L’artisanat marque le pas dans les Hauts-de-France
L’artisanat des Hauts-de-France a perdu 7 000 emplois depuis 2008, au rythme de – 0,5 % par an dans un contexte économique régional défavorable. Dans le même temps, l’emploi artisanal augmentait en moyenne de 0,1 % par an en province. Cette situation est principalement le fait de l’emploi salarié artisanal, qui a davantage diminué dans les Hauts-de-France qu’en moyenne de province. À l’inverse, le nombre d’artisans indépendants a nettement progressé, porté par la création du régime des auto-entrepreneurs. Le nombre total d’artisans (salariés ou indépendants) dans les services et l’alimentation a augmenté de 2008 à 2015, mais d’une façon moins prononcée dans les Hauts-de-France qu’en province. En revanche, il a décliné dans la fabrication et le bâtiment, à un rythme plus marqué. L’emploi artisanal s’est accru dans les zones d’emploi situées au nord-ouest et sud de la région tandis qu’il a reculé à l’est.
- L’emploi artisanal recule dans les Hauts-de-France
- Moins de salariés et plus d’indépendants
- Plus d’artisans dans l’alimentation et les services…
- … et moins dans la fabrication et le bâtiment
- Les poids de l’alimentation et du bâtiment atténuent la baisse de l’emploi
- Des évolutions contrastées au niveau local
- Partenariat
L’emploi artisanal recule dans les Hauts-de-France
En 2015, 182 000 personnes exercent une activité principalement artisanale dans les Hauts-de-France, soit 7 000 de moins qu’en 2008, dans un contexte de récession généralisée. L’emploi dans l’artisanat a ainsi reculé de 0,5 % par an alors qu’il a progressé en moyenne de 0,1 % par an en province. Seule la région Grand Est a une baisse plus marquée (– 0,8 % par an). À l’inverse, la Corse (+ 1,5 % par an) et l’Île-de-France (+ 1,0 % par an) sont les régions où l’emploi dans l’artisanat a le plus rapidement progressé (figure 1).
tableauFigure 1 – La deuxième plus forte diminution d’artisansÉvolution annuelle moyenne du nombre d’emplois dans les activités artisanales par région entre 2008 et 2015
Région | Évolution annuelle moyenne |
---|---|
Île-de-France | 0,95 |
Centre-Val-de-Loire | -0,19 |
Bourgogne-Franche-Comté | -0,44 |
Normandie | 0,11 |
Hauts-de-France | -0,54 |
Grand Est | -0,81 |
Pays de la Loire | -0,09 |
Bretagne | 0,34 |
Nouvelle-Aquitaine | 0,32 |
Occitanie | 0,50 |
Auvergne-Rhône-Alpes | 0,54 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur | 0,71 |
Corse | 1,54 |
- Source : Insee, DADS 2008 et 2015, base des non salariés 2008 et 2015.
graphiqueFigure 1 – La deuxième plus forte diminution d’artisansÉvolution annuelle moyenne du nombre d’emplois dans les activités artisanales par région entre 2008 et 2015
Dans les Hauts-de-France, le poids de l’artisanat dans l’emploi est moindre qu’en province. En 2008, les artisans, indépendants ou salariés, représentaient 12,2 % de l’emploi du secteur privé dans la région, soit 2,9 points de moins qu’en province (15,1 %). Cette part s’est réduite de 0,5 point en 2015 comme en province, alors qu’au cours de cette même période, le secteur privé a conservé un niveau comparable d’emploi. Il a également été plus dynamique en province (+ 0,5 % par an contre + 0,1 % par an).
La sous-représentation de l’artisanat dans la région peut être aussi illustrée à travers la densité d’emplois dans la population. Dans les Hauts-de-France, l’artisanat emploie en moyenne 303 personnes pour 10 000 habitants, un ratio sensiblement inférieur à celui observé en province (416 pour 10 000 habitants). Entre 2008 et 2015, l’écart s’est même accentué de 5 points.
Moins de salariés et plus d’indépendants
Dans les Hauts-de-France, l’artisanat se caractérise par une forte représentation de l’emploi salarié. En 2008, il représentait 77,3 % du total des artisans, soit la proportion la plus élevée après la région Grand Est (80,9 %) et 3,6 points au-dessus de la moyenne de province (73,6 %). Entre 2008 et 2015, le nombre d’artisans indépendants a augmenté, + 3,0 % par an comme en province. Cette augmentation est légèrement supérieure à celle observée dans l’ensemble du secteur privé (+ 2,7 % par an dans la région). Le succès de l’auto-entreprenariat dans la région (+ 34,9 % par an), régime créé en 2008, explique l’essor du nombre d’artisans indépendants. A contrario, la région a connu une réduction du nombre d’emplois salariés dans l’artisanat plus marquée qu’en province : 1,7 % par an contre 1,1 % (figure 2). Avec la crise, les régions comme les Hauts-de-France, où l’emploi artisanal salarié était surreprésenté, ont ainsi été pénalisées (méthodologie). Dans les régions où l’emploi salarié était moins développé en 2008, comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur (67,6 %) et Occitanie (68,7 %), l’artisanat a, à l’inverse, globalement gagné des emplois entre 2008 et 2015.
tableauFigure 2 – Un recul de l’emploi salarié artisanal plus marqué qu’en provinceÉvolution en base 100 du nombre d’emplois dans les activités artisanales entre 2008 et 2015
Total – Province | Salarié – Province | Indépendant – Province | Total – Hauts-de-France | Salarié – Hauts-de-France | Indépendant – Hauts-de-France | |
---|---|---|---|---|---|---|
2008 | 100,00 | 100,00 | 100,00 | 100,00 | 100,00 | 100,00 |
2009 | 99,19 | 98,16 | 102,08 | 98,61 | 98,01 | 100,65 |
2010 | 100,38 | 97,69 | 107,95 | 99,27 | 96,58 | 108,41 |
2011 | 101,46 | 97,81 | 111,69 | 100,32 | 96,61 | 112,93 |
2012 | 100,18 | 94,20 | 116,95 | 97,69 | 91,52 | 118,69 |
2013 | 102,06 | 95,41 | 120,71 | 99,16 | 92,46 | 121,99 |
2014 | 100,01 | 92,94 | 119,84 | 96,08 | 88,69 | 121,26 |
2015 | 100,87 | 92,76 | 123,64 | 96,30 | 88,42 | 123,11 |
- Source : Insee, DADS 2008 et 2015, base des non salariés 2008 et 2015.
graphiqueFigure 2 – Un recul de l’emploi salarié artisanal plus marqué qu’en provinceÉvolution en base 100 du nombre d’emplois dans les activités artisanales entre 2008 et 2015
Plus d’artisans dans l’alimentation et les services…
Outre le statut, l’évolution de l’emploi artisanal dépend de l’activité exercée. Ainsi, dans les secteurs des services et de l’alimentation, le nombre total d’artisans a progressé entre 2008 et 2015 mais à un rythme moins marqué qu’en province. Dans les services, les effectifs ont ainsi crû de 1,4 % par an contre 1,7 % en province (figure 3). Avec 1 600 emplois en plus, les activités d’entretien et de réparation de véhicules automobiles légers ont fortement été créatrices d’emplois artisanaux dans la région. En revanche, la croissance des effectifs dans le nettoyage des bâtiments a été moins prononcée qu’en province (+ 0,4 % contre + 3,4 % par an). Dans l’alimentation, l’augmentation du nombre d’emplois artisanaux a été plus modeste (+ 0,6 % par an contre + 1,9 % en province). Le fort développement de la restauration rapide (+ 8,8 % par an dans les Hauts-de-France) a compensé les pertes enregistrées dans la boulangerie.
tableauFigure 3 – Des évolutions moins favorables qu’en provinceÉvolution de l’emploi artisanal par activité exercée entre 2008 et 2015
Hauts-de-France | Province | |
---|---|---|
Services | 1,44 | 1,71 |
Alimentation | 0,64 | 1,88 |
Bâtiment | -1,29 | -0,61 |
Fabrication | -2,42 | -1,47 |
Total | -0,54 | 0,12 |
- Source : Insee, DADS 2008 et 2015, base des non salariés 2008 et 2015.
graphiqueFigure 3 – Des évolutions moins favorables qu’en provinceÉvolution de l’emploi artisanal par activité exercée entre 2008 et 2015
… et moins dans la fabrication et le bâtiment
De 2008 à 2015, le nombre total d’artisans dans les activités de fabrication et du bâtiment s’est replié à un rythme plus marqué qu’en province : – 2,4 % par an pour la fabrication (– 1,5 % en province), – 1,3 % par an pour le bâtiment (– 0,6 % en province). Dans ce dernier secteur, l’écart avec la province découle du plus fort repli des activités de maçonnerie générale et de gros œuvre (– 4,4 % par an contre – 2,5 % en province). Dans la fabrication, la diminution est consécutive au recul des activités d’installation de structures métalliques, chaudronnées et de tuyauterie. En 2015, ces activités emploient 1 300 artisans de moins qu’en 2008. La baisse des emplois artisanaux dans la mécanique industrielle a été par ailleurs plus de deux fois supérieure dans la région qu’en province (– 2,7 % par an contre – 1,1 %). Cette diminution explique le repli plus prononcé du nombre d’artisans dans la fabrication en Hauts-de-France.
Les poids de l’alimentation et du bâtiment atténuent la baisse de l’emploi
Dans les Hauts-de-France, en 2008, l’emploi artisanal dans l’alimentation était surreprésenté (14,0 % contre 12,8 % en France de province) contrairement au bâtiment (43,4 % contre 44,5 %). Or, entre 2008 et 2015, le nombre d’artisans dans les premières activités a progressé tandis qu’il a diminué dans les secondes. Les deux autres secteurs, à savoir les services et la fabrication, étaient représentés à l’identique dans la région et en province, respectivement à hauteur de 23 % et 19 %. De ce fait, la région a bénéficié entre 2008 et 2015 d’une structure de l’emploi artisanal par type d’activité plus favorable qu’en moyenne de province, grâce à un poids plus important de l’alimentation et moindre du bâtiment.
Ce résultat tranche avec le constat fait par type d’emploi. La région des Hauts-de-France a en effet été pénalisée durant la crise par la surreprésentation du salariat dans l’emploi artisanal.
Des évolutions contrastées au niveau local
Entre 2008 et 2015, le nombre total d’artisans dans la région a évolué de manière différenciée (figure 4). Les gains d’emploi dans l’artisanat au cours de la période se concentrent ainsi dans le nord-ouest et le sud de la région, et les baisses à l’est.
tableauFigure 4 – L’emploi artisanal en hausse dans le nord-ouest et le sud de la régionÉvolution annuelle moyenne du nombre d’emplois artisanaux par zone d’emploi entre 2008 et 2015
Zone d’emploi | Évolution annuelle moyenne |
---|---|
Vallée de la Bresle - Vimeu | -1,63 |
Roissy - Sud Picardie | 1,21 |
Château-Thierry | -0,74 |
Tergnier | -1,73 |
La Thiérache | -3,08 |
Laon | -0,95 |
Saint-Quentin | -2,74 |
Soissons | -0,66 |
Beauvais | 0,14 |
Compiègne | -0,28 |
Abbeville | -1,72 |
Amiens | -0,89 |
Péronne | 0,34 |
Roubaix - Tourcoing | -1,71 |
Lille | -0,03 |
Dunkerque | -0,07 |
Flandre - Lys | 0,02 |
Douai | -1,36 |
Valenciennes | -0,68 |
Cambrai | -0,74 |
Maubeuge | -1,65 |
Arras | 0,28 |
Lens - Hénin | -1,39 |
Béthune - Bruay | -0,20 |
Saint-Omer | 0,17 |
Calais | 0,50 |
Boulogne-sur-Mer | 0,03 |
Berck - Montreuil | 0,09 |
- Source : Insee, DADS 2008 et 2015, base des non salariés 2008 et 2015.
graphiqueFigure 4 – L’emploi artisanal en hausse dans le nord-ouest et le sud de la régionÉvolution annuelle moyenne du nombre d’emplois artisanaux par zone d’emploi entre 2008 et 2015
Dans la zone d’emploi de Lille, les effectifs d’artisans sont restés stables. Une croissance soutenue du nombre d’habitants et la forte présence d’activités de services dans la zone ont été des facteurs de soutien entre 2008 et 2015. Au cours de la période, le nombre d’artisans exerçant dans l’alimentaire a ainsi augmenté de 1,8 % par an et dans les services de 0,9 % par an.
Dans le nord-ouest de la région, la situation a été globalement plus favorable notamment dans les zones d’emploi de Calais et de Saint-Omer où le nombre d’artisans a crû respectivement de 0,5 % et 0,2 % par an. Dans les zones de Boulogne-sur-Mer, de Berck-Montreuil et de Dunkerque, leur nombre est resté quasi stable entre 2008 et 2015. À l’exception de Berck-Montreuil, ces évolutions contrastent avec les baisses d’emplois observées localement dans le secteur privé. Au cours de la période, le développement des activités de services et de l’alimentation (boulangerie-pâtisserie, commerce de détail de viandes en magasin spécialisé notamment) a largement contribué à soutenir l’emploi artisanal. En outre, la création d’auto-entreprises a été particulièrement dynamique dans ces zones. La zone d’emploi de Calais est ainsi celle où la progression du nombre des indépendants a été la plus soutenue par la création d’auto-entreprises dans la région entre 2008 et 2015 (+ 500). Ce dynamisme a joué un rôle de soutien de l’emploi artisanal.
Dans le sud de la région, les activités de services ont profité au développement de l’emploi artisanal. Celles-ci se sont particulièrement développées dans les zones d’emploi de Sud-Picardie et de Beauvais. Leurs effectifs dans l’artisanat ont ainsi augmenté respectivement de 3,3 % et 2,5 % par an, soutenus par ailleurs par un non-salariat plus répandu qu’en région. Entre 2008 et 2015, la création d’auto-entreprises a été particulièrement dynamique : + 1 900 pour ces deux zones d’emploi. Celles-ci ont tiré également profit de leur proximité avec la région parisienne pendant la période de récession. La croissance du nombre d’artisans a ainsi été particulièrement marquée dans la zone de Sud-Picardie, qui entretient de forts liens avec l’Île-de-France.
Dans la zone d’emploi de Beauvais, la progression de l’emploi artisanal, quoique soutenue, a été plus modérée en raison du type d’activité exercée. En effet, la surreprésentation des activités du bâtiment et de la mécanique industrielle, deux secteurs ayant souffert durant la crise, y a limité le développement de l’emploi artisanal.
L’est de la région enregistre les plus fortes diminutions du nombre d’artisans entre 2008 et 2015. Cet espace a été fragilisé par la forte présence des activités de fabrication, notamment celles de mécanique industrielle (ensemble diffus de petites entreprises) et du bâtiment (travaux de maçonnerie, couverture et menuiseries bois PVC, notamment). Dans ces activités, le nombre total d’artisans a diminué respectivement de 2,5 % et 2,0 % par an au cours de la période. Le développement de l’emploi artisanal a été également freiné par la situation socio-économique particulièrement dégradée au moment de la crise. Dans les zones d’emploi de la Thiérache et de Saint-Quentin, le nombre d’artisans, salariés ou indépendants, a ainsi diminué respectivement de 3,1 % et 2,7 % par an entre 2008 et 2015, soit les plus fortes baisses observées au niveau régional.
Partenariat
Cette étude est le fruit d’une collaboration entre l’Insee Hauts-de-France, la Direccte Hauts-de-France, le Conseil régional des Hauts-de-France et la Chambre de Métiers et de l’Artisanat Hauts-de-France.
Pour comprendre
Les disparités d’évolution de l’emploi observées entre territoires résultent à la fois de différences de structure (secteur d’activité, type et nature de contrat, taille d’établissement ou encore caractéristiques de la population) et de spécificités locales.
Outre la zone géographique, l’analyse se concentre sur deux caractéristiques structurelles : le statut d’emploi (salarié ou indépendant) ainsi que l’activité artisanale exercée par l’entreprise employeuse (alimentation, services, fabrication ou bâtiment). Les écarts d’évolution de l’emploi artisanal dans les régions, ainsi que ceux constatés dans les zones d’emploi des Hauts-de-France, se décomposent en effets structurels et géographiques (résiduels) sous forme d’écarts à la moyenne du territoire englobant. Le modèle mis en œuvre ne révèle pas d’effet géographique significatif propre à la région. Cependant à l’échelle des zones d’emploi, il laisse apparaître un effet géographique significatif pour quatre zones sur vingt-huit : positif en Sud-Picardie, négatif en Thiérache, Saint-Quentin et Roubaix-Tourcoing.
Sources
Déclaration annuelle de données sociales (DADS) 2008 à 2015, base des non salariés 2008 à 2015, enquête sur les liaisons financières entre sociétés (Lifi) 2008 à 2015, le répertoire Sirene.
Définitions
Secteur privé : correspond aux établissements localisés en France métropolitaine à l’exclusion de ceux des particuliers-employeurs, du secteur agricole ainsi que des personnes morales et organismes soumis au droit administratif.
Selon la loi du 5 juillet 1996, l’artisanat regroupe les entreprises de dix salariés au plus à la création, exerçant une des activités figurant dans l’annexe du décret du 02 avril 1998 modifié par le décret du 11 mars 2010.
Champ
Entreprises artisanales, à titre principal, dont l’effectif en équivalent temps plein est inférieur à 250 strictement, et dont le capital n’est pas détenu majoritairement par un groupe ou une tête de groupe étrangère, ou par un groupe français dont l’effectif est supérieur à 249 strictement. Les données sont relatives à l’emploi artisanal total, salarié (postes non annexes au 31/12) et indépendant (entrepreneurs affiliés à l’Acoss et actifs l’année courante, de 2008 à 2015), sans doubles comptes. Les activités exercées sont décrites selon la Nomenclature d’activités française de l’artisanat (Nafa) agrégée en quatre segments : alimentation, fabrication, bâtiment, services.
Pour en savoir plus
« Artisanat : 182 000 personnes en emploi en 2015 », Insee Flash Hauts-de-France n° 56 – octobre 2018
Chapitre « Artisanat » – Tableaux de l’économie française, édition 2018, Insee Références – février 2018
« Artisanat : une situation difficile mais quelques marges de progrès », Insee Analyses Nord-Pas-de-Calais N° 17 – juin 2015