Insee Analyses Ile-de-France · Septembre 2024 · n° 190

Quelles évolutions de la pauvreté dans la métropole du Grand Paris en dix ans ?

En 2021, 18,3 % de la population de la métropole du Grand Paris (MGP) vit sous le seuil de pauvreté monétaire, soit 1 229 000 personnes appartenant à 490 000 ménages fiscaux. Ce seuil, fixé à 60 % du niveau de vie médian observé en France métropolitaine, équivaut à un revenu disponible de 1 150 euros mensuels par unité de consommation (UC) en 2021, soit 1 730 euros pour un couple sans enfant et 1 850 euros pour une famille monoparentale avec deux enfants de moins de 14 ans.

À ces personnes vivant sous le seuil de pauvreté, se rajoutent 260 000 personnes (3,9 % de la population) qui se situent dans le halo de la pauvreté (encadré 1).

La métropole du Grand Paris se positionne au huitième rang du classement des 22 métropoles en France selon leur taux de pauvreté. Il y est plus élevé qu’en Île-de-France (16,1 %) et qu’en France métropolitaine (14,9 %). Par ailleurs, la France bénéficie d’un taux de pauvreté parmi les plus faibles des pays de l’OCDE (encadré 2).

Au sein de la métropole du Grand Paris, le taux de pauvreté est supérieur à la moyenne dans six territoires : Plaine Commune (36,2 %), Paris Terres d’Envol (28,9 %), Est Ensemble (27,7 %) et Grand Paris Grand Est (20,2 %) en Seine-Saint-Denis ainsi que Boucle Nord de Seine (21,2 %) et Grand-Orly Seine Bièvre (20,9 %). À l’inverse, la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté est la plus faible (entre 9 et 11 %) à Vallée Sud - Grand Paris, Grand Paris Seine Ouest et Paris Ouest La Défense.

À l’échelle des communes, les taux de pauvreté varient de moins de 7 % de la population (Garches, Le Plessis-Robinson, Vaucresson et Ville-d’Avray dans les Hauts-de-Seine, Mandres-les-Roses, Ormesson-sur-Marne, Santeny dans le Val-de-Marne) à plus de 40 % (Aubervilliers, Clichy-sous-Bois, La Courneuve en Seine-Saint-Denis) (figure 1). Quinze des 147 communes et arrondissements de la métropole du Grand Paris concentrent plus du tiers (34 %) de la population pauvre de la MGP, témoignant d’inégalités territoriales fortes et d’une concentration significative des ménages pauvres dans certaines communes.

Le niveau de vie médian des personnes en situation de pauvreté dans la métropole du Grand Paris est d’à peine 870 euros par unité de consommation. Ce niveau est inférieur à celui constaté dans les 21 autres métropoles, et à celui calculé pour l’ensemble de la France métropolitaine (910 euros). Aussi bien la Seine-Saint-Denis que Paris, les Hauts-de-Seine ou le Val-de-Marne figurent parmi les départements de France où le niveau de vie médian des personnes vivant dans la précarité est le plus faible, alors même que ces départements enregistrent des taux de pauvreté très différents.

Dans la métropole du Grand Paris, le taux de pauvreté augmente de 0,9 point entre 2012 et 2021, ce qui correspond à 44 000 personnes de plus vivant sous le seuil de pauvreté sur la période. Cette hausse est inférieure à celle observée à l’échelle de l’Île-de-France (+1,1 point), mais supérieure à celle constatée en France métropolitaine (+0,7 point). La population vivant sous le seuil de pauvreté s’accroît de 3,7 % en 9 ans dans la MGP contre 5,7 % au niveau national.

La progression du taux de pauvreté apparaît relativement modérée par rapport à celle observée dans les autres métropoles françaises. Dans les métropoles de Clermont Auvergne, Toulouse, Saint-Étienne et Strasbourg par exemple, la pauvreté augmente de plus de trois points au cours de la période. Seules les métropoles de Toulon Provence Méditerranée et d’Aix-Marseille-Provence voient leur taux de pauvreté croître plus faiblement que dans celle du Grand Paris (+0,4 point).

Au sein de la métropole du Grand Paris, la pauvreté se renforce particulièrement dans les territoires de Paris Terres d’Envol, Grand-Orly Seine Bièvre et Grand Paris Grand Est, tandis qu’elle recule légèrement à Paris, Est Ensemble et Boucle Nord de Seine.

À l’échelle communale, les taux de pauvreté augmentent fortement au cours de la période 2012-2021 dans plusieurs communes où ils étaient déjà élevés en 2012 (Villeneuve-Saint-Georges, Bondy, Le Bourget, Dugny, Sevran et Valenton) (figure 2).

Dans d’autres communes, comme Paray-Vieille-Poste, Fontenay-aux-Roses, Sceaux et Villecresnes, le taux de pauvreté progresse également de façon marquée, mais demeure nettement inférieur à la moyenne en 2021.

À l’inverse, le taux de pauvreté diminue de trois points ou plus dans seulement un arrondissement de Paris (le 19^e) et deux communes, Pantin et Saint-Ouen-sur-Seine, tout en restant supérieur à 25 % en 2021 dans ces deux dernières. Dans un contexte d’augmentation des prix fonciers et immobiliers, des ménages plus aisés se sont installés dans ces territoires et la mixité sociale s’y est renforcée du fait de leur localisation en périphérie directe de Paris et de la réalisation de projets urbains mixtes de grande ampleur (locatif privé et accession).

Au cours de la même période, la pauvreté recule de façon plus limitée (entre -1 et -3 points) dans les arrondissements du nord-est parisien (9^e, 10^e, 11^e, 18^e et 20^e) et certaines communes de Seine-Saint-Denis (Romainville, Bagnolet, Montreuil, Le Pré-Saint-Gervais) et des Hauts-de-Seine (Puteaux, Clichy, Bois-Colombes, Colombes, Asnières-sur-Seine, Montrouge). Dans certaines communes telles que Clichy-sous-Bois et L’Île-Saint-Denis, le taux de pauvreté, s’il baisse également, demeure très élevé en 2021 (42 % et 32 %).

Toutes les structures familiales peuvent être concernées par la pauvreté, mais les familles monoparentales le sont davantage. Dans la métropole du Grand Paris, plus d’un quart des personnes vivant dans un foyer monoparental (27,5 %) vivent sous le seuil de pauvreté. Viennent ensuite les hommes seuls (20 %), devant les couples avec enfant(s) (17 %), les femmes seules (16 %) et les couples sans enfant (9 %).

Le taux de pauvreté varie également de façon significative selon l’âge. La pauvreté concerne une personne sur cinq parmi la population des ménages les plus jeunes (référent fiscal de moins de 30 ans), une sur huit parmi celle des ménages les plus âgés (75 ans ou plus).

Les ménages de moins de 30 ans résidant dans la métropole du Grand Paris sont toutefois moins fréquemment touchés par la pauvreté que dans les autres métropoles françaises, sans doute du fait d’une plus forte présence de jeunes actifs davantage diplômés et plus souvent cadres. À l’inverse, les ménages les plus âgés (référent fiscal de 75 ans ou plus) le sont davantage. L’importance des migrations résidentielles des retraités franciliens les plus aisés vers la province, notamment à l’âge de la retraite, est un des facteurs explicatifs.

Dans la métropole du Grand Paris, le revenu médian des ménages pauvres est inférieur à celui observé au niveau national, et ce quelle que soit la tranche d’âge considérée. Par exemple, les ménages pauvres de moins de 30 ans ont un revenu médian de 770 euros par mois et par unité de consommation, soit 10 % de moins que leurs homologues en France (860 euros par mois et par UC).

La pauvreté recouvre des situations très diverses. Il est possible à cet égard de distinguer trois profils de ménages pauvres selon la situation vis-à-vis de l’emploi : les ménages considérés comme insérés sur le marché du travail (correspondant aux ménages percevant des revenus du travail au moins égaux à 0,5 Smic par adulte et par an), les ménages non insérés sur le marché du travail et les ménages retraités.

Dans la métropole du Grand Paris, près d’un tiers des personnes en situation de pauvreté vivent dans un ménage inséré dans l’emploi (figure 3). Cela représente 386 000 personnes et renvoie à des situations de travail à temps partiel, souvent peu qualifié ou faiblement rémunérateur. Leur nombre baisse légèrement entre 2012 et 2021 (-2,4 %).

Plus de la moitié (54 %) des personnes pauvres appartiennent à un ménage non inséré sur le marché du travail, correspondant à 662 000 personnes. Parmi elles, 11 % vivent dans un ménage dont le référent fiscal a moins de 30 ans. Leur nombre est en légère augmentation entre 2012 et 2021 (+1,5 %). Ce sont par exemple des ménages jeunes en recherche d’insertion professionnelle ou des étudiants non rattachés fiscalement à leurs parents.

L’évolution la plus marquée entre 2012 et 2021 concerne les personnes rattachées à un ménage retraité, qui représentent 15 % de l’ensemble des personnes pauvres dans la métropole du Grand Paris en 2021. Leur nombre augmente de 22,1 % entre 2012 et 2021 pour s’établir à 181 100 en 2021. Ainsi, le taux de pauvreté de la population des ménages retraités progresse de 2,8 points dans la métropole du Grand Paris entre 2012 et 2021, passant de 12,7 % à 15,5 %. Ce taux progresse également en Île-de-France et en France métropolitaine, mais à un rythme moins élevé (respectivement +1,5 et +1,2 point).

Dans la métropole du Grand Paris, la population vivant dans des ménages retraités pauvres progresse six fois plus rapidement que l’ensemble des personnes vivant sous le seuil de pauvreté (+3,7 %). L’augmentation concerne l’ensemble des territoires de la MGP, à l’exception de Boucle Nord de Seine où leur nombre est relativement stable (+1 % entre 2012 et 2021).

L’augmentation du nombre de retraités pauvres peut être reliée au vieillissement de la population, qui sera amené à se poursuivre dans les années à venir, mais aussi à une hausse moins rapide des pensions de retraite par rapport aux revenus d’activité. À taux de pauvreté inchangé, la poursuite du vieillissement de la population pourrait ainsi s’accompagner d’une augmentation du nombre de retraités vivant sous le seuil de pauvreté.