Insee Flash Réunion · Février 2023 · n° 247

Une population précaire malgré quelques améliorations Les quartiers de la politique de la ville à La Réunion

En 2018, 159 300 personnes vivent dans l’un des 49 quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de La Réunion. Ainsi, 19 % de la population résident dans ces territoires d’intervention régis par un contrat de ville, contre 7 % dans l’Hexagone.

La population de ces quartiers, par définition, est dans une situation socio-économique bien plus précaire que celle de l’ensemble de la population réunionnaise, mais davantage également que la population des QPV de l’Hexagone.

Ainsi, le taux de pauvreté monétaire est nettement supérieur à la moyenne régionale : en 2019, 53 % des personnes résidant dans un QPV vivent sous le seuil national de pauvreté, contre 37 % pour l’ensemble de l’île et 43 % pour les QPV de l’Hexagone. Le taux de pauvreté s’échelonne de 40 % dans le QPV Périphérie du centre-ville à Saint-Paul à 65 % dans le QPV Bel Air Centre-ville Village Desprez à Sainte-Suzanne (figure 1).

La forte pauvreté des habitants résidant dans les QPV est liée en grande partie au fait qu’ils sont souvent sans emploi. C’est le cas de 66 % des habitants âgés de 15 à 64 ans en 2018, contre 54 % à La Réunion (figure 2). Cet écart s’explique en partie par la plus forte part de non-diplômés (54 % contre 43 % à La Réunion), qui rencontrent plus de difficultés à trouver un travail. La part de jeunes de 16 à 24 ans ni en emploi, ni en études y est donc bien plus élevée qu’ailleurs (40 % contre 31 %).

Une typologie de quartiers récente, basée sur des critères de revenus, de niveau d’emploi et de monoparentalité, identifie des quartiers dits « en grande difficulté » [Robin, 2022 ; pour en savoir plus (3)]. Comme dans les QPV, la population y est urbaine et précaire, mais ne bénéficie pas toujours d’un contrat de ville : 63 % de leur population est concernée. Comparer la situation des QPV régis par des contrats de ville à celle de ces quartiers en grande difficulté paraît donc intéressant. Dans les QPV, la situation est plus dégradée encore que dans les quartiers en grande difficulté : le taux de pauvreté monétaire y est plus élevé (+ 5 points), de même que la part de personnes de 15 à 64 ans sans emploi (+ 4 points).

Comme pour l’ensemble de l’île, les habitantes et habitants des QPV connaissent une amélioration significative de leur niveau de vie. Entre 2015 et 2019, leur niveau de vie médian progresse ainsi de 2,8 % par an en moyenne. Cette amélioration est un peu plus marquée que pour l’ensemble des quartiers réunionnais en grande difficulté (+ 2,4 %).

L’amélioration est aussi plus rapide que dans l’Hexagone (+ 1,8 %), mais le niveau de vie médian des Réunionnais résidant dans un QPV reste cependant inférieur de 10 % à celui des habitants des QPV hexagonaux.

Le niveau de vie augmente le plus fortement (de plus de 3,6 % par an) dans 8 QPV, notamment au sud et à l’ouest : Bois de Nèfles Cocos à Saint-Louis, 4^e Couronne au Port, Bois d’Olives et Ravine des Cabris à Saint-Pierre et Périphérie du centre-ville à Saint-Paul (figure 3). Au nord et à l’est aussi, Sainte-Anne à Saint-Benoît, Bagatelle Sainte-Suzanne ou Domenjod à Saint-Denis connaissent une amélioration similaire.

Ces progrès sensibles résultent de phénomènes multiples : 4 de ces QPV font partie de communes aux niveaux de vie les plus dynamiques de La Réunion (Saint-Louis, Saint-Pierre, Sainte-Suzanne). Dans les autres QPV, la hausse du niveau de vie est bien plus forte que dans les communes auxquels ils appartiennent. Le renouvellement de la population peut aussi avoir un impact sur l’évolution du niveau de vie dans les QPV (encadré). À Bois de Nèfles Cocos et Bois d’Olives, la population augmente, avec l’arrivée de personnes plus aisées, tandis qu’à Ravine des Cabris, Bagatelle et Périphérie du centre-ville de Saint-Paul, la population diminue, avec le départ de personnes plus pauvres. En 2019, dans ces 8 QPV, le taux de pauvreté est inférieur à la moyenne de l’ensemble des QPV de La Réunion.

En revanche, à Vauban et aux Camélias (Saint-Denis), à Plateau Caillou centre (Saint-Paul), à Cambuston centre (Saint-André) et à Gaspard - La Réserve (Sainte-Marie), le niveau de vie de la population augmente plus faiblement (moins de 1,6 % par an). Ces QPV ne font pas partie des communes où la progression du niveau de vie est la plus dynamique. Dans ces QPV, hors Gaspard - La Réserve, le nombre d’habitants baisse fortement. Ainsi, les populations qui ont quitté ces QPV semblent être plus aisées que celles qui y sont restées. Malgré un niveau de vie qui progresse moins vite qu’ailleurs, ces QPV ne font pas partie des QPV les plus pauvres en 2019.

À l’image de l’ensemble de la région et des QPV de l’Hexagone, les inégalités de niveau de vie diminuent dans les QPV de La Réunion. Le niveau de vie des populations les plus modestes augmente plus rapidement que celui des plus riches. De par leur construction, les QPV rassemblent une part importante de la population aux faibles revenus. Ainsi, les inégalités y sont moindres : en 2019, les 10 % les plus riches y disposent d’un niveau de vie au moins 2,9 fois plus élevé que celui des 10 % les plus modestes ; ce ratio s’élève à 4,3 pour l’ensemble de La Réunion.

Malgré la crise sanitaire de 2020, le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) diminue entre fin 2019 et fin 2021, plus rapidement dans les QPV que sur le reste de l’île. Quant aux bénéficiaires de la prime d’activité, leur nombre augmente à un rythme régulier et élevé depuis fin 2016 (+ 6,7 % par an). L’éligibilité à la prime d’activité élargie début 2019 à de nombreux jeunes en emploi de 18 à 24 ans, souvent célibataires sans enfant, conduit à une hausse du nombre d’allocataires de moins de 25 ans et du nombre d’allocataires isolés.

De plus, 1 700 établissements supplémentaires se sont installés dans les QPV entre début 2015 et début 2021. Les créations de micro-entreprises augmentent particulièrement depuis le début de la crise, probablement portées comme ailleurs par le développement de la livraison à domicile et de la vente à distance.

En parallèle, le nombre de demandeurs d’emploi résidant dans les QPV diminue de 1,3 % par an en moyenne entre début 2020 et début 2022. Cette baisse est moins marquée que pour l’ensemble de La Réunion (- 2,5 % par an), mais elle fait suite à une période où le nombre de demandeurs d’emploi avait baissé dans les QPV alors qu’il augmentait ailleurs.