Insee Conjoncture Réunion ·
Juillet 2023 · n° 27Bilan économique 2022 - La Réunion Malgré une forte inflation, l'économie réunionnaise résiste
Comme chaque année, cette publication permet de dresser un bilan de l'activité économique à La Réunion. L’année 2022 s’inscrit dans un contexte marqué par une inflation particulièrement soutenue, conséquence du déclenchement de la guerre en Ukraine fin février, et plus largement d’une évolution des circuits mondiaux de circulation des biens et des services. Cette année est aussi celle d'une sortie progressive de la crise sanitaire, même si des contraintes continuaient encore de peser au premier trimestre.
L'économie réunionnaise montre des signes de résistances dans ce contexte pourtant difficile. En 2022, le produit intérieur brut (PIB) augmente de 2,7 %, soit un rythme proche de celui d’avant-crise sanitaire. Cette croissance fait suite à la forte reprise de 2021, après la chute de l’activité en 2020. En 2022, la croissance est portée à parts égales par la consommation des ménages, celle des administrations publiques et les dépenses touristiques. À l’inverse, l’investissement est en berne, en lien notamment avec le recul de la construction de logements.
Malgré une inflation forte, la plus élevée depuis 30 ans (+3,6 % en moyenne sur l'année), le pouvoir d'achat individuel des Réunionnais résiste en 2022 (+0,7 %). Il est soutenu aussi bien par un emploi dynamique, que par des hausses des salaires et des prestations sociales.
Les créations d'entreprises augmentent fortement en 2022, pour atteindre encore un niveau inégalé.
Ce bilan économique fait partie des 17 bilans économiques régionaux 2022 publiés par l'Insee.
Agriculture - Mauvaises conditions météorologiques et envolée des prix des intrants pénalisent les filières agricoles en 2022 Bilan économique 2022
Nicolas Cambronne (Direction de l'Alimentation de l'Agriculture et de la Forêt)
En 2022, la valeur de la production agricole progresse de 6,2 % à La Réunion et s’élève à 488,2 millions d’euros. Pourtant, en 2022, les résultats des filières végétales, et plus particulièrement ceux de la canne à sucre, pâtissent des conditions météorologiques difficiles. Le cyclone Batsiraï en février puis la sécheresse du deuxième semestre fragilisent ces filières, alors même que les conséquences de la crise sanitaire de la Covid-19 ne sont pas encore passées. De plus, les prix des matières premières s’envolent en raison notamment du conflit en Ukraine, ce qui impacte l’ensemble des intrants agricoles.
Les accords interprofessionnels dans les filières canne – sucre – rhum – énergie et les filières animales, et des évolutions en matière de rémunération de la canne dans la nouvelle convention signée en juillet 2022, permettent de faire face à ces difficultés et expliquent que la valeur ajoutée augmente légèrement en 2022 (+2,2 % par rapport à 2021).
- Mauvaise récolte pour la canne à sucre, en lien notamment avec de mauvaises conditions météorologiques
- Les soutiens financiers permettent malgré tout de contenir les pertes
- Élevage : la valeur de la production augmente malgré une légère baisse des volumes produits
- Maraîchage, arboriculture fruitière : les prix tirent la valeur de la production
Les résultats présentés ici sont issus des comptes de l’agriculture et sont provisoires.
Mauvaise récolte pour la canne à sucre, en lien notamment avec de mauvaises conditions météorologiques
En 2022, la valeur de la production agricole, estimée à 488,2 millions d’euros, progresse de 6,2 % par rapport à 2021 (figure 1). La valeur ajoutée brute augmente légèrement aussi (+2,2 %). Ces hausses sont liées en grande partie à la mise en œuvre d’accords interprofessionnels dans les filières canne – sucre – rhum – énergie et les filières animales, et aux différentes aides conjoncturelles versées dans l’année, au regard des mauvaises conditions climatiques et de l’envolée du prix des intrants agricoles en raison notamment du conflit en Ukraine.
La campagne sucrière 2022 est la pire de ces vingt dernières années à La Réunion. Les planteurs livrent 1,31 million de tonnes de cannes aux deux usines de l’île (figure 2), soit 23 % de moins que la moyenne des dix dernières années, et 15 % de moins qu’en 2021. La richesse moyenne en sucre (13,6 %) est cependant un peu meilleure qu’en 2021 (+0,5 point).
La mauvaise récolte de la canne est liée pour partie aux mauvaises conditions météorologiques. La saison des pluies 2021-2022, de décembre 2021 à avril 2022, est fortement excédentaire en termes de précipitations (+44 % par rapport à la moyenne des trente dernières années) en raison du passage du cyclone Batsiraï à proximité des côtes de l’île. C’est la 5e saison la plus pluvieuse depuis 1972 [Météo-France, 2022 ; pour en savoir plus (1)]. À l’inverse, au 2e semestre 2022, La Réunion traverse une saison sèche particulièrement déficitaire (-32 % sur l’ensemble du territoire), limitant la pousse des cannes.
tableauFigure 1 – Valorisation de la production agricole1
Production agricole | 2018 | 2019 | 2020 | 20212 | 20223 | Évolution 2022/2021 (en %) |
---|---|---|---|---|---|---|
Production agricole y compris services3 | 426,3 | 448,2 | 450,8 | 459,7 | 488,2 | 6,2 |
Production totale de biens | 422,3 | 444,2 | 446,8 | 455,7 | 484,2 | 6,3 |
Productions végétales | 290 | 302,3 | 298,3 | 302,42 | 322,8 | 6,7 |
dont : | ||||||
Canne à sucre | 122,4 | 138,1 | 130,9 | 127,95 | 134,2 | 4,8 |
Légumes frais, racines et tubercules | 84 | 80,6 | 84,2 | 87,24 | 95,9 | 9,9 |
Fruits | 57,8 | 57,6 | 57,4 | 60,95 | 65,4 | 7,2 |
Productions animales | 132,3 | 141,9 | 148,5 | 153,28 | 161,5 | 5,3 |
dont : | ||||||
Bétail | 51,2 | 52,7 | 53,3 | 52,88 | 55,4 | 4,7 |
Volailles | 44 | 51,6 | 55,1 | 58,5 | 64,1 | 9,6 |
Œufs | 20,6 | 19,8 | 23,2 | 24,14 | 24,8 | 2,6 |
Lait | 13,8 | 13,6 | 13,6 | 13,47 | 13,8 | 2,4 |
Consommations intermédiaires | 177,5 | 178,2 | 177,4 | 187,74 | 210,2 | 12 |
Valeur ajoutée brute | 248,8 | 270 | 273,4 | 271,96 | 278,1 | 2,2 |
- 1 : valeur de la production, y compris les aides directes aux productions (exemples : prime bagasse-énergie, aides POSEI à la production, ADMCA, PPR, PAB) ; hors subventions (ICHN, MAE, calamités).
- 2 : chiffres semi-définitifs.
- 3 : chiffres provisoires.
- Source : Daaf Réunion, Agreste.
tableauFigure 2 – Tonnage de canne récoltée et richesse en sucre à La Réunion
Année | Tonnage de cannes (en millions de tonnes) | Richesse saccharimétrique (en %) |
---|---|---|
2010 | 1,95 | 13,6 |
2011 | 1,90 | 13,5 |
2012 | 1,84 | 13,9 |
2013 | 1,72 | 14,1 |
2014 | 1,76 | 13,9 |
2015 | 1,90 | 13,3 |
2016 | 1,78 | 13,6 |
2017 | 1,87 | 13,3 |
2018 | 1,42 | 13,2 |
2019 | 1,72 | 13,1 |
2020 | 1,53 | 13,8 |
2021 | 1,55 | 13,1 |
2022 | 1,31 | 13,6 |
- Source : Daaf Réunion, Agreste.
graphiqueFigure 2 – Tonnage de canne récoltée et richesse en sucre à La Réunion
Les soutiens financiers permettent malgré tout de contenir les pertes
La chute des rendements en canne et la hausse des coûts des intrants agricoles, dont certains ont vu leur prix doubler en une année (les engrais notamment), rendent fragiles les trésoreries de nombreuses exploitations agricoles. Pour faire face à cette situation exceptionnelle, le fonds de secours pour les Outre-mer est mobilisé, et des aides conjoncturelles des collectivités et de l’État sont versées. Dans le cadre de la nouvelle convention canne 2022-2027, une nouvelle aide annuelle à la compensation des surcoûts pour les planteurs (703 €/ha) est instaurée. De plus, une revalorisation de l’État et d’Albioma (entreprise productrice d’énergie renouvelable à partir de biomasse), pouvant aller respectivement jusqu’à 3 €/Tc et 0,82 €/Tc vise à mieux rémunérer la bagasse en fonction du taux de fibre.
La richesse en sucre, les aides conjoncturelles et les avancées de la convention canne conduisent à une hausse de la valeur de la production de canne de 4,8 % par rapport à 2021 malgré la mauvaise récolte. Elle reste malgré tout inférieure de 2,8 % à celle de 2019.
Élevage : la valeur de la production augmente malgré une légère baisse des volumes produits
Seuls les volumes de production des filières volaille (+1 %) et laitière (+0,4 %) progressent en 2022. En revanche, ils baissent dans les filières bovine (-11 %), porcine (-3,5 %), cunicole (-7,2 %) et œufs (-6,9 %). Malgré ces résultats, la valeur des productions animales augmente de 5,3 %. Cette hausse est liée notamment aux accords interprofessionnels dits « de modulation », rendus possibles grâce à la structuration des filières d’élevage réunionnais sous l’égide de l’association interprofessionnelle ARIBEV-ARIV et l’aide de l’État dans le cadre du plan de résilience économique et sociale ; ils permettent de limiter l’impact de la hausse des prix de l’alimentation animale subie par les éleveurs.
Maraîchage, arboriculture fruitière : les prix tirent la valeur de la production
Conséquence de la mauvaise météo de l’année 2022, les prix de vente au marché de gros de Saint-Pierre pour les fruits et légumes sont un peu plus élevés qu’en 2021, qui avait été une année sans aléas climatiques. Comme pour la culture de la canne à sucre, les prix de certains intrants doublent pratiquement en 2022 (engrais notamment), ce qui pèse sur la trésorerie des exploitations.
Le bilan de la campagne d’exportation de fruits frais est proche de celui de 2021, avec 3 300 tonnes de fruits exportés, principalement des ananas et dans une moindre mesure des mangues, letchis et fruits de la passion.
Pour en savoir plus
(1) Météo-France La Réunion, « Ouvrir dans un nouvel ongletLa saison des pluies 2021-2022 à La Réunion », mai 2022.