Les femmes à l’origine de 28% des créations d’entreprise en 2014
Les femmes créatrices d'entreprises, mieux formées que les hommes, ont autant de motivations d'entreprendre, d'innover et utilisent davantage Internet. Malgré cela, elles créent des entreprises plus souvent tournées vers une clientèle locale et plus modestes que celles des hommes en termes d'emplois générés et d'investissement initial. L'orientation choisie dès la formation initiale contribue aux écarts observés entre créateurs et créatrices. Elle explique en particulier que les activités économiques soient « plus ou moins sexuées ». Un constat demeure : même à activité égale, des différences entre hommes et femmes persistent.
- Le Pas-de-Calais en tête de la région pour les créations féminines
- Des ambitions d’entrepreneuriat et d’innovation
- Des créatrices jeunes et diplômées
- Le Nord à la pointe pour le niveau de formation des créatrices d’entreprises
- Des moyens financiers modestes pour des secteurs d’activité de proximité
- En région, des appuis avant la création plus fréquents pour les femmes
- La création d’entreprise au féminin : pas seulement une question de formation
- La communication par internet : les créatrices sont davantage impliquées que les créateurs
Au cours du premier semestre 2014, 2 245 femmes ont créé une entreprise dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, hors auto-entreprises. Elles sont à la tête de 28 % des nouvelles entreprises, un point de moins que dans l’ensemble des régions de province, alors que les femmes représentent près de la moitié de la population active.
Les créations d’entreprises n’échappent pas à des différences par genre que l’on observe à propos d’autres domaines du monde du travail, tels que la qualification des emplois ou le recours au temps partiel. Ainsi, les femmes sont majoritaires parmi les créations dans les secteurs de la santé (65 %) et les autres services aux ménages (60 %). Dans tous les autres secteurs d’activité, leur part est inférieure à 37 % descendant jusqu'à 7 % dans la construction ou 18 % dans le transport.
Cette distribution des créations par activité est proche de celle de l'ensemble des régions de province.
graphiqueFigure 1 – Les activités de santé et de services aux personnes toujours plus féminisées

- Source : Insee, SINE 2014
Le Pas-de-Calais en tête de la région pour les créations féminines
Par département, la place des femmes parmi les créateurs d’entreprise est la plus élevée dans le Pas-de-Calais et la Somme (31 %) suivi de l’Oise (27 %) ; elle est la plus faible dans l’Aisne et le Nord (26 %). Ce classement dépend pour partie de la part des activités peu féminisées ou très féminisées dans chaque département.
graphiqueFigure 2 – Des créations féminines relativement moins nombreuses qu’en France au regard de la structure des activités

- Source : Insee, SINE 2014
Dans l’Oise, les créations sont davantage concentrées dans l’industrie et les services aux entreprises, secteurs où les créatrices sont moins présentes. Néanmoins, pour toutes les activités, la part des femmes dans les créations est proche du taux national.
Dans les quatre autres départements, la répartition des créations par activité est plus favorable aux créatrices. Dans le Pas-de-Calais, cet avantage est amplifié par un niveau de féminisation supérieur au niveau national dans les services aux ménages. À l'inverse dans la Somme, l’Aisne et surtout dans le Nord, les créatrices sont relativement moins nombreuses qu’elles ne le sont en France dans quasiment toutes les activités. Le Nord se distingue par une faible féminisation des créations dans les secteurs de l’industrie, de l’hébergement- restauration et l’immobilier.
Des ambitions d’entrepreneuriat et d’innovation
Depuis 1994, première génération d'entreprises ayant fait l'objet d'un suivi par les enquêtes SINE, la part des femmes parmi les créateurs d'entreprise n'a guère évolué et demeure très inférieure à leur contribution à la population active.
graphiqueFigure 3 – Depuis 1994, la place des femmes dans la création d’entreprises n’évolue guère

- Source : Insee SINE
Cet écart perdure, alors que les créatrices jouent à égalité avec les hommes sur le plan de la motivation d'entreprendre (56 % et 57 %) ou de l'innovation et sont plus fréquemment diplômées.
Assurer leur propre emploi constitue l'objectif principal de trois quarts des femmes qui se lancent dans la création, davantage que pour les hommes (deux tiers). Mais derrière cette nécessité, le goût d'entreprendre ou d'affronter de nouveaux défis motive 38 % des créatrices en 2014, autant que les créateurs (41 %). De même, 11 % des femmes comme des hommes créent pour mettre un produit ou service nouveau sur le marché. D'ailleurs la moitié des créatrices déclare avoir introduit un ou plusieurs types d'innovation, soit autant que les hommes. Quant à l'usage professionnel d’Internet, s’il est aussi répandu parmi les entreprises gérées par les femmes que par les hommes, ces dernières sont cependant davantage présentes sur les réseaux sociaux (encadré).
Des créatrices jeunes et diplômées
Dans la région, 28 % des créatrices d’entreprise ont moins de trente ans, plus qu’en France (24 %) et bien davantage que les hommes (18 % en région comme en France). Les créatrices sont non seulement plus jeunes que les hommes, mais elles possèdent aussi un niveau de formation plus élevé. D’une part, elle ne sont que 12 % à s’engager dans la création d’entreprise dans la région avec au plus le brevet des collèges alors qu’ils sont 18 % parmi les créateurs. D’autre part, 49 % sont diplômées de l’enseignement supérieur, 10 points de plus que les hommes.
graphiqueFigure 5 – Des créatrices plus fréquemment diplômées que les créateurs

- Source : Insee, SINE 2014
Cet écart s’explique pour deux tiers par une présence accrue des diplômes du premier cycle des professions sociales et de la santé (infirmier) qui sont l’apanage de 8 % des créatrices, quatre fois plus que les hommes. Les femmes sont aussi davantage diplômées des niveaux supérieurs (28 % vs 24 %). Cependant, les diplômes d’ingénieur demeurent l’exception pour les créatrices (2 %) alors qu’ils sont détenus par 6 % des créateurs. De même, les hommes détiennent plus fréquemment que les femmes un diplôme technique, du CAP au Bac professionnel (37 % vs 30 %).
Le Nord à la pointe pour le niveau de formation des créatrices d’entreprises
Le niveau de formation des créatrices dans la région est un peu en retrait de celui observé au niveau national pour l’enseignement supérieur (49 % vs 54 %). En contre partie, la moitié de cet écart se reporte sur les diplômes de l’enseignement technique du CAP au Bac professionnel (30 % vs 27 %).
Ce moindre niveau de formation des créatrices est partagé par quatre des cinq départements de la région mais le Nord s'écarte nettement de ce constat. En effet, 57 % des créatrices dans ce département sont détentrices d’un diplôme de l’enseignement supérieur, treize points de plus que les créateurs, écart de formation le plus élevé entre les genres au niveau régional.
graphiqueFigure 6 – Le Nord élève le niveau de formation moyen de la région

- Source : Insee, SINE 2014
Cette spécificité du Nord se retrouve sur la nature des entreprises créées par les femmes dans les autres départements de la région. Ainsi, le secteur de la santé représente 22 % des nouvelles entreprises féminines dans le Nord, six à onze points de plus que dans les autres départements. Le Nord arrive aussi à la première place pour les services techniques et scientifiques, 12 % des créations, devant l'Oise (11 %) et nettement au-dessus des trois autres départements (de 8 % à 9 %).
Des moyens financiers modestes pour des secteurs d’activité de proximité
Si les femmes sont davantage diplômées que les hommes, c’est en premier lieu l’orientation de la formation initiale qui contribue aux différences entre les créateurs et les créatrices. Cette orientation conduit les femmes à davantage entreprendre dans les secteurs sanitaires, sociaux ou les services à la personne. Il en découle des différences entre les caractéristiques d'entreprises créées.
Les activités commerciales, de santé et de services à la population concentrent 70 % des créations féminines et moins de la moitié des entreprises créées par un homme. Du fait de la nature de ces activités, les entreprises créées par les femmes sont plus modestes que les créations masculines en termes d'investissement financier et d'emplois générés. La moitié des créatrices démarrent avec moins de 4 000 euros, huit points de plus que les hommes. Un tiers des nouvelles cheffes d'entreprise emploient au moins un salarié, 4 points de moins que les créateurs. De plus, seulement 12 % envisagent une embauche alors qu'ils sont 21 % parmi les nouveaux chefs d'entreprise.
tableauFigure 7 – Caractéristiques des entreprises
Part des nouvelles entreprises selon leurs caractéristiques | ||
---|---|---|
Nouvelles entreprises selon leurs caractéristiques | ||
Créées par une femme en % | Créées par un homme en % | |
N'ayant pas de salarié* | ||
Région | 79 | 74 |
France | 81 | 76 |
Ayant démarré avec moins de 4 000 euros | ||
Région | 45,4 | 34,7 |
France | 45,2 | 35,5 |
Dont la principale clientèle est de proximité | ||
Région | 75 | 58 |
France | 73 | 60 |
Dont la principale clientèle est nationale ou internationale | ||
Région | 10 | 17 |
France | 14 | 18 |
- * hors emploi du chef d'entreprise (salarié ou non)
- Source : Insee, SINE 2014
Les entreprises féminines sont aussi plus fréquemment limitées à une clientèle de proximité (75 % vs 58 %), leurs activités s'adressant davantage à la population résidente.
Cependant la différence de structure d'activité n’explique qu’en partie les disparités entre créateurs et créatrices. À activité égale, les entreprises créées par une femme ont une plus faible probabilité, que celles créées par un homme, d’être engagées sur les marchés nationaux ou internationaux. Il en est de même pour la probabilité d'être employeuses et d'avoir un capital de départ de plus de 40 000 euros. Même dans les activités où les créatrices sont majoritaires, les chances que l'entreprise soit créée par un homme plutôt qu’une femme s'accroissent avec l'ampleur du projet. Ainsi, les infirmières représentent 77 % des créations dans ce secteur, mais seulement 53 % quand ces entreprises ont démarré avec 40 000 euros ou plus. Ou encore, 83 % des salons de coiffure et de beauté sont créés par une femme, mais seulement 63 % lorsque l'entreprise emploie au moins un salarié.
En région, des appuis avant la création plus fréquents pour les femmes
En région, les femmes ont davantage que les hommes, reçu un appui avant la création, soit de leur conjoint (23 % vs 13 %), soit d'un organisme professionnel ou dédié à la création (47 % vs 40 %). Les appuis de ces organismes auprès des créatrices sont plus fréquents qu'en France, où hommes et femmes arrivent à égalité (40 %).
tableauFigure 8 – Près de la moitié des créatrices de la région ont eu recours à un organisme professionnel
Part des créateurs ayant eu un appui d'un organisme dédié ou professionnel | ||
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Femmes en % | Hommes en % | |
Province | 40 | 40 |
Région | 48 | 44 |
Nord | 50 | 44 |
Somme | 49 | 44 |
Oise | 47 | 41 |
Pas-de-Calais | 45 | 45 |
Aisne | 45 | 43 |
- Source : Insee SINE 2014
À l'exception des appuis avant la création, les dispositifs d'aide à la création sont à peu près autant mobilisés par les créateurs que par les créatrices. Le dispositif d'aide aux chômeurs (ACCRE) concerne 43 % des entrepreneurs hommes ou femmes, devant l'accompagnement à la création (ACRE puis NACRE) environ 18 %. De même, les aides locales sont utilisées par 3 % des créateurs des deux genres.
Le recours aux emprunts bancaires est aussi fréquent pour les femmes que pour les hommes (33 % vs 32 %), emprunts qui recouvrent au plus la moitié de l'investissement pour 45 % des nouveaux entrepreneurs hommes ou femmes.
Cette égalité, alors que les moyens financiers mobilisés par les créatrices sont moins élevés que ceux des hommes, s'explique par l'opportunité du créateur de préparer son projet dans son activité antérieure. Les femmes créent, plus souvent que les hommes, après une période d'inactivité ou à la sortie de leurs études : 15 % vs 9 %. Ces situations sollicitent davantage de soutien qu'un projet programmé par une personne en emploi, ce qui est le cas de 59 % des hommes et 54 % des femmes. De plus, parmi ces dernières, seulement 20 % étaient cadres, soit neuf points de moins que les hommes (respectivement 24 % et 28 % en France). Enfin, 31 % des femmes étaient au chômage avant de créer leur entreprise, à quasi-égalité avec les hommes.
La création d’entreprise au féminin : pas seulement une question de formation
En lien avec les moyens financiers plus modestes qu'elles mobilisent, les créatrices connaissent moins fréquemment que les hommes des difficultés bancaires en France (22 % vs 26 %) mais cet écart est moins marqué dans la région (25 % vs 27 %). À l'inverse, les créatrices sont davantage que les hommes confrontées à des difficultés d'ordre commercial.
graphiqueFigure 9 – Les difficultés commerciales souvent rencontrées par les créatrices de la région

- Source : Insee SINE 2014
Les spécificités de l’entrepreneuriat au féminin sont en premier lieu dominées par les orientations de la formation initiale. Des différences entre créatrices et créateurs subsistent au-delà des choix de formation et s'accroissent avec l'ampleur des projets.
La communication par internet : les créatrices sont davantage impliquées que les créateurs
L'usage d'Internet est de plus en plus incontournable dans les relations des entreprises avec leur environnement (clients, fournisseurs). En 2014, un peu plus de quatre créateurs sur cinq utilisent Internet pour leur activité professionnelle, 83 % parmi les créatrices de la région, un peu plus que parmi les créateurs (80 %). Cependant, les nouvelles entreprises qui ont un site Internet ouvert ou en construction, sont minoritaires : deux sur cinq, à égalité entre les créatrices et les créateurs.
Dans la plupart des secteurs d'activités, les créatrices investissent aussi davantage dans l'utilisation des réseaux sociaux et blogs pour leur activité (44 % vs 35 %). Notamment dans l'information-communication et les services aux entreprises, où les créatrices sont minoritaires, plus d'une utilisatrice sur deux y recherche des partenaires de marché, ce qui n'est le cas que d'au plus 40 % des créateurs.
tableauFigure 4 – Plus de quatre nouvelles entreprises sur cinq utilisent internet
Part d'entreprises utilisant internet selon le genre du créateur | ||
---|---|---|
Femmes en % | Hommes en % | |
Utilisation professionnelle d'internet | 83 | 80 |
Site internet existant ou en construction | 40 | 38 |
dont site de vente | 7 | 7 |
Blogs, réseaux sociaux | 44 | 35 |
dont recherche de partenaires de marché | 11 | 11 |
- Source : Insee, SINE 2014
Définitions
SINE (Système d'Information sur les Nouvelles Entreprises) suit pendant cinq ans une génération de nouvelles entreprises sur quatre. Une première interrogation a lieu dans les premiers mois suivant la création, une deuxième après trois ans d'activité et une troisième après cinq ans.
Dans le cadre de SINE, l'Insee a effectué l’interrogation exhaustive des nouveaux entrepreneurs picards du premier semestre 2014 des secteurs de l'industrie, de la construction, du commerce et des services marchands.
Création d'entreprises
Depuis janvier 2007, la notion de création d'entreprises s'appuie sur un concept harmonisé au niveau européen : une création d'entreprises correspond à l'apparition d'une unité légale exploitante n'ayant pas de prédécesseur. Il n'y a création d'une entreprise que si elle s'accompagne de la mise en œuvre de nouveaux moyens de production. Cette nouvelle notion de création d'entreprises est plus large que celle de création pure puisqu'elle inclut notamment les réactivations d'entreprises dont la dernière cessation remonte à plus d'un an et les reprises d'entreprises s'il n'y a pas continuité de l'entreprise. Cette continuité est évaluée à la lumière de la localisation de l'entreprise et de l'activité qui y est exercée.
Pour en savoir plus
Huygen A-C., Le Scouëzec P., Tassart C, « Femmes et création d’entreprises : les freins se desserent », Insee Analyses Picardie n° 14 – 2015
Lecomte M., Sierakowski D., « Sept entreprises sur dix toujours actives trois ans après leur création », Insee Flash Nord-Pas-de-Calais n° 12 – 2015
Richet D., « Entreprises créées en 2010 : sept sur dix sont encore actives trois ans après leur création », Insee Première n° 1543 – 2015
Reboul J-L., Dekneudt J., “Une meilleure formation mais de moins bonnes condittions d’emploi pour les femmes”, Insee Picardie Analyses n° 77 – 2013
Dekneudt J., « Création d’entreprises : Des conditions de création favorables à la pérennité des entreprises », Insee Picardie Analyses n° 25 - 2008