Insee Flash Centre-Val de LoireEn trente ans, le développement de l’économie présentielle compense la baisse de l’emploi productif dans une zone d’emploi sur deux

Hélène Lapeyre

Entre 1982 et 2011, la région Centre-Val de Loire gagne des emplois, mais à un rythme moins soutenu que nationalement. Cet écart est lié à une hausse plus modérée des emplois tournés vers les besoins de la population présente, conjuguée à une baisse plus forte de ceux de la sphère productive. Une zone d’emploi sur deux a ainsi perdu des emplois depuis 1982. Dans les territoires qui en gagnent le plus, la sphère productive était alors peu développée. En trente ans, les fonctions exercées ont changé de nature. Les emplois sont de plus en plus qualifiés, notamment dans la sphère productive. Sur la période récente, sous l’effet de la crise, la région perd des emplois, contrairement au niveau national. Seule une zone d’emploi de la région sur trois ne subit pas ce recul.

Insee Flash Centre-Val de Loire
No 6
Paru le :Paru le18/02/2015
Hélène Lapeyre
Insee Flash Centre-Val de Loire No 6- Février 2015

Une progression de l’emploi inférieure à la moyenne nationale

Le volume d’emploi a augmenté de plus de 10 % en Centre-Val de Loire, entre 1982 et 2011, deux fois moins vite qu’en France métropolitaine ou de province. Dans la région, l’emploi progresse moins rapidement que la population (+ 13 % sur la même période). Seules trois autres régions, également assez proches de l’Île-de-France, la Picardie, la Basse et la Haute Normandie, connaissent le même phénomène. Au cours de cette période, la hausse de l’emploi s’inscrit dans un contexte de profondes mutations de l’économie et des métiers.

Pour mieux comprendre les évolutions, une première approche consiste à analyser les changements économiques en distinguant les dynamiques présentielle et productive de l’activité des établissements . La sphère présentielle, tournée vers la satisfaction des besoins des personnes présentes sur le territoire, qu’elles soient résidentes ou de passage, regroupe notamment le commerce de détail, la santé et l’action sociale, l’éducation, les services aux particuliers, l’administration et la construction. La sphère productive regroupe les activités potentiellement exportatrices de biens et services, soit, pour l’essentiel, l’agriculture, l’industrie, le commerce de gros et les services aux entreprises.

Baisse de l’emploi dans la sphère productive, hausse dans la sphère présentielle

Au niveau régional, entre 1982 et 2011, les effectifs employés dans l’économie productive ont diminué de près de 16 %, bien plus qu’en France de province (- 9 %). Cette baisse résulte des restructurations de l’appareil productif régional, longtemps orienté vers des industries traditionnelles. Celles-ci ont en effet été fortement impactées par les mutations technologiques et les effets de la mondialisation.

Figure_1Évolution de la population et de l'emploi

%
Évolution de la population et de l'emploi (%)
Centre-Val de Loire France de province
Évolution sur la période 1982-2011
Population 12,9 15,7
Emploi 10,2 20,6
Emploi dans la sphère productive - 15,6 - 9,2
Emploi dans la sphère présentielle 33,1 45,3
Évolution sur la période 2006-2011
Population 1,5 2,7
Emploi - 0,8 1,7
Emploi dans la sphère productive - 5,5 - 2,8
Emploi dans la sphère présentielle 2,1 4,3
  • Source : Insee, Rrecensements de la population

Dans le même temps, les effectifs employés dans la sphère présentielle ont augmenté de 33 %, contre 45 % en France de province (figure 1). Cet écart est en partie lié à une évolution plus limitée de la population régionale. Le poids des activités présentielles a progressé, passant de 53 % en 1982 à 64 % en 2011, comme au niveau national. L’emploi présentiel représente désormais les deux tiers de l’emploi total. Le nombre d’emplois présentiels pour 100 habitants passe de 21 à 25 entre 1982 et 2011.

Dans chacune des deux sphères, les actifs n'occupent pas aujourd'hui les mêmes fonctions qu'il y a trente ans. Une deuxième approche de l’évolution de l’emploi repose sur une analyse transversale aux secteurs d'activité et aux niveaux de qualification. Celle-ci s’appuie sur des regroupements de professions selon quinze fonctions et quatre grandes catégories : les fonctions métropolitaines, les fonctions de production concrète, les fonctions à orientation présentielle et les fonctions transversales (figure 2).

Figure_2Les fonctions au sein des sphères en région Centre-Val de Loire

nombre, %
Les fonctions au sein des sphères en région Centre-Val de Loire (nombre, %)
Fonctions Sphère productive Sphère présentielle
Effectifs 2011 Évolution 1982-2011 Évolution 2006-2011 Effectifs 2011 Évolution 1982-2011 Évolution 2006-2011
Métropolitaines 110 301 39,1 0,1 104 380 71,4 9,0
De production concrète 134 528 - 50,7 - 15,6 81 781 - 9,3 2,2
À orientation présentielle 30 148 155,8 17,1 366 137 48,5 1,7
Transversales 84 043 37,4 - 1,0 85 956 5,0 - 3,9
Total 359 020 - 15,6 - 5,5 638 254 33,1 2,1
  • Source : Insee, Rrecensements de la population

Des emplois plus qualifiés dans la sphère productive

Au sein de la sphère productive, dans la région comme au niveau national, l’effectif des fonctions de production concrète, notamment la fabrication industrielle et la production agricole, a été divisé par deux en trente ans. Leur part dans la sphère productive est passée de 64 % en 1982 à 37 % en 2011.

À l’inverse, l’effectif des fonctions de production abstraite (conception-recherche, prestations intellectuelles, gestion, commerce interentreprises et production culturelle), dites aussi métropolitaines, a fortement augmenté. Dans la région, comme en France de province, ces fonctions métropolitaines, qui font appel à une main-d’oeuvre beaucoup plus qualifiée, sont sur le point de représenter autant d’emplois que les fonctions de production concrète.

À l’exception du secteur du bâtiment, les effectifs régionaux augmentent dans toutes les fonctions de la sphère présentielle, principalement dans la santé et l’action sociale, l’administration publique et les services de proximité. Si les fonctions métropolitaines connaissent une forte augmentation, représentant 16 % de l’emploi de la sphère présentielle en 2011, les fonctions à orientation présentielle restent les plus importantes dans cette sphère.

Recul de l’emploi dans une zone d’emploi sur deux

En trente ans, la moitié des 21 zones d’emploi de la région a perdu des emplois (figure 3). Aucune zone régionale ne se situe parmi le quart le plus dynamique des 304 zones d’emploi métropolitaines. La plupart des territoires de l’axe ligérien ainsi que Chartres affichent une progression supérieure à 10 %. Mais seules trois zones d’emploi enregistrent une hausse identique ou supérieure à la moyenne nationale : Tours, Orléans et Chartres. Les territoires affectés par un recul de l’emploi se situent dans le sud, mais aussi dans le nord-ouest de la région.

Les zones d’emploi suivent des évolutions structurelles différentes. Les effectifs de l’économie productive ont baissé dans tous les territoires, excepté à Orléans où ils progressent très légèrement (figure 4). Ceux des activités présentielles ont augmenté dans toutes les zones d’emploi de la région, bien qu’à des rythmes différents (figure 5). Le développement des activités présentielles est fortement conditionné par les caractéristiques démographiques de la zone. Ainsi, les effectifs d’emplois présentiels ont moins augmenté dans les zones ayant perdu des habitants (figure 6).

Les territoires où la croissance de l’emploi est la plus forte sont ceux où les activités productives étaient les moins présentes en 1982. Ils ont moins perdu d’emplois dans ces activités et en ont simultanément gagné beaucoup dans les activités présentielles.

Dans les zones qui ont perdu des emplois en trente ans, les activités productives occupaient une place importante en 1982. Le poids de la sphère productive s’est beaucoup plus réduit dans ces zones, cédant entre 12 et 21 points sur la période.

Cependant, dans certains territoires majoritairement tournés vers l’économie productive en 1982, comme Pithiviers, Issoudun ou Gien, l’évolution de l’emploi a été favorable, les activités présentielles ayant réussi à compenser les diminutions dans les fonctions productives.

Une baisse des emplois sur la période récente

Sous l’effet de la crise, le nombre d’emplois dans la région a diminué de 0,8 % entre 2006 et 2011 (figure 1). Ce n’est pas le cas au niveau national, où il continue d’augmenter (+ 1,7 % en France de province), même si le rythme de croissance s’est ralenti.

Dans la région, la baisse s’accélère dans la sphère productive. Les fonctions de production concrète sont les plus touchées, notamment la fabrication. Les effectifs des fonctions métropolitaines semblent se stabiliser (figure 2).

L’économie présentielle croît à un rythme plus faible. Les fonctions métropolitaines continuent à évoluer positivement. L’administration publique, la distribution et l’éducation-formation perdent des emplois mais les fonctions santé-social et services de proximité en gagnent.

L’impact de la crise est différent selon les territoires. Dans la région, une zone d’emploi sur trois ne perd pas d’emplois entre 2006 et 2011 : Chinon, Loches, Chartres, Tours, Blois, Orléans et Issoudun.

Figure_3Variation de l’emploi total entre 1982 et 2011

  • Source : Insee, Recensements de la population 

Figure_4Variation de l’emploi dans la sphère productive de 1982 à 2011

  • Source : Insee, Recensements de la population 

Figure_5Variation de l’emploi dans la sphère présentielle de 1982 à 2011

  • Source : Insee, Recensements de la population 

Figure_6Évolution de la population et de l’emploi présentiel entre 1982 et 2011

  • Source : Insee, Recensements de la population 

Définitions

La partition de l’économie en deux sphères, présentielle et productive, permet de mieux appréhender les logiques de localisation des activités et de mettre en évidence le degré d’ouverture des systèmes productifs locaux. Elle permet aussi de fournir une grille d’analyse des processus d’externalisation et autres mutations économiques à l’oeuvre dans les territoires.

Sphères présentielle et productive de 1975 à 2014

L’approche par fonction est établie à partir de la profession occupée par les actifs. Ces fonctions sont transversales aux secteurs d’activité mais aussi au statut (salarié/non salarié, public/privé) et au niveau de qualification des actifs.

Analyse fonctionnelle des emplois et cadres des fonctions métropolitaines de 1982 à 2014

Exemples :

Un câbleur qualifié exerce une fonction de production concrète. S’il travaille dans un établissement de fabrication de matériels de distribution et de commandes électriques, son emploi relève de la sphère productive. S’il travaille dans un établissement qui effectue des travaux d’installation électrique, son emploi relève de la sphère présentielle.

Un cuisinier exerce une fonction à orientation présentielle. S’il est employé dans un restaurant d’entreprise industrielle, son emploi relève de la sphère productive. S’il travaille dans un restaurant, son emploi relève de la sphère présentielle.