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Insee Focus · Septembre 2025 · n° 358
Insee FocusLa moitié des jeunes des communes rurales ont quitté le foyer parental avant 19 ans

Sophie Audric, Flora Vuillier-Devillers (Insee)

Les jeunes ayant grandi en zone rurale quittent le domicile familial plus tôt que les jeunes urbains, notamment pour poursuivre leurs études en se rapprochant des établissements scolaires. Ainsi, parmi les jeunes entrés en 6e en 2007 et issus de communes rurales, 28 % sont partis de chez leurs parents durant les études secondaires, et 26 % autres sont partis au début des études supérieures, s’installant le plus souvent dans une commune plus urbanisée. De leur côté, les jeunes issus des zones urbaines denses sont presque trois fois moins nombreux à décohabiter aussi précocement : un sur six n’a toujours pas décohabité de chez ses parents à 26 ans.

Insee Focus
No 358
Paru le :Paru le04/09/2025

L’âge de la première décohabitation varie fortement selon le type de territoire d’origine

Le passage à la vie adulte est marqué par différentes transitions : fin des études initiales, insertion professionnelle, accès à un logement autonome, installation en couple, etc. Le premier départ du domicile parental s’effectue pour trois jeunes sur quatre entre 17 et 26 ans, mais l’âge de cette transition varie sensiblement selon le type de territoire d’origine.

Parmi les quelque 750 000 jeunes entrés en 6e en 2007 (sources), 35 % ont grandi en zone rurale, 31 % en zone urbaine intermédiaire et 34 % en zone urbaine dense. Les départs précoces du foyer familial sont nettement plus fréquents parmi ceux ayant grandi en  : à 17 ans, 25 % de ceux qui vivaient dans une commune rurale à leur entrée en 6e ont quitté le domicile parental, contre seulement 4 % de ceux ayant grandi dans une zone urbaine dense ; à 18 ans, ils sont 51 % dans ce cas, contre 16 % (figure 1). La plus grande fréquence des trajectoires de décohabitation précoce parmi les jeunes issus de communes rurales s’observe aussi à autres caractéristiques équivalentes, comme le sexe ou l’origine sociale [Rinallo et al., 2025]. De plus, les départs de zones rurales sont d’autant plus précoces que la commune est isolée.

Figure 1 – Âge de la première décohabitation selon le type d’espace de résidence en 6e

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Figure 1 – Âge de la première décohabitation selon le type d’espace de résidence en 6e (en %) - Lecture : Parmi les jeunes qui vivaient dans une commune rurale à leur entrée en 6e en 2007, 62 % ont déjà vécu au moins une fois hors du domicile parental à 19 ans (en mars 2016).
Âge
(en années)
Rural Urbain intermédiaire Urbain dense Ensemble
17 25 10 4 13
18 51 36 16 34
19 62 47 26 45
20 71 58 37 55
21 77 67 47 64
22 83 74 56 71
23 87 79 63 76
24 90 84 70 81
25 92 87 77 85
26 95 91 83 90
  • Note : L’enquête EVA mobilisée ici interroge les jeunes entrés en 6e en 2007 (quel que soit leur âge), en mars de chaque année entre 2015 et 2023. La décohabitation « à 18 ans » calculée ici est en fait la décohabitation entre mars 2014 et mars 2015, l’âge étant approximé pour simplifier la lecture (la situation « à 18 ans » est bien celle à 18 ans pour les deux tiers des jeunes mais correspond à celle à 19 ans pour un quart d’entre eux).
  • Lecture : Parmi les jeunes qui vivaient dans une commune rurale à leur entrée en 6e en 2007, 62 % ont déjà vécu au moins une fois hors du domicile parental à 19 ans (en mars 2016).
  • Champ : France hors Mayotte, jeunes entrés en 6e pour la première fois en 2007.
  • Sources : Depp-Insee-Sies, enquête Entrée dans la vie adulte (EVA) 2007.

Figure 1 – Âge de la première décohabitation selon le type d’espace de résidence en 6e

  • Note : L’enquête EVA mobilisée ici interroge les jeunes entrés en 6e en 2007 (quel que soit leur âge), en mars de chaque année entre 2015 et 2023. La décohabitation « à 18 ans » calculée ici est en fait la décohabitation entre mars 2014 et mars 2015, l’âge étant approximé pour simplifier la lecture (la situation « à 18 ans » est bien celle à 18 ans pour les deux tiers des jeunes mais correspond à celle à 19 ans pour un quart d’entre eux).
  • Lecture : Parmi les jeunes qui vivaient dans une commune rurale à leur entrée en 6e en 2007, 62 % ont déjà vécu au moins une fois hors du domicile parental à 19 ans (en mars 2016).
  • Champ : France hors Mayotte, jeunes entrés en 6e pour la première fois en 2007.
  • Sources : Depp-Insee-Sies, enquête Entrée dans la vie adulte (EVA) 2007.

Les jeunes des zones urbaines denses se distinguent par des décohabitations plus tardives qu’en moyenne et étalées dans le temps. De façon liée, ces départs sont aussi moins souvent réversibles : 40 % retournent vivre au moins une fois chez leurs parents avant 27 ans, contre 51 % des jeunes issus de zones rurales.

Une décohabitation sur cinq survient à l’entrée dans le supérieur

Même si les raisons exactes des premiers départs du foyer ne sont pas toujours connues dans l’enquête Entrée dans la vie adulte, le contexte permet d’en éclairer les motivations.

Environ un jeune sur six (16 %) décohabite durant ses études secondaires (lycée, centre de formation d’apprentis, etc.) (figure 2). Cette part est assez marginale dans les zones urbaines denses (6 %), mais concerne 28 % des jeunes issus de communes rurales. Ces derniers ont plus souvent dû décohabiter pour se rapprocher d’un établissement scolaire. En effet, à ces âges, les jeunes ne vivant pas avec leurs parents résident presque systématiquement en internat ou en résidence étudiante. Ils font également plus d’études professionnelles : 54 % des jeunes qui sont partis durant leurs études secondaires obtiennent un diplôme professionnel (baccalauréat professionnel, brevet professionnel, brevet de technicien, CAP ou BEP), contre 29 % des autres jeunes. Les formations professionnelles étant spécialisées, leur offre est plus rare, ce type d’études peut nécessiter de s’éloigner davantage du domicile parental que les formations générales.

Figure 2 – Contexte de la première décohabitation selon le type d’espace de résidence en 6e

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Figure 2 – Contexte de la première décohabitation selon le type d’espace de résidence en 6e (en %) - Lecture : Parmi les jeunes entrés en 6e en 2007, 16 % quittent pour la première fois le domicile familial au cours des études secondaires, et 10 % n'ont encore jamais décohabité à 26 ans. Parmi ceux qui vivaient dans une commune rurale en 2007, 28 % quittent pour la première fois le domicile familial au cours des études secondaires.
Contexte Rural Urbain intermédiaire Urbain dense Ensemble
Poursuite d’études secondaires 28 13 6 16
Début d’études supérieures 26 25 13 21
Poursuite d’études supérieures 12 17 25 18
Premier emploi post-études 9 11 11 10
Mise en couple post-études (hors premier emploi) 10 13 15 13
Autre contexte 10 12 14 12
Pas de décohabitation 5 9 17 10
  • Lecture : Parmi les jeunes entrés en 6e en 2007, 16 % quittent pour la première fois le domicile familial au cours des études secondaires, et 10 % n'ont encore jamais décohabité à 26 ans. Parmi ceux qui vivaient dans une commune rurale en 2007, 28 % quittent pour la première fois le domicile familial au cours des études secondaires.
  • Champ : France hors Mayotte, jeunes entrés en 6e pour la première fois en 2007.
  • Sources : Depp-Insee-Sies, enquête Entrée dans la vie adulte (EVA) 2007.

Figure 2 – Contexte de la première décohabitation selon le type d’espace de résidence en 6e

  • Lecture : Parmi les jeunes entrés en 6e en 2007, 16 % quittent pour la première fois le domicile familial au cours des études secondaires, et 10 % n'ont encore jamais décohabité à 26 ans. Parmi ceux qui vivaient dans une commune rurale en 2007, 28 % quittent pour la première fois le domicile familial au cours des études secondaires.
  • Champ : France hors Mayotte, jeunes entrés en 6e pour la première fois en 2007.
  • Sources : Depp-Insee-Sies, enquête Entrée dans la vie adulte (EVA) 2007.

L’année du baccalauréat et de l’entrée dans l’enseignement supérieur marque un pic de départs du domicile parental, un évènement d’autant plus fréquent que les diplômes des parents sont élevés. Un jeune sur cinq quitte le domicile parental à ce moment-là : c’est le cas de 12 % des jeunes dont aucun des parents n’a le bac, mais de 34 % de ceux dont au moins un des parents est diplômé du supérieur. Dans les zones urbaines denses, les premières décohabitations sont deux fois moins fréquentes l’année du bac que dans le rural (13 % des jeunes contre 26 %), alors que les parents très diplômés y sont relativement plus nombreux. Ce paradoxe apparent s’explique par le besoin de se rapprocher des pôles universitaires lorsqu’on vit en commune rurale. Ainsi, à origine sociale identique, un jeune vivant dans l’urbain dense a près de trois fois moins de chances de quitter le domicile parental à l’entrée dans l’enseignement supérieur qu’un jeune issu d’un autre type de commune.

Par ailleurs, 18 % des jeunes vivent encore chez leurs parents au début de leurs études supérieures, mais quittent le domicile familial à un moment ultérieur de leur cursus étudiant. Cette situation est particulièrement fréquente dans les zones urbaines denses, où un jeune sur quatre prolonge la cohabitation avec ses parents au début des études supérieures mais décohabite avant la fin des études.

Enfin, plus d’un tiers des jeunes quittent le domicile familial après leurs études, au moment de leur premier emploi (10 %), de s’installer en couple (13 %) ou dans un autre contexte (12 %). Ces décohabitations sont un peu plus fréquentes parmi les jeunes issus du milieu urbain dense (quatre sur dix) que de ceux ayant grandi dans les communes rurales (trois sur dix).

Les premiers départs riment souvent avec un rapprochement vers l’urbain

Lors de leur première décohabitation, les jeunes ayant grandi en milieu urbain (intermédiaire ou dense) s’installent très majoritairement dans un espace urbain (dans plus de neuf cas sur dix).

Les jeunes issus de zones rurales changent plus fréquemment de type de territoire : la moitié d’entre eux quittent une commune rurale pour aller s’installer dans une commune urbaine (figure 3). Ces mobilités sont particulièrement fréquentes (83 %) lorsque la décohabitation coïncide avec le début des études supérieures, ces établissements étant principalement situés en zones urbaines [Pucher et al., 2025 ; Ouvrir dans un nouvel ongletDupray, 2023, Brutel, 2022]. Les mobilités vers l’urbain sont moindres lorsqu’elles sont nécessitées par la poursuite d’études secondaires, tout en restant significatives (40 %), en raison aussi de la concentration des établissements concernés.

Figure 3 – Part des jeunes vivant en zone rurale en 6e qui migrent du rural vers l’urbain lors de leur première décohabitation selon le contexte de celle-ci

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Figure 3 – Part des jeunes vivant en zone rurale en 6e qui migrent du rural vers l’urbain lors de leur première décohabitation selon le contexte de celle-ci (en %) - Lecture : Parmi les jeunes qui vivaient dans une commune rurale à leur entrée en 6e en 2007 et qui ont décohabité pour la première fois dans un contexte de poursuite d’études supérieures, 32 % ont déménagé en passant d’une commune rurale à une commune urbaine.
Contexte Part
Poursuite d’études secondaires 40
Début d’études supérieures 83
Poursuite d’études supérieures 32
Premier emploi post-études 38
Mise en couple post-études (hors premier emploi) 27
Autre contexte 31
Ensemble 48
  • Lecture : Parmi les jeunes qui vivaient dans une commune rurale à leur entrée en 6e en 2007 et qui ont décohabité pour la première fois dans un contexte de poursuite d’études supérieures, 32 % ont déménagé en passant d’une commune rurale à une commune urbaine.
  • Champ : France hors Mayotte, jeunes entrés en 6e pour la première fois en 2007 et qui vivaient en 2007 dans une commune rurale.
  • Sources : Depp-Insee-Sies, enquête Entrée dans la vie adulte (EVA) 2007.

Un déménagement du rural vers l’urbain s’observe également dans une moindre mesure lors d’une décohabitation consécutive à l’entrée dans la vie active : 38 % passent alors du rural à l’urbain, en raison de la concentration des offres d’emploi [Manné et al., 2022].

À 26 ans, un jeune originaire d’une commune urbaine dense sur six vit encore chez ses parents

À 26 ans, 10 % des jeunes n’ont jamais décohabité du domicile parental. Cette cohabitation tardive peut correspondre à des situations d’études prolongées (10 % de ces jeunes n’ayant pas décohabité à 26 ans poursuivent encore leurs études à cet âge). Mais cela recouvre aussi fréquemment des situations de contrainte sur le marché du travail : 26 % des jeunes n’ayant jamais décohabité à 26 ans ne sont ni en emploi ni en études, contre 13 % de ceux qui ont déjà décohabité. Ils sont aussi moins diplômés (15 % ont au plus le brevet, contre 7 %) et proviennent plus souvent de milieux sociaux modestes, avec des parents plus souvent inactifs ou occupant des professions d’ouvriers ou d’employés.

À 26 ans, les jeunes ayant grandi en zone urbaine dense sont plus nombreux à n’avoir jamais décohabité : c’est le cas d’un sur six (17 % contre 10 % en moyenne). Comme dans les autres territoires, les situations de contrainte (notamment financières) favorisent le maintien au domicile parental, mais en zone urbaine dense, cette cohabitation prolongée concerne également souvent des jeunes diplômés du supérieur. Ainsi, les jeunes restés chez leurs parents y sont deux fois plus nombreux qu’ailleurs à poursuivre des études à 26 ans (13 % contre 6 %), bénéficiant de la localisation commode du logement parental. Par ailleurs, 37 % des jeunes restés chez leurs parents en zone urbaine dense sont titulaires d’un diplôme de niveau bac+3 ou plus, contre 18 % dans les autres types de communes.

Publication rédigée par :Sophie Audric, Flora Vuillier-Devillers (Insee)

Sources

Le dispositif Entrée dans la vie adulte (EVA) 2007 est un panel qui suit une cohorte d’élèves entrés en 6e en 2007. Il est piloté conjointement par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale, par la Sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (Sies) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et par l’Insee.

Ce dispositif combine des enquêtes auprès de ces jeunes avec un suivi administratif, en vue d’informer sur les parcours d’études, l’insertion professionnelle et la situation résidentielle des jeunes. Il éclaire également la relation complexe entre les différentes transitions au début de la vie adulte.

Ce dispositif repose sur un panel mis en place par la Depp depuis 2007 (« panel Depp 2007 »). Ce panel comprend des données administratives, des résultats scolaires (notes au brevet, redoublements, niveau d’acquis) et les données de l’enquête auprès des familles réalisée en 2008.

Depuis, des enquêtes ont été menées entre 2015 et 2023 directement auprès des anciens élèves de ce panel pour décrire leurs parcours scolaires puis professionnels. Les données ont été collectées conjointement par les trois partenaires, en mars de chaque année. L’échantillon du dispositif EVA comprend 35 000 jeunes, représentatifs de l’ensemble des élèves entrés pour la première fois en 6e en 2007 dans un collège public ou privé de France hors Mayotte.

L’origine sociale du jeune est mesurée par la catégorie socioprofessionnelle de la personne de référence du ménage parental en 2007. Le type de territoire est identifié par la commune de résidence du foyer parental en 2007 également.

Tous les jeunes n’avaient pas le même âge en entrant en 6e en 2007 : aussi, en mars 2015, 68 % d’entre eux avaient 18 ans, 27 % 19 ans, 2 % 17 ans et 2 % 20 ans. Dans cette étude, la situation « à 18 ans » est donc bien celle à 18 ans pour les deux tiers des jeunes mais correspond à celle à 19 ans pour un quart d’entre eux.

Définitions

Depuis 2020, l’Insee définit les communes rurales et urbaines en fonction de la densité de population (plus la population est concentrée et nombreuse, plus la commune est considérée comme dense) et du degré d’influence des pôles d’emploi (plus nombreux sont les actifs résidents qui travaillent dans un pôle voisin, plus la commune est considérée comme étant sous influence de ce pôle) [D’Alessandro et al., 2021]. Trois types de communes sont ainsi identifiés :
- les communes urbaines denses (grands centres urbains) ;
- les communes urbaines de densité intermédiaire (centres urbains intermédiaires, petites villes ou ceintures urbaines) ;
- les communes rurales (communes peu denses ou très peu denses), avec une distinction possible selon qu’elles appartiennent ou non à une aire d’attraction des villes d’au moins 50 000 habitants.

Pour en savoir plus

Rinallo J., Domens J., Vuillier-Devillers F., « Des parcours d’entrée dans la vie adulte diversifiés et marqués par l’influence familiale », in Formations et emploi, coll. « Insee Références », édition 2025.

Pucher O., Avila É., Thao Khamsing W., « En 2022, 58 % des nouveaux bacheliers quittent leur zone d’emploi en entrant dans l’enseignement supérieur », Insee Première no 2031, janvier 2025.

Dupray A., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes conditions de la mobilité géographique à l’entrée dans le supérieur selon le territoire d’origine : le cas des bacheliers 2014 », Éducation & formations no 105, pp. 67-91, Depp, Sies, juillet 2023.

Manné I., Méreau B., Michaïlesco F., Rousseau L., « En quarante ans, l’emploi se concentre progressivement dans les grandes zones d’emploi hors Île-de-France », Insee Première no 1895, mars 2022.

Brutel C., « Entre ville et campagne, les parcours des enfants qui grandissent en zone rurale », Insee Première no 1888, janvier 2022.

D’Alessando C., Levy D., Regnier T., « Une nouvelle définition du rural pour mieux rendre compte des réalités des territoires et de leurs transformations », in La France et ses territoires, coll. « Insee Références », édition 2021.