Insee Analyses Corse · Décembre 2024 · n° 55

En Corse, 80 % des familles monoparentales ont à leur tête des femmes confrontées aux défis du quotidien

En 2021, 13 600 familles monoparentales vivent en Corse. Concilier vie privée et vie professionnelle tout en maintenant leur niveau de vie est un défi quotidien pour ces pères, et plus encore, pour ces mères.

La monoparentalité concerne trois familles insulaires sur dix ayant un ou plusieurs enfants de moins de 25 ans. L’île est la 3^e région de France métropolitaine la plus concernée après Provence-Alpes-Côte-d’Azur (Paca) et l’Occitanie. À l’opposé, dans les Pays de la Loire, cette situation est moins fréquente (figure 1).

En dix ans, avec 1 800 foyers monoparentaux supplémentaires sur l’île, le nombre de familles avec un seul parent augmente plus rapidement que le nombre global de familles. Les situations conjugales et les parcours familiaux ont évolué en France avec une multiplication des unions libres et des séparations plus fréquentes. Cependant, la monoparentalité se répand moins vite en Corse qu’au niveau national (+1,6 points contre +3,6).

En Corse, quatre familles monoparentales sur cinq sont dirigées par des femmes. La monoparentalité est d’ailleurs un enjeu d’égalité femmes-hommes pour les acteurs publics régionaux (encadré). En dix ans, la part des mères seules diminue néanmoins de deux points au profit des pères. La démocratisation de la garde alternée peut expliquer cette tendance. De plus, les mères sont plus souvent en charge des enfants quand ces derniers sont en bas âge. Au sein des familles monoparentales, la part des mères isolées passe de 90 % avant les trois ans du benjamin de la famille, à 79 % pour les 11-17 ans, puis à 74 % pour les 18-24 ans.

Devant assumer seules la charge familiale, les mères isolées sont plus souvent actives que celles en couple. Cependant, leurs situations professionnelles ne sont pas en adéquation avec leurs qualifications. En effet, bien qu’elles soient plus souvent diplômées du supérieur que les pères isolés, elles accèdent peu aux postes les mieux rémunérés. En outre, elles sont moins fréquemment sur le marché de l’emploi que les pères monoparentaux. Si elles sont davantage en emploi que les mères en couple, elles sont aussi plus souvent exposées au chômage (figure 2). Toutefois, en Corse la part des familles monoparentales au chômage est la plus faible de France métropolitaine (10 % contre 14 %). Ainsi, les mères seules sont trois fois moins souvent au foyer que celles en couple.

Lorsqu’elles sont en emploi, huit mères isolées sur dix ont un contrat à durée indéterminée (CDI), une part équivalente à la moyenne de celles en couple. En revanche, quand elles travaillent en contrat à durée déterminée (CDD), elles cumulent les facteurs de précarité. Un tiers d’entre elles sont alors à temps partiel, soit trois fois plus que celles en CDI.

Parmi les mères isolées qui travaillent, la moitié sont employées et un quart exercent des professions intermédiaires. Elles travaillent surtout dans la fonction publique (37 %), les services administratifs d’entreprise (19 %) et les services à la personne (11 %). En revanche, elles sont moins souvent artisanes, commerçantes ou cheffes d’entreprise que leurs homologues masculins (8 % contre 20 %).

En 2021, en Corse, 29 % des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 1 150 euros par mois et par unité de consommation. Les mères sont davantage exposées à la pauvreté que les pères (31 % contre 24 %). Cette précarité s’aggrave en Corse du fait du coût de la vie plus élevé, avec notamment des prix alimentaires 14 % supérieurs à ceux de France de province. Plus généralement, le niveau de vie des familles monoparentales est plus faible que celui des couples avec enfants (1 435 € contre 1 895 €). Cet écart résulte de revenus déclarés plus faibles, partiellement compensés par le système de redistribution. Néanmoins, le niveau de vie, et en particulier les revenus issus du travail, augmentent au fil du temps grâce à l’évolution des carrières.

Les mères isolées sont plus jeunes que les pères. Elles sont aussi moins souvent en emploi. Quand elles travaillent, elles exercent dans des secteurs moins lucratifs et occupent des postes moins bien rémunérés. Par conséquent, elles déclarent des revenus 39 % inférieurs à ceux des pères isolés. Par le biais de la redistribution, la solidarité nationale divise par trois cet écart de revenus. Les prestations sociales, souvent soumises à conditions de ressources, sont cruciales pour les mères isolées. Elles représentent 16 % de leur revenu disponible avant impôts, contre 5 % pour les couples parentaux et 3 % pour les pères isolés (figure 3). Ces prestations se composent pour 41 % de minima sociaux (RSA, AAH, etc.), pour 32 % de prestations familiales (Paje, allocations familiales, etc.) et pour 27 % d’aides au logement. L’âge du benjamin de la famille est déterminant dans la structure des prestations sociales. Ainsi, les prestations familiales dominent avant les 3 ans de l’enfant alors que les minima sociaux sont majoritaires après ses 18 ans. De plus, la part des aides au logement double avec l’âge des enfants, passant de 20 % avec un enfant de moins de 3 ans à 39 % avec un enfant majeur. Par ailleurs, à la suite d’une rupture, le versement des pensions alimentaires représente un complément de revenu pour le parent ayant la garde principale des enfants. Or, dans un quart des cas, cette pension n’est pas versée soit parce qu’aucune pension n’est fixée, soit du fait d’un défaut de paiement.

Avec des revenus inférieurs à ceux du reste de la population, les familles monoparentales résident plus souvent dans des logements trop petits au regard du nombre d’occupants. Avec 18 % de familles concernées, la Corse est la troisième région de France métropolitaine où les foyers monoparentaux sont les plus touchés par la suroccupation des logements. Ce taux atteint 37 % en Île-de-France et 28 % en Paca.

En Corse, les familles monoparentales sont plus fréquemment confrontées à ce mal-logement que les couples avec enfants (9 %). Cette situation s’aggrave selon le nombre d’enfants, 25 % des familles monoparentales avec deux enfants vivent dans un logement suroccupé contre 14 % de celles ayant un enfant. Face à la suroccupation, les mères et les pères isolées vivent dans des conditions analogues. Toutefois, les femmes sont moins souvent propriétaires de leur logement que les autres. Un tiers d’entre elles accède à la propriété contre la moitié des pères isolés et des autres familles avec enfants. Elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes monoparentaux à habiter un logement social. Deux tiers des mères isolées vivent en appartement quand la moitié des pères isolés et des couples avec enfants résident en maison.

Un enfant de moins de 25 ans sur quatre vit avec un seul parent, soit 19 160 enfants. Le risque de séparation des parents augmente avec l’âge, ce qui accroît la probabilité de vivre en famille monoparentale.

Leur fratrie est généralement plus petite : deux tiers d’entre eux sont enfants uniques, contre la moitié des enfants de couple.

Parmi les enfants en famille monoparentale, 37 % sont des adolescents de 11 à 17 ans, tandis qu’une minorité a 3 ans ou moins (10 %). Une part importante est âgée de 4 à 10 ans (28 %) et un quart sont majeurs (25 %).

Les enfants d'une famille monoparentale sont plus souvent touchés par la précarité : un sur trois vit sous le seuil de pauvreté. Cette situation est encore plus marquée quand ils vivent avec leur mère (37 % contre 29 % pour ceux vivant avec leur père).

Parmi les enfants de moins de trois ans, 41 % vivent dans la pauvreté dans les familles monoparentales, contre 26 % dans les autres familles.

En Haute-Corse, 31 % des familles ayant un ou plusieurs enfants de moins de 25 ans sont monoparentales, soit six points de plus qu’en Corse-du-Sud. Ce type de famille est surreprésenté dans les Établissements Publics de Coopération Intercommunale de Bastia, de La Costa Verde et du Centre Corse. Dans ces territoires, la monoparentalité concerne un tiers des ménages ayant un ou plusieurs enfants (figure 4). Au total, six familles monoparentales sur dix habitent l’une des intercommunalités de Haute-Corse.

En Corse-du-Sud, la proportion de familles monoparentales est généralement plus faible. Parmi les familles avec enfants habitant la communauté de communes du Celavu-Prunelli, 22 % sont monoparentales, c’est le taux le plus bas de la région.

Par ailleurs, la moitié des foyers monoparentaux résident dans les territoires les plus peuplés de l’île. Ces derniers se situent surtout dans les communautés d’agglomérations du Pays ajaccien (26 %) et de Bastia (23 %). L’offre plus importante de logements sociaux ou encore la proximité des services tels les écoles, les crèches, les infrastructures sportives et extrascolaires peuvent expliquer cette concentration.