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Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Juin 2022 · n° 148
Insee Analyses Auvergne-Rhône-AlpesVivre juste au-dessus du seuil de pauvreté monétaire : des situations majoritairement transitoires

Aline Labosse, Christelle Thouilleux (Insee)

En 2018, 7,1 % de la population d’Auvergne-Rhône-Alpes, soit 542 000 personnes, ont un niveau de vie mensuel proche du seuil de pauvreté monétaire (entre 1 087 euros et 1 268 euros). Cette population, qui forme le halo de la pauvreté monétaire, rassemble des ménages plus âgés et moins de familles nombreuses et monoparentales que les ménages pauvres. Dans le halo, les retraités se concentrent dans le rural autonome quand les familles avec enfants sont davantage dans l’urbain dense. Être dans le halo de la pauvreté monétaire est une situation transitoire pour une majorité des personnes, à l’exception des retraités. Les sorties de la pauvreté et du halo vers des niveaux de vie plus élevés concernent plus souvent les familles avec enfants, dont les revenus d’activités ont davantage tendance à augmenter. Enfin, le risque de basculement dans le halo ou dans la pauvreté est plus fort lors du passage à la retraite.

Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes
No 148
Paru le :Paru le22/06/2022
Infographie
Publication rédigée par :Aline Labosse, Christelle Thouilleux (Insee)

En 2018, 971 500 personnes, soit 12,7 % de la population d’Auvergne-Rhône-Alpes, vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire fixé à 1 087 euros par mois pour une personne seule (soit 60 % du médian national). Le halo de la pauvreté monétaire rassemble quant à lui l’ensemble des personnes ayant un niveau de vie compris entre 60 et 70 % du niveau de vie médian national, c’est-à-dire entre 1 087 et 1 268 euros par mois. Ces ménages ont un niveau de vie proche du seuil de pauvreté, sans être considérés comme pauvres. Les personnes en situation de pauvreté monétaire ou à sa frontière peuvent également faire face à d’autres difficultés, telles que des privations alimentaires et matérielles, le mal-logement ou encore l’exclusion sociale. Basée sur un critère de revenu (Pour comprendre), cette étude se concentre sur la pauvreté monétaire et ne prend pas en compte les autres dimensions de la pauvreté en conditions de vie.

Ces ménages dans le halo de la pauvreté ne sont pas spécifiquement intégrés dans les politiques publiques. Leurs fragilités peuvent les conduire à subir davantage les effets de crise. Les dispositifs ou aides existant pour les personnes pauvres sont moindres pour les personnes qui sont juste au-dessus du seuil de pauvreté. En caractérisant les personnes aux frontières des situations de pauvreté monétaire et en identifiant l’évolution de leur niveau de vie, cette étude permet d’aider les acteurs publics dans l’amélioration des dispositifs de suivi et d’accompagnement de ces personnes, afin qu’elles sortent durablement de la précarité ou ne basculent pas dans la pauvreté. En 2018, en Auvergne-Rhône-Alpes, 7,1 % de la population est dans le halo de la pauvreté, soit 542 000 personnes, qui ne sont pas réparties de façon homogène sur le territoire (encadré). Moindre qu’en France métropolitaine (7,7 %), ce taux est le deuxième plus faible. La région a en effet le niveau de vie médian le plus élevé derrière l’Île-de-France et c’est aussi la moins pauvre derrière les Pays de la Loire et la Bretagne.

Le halo de la pauvreté : un profil différent de celui de la pauvreté

En Auvergne-Rhône-Alpes, le profil des ménages au sein du halo diffère de celui des ménages pauvres. Les retraités sont plus représentés dans le halo de la pauvreté, en particulier les femmes seules et les couples sans enfant dont le référent est âgé de 60 ans ou plus. Les locataires du parc social, les familles nombreuses et les familles monoparentales sont au contraire moins présents dans le halo que parmi les ménages pauvres. Toutefois, ils sont proportionnellement bien plus souvent présents dans le halo qu’en moyenne dans la région.

Les ménages du halo vivent majoritairement de leurs revenus d’activités (56 % contre 47 % pour les ménages vivant sous le seuil de pauvreté) (figure 1), cette proportion augmentant en effet avec le niveau de vie. Néanmoins, en cas de difficultés personnelles (séparation) ou professionnelles (chômage partiel, non-renouvellement de contrat), les ménages du halo sont potentiellement plus fragiles que ceux en situation de pauvreté, pour lesquels les prestations sociales peuvent assurer un filet de sécurité. Ces dernières représentent, pour les ménages du halo, une part deux fois moins importante dans leurs revenus que pour les ménages pauvres (19 % contre 34 %). Enfin, de par la forte présence de personnes âgées dans le halo, la part des pensions et retraites est plus importante que pour les ménages pauvres (30 % contre 22 %).

Figure 1Composition du revenu disponible selon les catégories de niveau de vie en 2018, en Auvergne-Rhône-Alpes

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Composition du revenu disponible selon les catégories de niveau de vie en 2018, en Auvergne-Rhône-Alpes (en %) - Lecture : en 2018, 38 % du revenu disponible des ménages pauvres proviennent de revenus d’activités, 9 % des indemnités chômage, 22 % des pensions et retraites, 34 % des prestations sociales et 4 % des revenus du patrimoine. À cela, sont retranchés les impôts et cotisations sociales qui représentent 7 % de ce revenu.
Catégories de niveau de vie Impôts et cotisations sociales Revenus d’activités hors chômage Chômage Pensions et retraites Prestations sociales Revenus du patrimoine
Ensemble -17,8 72,0 2,9 27,3 4,8 10,8
Modeste hors halo -10,4 61,0 4,6 31,5 8,5 4,8
Halo -8,1 49,3 6,5 29,8 18,5 4,0
Pauvre -7,0 38,2 8,8 22,1 34,2 3,7
  • Lecture : en 2018, 38 % du revenu disponible des ménages pauvres proviennent de revenus d’activités, 9 % des indemnités chômage, 22 % des pensions et retraites, 34 % des prestations sociales et 4 % des revenus du patrimoine. À cela, sont retranchés les impôts et cotisations sociales qui représentent 7 % de ce revenu.
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018.

Figure 1Composition du revenu disponible selon les catégories de niveau de vie en 2018, en Auvergne-Rhône-Alpes

  • Lecture : en 2018, 38 % du revenu disponible des ménages pauvres proviennent de revenus d’activités, 9 % des indemnités chômage, 22 % des pensions et retraites, 34 % des prestations sociales et 4 % des revenus du patrimoine. À cela, sont retranchés les impôts et cotisations sociales qui représentent 7 % de ce revenu.
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018

Des retraités dans le rural autonome et des familles dans l’urbain dense

Le profil des ménages du halo varie selon les territoires de la région et leur densité. Ainsi, dans le rural autonome, les retraités dans le halo sont plus nombreux. En effet, 49 % des ménages du halo dans ce type de territoire ont un référent âgé de 60 ans ou plus (contre 39 % pour l’ensemble des ménages du halo tous territoires confondus). Les ménages du halo résidant dans le rural autonome vivent donc plus souvent des pensions et retraites (38 % du contre 30 %).

Dans l’urbain dense, au contraire, les familles avec enfants sont légèrement plus présentes et plus particulièrement les familles nombreuses et les familles monoparentales. Les ménages du halo résidant dans l’urbain dense vivent ainsi plus souvent des revenus d’activités et des prestations sociales que l’ensemble des ménages du halo (59 % contre 56 %). L’urbain dense concentre aussi les locataires du parc social (45 % contre 31 %).

À l’image de celui de la pauvreté, le profil des personnes dans le halo de la pauvreté monétaire évolue peu. Ainsi, en considérant les personnes au sein du halo de la pauvreté en 2015, l’observation de leurs caractéristiques sur longue période (trois années avant et après, entre 2012 et 2018) peut aider à comprendre leur entrée, leur sortie ou leur stagnation dans le halo. (Pour comprendre)

Être dans le halo de la pauvreté, une situation souvent transitoire

La majorité des personnes vivant dans le halo de la pauvreté monétaire en 2015 ne s’y trouvent plus trois ans plus tard. Ainsi, seulement 30 % des personnes vivant dans le halo en 2015 le sont encore en 2018 (figure 2). La plupart (44 %) sont sorties du halo de la pauvreté par « le haut », le plus souvent en atteignant un niveau de vie « modeste » (entre 1 268 euros et 1 630 euros par mois pour une personne seule), mais 26 % d’entre elles ont au contraire basculé dans la pauvreté. Rétrospectivement, la majorité des personnes dans le halo en 2015 n’étaient pas dans cette situation trois ans auparavant. Seules 29 % avaient un niveau de vie juste au-dessus du seuil de pauvreté.

Figure 2Répartition des catégories de niveaux de vie en 2018 pour les personnes étant dans le halo en 2015

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Répartition des catégories de niveaux de vie en 2018 pour les personnes étant dans le halo en 2015 (en %) - Lecture : en Auvergne-Rhône-Alpes, parmi les personnes vivant dans le halo de la pauvreté en 2015, 30 % d’entre elles sont restées en 2018 dans le halo (niveau de vie compris entre 60 et 70 % du niveau de vie médian.
Part Pauvre [=<40 %*] Pauvre [40-50 %*] Pauvre [50-60 %*] Halo de pauvreté [60-70 %*] Modeste [70-90 %*] Médian [90-120 %*] Plutôt aisé [120-180 %*] Aisé [>180 %*]
Part 3 5 18 30 27 14 4 0
  • * exprimé en % du niveau de vie médian de France métropolitaine.
  • Lecture : en Auvergne-Rhône-Alpes, parmi les personnes vivant dans le halo de la pauvreté en 2015, 30 % d’entre elles sont restées en 2018 dans le halo (niveau de vie compris entre 60 et 70 % du niveau de vie médian.
  • Source : Insee, Échantillon démographique permanent 2013-2019.

Figure 2 Répartition des catégories de niveaux de vie en 2018 pour les personnes étant dans le halo en 2015

  • * exprimé en % du niveau de vie médian de France métropolitaine.
  • Lecture : en Auvergne-Rhône-Alpes, parmi les personnes vivant dans le halo de la pauvreté en 2015, 30 % d’entre elles sont restées en 2018 dans le halo (niveau de vie compris entre 60 et 70 % du niveau de vie médian.
  • Source : Insee, Échantillon démographique permanent 2013-2019.

Parmi l’ensemble des personnes présentes dans le halo de la pauvreté monétaire en 2015, on distingue dix situations différentes (figure 3), basées sur l’observation année après année entre 2012 et 2018 de l’appartenance à l’une des trois catégories de niveaux de vie (« pauvre », « halo » et « autres catégories de niveau de vie »).

L’analyse des évolutions des niveaux de vie et de leur composition entre 2012 et 2018 permet de mieux comprendre les parcours de ces personnes. L’une des composantes du niveau de vie est le revenu disponible, soit les ressources du ménage pour consommer et épargner. Sa structure varie fortement selon les parcours observés et explique une grande partie des évolutions. En particulier, le poids des revenus d’activités est discriminant. Ainsi, il atteint 47 % pour les personnes qui restent durablement dans le halo de la pauvreté monétaire et il grimpe à 76 % pour les personnes n’ayant connu que l’année 2015 dans le halo et ayant le reste du temps un niveau de vie plus élevé (situation hors pauvreté). L’autre composante du niveau de vie est la prise en compte de la composition du ménage et des économies d’échelle qui peuvent en résulter. Mise en couple, naissance, avancée en âge des enfants, séparation sont autant d’évènements personnels qui peuvent modifier le niveau de vie des personnes (directement, par la variation du nombre de personnes qui composent le ménage, ou indirectement, en conduisant à un aménagement de l’activité).

Figure 3Répartition des personnes dans le halo en 2015 selon leur parcours de niveaux de vie entre 2012 et 2018

en %
Répartition des personnes dans le halo en 2015 selon leur parcours de niveaux de vie entre 2012 et 2018 (en %)
Type de parcours Nom du parcours Répartition
Parcours stable Halo durable 25,5
Parcours avec une seule année dans le halo (2015) Situation hors pauvreté 28,5
Pauvreté durable 9,9
Hausses de niveau de vie[12,7 %] Halo → autres* 5,5
Pauvreté → autres* 4,9
Pauvreté → halo 2,3
Chutes de niveau de vie[15,6 %] Autres* → halo 6,6
Autres* → pauvreté 4,9
Halo → pauvreté 4,1
Parcours atypiques 7,8
Ensemble des parcours 100,0
  • * la catégorie « autres » regroupe l’ensemble des niveaux de vie supérieurs au halo de la pauvreté monétaire (>=70 % du niveau de vie médian national)
  • Source : Insee, Échantillon démographique permanent 2013-2019.

Un quart des personnes restent dans le halo de la pauvreté

Un quart des personnes présentes dans le halo en 2015, l’étaient déjà en 2012 et le sont encore en 2018. Ces personnes dont le niveau de vie évolue en moyenne très peu, ne basculent pas dans la pauvreté mais ne se sortent pas non plus du halo de la pauvreté et suivent un parcours stable avec une présence durable dans le halo.

Les retraités sont les plus nombreux à être concernés par cette situation (ils sont 42 % dans le halo durable contre 23 % pour l’ensemble des parcours). La durabilité dans le halo des retraités peut s’expliquer par la stabilité de leurs pensions dans le temps. Bien que sous-représentées, 45 % des personnes du halo durable sont aussi membres de familles ayant de faibles revenus d’activités qui n’évoluent pas ou peu. Parallèlement, trois quarts des personnes présentes dans le halo en 2015 ne restent donc pas durablement dans le halo. Ainsi, parmi l’ensemble des parcours, trois personnes sur dix formant la catégorie « situation hors pauvreté », ont un niveau de vie supérieur à celui du halo en dehors de l’année 2015. En 2012, elles disposaient d’un niveau de vie en moyenne « modeste » (1 572 euros/mois pour une personne seule), chutent dans le halo en 2015 et sortent par le haut pour atteindre en moyenne en 2018 un niveau de vie tout juste « médian » (soit 1 656 euros/mois). La part importante des revenus d’activité dans le revenu disponible leur permet de ne pas rester dans le halo et de ne pas basculer dans la pauvreté.

À l’inverse, une personne sur dix reste dans la pauvreté à l’exception de l’année 2015. En 2012, elles étaient pauvres (906 euros/mois), passent dans le halo en 2015 et retournent en 2018 dans la pauvreté (soit 981 euros/ mois). Cette population durablement pauvre est souvent déjà identifiée par les politiques publiques et bénéficie de prestations sociales pesant plus fortement dans leurs revenus.

Les hausses de niveaux de vie concernent plus souvent les familles

Sortir de la pauvreté ou du halo, gagner un peu plus d’aisance financière, concerne le plus souvent des personnes vivant dans des familles avec enfants. Quelle que soit l’ampleur de la hausse de niveau de vie, les familles sont surreprésentées : elles rassemblent de 63 % à 73 % des personnes, contre 60 % sur l’ensemble des parcours (figure 4).

Figure 4Répartition des personnes par âge, type de ménage et parcours en 2015

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Répartition des personnes par âge, type de ménage et parcours en 2015 (en %) - Lecture : parmi les personnes suivant un parcours de type « halo durable », 45 % d’entre elles font partie d’une famille monoparentale ou d’un ménage composé de couples avec enfant.
Parcours Personnes appartenant à un couple avec enfant ou une famille monoparentale Personnes de 60 ans ou plus vivant seule ou en couple sans enfant Autres types de personnes
Ensemble 60 23 17
Halo durable 45 42 13
Situation hors pauvreté 69 11 20
Pauvreté durable 61 20 19
Pauvreté → halo 63 19 18
Halo → autres* 73 13 14
Pauvreté → autres* 70 9 22
Halo → pauvreté 50 35 15
Autres* → halo 49 38 12
Autres* → pauvreté 65 16 19
Parcours atypiques 71 10 20
  • * la catégorie « autres » regroupe l’ensemble des niveaux de vie supérieurs au halo de la pauvreté monétaire (>=70 % du niveau de vie médian national)
  • Lecture : parmi les personnes suivant un parcours de type « halo durable », 45 % d’entre elles font partie d’une famille monoparentale ou d’un ménage composé de couples avec enfant.
  • Source : Insee, Échantillon démographique permanent 2013-2019.

Figure 4Répartition des personnes par âge, type de ménage et parcours en 2015

  • * la catégorie « autres » regroupe l’ensemble des niveaux de vie supérieurs au halo de la pauvreté monétaire (>=70 % du niveau de vie médian national)
  • Lecture : parmi les personnes suivant un parcours de type « halo durable », 45 % d’entre elles font partie d’une famille monoparentale ou d’un ménage composé de couples avec enfant.
  • Source : Insee, Échantillon démographique permanent 2013-2019.

Le plus souvent, les familles présentes dans le halo en 2015 en sortent pour atteindre, en moyenne, un niveau de vie « médian » (1 631 euros/mois pour une personne seule). Leur niveau de vie mensuel a augmenté de 505 euros entre 2012 et 2018 du fait d’une hausse de leur activité et/ou du départ d’un enfant sans revenu du domicile parental. Ce départ fait mécaniquement augmenter le niveau de vie par la baisse du nombre de personnes du ménage, sans changement dans les ressources.

De nombreuses autres familles passent transitoirement dans le halo. Elles sortent de la pauvreté pour atteindre aussi, en moyenne, un niveau de vie « médian » (1 659 euros/mois) et gagnent ainsi 820 euros de niveau de vie. Cette hausse s’explique principalement par celle de l’activité professionnelle couplée à une sortie du chômage. Le poids des revenus d’activités dans leur revenu disponible passe alors de 58 % en 2012 à 74 % en 2018.

Certaines familles ont une évolution moins favorable. Si elles sortent de la pauvreté (840 euros/mois en 2012), elles atteignent le halo en 2015 mais y restent par la suite. Leur niveau de vie augmente en moyenne de 343 euros. Ces familles semblent sortir du chômage et/ou reprendre une activité et restent soutenues par les minima sociaux et les prestations familiales. La hausse de leurs revenus peut ainsi être liée à l’arrivée d’un enfant et aux prestations sociales supplémentaires auxquelles elle donne droit. Toutefois, la hausse conjointe de la taille de la famille peut mathématiquement freiner l’augmentation du niveau de vie et faire perdurer le ménage dans le halo.

Risque de bascule dans le halo ou la pauvreté lors de la retraite

Au contraire, basculer dans la pauvreté ou dans le halo depuis un niveau de vie plus élevé concerne le plus souvent des retraités. Ainsi, entre 2012 et 2018, 35 % des personnes devenues pauvres alors qu’elles se situaient juste au-dessus du seuil auparavant sont des personnes seules ou en couple sans enfant, de 60 ans ou plus (contre 23 % parmi l’ensemble des parcours). La stagnation de leurs faibles retraites les caractérise. Elles perdent ainsi 99 euros de niveau de vie entre 2012 et 2018 et atteignent en 2018 un niveau de vie de 1 005 euros, soit 56 % du niveau de vie médian.

Les personnes seules et les couples sans enfant, âgés de 60 ans ou plus, constituent aussi 38 % des personnes passant d’un niveau de vie modeste vers le halo entre 2012 et 2018. Le passage à la retraite peut être un élément déterminant. D’un niveau de vie modeste en 2012 (1 421 euros/mois pour une personne seule), ces ménages perdent en moyenne 238 euros de niveau de vie entre 2012 et 2018.

Peu de retraités sont cependant concernés par des chutes de niveaux de vie de grande ampleur (passage d’un niveau de vie en moyenne modeste à la pauvreté) car leurs pensions sont relativement stables dans le temps, au contraire des familles qui sont plus souvent concernées par une forte dégradation. Ainsi, 65 % des personnes passant d’une situation le plus souvent modeste en 2012 à la pauvreté en 2018 sont des couples avec enfants ou des familles monoparentales (contre 60 % sur l’ensemble des parcours). Leur situation s’explique par la baisse des revenus liés à l’activité professionnelle, couplée à une entrée dans le chômage. Ainsi, elles voient la part de leurs revenus d’activité diminuer de moitié entre 2012 et 2018 et leur niveau de vie passer de 1 497 euros à 903 euros par mois. Enfin, les personnes dont le niveau de vie évolue de manière aléatoire entre 2012 et 2018 (parcours atypiques) restent en moyenne dans le halo de la pauvreté durant la période. La majorité des personnes (sept sur dix) appartient à une famille où de nombreux évènements professionnels et personnels se conjuguent, affectant à la hausse comme à la baisse leur niveau de vie.

Encadré 1 – La pauvreté et son halo, reflets des disparités territoriales

Les personnes dans le halo de la pauvreté sont davantage présentes dans les territoires qui concentrent déjà une part importante de la population pauvre. De ce fait, en additionnant halo et pauvreté, les inégalités territoriales s’amplifient.

Les personnes dans le halo de la pauvreté sont ainsi davantage représentées dans les départements à l’ouest de la région, en particulier dans le Cantal (9,2 %) et l’Allier (8,9 %), contre 4,7 % en Haute-Savoie. Par ailleurs, de nombreux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), éloignés des agglomérations et situés principalement à l’ouest et au sud de la région, présentent de fortes proportions de population vivant dans le halo et sous le seuil de pauvreté (figure 5). Les quatre métropoles de la région sont également dans ce cas avec au total 7,6 % de leur population vivant dans le halo (et même 9,1 % à Saint-Étienne Métropole).

Dès lors, les territoires de type et sont caractérisés par un halo de la pauvreté monétaire plus important qu’en moyenne régionale : 8,1 % de personnes dans le rural autonome et 7,8 % dans l’urbain dense, contre 7,1 % en moyenne.

Figure 5Part de la population dans le halo par EPCI en 2018

  • Note : les données sont disponibles dans le fichier DONNEES.
  • Lecture : 7,5 % de la population, la Métropole de Lyon vit dans le halo de la pauvreté où le taux de pauvreté est supérieur à la moyenne régionale s’établissant à 12,7 %.
  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal (Filosofi) 2018.

Encadré 2 – Le mot du partenaire

Le Conseil économique, social et environnemental Auvergne-Rhône-Alpes (CESER) rassemble les acteurs de la société civile de la région. Par leurs analyses et propositions, ses 190 membres contribuent à l’amélioration des conditions de vie de ses habitants, en veillant en particulier aux enjeux de solidarité et d’équilibre des territoires.

La crise sanitaire débutée en 2020 a eu de multiples répercussions : elle a en particulier mis en évidence des situations de fragilités de certains de nos concitoyens, qui ont pu basculer à cette occasion dans la pauvreté, de manière durable ou temporaire.

Ce contexte inédit a également pointé des carences de l’action publique en direction des populations les plus en difficulté (outils d’observation, coordination des acteurs…) et le rôle essentiel des associations pour maintenir le lien social.

C’est sur la base de ce double constat que le CESER s’est autosaisi d’une réflexion visant à préciser le spectre des fragilités, vulnérabilités et pauvretés nées ou exacerbées par la crise sanitaire. Il propose des pistes d’action pour une mobilisation renouvelée des acteurs régionaux face à l’urgence économique et sociale.

Dans cet objectif, l’étude de l’Insee apporte de nombreux éléments de compréhension sur les situations à la frontière de la pauvreté et les facteurs déterminant son entrée ou sa sortie. Elle constitue une précieuse source d’informations pour l’ensemble des acteurs publics, privés et associatifs œuvrant dans le champ de l’action sociale et de la lutte contre la pauvreté.

Antoine Quadrini, Président du CESER Auvergne-Rhône-Alpes

Publication rédigée par :Aline Labosse, Christelle Thouilleux (Insee)

Pour comprendre

Le fichier localisé social et fiscal (FiLoSoFi) rapproche les données fiscales de la DGFiP (déclaration de revenus des personnes physiques, taxe d’habitation et fichier d’imposition des personnes physiques) et les données sur les prestations sociales (CNAF, CNAV, MSA). L’échantillon démographique permanent (EDP) est un panel d’individus qui compile en particulier des données sur le niveau de vie sur longue période. Sont dans le champ de l’étude les personnes dans le halo de la pauvreté monétaire en 2016 (revenus 2015), et présentes chaque année entre 2013 et 2019 (revenus de 2012 à 2018). De par leur situation fiscale en transition (rattachement fréquent à la déclaration parentale sans vivre dans le domicile familial), les parcours de niveau de vie des jeunes ne sont pas analysés spécifiquement dans cette étude.

L’étude de l’entrée ou la sortie dans le halo de la pauvreté monétaire s’appuie sur l’identification de différents types de parcours. Chaque année, les individus sont classés selon leur niveau de vie (« pauvre », « halo », « autres catégories de niveau de vie »). Neuf types de parcours caractéristiques ont été identifiés : le halo durable, la pauvreté durable, la situation hors pauvreté, les chutes (de halo vers pauvreté, de autre vers halo et de autre vers pauvreté), les ascensions (de pauvreté vers halo, de halo vers autre et de pauvreté vers autre). Un dernier parcours qualifié d’atypique rassemble les personnes dont l’évolution des niveaux de vie est aléatoire sur la période.

Les niveaux de vie sont en euros constants 2018 afin de les corriger de la variation des prix.

Publication rédigée par :Aline Labosse, Christelle Thouilleux (Insee)

Définitions

Le revenu disponible comprend les revenus d’activité nets des cotisations sociales, les indemnités de chômage, les retraites et pensions, les revenus du patrimoine (fonciers et financiers) et les autres prestations sociales perçues, nets des impôts directs (impôt sur le revenu, taxe d’habitation, CSG, CRDS et prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine).

Le niveau de vie d’un ménage correspond au revenu disponible rapporté au nombre d’unités de consommation (UC) du ménage. On compte 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, et 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans. Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un ménage.

Rural autonome et urbain dense sont des catégories du territoire basées sur la grille communale de densité et la proximité à une aire d’attraction des villes.

Pour en savoir plus