Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté · Juin 2025 · n° 128

Grand Besançon : l’enjeu de l’habitat face au vieillissement de ses baby-boomers

Grâce aux progrès en santé, il est de plus en plus fréquent de devenir centenaire. La période de vieillesse peut ainsi s’étendre sur une quarantaine d’années. En effet, les premiers cas de perte d’autonomie peuvent survenir dès 60 ans, seuil d’éligibilité à l’allocation personnalisée pour l’autonomie (APA). Cette grande classe d’âges des personnes de 60 ans ou plus forme une population dont les profils sont très différents, notamment en termes d’autonomie et de culture générationnelle.

En 2021, 50 000 personnes de 60 ans ou plus vivent dans le Grand Besançon. Ces seniors représentent 25 % de la population de l’intercommunalité, et jusqu’à 40 % dans certaines communes (figure 1). En 20 ans, leur nombre a augmenté de près de 65 %. Sur la même période, celui des moins de 60 ans a légèrement diminué, renforçant encore le poids démographique des populations plus âgées. Le vieillissement concerne déjà l’ensemble des communes du Grand Besançon. Dans les prochaines années, il devrait se poursuivre et s’accélérer.

Au-delà de l’augmentation globale du nombre de personnes de 60 ans ou plus, c’est surtout la structure interne de cette population âgée qui se transforme. Parmi elles, en 2021, 12 000 ont entre 75 et 84 ans, et 6 000 sont encore plus âgées. Le nombre de personnes âgées de 85 ans ou plus progresse à un rythme très soutenu. Elles sont deux fois plus nombreuses qu’en 1999. À l’horizon 2040, leur nombre doublerait presque à nouveau, sous l’effet de l’arrivée à des âges avancés des générations du baby-boom, nées entre 1946 et 1974 (figure 2). Elles représenteraient alors près de 6 % de la population de l’intercommunalité, contre 3 % actuellement.

L’intensification du vieillissement de la population s’accompagne de transformations dans les modes de vie. À 75 ans, la santé peut commencer à se dégrader durablement, et l’activité sociale a tendance à diminuer. À 85 ans, la part de seniors en perte d’autonomie s’accroît fortement. En Bourgogne-Franche-Comté, en 2021, elle touche 20 % des 85-89 ans, et 40 % des 90 ans ou plus. Il s’agit le plus souvent de difficultés d’ordre moteur, mais elle peut également concerner la vision, l’audition, ou encore les fonctions cognitives. Cet âge marque souvent un tournant dans le parcours de vie. Avant 85 ans, la majorité des seniors vit en couple. Dans le Grand Besançon, ils sont 2 % à vivre hors logement ordinaire, par exemple en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Chez les 85 ans ou plus, cette part atteint 17,6 % (figure 3).

Les modes de cohabitation diffèrent toutefois fortement entre les hommes et les femmes. Dans le Grand Besançon, ces dernières sont plus de 20 % à vivre en institution après 85 ans, contre moins de 10 % des hommes (encadré 1). Plusieurs phénomènes expliquent cet écart. D’une part, à âge égal, les femmes sont plus touchées que les hommes par la perte d’autonomie. D’autre part, leur espérance de vie est supérieure, elles atteignent donc plus souvent un âge très avancé. Comme elles sont souvent plus jeunes que leur conjoint, elles sont davantage exposées au veuvage. Lorsqu’elles sont encore dans leur logement, elles sont ainsi plus souvent amenées à vivre seules que les hommes. Or, la présence d’un conjoint joue un rôle important dans le maintien à domicile. Celui-ci est souvent le premier aidant lorsque l’autonomie diminue.

Les modes de vie des personnes âgées ont évolué en 15 ans. L’espérance de vie à 60 ans a progressé de deux ans pour les hommes et d’un an pour les femmes entre 2006 et 2021. Les seniors vivent ainsi plus souvent en couple à des âges avancés. La part de femmes de 85 ans ou plus vivant avec leur conjoint a notamment été multipliée par deux. Cet allongement de la vie en couple conjugué à des gains d’espérance de vie sans incapacité et à la mise en place de politiques de maintien à domicile, permettent de retarder l’entrée dans une structure d’hébergement spécialisé. Les seniors vivent donc désormais moins souvent en institution.

Le maintien à domicile de personnes très âgées de plus en plus fréquent soulève des enjeux en termes d’adaptation de l’habitat. En effet, le désir de mobilité résidentielle diminue avec l’âge, et au-delà de 75 ans, moins d’un senior sur dix souhaite déménager (encadré 2). Ce constat national se retrouve aussi dans le Grand Besançon. De plus, à partir de 80 ans, c’est souvent parce qu’ils sont contraints de s’installer en institution, qu'ils quittent leur domicile.

Les seniors vivent généralement dans leur logement depuis de nombreuses années. Dans le Grand Besançon, plus d’un quart des 85 ans ou plus l’occupent depuis au moins 50 ans. Or, suite au départ des enfants ou à la perte du conjoint, ils ne sont plus forcément adaptés pour une personne seule en perte d’autonomie progressive. Il s’agit souvent de grandes maisons qui peuvent poser des difficultés d’entretien, et représenter un coût important, notamment énergétique. Ainsi, près de 90 % des seniors du Grand Besançon vivent en situation de sous-occupation, et près de 45 % en sous-occupation très accentuée. Cela signifie que leur logement comporte au moins trois pièces de plus que le nombre de pièces théoriquement nécessaires à la taille du ménage.

Les problématiques d’adaptation de l’habitat des seniors diffèrent entre la commune de Besançon et les communes environnantes. 

En raison du parc existant, en dehors de Besançon, la quasi-totalité des seniors habite en maison. Les logements construits dans ces communes étant plus grands, ils sont près de 60 % à vivre dans au moins 100 m². Même si cette proportion décroît avec l’âge, elle reste encore supérieure à 40 % chez les 85 ans ou plus.

À l’inverse, à Besançon, où les maisons sont très minoritaires, les trois quarts des seniors habitent en appartement. Ils occupent des logements plus petits, seul un quart d’entre eux vit dans au moins 100 m². Toutefois, leurs appartements ne sont pas systématiquement accessibles par un ascenseur. Près de la moitié des 60-74 ans et le tiers des 85 ans ou plus habitent dans un immeuble qui n’en est pas équipé. Cela tient en partie à la législation et à l’ancienneté du parc immobilier. Depuis 1978, l’installation d’un ascenseur est obligatoire dans les bâtiments d’habitat collectif, mais uniquement lorsqu’ils comportent plus de trois étages. Ce seuil a été abaissé à deux étages en 2019.

Dans le Grand Besançon, parmi les 33 500 ménages dont la personne de référence a 60 ans ou plus, 11 % sont pauvres, contre 16 % pour l’ensemble des ménages. Les 12 500 couples âgés qui n’ont pas ou plus d’enfant à charge sont encore moins exposés à la précarité puisque seulement 5 % sont pauvres. Bien que les pensions de retraite soient plus faibles que les revenus d’activité, les ménages âgés n’ont souvent plus d’enfants à charge ce qui limite l’impact sur leur niveau de vie.

Les personnes âgées seules sont toutefois plus vulnérables, notamment les femmes. 15 % sont pauvres, et 32 % sont modestes (figure 4). Avec un niveau de vie inférieur à 1 731 € par mois, ces dernières vivent certes au-dessus du seuil de pauvreté, mais ont toutefois des ressources limitées. Les femmes seules de 85 ans ou plus sont particulièrement fragiles. Souvent veuves, elles peuvent dépendre de pensions de réversion, qui constituent parfois leur unique revenu. 10 % de ces femmes, nées avant la Seconde Guerre mondiale, n’ont jamais travaillé, contre moins de 1 % des hommes du même âge. Par ailleurs lorsqu’elles ont exercé une activité professionnelle, elles ont souvent eu des carrières incomplètes et occupaient des métiers moins rémunérateurs que les hommes. Les deux tiers sont d’anciennes ouvrières ou employées, et seulement 2 % étaient cadres, contre 16 % des hommes de la même tranche d’âge.

Les ménages âgés pauvres ou modestes sont inégalement répartis sur le territoire du Grand Besançon. Ils se concentrent dans certains quartiers de Besançon dans lesquels se trouvent des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) (figure 5). Par endroit, 40 % des ménages dont la personne de référence a 60 ans ou plus sont pauvres, et 80 % sont pauvres ou modestes. C’est le cas dans les iris de Planoise ou Battant.

Un peu plus de 5 000 personnes âgées habitent dans ces quartiers, elles sont toutefois peu représentées, car la population y est plus jeune que dans le reste de l’intercommunalité. Elles vivent souvent seules. Il s’agit fréquemment d’ouvriers ou d’anciens ouvriers. Plus de la moitié sont locataires d’habitations à loyer modéré (HLM), très présentes dans ces quartiers. Dans le parc social, l’habitat collectif est très majoritaire. En conséquence, dans ces quartiers 90 % des personnes âgées vivent en appartement.

À l’inverse, la pauvreté est peu présente dans les communes environnantes. Les personnes âgées y vivent plus souvent en couple et la part de ménages pauvres n’excède pas 13 %.

Étude des migrations résidentielles

Pour des raisons d’effectif, la population étudiée pour les migrations résidentielles est celle des personnes de 60 ans ou plus qui déménagent vers un logement ordinaire et qui résident dans l’aire d’attraction des villes (AAV) de Besançon ou dans une AAV comparable. Les AAV retenues sont celles de 200 000 à 700 000 habitants. Sont toutefois exclues les AAV très attractives situées sur les façades atlantique et méditerranéenne, en Savoie et en Haute-Savoie, ainsi que les AAV transfrontalières.

Projections de population

Les projections de population de personnes âgées de 60 ans ou plus sont réalisées à partir du scenario central du modèle Omphale. Le point de départ est la population du Grand Besançon issue du recensement 2018. Elles prennent en compte des hypothèses d’évolution du taux de mortalité et des flux migratoires.