en matière de gestion de répertoires et d’identifiants (Sirene), et de ce fait par sa capacité à mettre rapidement en place l’infrastructure informatique nécessaire ;
  • la proximité avec Sirene, pour vérifier l’existence et les informations d’identité des entités demandeuses ;
  • le souci d’une participation active de l’administration française à la mise en place de cette initiative mondiale ;
  • le souhait d’éviter un coût trop élevé pour les entités économiques françaises.

L’intérêt pour l’Insee était double :

  • l’assurance de continuer à jouer un rôle prépondérant dans les processus d’identification des entités économiques françaises (et de garder la main sur la table de passage entre les identifiants LEI et SIREN) ;
  • l’apport financier de cette activité pour le budget de l’Insee : il est en effet permis de dégager un excédent par cette activité, dans le contexte de la gratuité à venir des données Sirene.

En 2015, la GLEIF a mis en place une procédure d’accréditation des LOU en lieu et place de la sponsorisation par les autorités financières. Gage d’une augmentation et d’une harmonisation de la qualité des données collectées, cette procédure a été imposée à tous les LOU déjà opérationnels ainsi qu’aux nouveaux organismes souhaitant devenir émetteurs de LEI. Mi-2018, la GLEIF a ainsi accrédité 32 LOU en France (en janvier 2018). L’Insee est un LOU, mais son statut d’administration ne joue aucunement dans l’activité qui en découle.

Il est à noter que, sauf exceptions, les instituts statistiques nationaux ne gèrent pas les répertoires d’entreprises. Les LOU sont majoritairement des opérateurs privés. Ils ne disposent pas d’un monopole sur une région donnée et chaque entité a la possibilité de choisir l’opérateur qui émettra ou maintiendra son LEI. Dans certains pays plusieurs opérateurs peuvent exister (Allemagne, États-Unis...). Néanmoins, tous les LOU ne sont pas accrédités pour opérer sur toutes les juridictions, soit par choix, soit par difficulté d’accès à certains registres de sociétés ou de fonds. À ce jour, seuls 10 LOU sont accrédités pour opérer sur la juridiction française. L’accréditation est renouvelée chaque année.

Un système opérationnel au niveau international

Fin septembre 2018, plus de 1 280 000 LEI ont été émis pour des entités situées dans 223 pays, dont près de 920 000 en Europe. Si l’on se concentre sur les LEI valides (c’est-à-dire émis, certifiés et actifs) au niveau mondial, on en dénombre 1 045 000 dont près de 766 000 en Europe. La liste de l’ensemble des LEI émis, actualisée quotidiennement, est disponible en accès libre sur le Ouvrir dans un nouvel ongletsite de la GLEIF.

Les principaux pays développés et émergents sont associés à l’initiative, mais la répartition géographique des codes émis reste déséquilibrée. L’essentiel des codes émis correspond à des entités européennes et nord-américaines. Ceci est lié, en partie, à la répartition géographique des intervenants sur les marchés financiers mais également à des calendriers réglementaires différents. Le LEI s’inscrit naturellement dans un agenda européen d’intégration toujours plus poussée de la sphère financière, mais est plus dépendant aux États-Unis des stratégies des agences en charge de la régulation financière. L’accréditation des LOU chinois, coréen et japonais permet de rattraper petit à petit le retard pris dans le continent asiatique et souligne encore plus la faible pénétration du LEI en Amérique Latine. Il est notable que les centres financiers tels que le Luxembourg, les Îles Cayman, les Îles Vierges, Hong Kong ou Singapour hébergent un nombre significatif de LEI. Enfin, l’Afrique, traditionnellement à l’écart des initiatives dans le domaine financier, a pris sa part, certes modeste mais réelle, dans le développement du LEI. Quatre pays (Afrique du Sud, Angola, Nigeria et Île Maurice) ont ainsi signé la charte du ROC.

La france en 7e position des émissions de LEI

Fin septembre 2018, la France se situe en septième position en termes de LEI émis (environ 69 000 dont 54 000 valides), la très grande majorité émis par l’Insee (environ 62 800 dont 49 400 valides), ce qui situe l’Insee au huitième rang des émetteurs de LEI. Le système français, fondé sur un adossement du LOU au répertoire Sirene qui inclut le registre du commerce et au répertoire des fonds de l’AMF, a été longtemps un cas particulier. S’il permet d’atteindre le plus haut niveau de qualité (tout changement d’état civil est quasi immédiatement répercuté sur les LEI correspondants), il ne peut en revanche s’appliquer qu’aux entités légales de droit français enregistrées dans la base Sirene de l’Insee et aux fonds de droit français enregistrés ou déclarés à l’AMF. D’autres LOU ont choisi comme l’Insee de n’opérer que pour les entités de leurs propres juridictions. On en dénombre à ce jour neuf en plus de l’Insee. Il s’agit principalement de chambres de commerce ou d’émetteurs de l’identifiant unique national des entités de leur juridiction.

Du fait de la mise en œuvre de la directive MIF2 annoncée pour le 3 janvier 2018, le nombre de demandes de création et de renouvellement de LEI s’est fortement accru depuis l’été 2017 pour atteindre un pic en décembre 2017 et janvier 2018 puis décroître à partir de février 2018, tout en restant à un niveau plus élevé qu’auparavant (voir Graphique 2).

Graphique 2. Créations et renouvellements mensuels de LEI par l’Insee de janvier 2017 à septembre 2018

 

 

En effet, jusqu’en mai 2017, le nombre de nouveaux LEI attribués (créés) par l’Insee chaque mois était compris entre 200 et 350. En juin, juillet et août 2017, il se situait plutôt entre 400 et 500. Puis, à l’approche de la mise en œuvre effective de MIF2, il a augmenté très fortement, pour atteindre 5 700 en décembre 2017 et dépasser 6 400 en janvier 2018 avant de redescendre aux alentours de 3 000 en février et mars 2018, aux environs de 1 500 en juillet 2018 et se situer juste au-dessus de 800 en septembre 2018.

De ce fait, fin septembre 2018, le stock de LEI valides en gestion à l’Insee atteignait presque le triple de son niveau d’un an auparavant, avec 48 948 LEI valides dont 40 775 sociétés et 7 786 fonds.

Si assez naturellement, les fonds constituaient au démarrage de l’initiative la plus grosse population des LEI enregistrés par l’Insee (environ 40 % début 2015 et encore 38 % en juin 2017), ils ne représentent plus que 16 % des LEI émis suite à la mise en œuvre de la directive MIF2 (Tableau 1).

Tableau 1. Répartition par type d’entité

 

 

Le nombre de sociétés parmi les LEI valides émis par l’Insee a presque quadruplé entre fin juin 2017 et fin septembre 2018 et les caractéristiques des entités concernées ont évolué. Les sociétés n’appartenant pas à un groupe y ont un poids plus fort (54 % fin septembre 2018, contre 35 % fin juin 2017). Au regard de la catégorie d’entreprise définie par la loi de modernisation de l’économie (LEM) de 2008, les parts des Grandes entreprises (GE) et des Entreprises de taille intermédiaire (ETI) ont diminué au profit des Petites et moyennes entreprises (PME) et plus particulièrement au profit des Microentreprises (ME) (Tableau 2).

Tableau 2. Répartition des LEI des sociétés par catégorie d’entreprise au sens de la LME

 

 

De manière similaire, au regard du chiffre d’affaires (CA) et des effectifs, c’est également la part des plus petites qui a crû. En effet, fin septembre 2018 plus de la moitié (63 %) des sociétés ayant un LEI valide ont moins de 1 million d’euros de CA alors qu’elles n’étaient que 30 % dans ce cas fin juin 2017. Et 62 % de celles enregistrées fin septembre 2018 avaient moins de 5 salariés au 31 décembre 2015 contre 48 % de celles enregistrées fin juin 2017.

La mise en application de la réglementation MIF2 a également induit une modification de la répartition sectorielle des sociétés ayant un LEI valide. Si le secteur des activités financières et d’assurance reste en tête en maintenant sa part à 26 %, le secteur du commerce et de la réparation d’automobiles et de motocycles voit sa part diminuer de 23 % à 14 % entre juin 2017 et septembre 2018 et passe en 3e position après celui des activités immobilières qui remonte en 2e position avec une part de 16 % contre 14 % en juin 2017. Le secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques reste quant à lui en 4e position en doublant presque sa part pour atteindre 13 %.

Fin septembre 2018, un peu moins de 1 % du nombre total de sociétés du secteur productif marchand avaient un LEI. En pondérant par les effectifs, ces sociétés regroupent 11 % des effectifs du secteur productif marchand, et en pondérant par le CA, 16 % du CA de l’ensemble du secteur productif marchand.

Une activité à part entière pour l’Insee

L’Insee est engagé dans l’attribution de LEI depuis juillet 2013, avec l’ouverture du site https://lei-france.insee.fr. Depuis juillet 2014, ce site permet aux demandeurs de réaliser la certification et le renouvellement en ligne via identifiant et mot de passe, ainsi que de payer en ligne les frais associés. On y trouve également les fichiers de LEI émis par l’Insee en open data. Outre la gestion de répertoires (attribution d’identifiants sans doublon, validation des données déclarées...), l’activité d’émetteur de LEI comporte également des volets non négligeables de réponse à la demande et de facturation. L’ensemble nécessite aussi bien entendu des travaux de spécification et de développement informatique, ainsi que des relations très étroites avec la GLEIF et une forte réactivité dans la prise en compte des évolutions pilotées au niveau mondial.

Pour sa mise en œuvre, l’Insee s’appuie sur des ressources en interne et en externe. Conformément aux prescriptions de la GLEIF, l’Insee a mis en place en janvier 2013 une unité dédiée à son activité de LOU émetteur de LEI. Cette unité, située au sein de la division qui gère le répertoire Sirene, est rattachée à la Direction des statistiques d’entreprises. Elle gère l’application LEI, qui se compose du site internet et d’un ensemble de traitements permettant en particulier d’attribuer les LEI et de valider les données de référence par appariement au fichier Sirene géré par l’Insee et au fichier des fonds géré par l’AMF. Elle veille à la mise à jour de ces données en cas de modification des informations détenues dans les fichiers de référence. Elle est par ailleurs dotée des outils budgétaires et comptables nécessaires pour :

  • établir le calcul de ses coûts, directs et indirects, afin de pouvoir en justifier la réalité auprès de la GLEIF ;
  • élaborer des projections budgétaires glissantes à trois ans permettant de déterminer le de ses services (émission et renouvellement de LEI) pour l’année à venir.

En externe, l’Insee peut mobiliser les compétences et ressources de la Banque de France, de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de la Direction générale du Trésor, toutes trois autorités financières membres du ROC (et membre du comité exécutif du ROC pour ce qui est de la Banque de France).

Des perspectives de développement intéressant les statisticiens

Jusqu’à présent, l’initiative a été guidée par des préoccupations essentiellement micro et macroprudentielles. Dans les pays ayant déjà imposé l’usage du LEI, les entités identifiées sont autant de partisans d’une extension du LEI à d’autres usages. Par ailleurs, les autorités n’ayant pas encore intégré l’utilisation du LEI dans leur système de supervision, pourront s’appuyer sur les exemples réussis de mise en œuvre réglementaire (loi « Dodd- Franck », règlements EMIR, MIF2). Enfin, l’extension géographique progressive se poursuit et devrait accroître mécaniquement le nombre de LEI émis.

Bien qu’ambitieux et multiples, les objectifs évoqués par le groupe d’experts et repris dans la Charte ne font pour autant qu’une place limitée aux apports de l’initiative en termes de statistiques qui constituent un domaine naturel de développement.

En effet, les objectifs d’amélioration de la gestion du risque recouvrent largement les préoccupations statistiques. Il y a de fait, trois dimensions pour lesquelles l’adhérence entre les objectifs des statisticiens et de la gestion du risque est certaine :

  • l’identification des entités ;
  • la classification des instruments financiers ;
  • l’identification des transactions.

Le LEI s’est attaché au démarrage essentiellement au premier aspect, et d’ores et déjà, il peut faciliter la production de statistiques en offrant un référentiel pour l’identification des contreparties dans des opérations financières. Complété par un code secteur de comptabilité nationale, il permet d’offrir une matrice de rattachement des entités qui pourrait être mise à disposition des déclarants statistiques (essentiellement les banques). Dans le même esprit, l’identification des agents non financiers dans les contreparties de la masse monétaire en serait facilitée et le recensement des opérations transfrontalières dans les balances des paiements plus aisé. De manière générale, le LEI peut servir de base à un référentiel statistique permettant un passage plus aisé des données individuelles aux statistiques agrégées. Dans un contexte où les statistiques puisent de manière croissante dans les données granulaires, le LEI apparaît comme un élément important de développement.

La deuxième étape de l’initiative LEI lancée mi-2017 (la déclaration des parents direct et ultime au sens de la consolidation comptable et des liaisons financières) devrait par ailleurs permettre la construction d’une cartographie des groupes d’entreprises par tous les acteurs publics et privés (et compléter celle réalisée par l’Insee à travers le répertoire LIFI des liaisons financières). Elle conforte ainsi le rôle du LEI en tant qu’outil statistique, objet d’étude et de recherche. D’ores et déjà, l’analyse de la dispersion géographique des LEI est porteuse d’enseignements sur l’intégration dans l’économie mondiale de certaines . À l’avenir, l’analyse des structures des groupes et de leur évolution permettra d’élargir un domaine de recherche pour l’instant insuffisamment exploré.

Cette accréditation a été confirmée à l’issue notamment d’un audit de l’Inspection générale de l’Insee mené en 2017, prévu dans l’accord cadre signé avec la GLEIF.

Pour l’Insee, les frais d’inscription sont de 70 euros (50 euros pour la certification annuelle). Ces montants ont été fixés par arrêté du 28 juin 2013 (publié au JORF le 06 juillet 2013) modifié le 1er juin 2018.

Fin septembre 2018, sur les 1 280 000 LEI émis, 920 000 l’ont été dans l’Union européenne, 170 000 aux États-Unis, 86 000 dans les « centres financiers/paradis fiscaux » et 7 500 au Japon.

Pour en savoir plus

Sommet du G20, « Déclaration finale », 4 novembre 2011.

FSB, « Report Global Legal Entity Identifier for Financial Markets », 8 juin 2012.

Sommet du G20, « Déclaration des chefs d’États et de gouvernement », 18-19 juin 2012.

FSB, « Charter of the Regulatory Oversight Committe for the Global Legal Entity Identifier (LEI) System », 5 novembre 2012.

FSB, « Fifth progress note on the Global LEI Initiative », 11 janvier 2013.

Sommet du G20, « Final Communiqué, Meeting of Finance Ministers and Central Bank Governors », 4-5 novembre 2012.

Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, « Règlement n° 648/2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux », 4 juillet 2012.