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Insee Analyses Martinique · Mai 2024 · n° 70
Insee Analyses MartiniqueHausse de la tension sur le marché du travail martiniquais en 2022

Bénédicte Chanteur, Corentin Douriaud (Insee)

Dans un contexte de reprise d’activité depuis la fin des restrictions sanitaires, la tension sur le marché du travail martiniquais atteint son plus haut niveau en 2022 depuis 2011. Elle est particulièrement forte dans les secteurs du BTP, de l’agriculture et de l’industrie. Les facteurs de tension du marché du travail en Martinique sont divers. Le lien entre la formation et l’emploi est un facteur de tension pour les employés de la comptabilité et les métiers de l’informatique. Les conditions de travail contraignantes sont également à l’origine de la tension dans certaines familles professionnelles, comme chez les cuisiniers et les bouchers, charcutiers, boulangers. Les tensions sur le marché du travail pourraient s’intensifier avec une main d’œuvre moins nombreuse et plus âgée.

Insee Analyses Martinique
No 70
Paru le :Paru le02/05/2024
Hausse de la tension sur le marché du travail guyanais en 2022
Publication rédigée par :Bénédicte Chanteur, Corentin Douriaud (Insee)

Le niveau de tension est au plus haut depuis 11 ans

En 2022, la dynamique de reprise entamée en 2021, après la levée complète des restrictions sanitaires, se confirme. Les niveaux d’activité, qu’il s’agisse de la production ou de l’emploi, surpassent largement ceux d’avant la crise sanitaire. La de la Martinique est très dynamique (+5,6 %) et le en volume dépasse nettement le niveau de 2019 (+5,8 %). Le nombre de créations d’entreprises progresse de 17,1 % par rapport à 2021, en particulier pour les sociétés (+22,0 %), potentiellement créatrices d’emplois salariés. Le marché du travail est marqué par le vieillissement de la population active lié en partie aux départs des jeunes vers la France métropolitaine pour poursuivre leurs études ou trouver un emploi [Breton et al. 2023 ; pour en savoir plus (1)]. Dans ce contexte les employeurs perçoivent leurs projets de recrutement comme de plus en plus difficiles, ce qui se traduit par une augmentation de la tension sur le marché du travail.

En 2022, tous métiers confondus, l’indicateur synthétique de tension sur le marché du travail (pour comprendre) atteint son niveau le plus élevé (4 sur 5) depuis 2011 en Martinique (figure 1). Cette tension se constate également en France [Chartier et al. 2023 ; pour en savoir plus (2)]. Auparavant, le niveau de tension en Martinique était faible (2 sur 5) voire très faible (1 sur 5), excepté en 2019 où la tension était moyenne (3 sur 5).

Les tensions sont élevées dans pratiquement tous les grands domaines professionnels martiniquais : l’agriculture, l’industrie et le bâtiment et travaux publics (BTP), à l’exception du secteur tertiaire qui demeure à un niveau de tension moyen. L’agriculture est en tension seulement depuis 2021, alors que le BTP et l’industrie connaissent des périodes de tension depuis 2011.

Figure 1aIndicateurs de tension en Martinique de 2011 à 2022

Indicateurs de tension en Martinique de 2011 à 2022 - Lecture : En 2022, l’indicateur de tension global est de 4 (élevé) sur 5. En 2015, l’indicateur de tension du secteur primaire est de 3 (moyen) sur 5.
Année Indicateur de tension global
2011 2
2012 2
2013 1
2014 2
2015 1
2016 1
2017 2
2018 2
2019 3
2020 2
2021 2
2022 4
  • Échelle numérique de gradation des tensions : de 1 (tension très faible) à 5 (tension très élevée).
  • Lecture : En 2022, l’indicateur de tension global est de 4 (élevé) sur 5. En 2015, l’indicateur de tension du secteur primaire est de 3 (moyen) sur 5.
  • Source : Dares.

Figure 1aIndicateurs de tension en Martinique de 2011 à 2022

  • Échelle numérique de gradation des tensions : de 1 (tension très faible) à 5 (tension très élevée).
  • Lecture : En 2022, l’indicateur de tension global est de 4 (élevé) sur 5. En 2015, l’indicateur de tension du secteur primaire est de 3 (moyen) sur 5.
  • Source : Dares.

Les métiers les plus tendus sont ceux du BTP

Parmi les 29 familles de métiers les plus importantes en termes de recrutement (représentant au moins 200 offres d’emploi publiées en ligne), 21 sont en tension moyenne à très élevée (de 3 à 5) (figure 2). Les professions du bâtiment et des travaux publics (BTP) sont principalement concernées, notamment les cadres, les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment et les techniciens et agents de maîtrise. L’indicateur complémentaire d’intensité d’embauche illustre la forte volonté des employeurs de recruter des cadres du BTP et des ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment.

L’exercice des fonctions de cadres, d’agents de maîtrise ou d’ouvriers qualifiés nécessite des compétences et formations spécifiques. Or un décalage existe entre les compétences requises par les employeurs et celles dont disposent les personnes en recherche d’emploi. Cette inadéquation s’illustre par l’indicateur complémentaire de tension du lien entre la spécialité de formation et le métier. Il est élevé pour les cadres, techniciens et agents de maîtrise du BTP ainsi que pour les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment.

Les conditions de travail difficiles pour les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment peuvent compliquer le recrutement, contribuant à l’augmentation de la tension au sein de cette famille professionnelle. L’indicateur complémentaire de condition de travail, qui mesure cet effet, est élevé pour les ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment.

En dépit d’une forte volonté d’embauche des cadres du BTP, le nombre de postes augmente moins vite que le nombre total de cadres martiniquais tous secteurs confondus entre 2017 et 2021 (+0,3 % contre +1,1 %). Cela pourrait s’expliquer par une forte rotation dans la profession ou par des projets de recrutements qui ne se concrétisent pas. Le salaire net horaire inférieur au salaire des cadres du privé (24,9 € contre 28,7 € en 2021) constitue également une difficulté de recrutement [Lhommeau et Rémy, 2020 ; pour en savoir plus (3)]. En Martinique, les cadres du BTP bénéficient d’une sécurité de l’emploi plus grande que leurs homologues du secteur privé. En effet, en 2021, 91,3 % des postes sont des contrats à durée indéterminée (CDI) contre 75,2 % dans l’ensemble des cadres du secteur privé martiniquais. La majorité des postes sont occupés par des hommes (79,0 % contre 47,6 %). Le vieillissement des cadres du BTP est plus marqué que celle de l’ensemble des cadres du secteur privé martiniquais. La part des seniors (55-69 ans) a augmenté de 6,7 points entre 2017 et 2021 contre 2,4 points pour l’ensemble. Ils restent néanmoins plus jeunes. En 2021, les seniors représentent 20,4 % des cadres du BTP contre 28,8 % de l’ensemble des cadres martiniquais.

Figure 2Familles de métiers avec 200 offres d’emploi ou plus, en Martinique en 2022

Familles de métiers avec 200 offres d’emploi ou plus, en Martinique en 2022 - Lecture : En 2022, la famille de métiers des cuisiniers possède un indicateur synthétique de tension à 4 (élevé), avec un indicateur complémentaire d’intensité à l’embauche et de contraintes sur les conditions de travail à 5 (très élevé).
Libellé de la famille professionnelle Niveau de tension Intensité d’embauche Manque de main d’œuvre Lien entre la spécialité de formation et le métier Non durabilité de l’emploi Conditions de travail contraignantes
Cadres du bâtiment et des travaux publics 5 5 1 4 1 1
Ouvriers qualifies du second œuvre du bâtiment 5 4 1 4 2 4
Techniciens et agents de maîtrise du bâtiment et des travaux publics 5 2 3 4 1 3
Maraîchers, jardiniers, viticulteurs 5 3 1 1 4 4
Aides a domicile et aides ménagères 5 1 3 1 4 4
Maîtrise des magasins et intermédiaires du commerce 5 2 4 3 1 3
Bouchers, charcutiers, boulangers 5 5 1 5 2 5
Cuisiniers 4 5 1 3 3 5
Cadres des services administratifs, comptables et financiers 4 5 2 2 1 1
Cadres commerciaux et technico-commerciaux 4 5 1 3 1 1
Techniciens et agents de maîtrise de la maintenance 4 4 1 2 1 2
Employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration 4 5 1 1 4 4
Attaches commerciaux et représentants 4 3 2 3 1 2
Ingénieurs de l'informatique 4 5 1 5 2 1
Agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, bûcherons 4 5 1 3 3 3
Coiffeurs, esthéticiens 4 5 1 5 2 3
Ouvriers qualifies de la réparation automobile 4 3 1 5 1 4
Employés de la comptabilité 3 2 3 5 1 1
Conducteurs de véhicules 3 2 1 1 3 4
Agents d'entretien 3 1 3 1 5 4
Techniciens des services administratifs, comptables et financiers 3 1 5 2 1 1
Vendeurs 2 3 1 2 3 3
Secrétaires 2 3 1 1 2 1
Employés administratifs d'entreprise 2 3 1 1 2 1
Aides-soignants 2 1 2 5 3 4
Ingénieurs et cadres techniques de l'industrie 2 4 2 2 1 1
Caissiers, employés de libre service 1 4 1 1 5 5
Professionnels de l'action culturelle, sportive et surveillants 1 3 1 2 4 2
Secrétaires de direction 1 2 1 3 2 1
  • Échelle numérique de gradation des tensions : de 1 (tension très faible) à 5 (tension très élevée).
  • Lecture : En 2022, la famille de métiers des cuisiniers possède un indicateur synthétique de tension à 4 (élevé), avec un indicateur complémentaire d’intensité à l’embauche et de contraintes sur les conditions de travail à 5 (très élevé).
  • Source : Dares.

Diverses tensions pèsent sur le marché du travail agricole

Dans le domaine agricole, le marché du travail des maraîchers et jardiniers est en tension très forte. Les conditions de travail sont peu attractives, entre contraintes physiques et précarité des contrats. Ainsi, les indicateurs complémentaires de conditions de travail contraignantes et de non durabilité de l’emploi s’élèvent à 4 sur 5. Cette famille professionnelle, composée exclusivement d’ouvriers, est dynamique en termes d’embauche. En effet, le nombre de maraîchers et jardiniers augmente de 3,4 % en moyenne annuelle entre 2017 et 2021 contre 1,7 % pour l’ensemble des ouvriers martiniquais.

Le vieillissement des maraîchers et jardiniers est moins marqué que celui de l’ensemble des ouvriers martiniquais. Entre 2017 et 2021, la part des seniors augmente de 5,4 points (contre 6,5 points pour l’ensemble). Les maraîchers et jardiniers restent plus jeunes (26,6 % de seniors en 2021 contre 29,3 %). Cette profession est majoritairement masculine (83,3 % d’hommes). Les emplois sont précaires : seulement six contrats sur dix sont des CDI en 2021. En outre, le salaire net horaire moyen de cette famille professionnelle est faible (9,4 € contre 12,0 € pour l’ensemble des ouvriers de la région).

Le lien entre formation et emploi est facteur de tension pour les métiers spécialisés

Le lien entre formation et emploi est un facteur de tension chez les employés de la comptabilité et les ingénieurs de l’informatique puisque ces professions techniques nécessitent des qualifications spécifiques. Ce critère est un facteur de tension pour les recrutements, en particulier sur un marché du travail limité en taille, et dont le niveau de formation moyen est faible. En effet, 33 % de la population active martiniquaise ne dispose d’aucun diplôme en 2024, contre 13 % en France métropolitaine.

Ces métiers offrent pourtant des conditions de travail peu contraignantes, révélées par un indicateur de tension très faible. En outre, le recours aux contrats permanents est fréquent : 75,2 % des postes d’employés de la comptabilité sont des CDI (contre 63,7 % de l’ensemble des postes d’employés en Martinique), ainsi que 83,8 % des postes d’ingénieurs de l’informatique (contre 75,2 % de l’ensemble des cadres et professions intellectuelles supérieures). Ces métiers restent jeunes : la part des seniors parmi les employés de la comptabilité est plus faible que pour l’ensemble des employés martiniquais (21,3 % contre 25,3 %). De même, la part des seniors parmi les ingénieurs de l’informatique est nettement inférieure à celle de l’ensemble des cadres et professions intellectuelles supérieures (15,7 % contre 28,8 %).

Dans les métiers de bouche, les besoins de recrutement sont élevés mais les conditions peu attractives

La famille professionnelle des employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et de la restauration est en tension en 2022. L’intensité d’embauche est très élevée et les indicateurs de non durabilité de l’emploi et de conditions de travail contraignantes sont également sources de tension. La précarité de ces emplois grève leur attractivité et risque de les maintenir en situation de tension. Cette famille professionnelle est composée à 89 % d’employés. Le nombre d’emplois y a diminué de 6,1 % en moyenne par an entre 2017 et 2021. De plus, les restrictions liées à la crise sanitaire ont largement touché cette famille professionnelle en 2020 et 2021.

Entre 2017 et 2021, la part des seniors a augmenté de 3,7 points mais la profession reste jeune. Les séniors occupent 16,1 % des postes en 2021, soit 9,9 points de moins que la moyenne des emplois salariés martiniquais. Seulement la moitié des postes sont des CDI (50,3 %). Le salaire net horaire moyen de la famille professionnelle (10,9 €) demeure plus faible que celui de la moyenne des employés martiniquais (12,6 €) et des professions intermédiaires (18,3 €). Sept postes sur dix sont occupés par des femmes.

L’intensité d’embauche est très élevée pour les cuisiniers, bouchers, charcutiers et boulangers. Chez les cuisiniers, le nombre d’emplois a diminué en moyenne de 1,1 % par an entre 2017 et 2021. En revanche, il a augmenté pour les bouchers, charcutiers et boulangers (+3,4 %). Pour ces derniers, le lien entre la formation et l’emploi est un facteur de tension. Les conditions de travail difficiles (horaires décalés, insécurité financière…) sont également un facteur de tension. Cependant, la part de seniors de ces deux familles professionnelles reste en dessous de la moyenne de l’ensemble des salariés martiniquais (20,1 % pour les bouchers, charcutiers et boulangers et 11,4 % pour les cuisiniers contre 25,9 % pour l’ensemble).

La Martinique compterait 29 800 actifs en moins en 2030

Dans un contexte de déclin démographique et de vieillissement de la population, des tensions en hausse sur le marché du travail peuvent avoir des implications particulières et nécessiter des ajustements dans les environnements de travail pour répondre aux besoins spécifiques d’une main d’œuvre plus âgée. Depuis 2007, la population martiniquaise diminue et vieillit. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir. En 2030, l’âge médian serait de 54 ans contre 46 ans en 2018. La population passerait de 369 000 à 325 000 habitants sur la même période [Douriaud, 2022 ; pour en savoir plus (4)]. La part des personnes de 55 à 69 ans dans la population martiniquaise passerait de 21,6 % en 2018 à 26,2 % en 2030.

Cette évolution de la composition de la population pose notamment la question de la soutenabilité des métiers aux conditions de travail les plus difficiles comme ceux du bâtiment et des travaux publics, les cuisiniers ou les caissiers. Le remplacement des métiers ayant une forte part de seniors face à l’accélération attendue du nombre de départs à la retraite est également une source de tension à anticiper. En effet, la population active suivrait le même schéma que la population globale. Elle diminuerait, passant de 169 300 actifs à 139 500 en 2030, soit une baisse annuelle moyenne de 1,6 % (figure 3). Cette diminution serait le résultat de trois composantes. En premier lieu, le solde de migrations résidentielles serait négatif avec plus de départs du territoire que d’arrivées (-22 000 actifs entre 2018 et 2030). Il serait combiné à un effet démographique déficitaire également (-18 600 actifs), avec plus de départs à la retraite et moins d’entrées dans la vie active. Ces deux tendances seraient toutefois freinées par une augmentation du taux d’activité, en particulier due à la réforme des retraites qui, par l’allongement de la durée de vie active, augmenterait le nombre d’actifs de 10 800 sur la période 2018-2030.

Figure 3Pyramide des âges de la population active martiniquaise de 14 à 70 ans en 2018 et 2030

(en nombre)
Pyramide des âges de la population active martiniquaise de 14 à 70 ans en 2018 et 2030 ((en nombre))
Âge Hommes actifs en 2018 Femmes actives en 2018 Hommes actifs en 2030 Femmes actives en 2030
14 0 0 0 0
15 0 0 0 0
16 100 100 100 100
17 200 100 200 100
18 500 300 400 300
19 800 600 700 400
20 1 000 800 800 600
21 1 200 900 1 000 700
22 1 100 1 000 900 800
23 1 200 1 100 1 000 900
24 1 100 1 200 900 1 000
25 1 300 1 400 900 1 100
26 1 400 1 500 1 000 1 200
27 1 300 1 500 1 000 1 100
28 1 300 1 700 900 1 300
29 1 400 1 700 1 100 1 300
30 1 300 1 800 900 1 300
31 1 400 1 800 1 000 1 400
32 1 300 1 800 900 1 300
33 1 300 1 800 1 100 1 400
34 1 300 1 800 1 100 1 400
35 1 500 1 800 1 100 1 400
36 1 300 1 800 1 100 1 400
37 1 400 1 900 1 300 1 500
38 1 300 1 800 1 200 1 400
39 1 400 1 900 1 300 1 600
40 1 400 1 900 1 300 1 600
41 1 500 2 000 1 400 1 700
42 1 500 2 100 1 300 1 700
43 1 800 2 300 1 200 1 600
44 1 900 2 500 1 200 1 700
45 2 100 2 700 1 300 1 500
46 2 200 2 800 1 300 1 700
47 2 100 2 600 1 200 1 600
48 2 200 2 700 1 300 1 700
49 2 300 2 700 1 400 1 700
50 2 400 2 900 1 500 1 700
51 2 400 3 100 1 400 1 800
52 2 400 3 000 1 300 1 800
53 2 500 3 100 1 400 1 800
54 2 400 3 000 1 400 1 900
55 2 400 2 700 1 800 2 000
56 2 300 2 800 1 800 2 500
57 2 400 2 600 1 900 2 500
58 2 200 2 400 2 000 2 300
59 1 900 2 200 1 800 2 300
60 1 700 2 000 2 100 2 800
61 1 500 1 700 2 200 2 600
62 1 300 1 300 2 000 2 300
63 1 000 1 000 2 000 2 100
64 800 800 1 800 1 800
65 500 400 900 700
66 300 200 700 400
67 200 100 400 200
68 100 100 300 200
69 100 100 300 200
70 100 100 100 200
  • Source : Insee, Omphale 2022.

Figure 3Pyramide des âges de la population active martiniquaise de 14 à 70 ans en 2018 et 2030

  • Source : Insee, Omphale 2022.

La population des séniors actifs pourrait augmenter de 7 900

Les évolutions de la population active à l’horizon 2030 seraient toutefois différentes selon l’âge. En particulier, la population active des seniors augmenterait, en lien avec le recul de l’âge de la retraite. La population active martiniquaise compterait 7 900 actifs supplémentaires de plus de 55 ans en 2030 (figure 4), soit une augmentation annuelle moyenne de +1,5 %. Cette hausse serait principalement due à l’augmentation du taux d’activité (+9 900 actifs). Les migrations résidentielles augmenteraient la population de 600 actifs, alors que l’effet démographique la diminuerait de 2 600. Ainsi, la part des seniors dans la population active passerait de 23,2 % en 2018 à 33,8 % en 2030.

À l’inverse, le nombre d’actifs de 14 à 24 ans diminuerait de 2 400 entre 2018 et 2030, soit une évolution annuelle moyenne de -1,6 %. Cette baisse serait principalement causée par les migrations résidentielles (-6 300 sur la période). L’effet démographique serait au contraire positif (+2 900 actifs entre 14 et 24 ans). Enfin, l’effet taux d’activité serait favorable également (+1000 actifs) et imputable à l’augmentation du nombre d’apprentis. La montée en puissance de ce dispositif (+500 apprentis entre 2019 et 2021 en Martinique) permet en effet à des jeunes d’intégrer plus tôt le marché du travail et de venir ainsi renforcer les rangs de la population active. Entre ces deux classes d’âge, le nombre d’actifs de 25 à 54 ans diminuerait de 35 300, soit une baisse annuelle moyenne de 3,0 % principalement due aux migrations résidentielles (-16 300 actifs entre 2018 et 2030) et à l’effet démographique (-18 900 actifs entre 2018 et 2030).

Figure 4Composantes de l’évolution annuelle moyenne de la population active martiniquaise sur la période 2018-2030

(en %)
Composantes de l’évolution annuelle moyenne de la population active martiniquaise sur la période 2018-2030 ((en %))
Age Effet taux d’activité Effet démographique Effet des migrations résidentielles
14 ans et plus 0,6 -1,0 -1,2
14-24 ans 0,7 2,0 -4,3
25-54 ans 0,0 -1,6 -1,4
55-70 ans 1,9 -0,5 0,1
  • Source : Insee, Omphale 2022.

Figure 4Composantes de l’évolution annuelle moyenne de la population active martiniquaise sur la période 2018-2030

  • Source : Insee, Omphale 2022.

Encadré 1 : Le nombre de postes augmentent dans les métiers de la santé

Avec le vieillissement de la population martiniquaise, l’augmentation du besoin de soins de santé et par conséquent des recrutements dans les métiers de la santé sont à anticiper. La démarche est déjà engagée : entre 2017 et 2021, le nombre d’emplois salariés du milieu médical a augmenté de 2,6 % en moyenne annuelle. Cette augmentation varie selon le type de professions. Sur la période, le nombre d’aides soignants a augmenté de 4,4 % en moyenne annuelle, le nombre d’infirmiers et sages-femmes de 3,1 % et le nombre de médecins de 1,0 %. Malgré ces hausses du nombre de postes dans le milieu médical, ces familles professionnelles sont tendues en 2022. La tension est élevée pour les infirmiers et les sages-femmes et très élevée pour les professions para-médicales. Les besoins en recrutement devraient être d’autant plus importants qu’au sein même du milieu médical, les départs en retraite vont s’accélérer, parallèlement au vieillissement de la population.

Parmi les emplois salariés du secteur, majoritairement féminin (82 % de femmes), la part des seniors a stagné chez les aides-soignants entre 2017 et 2021 avec 28,4 % de postes occupés par une personne entre 55 et 69 ans. Dans les professions paramédicales la part des seniors a légèrement augmenté sur la période (+0,7 point), même si ces postes restent occupés par une majorité de personnes plus jeunes (16,1 % de seniors). En revanche, chez les infirmiers et sage-femmes, comme chez les médecins, les départs en retraite entre 2017 et 2021 semblent avoir été renouvelés puisque la part des seniors a diminué respectivement de 3,5 et 3,1 points sur la période. Ainsi seulement un emploi salarié sur cinq (19,1 %) est occupé par un senior pour les infirmiers et sage-femmes, contre 22,5 % pour les médecins.

Encadré 2 : Le Pacte Territorial d’Investissement dans les Compétences de la Martinique

Le 25 juillet 2018, l’État et la Collectivité Territoriale de la Martinique (CTM) ont signé une convention pour la mise en place d’un pacte territorial tenant compte des spécificités régionales du Plan d’Investissement dans les Compétences (PIC). L’objectif est d’accompagner et former vers l’emploi durable les jeunes et les demandeurs d’emploi peu ou pas qualifiés, en s’adaptant aux besoins des entreprises.

La déclinaison opérationnelle de cette stratégie repose sur 4 axes :

  • Axe 1 : Garantir l’accès des publics fragiles aux parcours qualifiants par la consolidation des compétences clés
  • Axe 2 : Proposer des parcours qualifiants vers l’emploi, renouvelés dans leur contenu, au regard des besoins de l’économie en temps réel et de façon prospective
  • Axe 3 : Innover dans les territoires
  • Axes transverses : S’engager dans la modernisation des contenus, des modes de mises en œuvre et de l’accompagnement des formations.

Sur la période 2019-2022, l’État s’est engagé à consacrer 69 millions d’euros pour la réalisation des opérations inscrites au titre du pacte. La CTM a inscrit à son budget 23 millions d’euros annuels pour la mise en œuvre de sa politique de formation professionnelle et d’apprentissage. L’État poursuit son engagement au côté de la CTM sur un nouveau cycle de contractualisation pour la période 2024-2027. La dotation prévisionnelle globale de l’État s’établit à 99,5 millions d’euros grâce aux enveloppes complémentaires accordées.

Publication rédigée par :Bénédicte Chanteur, Corentin Douriaud (Insee)

Pour comprendre

Les tensions sur le marché du travail sont mesurées à l’aide de données issues de la Dares et de France Travail. Ouvrir dans un nouvel ongletL’indicateur principal de tension permet de fournir une échelle numérique de gradation des tensions par métier. Il prend en compte trois dimensions : les difficultés de recrutement anticipées par les employeurs, le nombre d’offres d’emploi rapportées au nombre de demandeurs d’emploi et la facilité des demandeurs d’emploi à retrouver un emploi.

Cet indicateur est accompagné d’Ouvrir dans un nouvel ongletindicateurs complémentaires éclairant les causes des tensions.

Publication rédigée par :Bénédicte Chanteur, Corentin Douriaud (Insee)

Sources

Cette étude analyse les indicateurs de tension élaborés par la Dares et France Travail déclinés sur la Martinique. Les offres d’emplois publiées en ligne sont collectées sur le site de France Travail et enrichies par des offres issues d’autres sites employeurs (base Jocas). Elle est complétée par des données issues des Bases Tous Salariés de l’Insee. Il s’agit de fichiers statistiques annuels de données individuelles sur l’ensemble des salariés, produites à partir de déclarations administratives de leurs employeurs. L’outil Omphale (outil méthodologique de projection d’habitants, d’actifs, de logements et d’élèves) est mobilisé pour les projections de population active :

  • L’indicateur d’intensité d’embauche représente la tension provoquée par les employeurs cherchant à recruter massivement. Il s’agit du rapport du nombre d’offres d’emploi et de projets de recrutement à l’emploi moyen.
  • L’indicateur du lien entre la spécialité de formation et le métier mesure le décalage entre les compétences requises par les employeurs et celles dont disposent les personnes en recherche d’emploi. Pour approcher cette inadéquation, l’indicateur permet d’apprécier si le métier en question est difficile d’accès pour des personnes ne possédant pas la formation requise, à partir de la spécificité et de la concentration des spécialités de formation par métier.
  • L’indicateur de non-durabilité de l’emploi. Le type d’emploi proposé peut avoir une incidence sur son attractivité et donc sur l’apparition de tension. La non-durabilité des postes proposés est mesurée par l’inverse de la moyenne pondérée de la part des offres durables (contrats à durée indéterminée ou à durée déterminée de plus de 6 mois), de la part des offres à temps complet et de la part de projets de recrutement non saisonniers. Cet indicateur peut cependant avoir un effet ambigu sur les tensions, les employeurs recrutant en emplois durables pouvant se montrer plus exigeants dans leur processus de recrutement.
  • L’indicateur des conditions de travail contraignantes mesure à partir de l’enquête « conditions de travail » les contraintes de rythme, contraintes physiques, limitations physiques, répétitions de tâches, insécurité socio-économique, morcellement de la journée de travail, travail jours non ouvrables ou hors plages horaires habituelles. Trois enquêtes (2013, 2016 et 2019) sont utilisées.
  • L’indicateur de manque de main-d’œuvre disponible est construit en prenant l’opposé du nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A recherchant ce métier, à l’emploi moyen du métier.

Définitions

La croissance économique de la France est l’évolution de la richesse produite sur le territoire français entre deux années ou entre deux trimestres.

Le produit intérieur brut vise à mesurer la richesse créée par tous les agents, privés et publics, sur un territoire national pendant une période donnée. Le produit intérieur brut réel, ou en volume, est une mesure du produit intérieur brut (PIB) à prix constants. Les évolutions du PIB liées à la variation des prix (inflation ou baisse des prix) sont ainsi neutralisées, ce qui permet une mesure de la croissance économique.

Le halo autour du chômage est composé de personnes sans emploi qui, soit recherchent un emploi mais ne sont pas disponibles dans les deux semaines pour travailler, soit n’ont pas effectué de démarche active de recherche d’emploi dans le mois précédent mais souhaitent travailler, qu’elles soient disponibles ou non. Le halo regroupe donc des personnes inactives au sens du Bureau International du Travail (BIT), c’est-à-dire ni en emploi ni au chômage, mais proches du marché du travail.

Pour en savoir plus

(1) Breton et al. « Ouvrir dans un nouvel ongletEnquête migrations, famille, vieillissement », Synthèse des premiers résultats, Ined juin 2023 ;

(2) Chartier et al. « Ouvrir dans un nouvel ongletLes tensions sur le marché du travail en 2022 », Dares résultats, novembre 2023 ;

(3) Le Corre L. « Métiers en tension en 2022 : Un marché de l’emploi dominé par les seniors », Insee Analyses Martinique no7, décembre 2017 ;

(4) Douriaud C. « 286 500 habitants en Martinique dans 20 ans, 212 000 à l’horizon 2070 », Insee Analyses Martinique no174, novembre 2022.