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Novembre 2023 · n° 1973En 2021, les inégalités et la pauvreté augmentent
En 2021, en France métropolitaine, le niveau de vie médian annuel des personnes vivant dans un logement ordinaire est de 23 160 euros. 9,1 millions de personnes vivent au‑dessous du seuil de pauvreté monétaire, soit 1 158 euros par mois pour une personne seule en 2021.
La reprise de l’activité en 2021 s’est accompagnée d’une hausse des revenus du travail et des dividendes reçus par les ménages, plus marquée pour les ménages les plus aisés dont le niveau de vie augmente. À l’opposé, la non-reconduction des aides de solidarité exceptionnelles versées en 2020 en lien avec la crise sanitaire a pesé sur les niveaux de vie des ménages les plus modestes qui diminuent en 2021. Le taux de pauvreté augmente de 0,9 point en 2021, passant de 13,6 % à 14,5 %. L’intensité de la pauvreté s’accroît aussi, passant de 18,7 % en 2020 à 20,2 % en 2021.
Même si les évolutions entre 2019 et 2020 restent incertaines, du fait des conditions de collecte particulières des enquêtes en 2020 et de la fragilité des indicateurs cette année atypique, la France sort de l’épisode Covid en 2021 avec un taux de pauvreté supérieur à celui qu’elle avait quand elle y est entrée.
Avertissement : Les niveaux des indicateurs présentés dans cette publication ne sont pas directement comparables avec les publications antérieures. L’enquête sur les Revenus fiscaux et sociaux (ERFS), qui sert de référence pour la mesure des revenus en France métropolitaine, a connu une refonte importante en 2021. Un travail spécifique de correction des niveaux des indicateurs jusqu’en 2020 a été effectué afin de pouvoir proposer dans cette publication des séries historiques cohérentes.
- Les niveaux de vie baissent pour la moitié des ménages les plus modestes à la suite de l’arrêt des aides exceptionnelles de solidarité Covid
- Le niveau de vie des ménages les plus aisés augmente plus fortement, tiré par la reprise de l’activité
- Les inégalités de niveau de vie augmentent nettement en 2021
- Le taux de pauvreté augmente et dépasse son niveau de 2019
- En 2021, la hausse du taux de pauvreté est plus marquée pour les familles nombreuses et les chômeurs
- Encadré – Des conditions de production des statistiques sur les niveaux de vie particulières en 2021
Les niveaux de vie baissent pour la moitié des ménages les plus modestes à la suite de l’arrêt des aides exceptionnelles de solidarité Covid
En 2021, selon l’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) (sources), le niveau de vie annuel médian des personnes vivant dans un ménage de France métropolitaine est de 23 160 euros. Il correspond à un revenu disponible de 1 930 euros par mois pour une personne seule et de 3 474 euros par mois pour un couple avec un enfant de moins de 14 ans.
Ces niveaux ne sont pas directement comparables à ceux publiés les années antérieures. En effet, en 2021, l’ERFS a dû s’adapter à la nouvelle enquête Emploi [document du Département de l’emploi et des revenus d’activité, 2021]. Cette refonte a également été l’occasion de réviser la chaîne de production de l’enquête. Un travail spécifique d’évaluation des ruptures de mesures a été effectué afin de pouvoir proposer dans cette publication des séries historiques cohérentes, avec des niveaux corrigés par rapport aux publications passées (encadré), [document de la Division Revenus des ménages et du Pôle Revenus fiscaux et sociaux, 2023].
En 2021, en euros constants, c’est-à-dire en tenant compte de l’inflation, le niveau de vie recule pour la première moitié de la distribution, après avoir progressé en 2020. La baisse est plus prononcée pour les 20 % des ménages les plus modestes (respectivement -2,1 % et -2,0 % pour les premier et second déciles de niveau de vie) et est atténuée pour les ménages des trois déciles suivants. Au centre de la distribution, le niveau de vie médian est en léger repli à -0,3 % (figure 1).
tableauFigure 1a – Évolution du 1er décile de niveau de vie entre 1996 et 2021
Année | Après redistribution | Avant redistribution |
---|---|---|
1996 | 81,2 | 73,1 |
1997 | 81,7 | 74,9 |
1998 | 85,1 | 80,7 |
1999 | 87,1 | 82,6 |
2000 | 88,5 | 85,9 |
2001 | 91,4 | 88,4 |
2002 | 94,6 | 96,2 |
2003 | 94,3 | 94,5 |
2004 | 94,4 | 94,5 |
2005 | 94,6 | 96,0 |
2006 | 95,9 | 97,8 |
2007 | 97,8 | 98,5 |
2008 | 100,0 | 100,0 |
2009 | 98,8 | 98,4 |
2010 | 97,5 | 93,9 |
2011 | 96,7 | 90,7 |
2012 | 95,5 | 89,3 |
2013 | 96,8 | 92,6 |
2014 | 96,6 | 91,6 |
2015 | 96,8 | 88,2 |
2016 | 98,3 | 87,0 |
2017 | 98,7 | 86,8 |
2018 | 97,1 | 88,8 |
2019 | 99,8 | 92,7 |
2020p1 | 104,1 | 94,9 |
2021p | 101,9 | 92,0 |
- p : données provisoires.
- 1. Le point 2020 présente des fragilités liées aux difficultés de production en 2020.
- Lecture : En 2021, le 1er décile de niveau de vie (D1) baisse de 2,1 % en euros constants. Avant redistribution, il baisse de 3,1 %.
- Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.
- Sources : Insee-DGI, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux rétropolées de 1996 à 2004 ; Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux de 2005 à 2021.
graphiqueFigure 1a – Évolution du 1er décile de niveau de vie entre 1996 et 2021
Plusieurs évolutions du système redistributif concourent au recul des revenus après redistribution des plus modestes en 2021. L’aide exceptionnelle de solidarité Covid versée en 2020 aux ménages bénéficiaires de certaines prestations sociales (notamment du revenu de solidarité active et des aides au logement) et la majoration exceptionnelle de l’allocation de rentrée scolaire n’ont pas été reconduites en 2021 [Buresi et al., 2022]. Dans une moindre mesure, les revalorisations de plusieurs prestations sociales étant alignées sur l’inflation observée l’année précédente, elles ne suffisent pas à maintenir immédiatement leur pouvoir d’achat lorsque l’inflation augmente (comme c’est le cas en 2021 où l’inflation atteint 1,6 %, après 0,5 % en 2020). La réforme des allocations logement visant à tenir compte des revenus des ménages « en temps réel » est également entrée en application au mois de janvier 2021. Elle a conduit à une baisse du montant total d’aides au logement versé par rapport à ce qu’il aurait été sans réforme, toutes choses égales par ailleurs [Ouvrir dans un nouvel ongletJacquemin, 2022].
Le niveau de vie des ménages les plus aisés augmente plus fortement, tiré par la reprise de l’activité
Les déciles de niveau de vie de la deuxième moitié de la distribution sont en hausse en 2021 et augmentent plus fortement au niveau des huitième (+1,6 %) et neuvième (+1,1 %) déciles. Cette progression du niveau de vie de la moitié des ménages les plus aisés est principalement portée par la hausse de leur niveau de vie avant redistribution. Ces ménages sont en effet peu affectés par l’arrêt des aides exceptionnelles visant à soutenir les plus bas revenus mises en place pendant la crise sanitaire et bénéficient de la reprise de l’activité.
Le niveau de vie avant redistribution inclut ici à la fois les revenus du travail et les dispositifs de soutien à l'activité qui avaient été mis en place ou renforcés durant la crise sanitaire (activité partielle et fonds de solidarité pour les entreprises, indépendants, entrepreneurs), ainsi que les revenus de remplacement (allocations chômage, pensions, retraites) et les revenus du patrimoine. Le contexte de reprise économique bénéficie à l’ensemble des ménages, excepté les plus modestes. La dynamique des revenus d’activité est toutefois atténuée par la diminution des allocations chômage et des dispositifs financiers de soutien aux revenus d’activité.
La hausse des niveaux de vie est plus marquée parmi les ménages les plus aisés, avant comme après redistribution : le niveau de vie plancher des 5 % des ménages les plus aisés (95e centile) augmente de 5,6 % avant redistribution et de 4,5 % après redistribution (prenant notamment en compte les impôts et contributions sociales). Ces ménages bénéficient en effet d’une forte augmentation des salaires, des revenus des indépendants et des revenus du patrimoine (notamment des dividendes).
Les inégalités de niveau de vie augmentent nettement en 2021
Les principaux indicateurs d’inégalités de niveau de vie sont en forte hausse en 2021, après s’être légèrement réduits en 2020. L’indice de Gini s’établit à 0,294 en 2021 (+0,017 point) et les 20 % de personnes les plus aisées perçoivent 38,3 % de la masse totale des niveaux de vie, une proportion très proche de celle détenue en 2018 mais supérieure à celle de 2019 et 2020 (figure 2). Dans le bas de la distribution, les 20 % les plus modestes en perçoivent 8,6 %, part inférieure à celle observée ces dernières années (environ 9 %). Ainsi, les premières perçoivent une masse cumulée des niveaux de vie 4,5 fois plus importante que les secondes (ratio (100-S80)/S20). Enfin, le rapport interdécile D9/D1, rapport entre le niveau de vie plancher des 10 % les plus aisés et le niveau de vie plafond des 10 % les plus modestes, retrouve son niveau de 2019 et atteint 3,4 (+0,1 point).
tableauFigure 2 – Indicateurs d'inégalités de 1996 à 2021
Année | Ratio inter-décile D9/D1 | Ratio (100-S80)/S20 | Indice de Gini (échelle de droite) |
---|---|---|---|
1996 | 3,51 | 4,08 | 0,274 |
1997 | 3,49 | 4,03 | 0,274 |
1998 | 3,42 | 3,99 | 0,272 |
1999 | 3,44 | 4,07 | 0,279 |
2000 | 3,49 | 4,14 | 0,282 |
2001 | 3,43 | 4,09 | 0,281 |
2002 | 3,39 | 3,98 | 0,277 |
2003 | 3,35 | 4,01 | 0,276 |
2004 | 3,30 | 3,97 | 0,276 |
2005 | 3,35 | 4,14 | 0,281 |
2006 | 3,41 | 4,19 | 0,286 |
2007 | 3,38 | 4,16 | 0,285 |
2008 | 3,38 | 4,19 | 0,285 |
2009 | 3,44 | 4,21 | 0,286 |
2010 | 3,48 | 4,4 | 0,295 |
2011 | 3,58 | 4,47 | 0,298 |
2012 | 3,55 | 4,44 | 0,295 |
2013 | 3,44 | 4,17 | 0,281 |
2014 | 3,43 | 4,17 | 0,282 |
2015 | 3,47 | 4,2 | 0,285 |
2016 | 3,42 | 4,16 | 0,28 |
2017 | 3,43 | 4,17 | 0,281 |
2018 | 3,50 | 4,34 | 0,29 |
2019 | 3,44 | 4,2 | 0,281 |
2020p1 | 3,30 | 4,07 | 0,277 |
2021p | 3,41 | 4,45 | 0,294 |
- p : données provisoires.
- 1. Le point 2020 présente des fragilités liées aux difficultés de production en 2020.
- Note : Les données de 1996 à 2020 sont rétropolées pour permettre une comparaison temporelle et peuvent donc différer de celles diffusées par ailleurs sur le site de l'Insee (voir Chiffres-clés) présentant les séries longues avec des ruptures de série en 2010, 2012 et 2020.
- Lecture : En 2021, les 20 % de personnes les plus aisées perçoivent une part de la somme des niveaux de vie 4,45 fois plus élevée que les 20 % de personnes les plus modestes.
- Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.
- Sources : Insee-DGI, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux rétropolées de 1996 à 2004 ; Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux de 2005 à 2021.
graphiqueFigure 2 – Indicateurs d'inégalités de 1996 à 2021
La hausse des indicateurs d’inégalités de niveau de vie en 2021 traduit principalement celle des inégalités avant redistribution, due à la baisse des revenus des plus modestes et à la hausse des revenus des plus aisés dans le dernier dixième de la distribution. Les indicateurs d’inégalités se rapprochent en 2021 des niveaux hauts de la période récente, observés en 2011, quand les ménages modestes avaient pâti de la dégradation de l’emploi et de la faible revalorisation du salaire minimum alors que les revenus du patrimoine étaient dynamiques, et en 2018, année durant laquelle les dividendes versés aux ménages avaient fortement augmenté à la suite de la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, qui avait incité à distribuer les dividendes plutôt qu’à les capitaliser.
Le taux de pauvreté augmente et dépasse son niveau de 2019
Le seuil de pauvreté monétaire fixé à 60 % du niveau de vie médian s’établit à 1 158 euros par mois en 2021 (figure 3). Il correspond à un revenu disponible mensuel de 1 158 euros pour une personne seule, 1 737 euros pour un couple, auxquels il faut ajouter 347 euros pour chaque enfant de moins de 14 ans et 579 euros pour les plus âgés. En 2021, 9,1 millions de personnes résidant en logement ordinaire vivent en dessous de ce seuil et le taux de pauvreté monétaire, c’est-à-dire la part de personnes pauvres dans la population, est de 14,5 % en France métropolitaine. La moitié des personnes en situation de pauvreté ont un niveau de vie inférieur à 924 euros par mois. Ce niveau est ainsi inférieur de 20,2 % au seuil de pauvreté, écart nommé intensité de la pauvreté, et retrouve ainsi un niveau proche de la moyenne de la décennie 2010.
tableauFigure 3 – Indicateurs de pauvreté
Indicateurs | 2017 | 2018 | 2019 | 2020p1 | 2021p |
---|---|---|---|---|---|
Seuil à 60 % de la médiane | |||||
Nombre de personnes pauvres (en milliers) | 8 572 | 9 004 | 8 921 | 8 565 | 9 117 |
Taux de pauvreté (en %) | 13,8 | 14,5 | 14,3 | 13,6 | 14,5 |
Seuil de pauvreté (en euros 2021/mois) | 1 109 | 1 112 | 1 140 | 1 162 | 1 158 |
Niveau de vie médian des personnes pauvres (en euros 2021/mois) |
889 | 891 | 912 | 945 | 924 |
Intensité de la pauvreté (en %) | 19,8 | 19,9 | 20,0 | 18,7 | 20,2 |
Seuil à 50 % de la médiane | |||||
Nombre de personnes pauvres (en milliers) | 4 873 | 5 124 | 5 074 | 4 686 | 5 251 |
Taux de pauvreté (en %) | 7,9 | 8,2 | 8,1 | 7,5 | 8,3 |
Seuil de pauvreté (en euros 2021/mois) | 925 | 927 | 950 | 968 | 965 |
Niveau de vie médian des personnes pauvres (en euros 2021/mois) |
760 | 771 | 775 | 803 | 786 |
Intensité de la pauvreté (en %) | 17,8 | 16,8 | 18,4 | 17,0 | 18,5 |
- p : données provisoires.
- 1. Le point 2020 présente des fragilités liées aux difficultés de production en 2020.
- Note : Les données depuis 1996 sont disponibles dans le fichier en téléchargement.
- Lecture : En 2021, le seuil de pauvreté, défini comme 60 % du niveau de vie médian, s'établit à 1 158 euros par mois.
- Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.
- Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux de 2017 à 2021.
En 2021, le taux de pauvreté augmente de 0,9 point de pourcentage dans l’ERFS. L’intensité de la pauvreté croît pour sa part de 1,5 point, la baisse des niveaux de vie étant plus marquée parmi les ménages les plus modestes. La hausse du taux de pauvreté s’explique majoritairement par l’arrêt des aides exceptionnelles de solidarité Covid et par la non-reconduction de la majoration exceptionnelle de l’allocation de rentrée scolaire, ainsi que, dans une moindre mesure, par l’indexation de certaines prestations sociales sur l’inflation de l’année passée et la réforme des allocations logement. L’enquête Statistiques sur les ressources et conditions de vie des ménages (SRCV), autre enquête permettant de mesurer la pauvreté monétaire dans les différents pays européens ainsi que d’autres dimensions de la pauvreté comme les privations, conduit à un résultat proche : le taux de pauvreté augmente de 1 point de pourcentage en France métropolitaine selon SRCV.
Le taux de pauvreté augmente entre 2019 et 2021 dans l’ERFS comme dans SRCV : la France sort de l’épisode Covid en 2021 avec un taux de pauvreté supérieur à celui qu’elle avait quand elle y est entrée. L’ampleur de cette hausse demeure toutefois incertaine compte tenu de la fragilité des indicateurs en 2020. En 2020, les différentes sources sur les revenus s’accordaient sur le fait que les mesures de soutien aux ménages avaient fortement contribué à contenir la pauvreté mais divergeaient sur l’évolution du taux de pauvreté [Garnero, Guillaneuf, 2022]. Cet impact important des aides exceptionnelles en 2020 est confirmé par l’ampleur du contre-coup lié à leur arrêt en 2021. Compte tenu de la fragilité des indicateurs en 2020, il n’est toutefois pas possible de trancher si la hausse du taux de pauvreté observée en 2021 dans l’ERFS et dans SRCV est essentiellement un contre-coup d’une baisse entre 2019 et 2020, comme mesuré par l’ERFS, ou intervient après une stabilité de la pauvreté entre 2019 et 2020, comme mesuré par SRCV.
En 2021, la hausse du taux de pauvreté est plus marquée pour les familles nombreuses et les chômeurs
En 2021, le taux de pauvreté des chômeurs augmente de 1,9 point pour atteindre 35,1 %, alors que celui des personnes en emploi croît de 0,5 point et s’établit à 7,4 % (figure 4). Ces évolutions interviennent dans un contexte de reprise de l’activité économique avec l’assouplissement des restrictions sanitaires, mais également de fin des mesures de prolongation des droits d’assurance chômage en milieu d’année. Parmi les personnes en emploi, le taux de pauvreté des indépendants baisse (-0,9 point), alors que celui des salariés augmente (+0,7 point). Le taux de pauvreté des indépendants reste toutefois nettement supérieur à celui des salariés (14,6 % contre 6,3 %). Cette approche monétaire de la pauvreté présente cependant des limites dans le cas des indépendants, dans la mesure où ils peuvent intégrer une partie de leurs dépenses de consommation (dépenses d’énergie ou de logement par exemple) dans les comptes de leur société ou de leur exploitation [Azouguagh, Delmas, 2022].
tableauFigure 4 – Niveau de vie et taux de pauvreté selon le statut d'activité
Statut d'activité | 2020p1 | 2021p | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Répartition de la population (en %) |
Niveau de vie médian (en euros 2021) |
Personnes pauvres (en milliers) |
Taux de pauvreté (en %) |
Répartition de la population (en %) |
Niveau de vie médian (en euros 2021) |
Personnes pauvres (en milliers) |
Taux de pauvreté (en %) |
|
Actifs de 18 ans ou plus | 45,3 | 25 250 | 2 554 | 8,9 | 45,3 | 25 310 | 2 687 | 9,4 |
Actifs en emploi | 41,8 | 25 800 | 1 810 | 6,9 | 42,0 | 25 850 | 1 945 | 7,4 |
Salariés | 36,4 | 25 670 | 1 284 | 5,6 | 36,7 | 25 720 | 1 457 | 6,3 |
Indépendants | 5,4 | 26 950 | 526 | 15,5 | 5,3 | 26 890 | 488 | 14,6 |
Chômeurs | 3,5 | 17 420 | 734 | 33,2 | 3,3 | 16 880 | 741 | 35,1 |
Inactifs de 18 ans ou plus | 33,1 | 21 860 | 3 404 | 16,4 | 33,4 | 21 770 | 3 671 | 17,4 |
Retraités | 23,5 | 23 420 | 1 508 | 10,2 | 23,6 | 23 160 | 1 624 | 10,9 |
Autres inactifs (dont étudiants) | 9,5 | 17 590 | 1 896 | 31,6 | 9,8 | 17 470 | 2 047 | 33,2 |
Enfants de moins de 18 ans | 21,6 | 20 920 | 2 618 | 19,3 | 21,3 | 20 900 | 2 759 | 20,6 |
Ensemble | 100,0 | 23 230 | 8 565 | 13,6 | 100,0 | 23 160 | 9 117 | 14,5 |
- p : données provisoires.
- 1. Le point 2020 présente des fragilités liées aux difficultés de production en 2020.
- Lecture : En 2021, le taux de pauvreté des salariés s'élève à 6,3 %. Il était de 5,6 % en 2020.
- Champ : France métropolitaine, personnes vivant dans un ménage dont le revenu déclaré est positif ou nul et dont la personne de référence n'est pas étudiante.
- Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, enquêtes Revenus fiscaux et sociaux 2020 et 2021.
Le niveau de vie médian des retraités baisse de 1,1 % en euros constants en 2021, alors que celui des actifs augmente légèrement (+0,2 %). Les revalorisations des pensions dans les régimes de base étant alignées sur l’inflation observée l’année précédente, les pensions tendent à décrocher lorsque l’inflation augmente (comme c’est le cas en 2021). Par ailleurs, jusqu’en 2017, la pension moyenne des retraités progressait d’année en année à un niveau supérieur à l’inflation par le simple jeu du renouvellement de la population des retraités : les jeunes retraités, disposant de carrières plus complètes, percevaient en moyenne des montants de pension supérieurs à ceux des retraités des générations plus anciennes, et les retraités qui décédaient en cours d’année des pensions plus faibles. Cependant, depuis 2017, la pension des nouveaux retraités est légèrement inférieure à celle de l’ensemble des retraités, si bien que ce renouvellement n’a plus d’impact [Ouvrir dans un nouvel ongletMarino, 2022]. Bien qu’en hausse depuis 2017, le taux de pauvreté des retraités, qui s’établit à 10,9 % en 2021, demeure toutefois inférieur à celui de l’ensemble de la population.
Après plusieurs années de stabilité, le taux de pauvreté des couples de trois enfants ou plus augmente fortement (+4,8 points) pour atteindre 25,6 %, en lien notamment avec l’arrêt des aides exceptionnelles de solidarité et la non-reconduction de la majoration de l’allocation de rentrée scolaire qui ont particulièrement touché ces familles.
Encadré – Des conditions de production des statistiques sur les niveaux de vie particulières en 2021
L’enquête Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) mesure les niveaux de vie en associant aux données de l’enquête Emploi du quatrième trimestre de chaque année les revenus issus de sources administratives. L’enquête Emploi a connu une refonte majeure en 2021 [document du Département de l’emploi et des revenus d’activité, 2021], qui a nécessité de revoir la chaîne de production de l’ERFS. L’adaptation de la production à cette nouvelle enquête Emploi a par ailleurs été l’occasion de rationaliser l’ensemble de la chaîne de production de l’ERFS et de revoir la méthode de correction de la non-réponse.
Ces modifications ont eu un impact sur les principaux indicateurs de niveaux de vie, d’inégalités et de pauvreté. Afin de pouvoir reconstituer des séries longues, l’impact de ces évolutions sur les différents indicateurs a été évalué grâce à la réalisation d’une seconde production de l’ERFS en 2020 (une ERFS « Pilote ») avec la nouvelle enquête Emploi et les nouvelles méthodes de traitement de la chaîne ERFS [document de la Division Revenus des ménages et du Pôle Revenus fiscaux et sociaux, 2023].
Comme l’ERFS 2020, les niveaux des indicateurs estimés par l’ERFS 2020 « Pilote » doivent être utilisés avec précaution. Les deux dispositifs ont toutefois été produits dans les mêmes conditions : les données de l’enquête Emploi et de l’enquête Emploi « Pilote » utilisées dans les productions ont été collectées au dernier trimestre de l’année 2020 et les dispositifs exonérés ont été imputés dans l’ERFS 2020 et dans l’ERFS 2020 « Pilote » en utilisant les mêmes méthodes. Les écarts observés entre les deux dispositifs sur les niveaux de vie et les indicateurs de pauvreté et d’inégalités permettent ainsi de mesurer les impacts des évolutions de l’enquête Emploi et de la méthode de traitement de l’ERFS, en limitant les effets liés aux conditions de collecte dégradées. Les niveaux de vie sont rehaussés et les indicateurs de pauvreté et d’inégalités diminuent (excepté le rapport interdécile qui demeure stable) dans la nouvelle enquête. Le taux de pauvreté est abaissé de 0,3 point de pourcentage, mais certaines ruptures de séries peuvent être plus marquées par sous-catégorie, selon les types de ménage ou le statut d’activité.
Au-delà de la fragilité des niveaux des indicateurs en 2020, l’ERFS « Pilote » est construite sur un échantillon plus réduit (environ 10 000 ménages, contre 43 000 dans l’ERFS 2021 et 39 000 dans l’ERFS 2020) qui peut conduire à une mesure des effets moins précise sur certaines sous-populations de taille plus limitée. C’est pourquoi les évolutions observées dans l’ERFS entre 2020 et 2021 ont fait l’objet d’un travail d’expertise particulier, en incluant notamment des comparaisons avec l’enquête Statistiques sur les ressources et conditions de vie des ménages (SRCV).
Enfin, la production de l’ERFS 2020 « Pilote » et de l’ERFS 2021 ont dû mêler des données de l’ancienne et de la nouvelle enquête Emploi, certaines variables n’étant pas toujours reconduites à l’identique. Les données des deux millésimes 2020 et 2021 sont publiées avec un statut « provisoire » : leurs niveaux seront validés définitivement à la suite de la production 2022, qui se basera uniquement sur des variables de la nouvelle enquête Emploi.
Sources
Les statistiques présentées ici sont issues des enquêtes Revenus fiscaux (ERF) rétropolées de 1996 à 2004 et des enquêtes Revenus fiscaux et sociaux (ERFS) de 2005 à 2021. En 2021, l’enquête s’appuie sur un échantillon de plus de 43 000 ménages de France métropolitaine. Cet échantillon est celui interrogé lors du quatrième trimestre de 2021 de l’enquête Emploi de l’Insee : il est enrichi par des informations sur les revenus issus des déclarations fiscales et des informations sur les prestations sociales perçues par les ménages. Le champ retenu est celui des personnes vivant en France métropolitaine dans un logement ordinaire et dans un ménage dont la personne de référence n’est pas étudiante et dont le revenu déclaré est positif ou nul. Il recouvre une population de 63 millions de personnes fin 2021 et exclut notamment les personnes résidant en institution ainsi que les personnes sans abri.
Depuis 1996, la mesure des revenus dans les ERFS a fait l’objet d’améliorations qui génèrent trois ruptures de séries, en 2010, 2012 et 2020, avec deux enquêtes disponibles pour chaque millésime. Dans cette étude, afin de pouvoir apprécier les évolutions sur longue période, les indicateurs ont été rétropolés jusqu’en 1996 en chaînant leurs évolutions à méthodologie constante (soit en taux d’évolution, soit en variation de points).
Définitions
Le niveau de vie est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d'un même ménage. Pour comparer les niveaux de vie de ménages de taille ou de composition différente, on divise le revenu par le nombre d’UC. Celles-ci sont généralement calculées de la façon suivante : 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.
Si on ordonne une distribution, les déciles sont les valeurs qui partagent cette distribution en dix parties d’effectifs égaux et les centiles les valeurs qui la partagent en cent. La médiane, qui correspond également au cinquième décile, est la valeur qui partage cette distribution en deux parties d’effectifs égaux. Ainsi, la moitié de la population a un niveau de vie inférieur au niveau de vie médian, l’autre moitié a un niveau de vie supérieur.
Le revenu disponible est le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d’activité nets des cotisations sociales, les indemnités de chômage, les retraites et pensions, les revenus du patrimoine (fonciers et financiers) et les autres prestations sociales non contributives perçues, nets des impôts directs.
Le revenu avant redistribution d’un ménage est l’ensemble de ses revenus avant paiement des impôts directs (mais nets de cotisations sociales) et perception des prestations non contributives. Il comprend ici les revenus d’activité en incluant les revenus compensatoires des pertes d’activité (activité partielle pour les salariés et fonds de solidarité pour les entreprises, les indépendants et les entrepreneurs), les indemnités de chômage, les pensions et retraites, les revenus du patrimoine. Les composantes des revenus d’activité exonérées d’impôt et de cotisations sociales (heures supplémentaires, prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, prime soignants) sont incluses dans le revenu avant redistribution.
Pour en savoir plus
Insee, « Revenu, niveau de vie et pauvreté en 2021 », Insee Résultats, à paraître.
Insee, Chiffres-clés, sous-thèmes « Revenus - Niveaux de vie - Pouvoir d'achat » et « Pauvreté - Précarité », novembre 2023.
Division Revenus des ménages et Pôle Revenus fiscaux et sociaux, « Impact de la rénovation de l’enquête Revenus fiscaux et sociaux en 2021 sur la mesure des niveaux de vie, des indicateurs d’inégalités et de pauvreté », Insee Méthodes n° 145, novembre 2023.
Buresi G., Cornetet J., Cornuet F., Doan Q.C., Dufour C., Trémoulu R., « Les réformes sociofiscales de 2020 et 2021 augmentent le revenu disponible des ménages, en particulier pour la moitié la plus aisée », in France, portrait social, coll. « Insee Références », édition 2022.
Jacquemin L., « Ouvrir dans un nouvel ongletBilan économique et social de la réforme des aides au logement de 2021 », L’e-ssentiel n° 210, Cnaf-DSER, 2022.
Garnero M., Guillaneuf J., « En 2020, une mesure de la pauvreté compliquée par la crise sanitaire », Insee Analyses n° 77, octobre 2022.
Marino A. (sous la direction de), « Ouvrir dans un nouvel ongletLes retraités et les retraites - édition 2022 », Panorama de la Drees, mai 2022.
Azouguagh M., Delmas F., « Un peu plus d’un indépendant sur dix gagne moins de la moitié du Smic annuel et vit sous le seuil de pauvreté », Insee Première n° 1884, janvier 2022.
Département de l’emploi et des revenus d’activité, « L’enquête Emploi se rénove en 2021 : des raisons de sa refonte aux impacts sur la mesure de l’emploi et du chômage », Insee Analyses n° 65, juin 2021.