Insee Analyses Nouvelle-AquitaineActivités et métiers des transports : entre dynamique de l’emploi et vieillissement des salariés

Hervé Huart, Insee

Fin 2015, les transports, la manutention et l’entreposage rassemblent 167 000 salariés en Nouvelle-Aquitaine. Ils regroupent tant les emplois des entreprises de ces secteurs que ceux relevant des métiers du transport exercés dans d’autres secteurs. Le poids dans l’emploi salarié total est plus faible que dans la plupart des régions mais son évolution est supérieure à la moyenne nationale. Ces activités sont davantage implantées dans le nord de la région. Les transports de marchandises, tous modes confondus, sont majoritaires. Les emplois apparaissent peu attractifs pour les femmes et pour les jeunes, et le vieillissement notable des salariés s’accroît depuis 2010. Le recours à l’intérim, très fréquent, représente un quart de l’intérim régional. En outre, 5 400 non-salariés exercent une activité dans les transports, essentiellement des conducteurs de taxi et des conducteurs de fret.

Hervé Huart, Insee
Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine No 62- Septembre 2018

Le secteur des transports interroge la mobilité au sein du vaste territoire de Nouvelle-Aquitaine, le positionnement transfrontalier de la région, zone de transit avec l’Europe du Nord, l’implantation d’importants noeuds logistiques en réseau avec les régions voisines. De l’ambulancier au conducteur routier, du docker au cadre de la logistique, du contrôleur SNCF au navigant de la marine marchande ou de l’aviation, les activités et les métiers des transports ou de l’entreposage emploient, fin 2015, 167 000 salariés en Nouvelle-Aquitaine (figure 1). La localisation, l’attractivité des métiers, la féminisation ainsi que le vieillissement de la main-d’œuvre sont des enjeux du développement de l’emploi dans ce secteur.

Figure 1Davantage de salariés des transports en dehors des secteurs spécifiquesRépartition des salariés des métiers des transports en Nouvelle-Aquitaine en 2015 selon les approches sectorielle et fonctionnelle

  • Source : Insee, DADS 2015, Acoss, BNS 2015.

De nombreux emplois mais un poids dans l’emploi total plus faible que les autres régions

Dans les secteurs d’activité des transports (voyageurs et marchandises) et de l’entreposage (méthodologie), la Nouvelle-Aquitaine compte 81 600 emplois salariés fin 2015, au 5e rang des régions de province. La plus grande partie des emplois relève des transports de marchandises. Plus de quatre emplois sur cinq, soit 66 400 emplois, appartiennent au cœur du domaine : les métiers des transports exercés au sein d’un établissement de ces secteurs. Les conducteurs de véhicules y sont très majoritaires. Moins d’un emploi sur cinq (15 200 emplois) s’exerce dans ces établissements, mais n’appartient pas aux métiers des transports : secrétaires ou comptables par exemple.

En dépit de ces volumes d’emploi, le poids des secteurs des transports dans l’emploi salarié total, 4,1 %, s’avère plus faible que dans les autres régions (4,8 % en France métropolitaine). Seule l’Occitanie figure en deçà (figure 2).

Figure 2Un poids dans l’emploi plus faible, mais des effectifs en progressionEffectifs salariés du champ sectoriel des transports, part dans l’économie, évolution 2010-2015 et spécificité selon la région

Un poids dans l’emploi plus faible, mais des effectifs en progression
Région Part dans l'économie régionale (en %) Évolution de l'emploi du champ des transports entre 2010-2015 (en %) Salariés du champ transports en 2015
Île-de-France 5,6 0,9 311 660
Centre-Val de Loire 4,7 1,1 40 666
Bourgogne-Franche-Comté 4,5 0,3 42 227
Normandie 5,2 0,9 58 721
Hauts-de-France 5,1 2,3 99 705
Grand Est 4,6 -2,0 85 364
Pays de la Loire 4,3 5,3 58 019
Bretagne 4,3 3,6 48 443
Nouvelle-Aquitaine 4,1 2,4 81 564
Occitanie 3,9 4,5 72 894
Auvergne-Rhône-Alpes 4,4 3,6 126 460
Provence-Alpes-Côte d'Azur 4,9 4,3 85 133
Corse 4,6 0,9 4 787
  • Champ : France métropolitaine.
  • Source : Insee, DADS 2010 et 2015.

Figure 2Un poids dans l’emploi plus faible, mais des effectifs en progressionEffectifs salariés du champ sectoriel des transports, part dans l’économie, évolution 2010-2015 et spécificité selon la région

  • Champ : France métropolitaine.
  • Source : Insee, DADS 2010 et 2015.

Cependant, la dynamique de l’emploi néo-aquitain entre 2010 et 2015 est positive dans le champ sectoriel (+ 2,5 %, soit 2 000 emplois) et supérieure à la moyenne métropolitaine. Les activités de transports routiers de voyageurs (+ 11,6 %) et de fret de proximité (+ 8,6 %) constituent le principal moteur de cette croissance. Le cœur du domaine progresse de 5,5 %, porté par l’essor des postes de conducteurs, de cadres et d’agents d’exploitation, tandis que l’emploi dans les métiers supports diminue de 9 %.

Au sens des métiers, regroupés en six familles professionnelles, les transports concernent 151 500 salariés (parmi eux 76 000 conducteurs). Comme ailleurs en province, les transports pour compte propre (relevant d’établissements appartenant à d’autres secteurs d’activités que les transports) emploient davantage de salariés que ceux pour compte d’autrui (relevant d’établissements du secteur des transports). Ils concernent surtout des entreprises de commerce de gros ou de détail, de poste et de courrier et des industries alimentaires, et rassemblent en grande partie des ouvriers de la manutention : conducteurs de chariots élévateurs, magasiniers, ouvriers du tri, de l’emballage et de l’expédition.

Des spécificités différenciées selon les zones d’emploi

L’orientation sectorielle, comparée à celle de la France métropolitaine, montre une surreprésentation des activités de messagerie, fret express et de transports routiers de fret interurbains. Ces spécificités, bien représentées à l’échelle de la région, se retrouvent dans bon nombre de territoires néo-aquitains. En revanche, l’affrètement et organisation des transports et le fret non routier sont peu implantés.

La part des emplois des transports est plus forte dans la moitié nord de la région, en particulier dans les zones de Brive la-Gaillarde (7,0 %), Thouars-Loudun, Saintes-Saint-Jean-d’Angely, Périgueux, Bordeaux, Jonzac-Barbezieux-Saint-Hilaire et Parthenay (figure 3).

Figure 3Les emplois des transports mieux représentés au nord de la régionEffectifs salariés du champ sectoriel des transports, part dans l’économie et spécificité principale selon la zone d’emploi

  • Lecture : Dans la zone d’emploi (ZE) de Thouars-Loudun, la part des emplois dans le segment d’activité des transports de marchandises est significativement plus élevée par comparaison à celle de l’ensemble des ZE de France métropolitaine. Dans la ZE de Bordeaux, il n’y a pas de spécificité distinctive dans un segment en particulier parmi les trois représentés (« activités mixtes »).
  • Source : Insee, DADS 2015.

Les activités de transports de marchandises sont bien représentées dans la majorité de ces zones d’emploi. Avec celles de Bressuire, d’Agen et de Cognac, elles bénéficient en outre d’une évolution de l’emploi favorable depuis 2010.

Avec un peu plus de 25 000 emplois, la zone de Bordeaux concentre 31 % des emplois régionaux du champ sectoriel alors qu’elle ne rassemble qu’un quart des emplois salariés tous secteurs confondus.

Quatre salariés sur dix dans une grande entreprise

Fin 2015, 9 100 établissements actifs du champ sectoriel des transports sont implantés sur le territoire néo-aquitain. Tous segments confondus, près d’une commune sur deux abrite un ou plusieurs établissements des transports, irriguant le territoire en emplois. La moitié de ces établissements n’emploient aucun salarié, essentiellement dans les activités de taxis et les transports routiers de fret.

Les microentreprises regroupent 65 % des établissements de la région mais n’emploient que 9 % des salariés des transports, soit moins que dans l’ensemble des secteurs de l’économie régionale (21 %). Cette catégorie d’entreprise est bien représentée dans les activités de transport routier de voyageurs et dans le fret de proximité. Les grandes entreprises, sont surtout présentes dans le transport ferroviaire de voyageurs (SNCF mobilités), les services auxiliaires de transports (SNCF Réseau, Grands ports maritimes, aéroports, sociétés d’autoroutes), l’entreposage et la manutention (ITM Logistique Alimentaire International, Cdiscount, Lidl), les autres transports de voyageurs (Air France, Volotea) et les activités de messagerie, fret express (Bernis, Schenker France, Chronopost, Geodis Calberson, TNT). Elles emploient 39 % des salariés. C’est bien plus que dans l’ensemble des secteurs de l’économie régionale (25 %). Les autres emplois du secteur des transports se répartissent pour 32 % dans les PME (hors microentreprises) et 20 % dans les entreprises de taille intermédiaire. Le poids de l’emploi dans ces deux catégories d’entreprises est particulièrement élevé dans les transports routiers de marchandises et l’affrètement et organisation des transports.

Dans les activités des transports, un peu plus d’un emploi sur deux dépend d’un centre de décision extérieur à la région, localisé très majoritairement en Île-de-France. La dépendance à un centre de décision basé à l’étranger reste mesurée (6,1 % des salariés contre 8,4 % observés dans l’ensemble des secteurs). Si l’on excepte le transport ferroviaire de voyageurs, relevant presque exclusivement du statut particulier de la SNCF, ce sont les emplois des services auxiliaires de transports, de l’entreposage et la manutention, des autres transports de voyageurs, du fret non routier, de la messagerie, du fret express et de l’affrètement et organisation des transports qui sont les plus dépendants à un centre de décision extra-régional.

Un secteur vieillissant, des emplois très masculins

Souvent contraignantes en termes de conditions de travail (déplacements, horaires, pénibilité physique), les activités des transports sont historiquement très masculines : seulement un emploi sur cinq est occupé par une femme, qu’il s’agisse de l’approche fonctionnelle ou sectorielle. Dans le cœur du secteur, la part des femmes chute à 16 % et davantage encore dans les métiers de conducteurs de véhicules et d’ouvriers qualifiés de la manutention. Il n’y a qu’au sein des agents administratifs et commerciaux des transports et du tourisme que les femmes sont majoritaires, les autres métiers restant bien loin de la parité. Entre 2010 et 2015 en Nouvelle-Aquitaine, tous secteurs confondus, les femmes sont devenues majoritaires parmi les salariés. Dans les transports, l’amorce de féminisation reste timide : + 1,6 point pour l’ensemble des métiers des transports. Bien que modeste, la progression la plus notable concerne les conducteurs et les agents d’exploitation des transports.

Outre ce déséquilibre hommes-femmes, le secteur des transports et de l’entreposage présente, tous segments confondus, une pyramide des âges plus vieillissante que celle de l’ensemble des salariés néo-aquitains. L’âge médian, 44 ans, y est supérieur de deux ans à celui observé dans l’ensemble de l’économie. Dans les transports routiers de voyageurs, il atteint 47 ans. Au total, un tiers des salariés du champ sectoriel a 50 ans ou plus, et 17 % 55 ans ou plus. En corollaire, la proportion des moins de 30 ans (13 % contre 19 % pour l’ensemble des salariés) interroge sur le renouvellement des postes dans certains segments : les transports routiers de voyageurs, les autres transports de voyageurs et les transports routiers de fret interurbain. L’indice de vieillissement –rapport entre les 50 ans ou plus et les moins de 30 ans– est le plus élevé chez les cadres des transports et de la logistique, les personnels navigants, les conducteurs de véhicules et les agents d’exploitation des transports. Mais quelle que soit la famille professionnelle, ce rapport a augmenté entre 2010 et 2015.

Moindre rémunération horaire et temps de travail plus long

Offrant en moyenne un salaire net horaire de 11,1 euros, les métiers des transports (hors apprentis et stagiaires) sont en Nouvelle-Aquitaine globalement moins rémunérateurs que l’ensemble des métiers (12,7 euros). Les ouvriers non qualifiés et les conducteurs de véhicules par exemple perçoivent un salaire avoisinant les 10 euros de l’heure. Avec 15 % de diplômés du supérieur dans les métiers des transports contre 35 % dans l’ensemble de l’économie néo-aquitaine, le niveau de qualification explique en partie cette moindre rémunération. Concernant les disparités salariales par genre, le transport ne fait pas exception, avec un salaire horaire inférieur pour les femmes dans les différentes familles professionnelles.

Le temps partiel, moins utilisé dans les activités de transport (13 % des salariés contre 20 % dans l’ensemble des secteurs), s’avère cependant plus fréquent dans les transports routiers de voyageurs (30 %). Pour les salariés à temps complet, le nombre d’heures hebdomadaires déclarées en moyenne est significativement plus élevé dans les activités de transports (39 heures contre 35 dans l’ensemble des secteurs), et bien plus important pour les conducteurs du transport de marchandises en particulier.

Fréquent recours à l’intérim dans les métiers des transports

Si l’apprentissage et les emplois aidés sont de faible ampleur, de même que les CDD, le recours à l’intérim est en revanche fréquent. Avec 8 000 emplois en 2015, les salariés intérimaires représentent 5,3 % des effectifs salariés dans les métiers des transports, une part limitée à 1,3 % dans le reste de l’économie. Au total, un quart de l’intérim néo-aquitain se concentre dans les métiers des transports.

Quatre emplois intérimaires sur cinq relèvent des « ouvriers de la manutention », principalement non qualifiés. La famille professionnelle des conducteurs de véhicules en regroupe 15 %. Les métiers les plus représentés sont ceux d’ouvriers du tri, de l’emballage ou de l’expédition, de manutentionnaires non qualifiés, de conducteurs de chariots élévateurs, de caristes, de magasiniers, de conducteurs routiers, livreurs ou coursiers. Sans surprise, les intérimaires se recrutent au sein des tranches d’âge les plus basses : 38 % ont moins de 30 ans contre 16 % dans l’ensemble des métiers des transports.

Peu de micro-entrepreneurs chez les non-salariés des transports

En 2015, en Nouvelle-Aquitaine, 5 400 non-salariés exercent leur activité dans le champ sectoriel des transports représentant 6 % de ses effectifs, une part légèrement supérieure à celle de la France métropolitaine. Presque tous œuvrent dans les transports routiers, pour plus de la moitié dans ceux des voyageurs, principalement comme conducteurs de taxi (41 %) ou d’ambulance (9 %) et pour plus d’un tiers dans les activités de fret de proximité ou interurbain. Leur nombre a progressé un peu plus rapidement que celui des salariés depuis 2010 (+ 3,7 %), mais cette hausse est bien inférieure à celle observée dans les mêmes secteurs en France métropolitaine (+ 10,3 %) ainsi qu’à celle des non-salariés dans leur ensemble (+ 17,0 % dans la région). Sur la période, les créations dans les activités de taxis et les autres transports de passagers compensent le tassement du fret de proximité.

Effet de la réglementation ou du plafonnement du chiffre d’affaires, le régime de micro-entrepreneur est peu choisi par les non-salariés des transports, surtout en Nouvelle-Aquitaine : 6,5 % des non-salariés y recourent contre 30,5 % dans l’ensemble des secteurs non agricoles. Ils lui préfèrent massivement ceux de gérant majoritaire de société (49,4 %) ou d’entrepreneur individuel (44,0 %). Pourtant, plus d’un non-salarié sur deux n’emploie aucun salarié.

Quelle que soit l’activité exercée, les non-salariés affichent un âge médian (48 ans) systématiquement plus élevé que celui des salariés, de quatre ans en moyenne. Un non-salarié sur trois est âgé de 55 ans ou plus. Moins d’un millier de femmes exercent en libéral dans les transports néo-aquitains. La part de l’emploi féminin (18 %) est ainsi encore inférieure à celle relevée dans le salariat.

Hors micro-entrepreneurs, qui tirent la distribution des revenus vers le bas, la moitié des non-salariés des transports affichent un revenu d’activité annuel inférieur à 22 100 euros en 2015. Le revenu médian des non-salariés, tous secteurs confondus, lui est supérieur de 2 300 euros. Les disparités de revenu sont notables selon l’activité. Les revenus annuels des ambulanciers sont en moyenne deux fois supérieurs à ceux des taxis. Ceux des non-salariés des transports routiers de fret se situent entre les deux.

Pour compléter leur revenu, certains non-salariés exercent au cours de l’année une activité salariée. Ce cumul d’activités concerne 15 % des non-salariés. Cela leur permet en moyenne d’élever le revenu net de près de 11 000 euros par an.

Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet « le chantier des transports en Nouvelle-Aquitaine » organisé par le CERESNA (centre d’études et de recherches économiques et sociales en Nouvelle-Aquitaine).

Pour comprendre

Méthodologie

L’approche proposée permet de croiser les emplois exercés au sein d’établissements dont l’activité relève des transports ou de l’entreposage — on parle alors de transports pour compte d’autrui — et les emplois des métiers relatifs aux transports exercés dans l’ensemble de l’économie régionale, y compris dans les établissements dont l’activité principale est tout autre. La liste exhaustive des PCS et des activités des transports figure dans les données complémentaires de cette étude disponibles sur insee.fr.

Le champ sectoriel des transports défini à partir de la NAF se répartit en trois principaux domaines :

Le transport de voyageurs sous toutes ses formes (routier, ferroviaire, maritime, fluvial et aérien). Les ambulances, les taxis, les transports urbains et suburbains figurent dans ce regroupement.

Le transport de marchandises, qui comprend les transports routiers de fret interurbains et de proximité, ainsi que le fret non routier : ferroviaire, aérien, maritime et fluvial. Les services de déménagement et la location de camions avec chauffeur y sont inclus.

Les services auxiliaires de transports regroupant les activités d’entreposage et de stockage, la manutention portuaire et non portuaire, l’affrètement et l’organisation des transports, la messagerie et le fret express.

Les activités de poste et de courrier, de conditionnement, les téléphériques et remontées mécaniques, les transports par conduites sont exclus du champ de la présente étude.

Les métiers des transports de l’ensemble des secteurs économiques sont rassemblés au sein de six familles professionnelles (Fap) : conducteurs de véhicules, agents d’exploitation des transports, agents administratifs et commerciaux des transports, cadres des transports, de la logistique et navigants, ouvriers qualifiés et non qualifiés de la manutention.

Pour en savoir plus