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Insee Analyses Ile-de-France · Février 2023 · n° 165
Insee Analyses Ile-de-FranceMixité sociale et ségrégation dans la métropole du Grand Paris : état des lieux et tendances sur 15 ans

Marie Acs, David Veal (Insee), Clément Boisseuil, Émilie Moreau, Sandra Roger (Atelier parisien d’urbanisme)

Dans la métropole du Grand Paris (MGP), 37 % de la population réside dans un des quartiers les plus mixtes en 2019 et 21 % dans un des quartiers les plus ségrégués (où les ménages ont des niveaux de revenus très proches les uns des autres, élevés ou modestes). Enfin, 42 % de la population vit dans un quartier qui relève d'une situation intermédiaire, ne faisant ni partie des quartiers les plus ségrégués, ni des plus mixtes.

Au sein de la MGP, la population vivant dans les quartiers les plus mixtes varie de 14 % à Plaine Commune à 48 % à Paris. Après Paris, les trois territoires de Boucle Nord de Seine, Est Ensemble et Paris Est Marne & Bois sont les plus mixtes.

Depuis 15 ans, la mixité sociale a évolué de manière contrastée selon les territoires. En recul dans certains quartiers de Paris Terres d’Envol, Grand Paris Seine Ouest, Paris ou Paris Ouest La Défense, elle a progressé ou s’est maintenue en moyenne dans les autres territoires, avec une très légère baisse au total.

Insee Analyses Ile-de-France
No 165
Paru le :Paru le15/02/2023

Appréhender la mixité sociale à une échelle fine pour compléter l'analyse des disparités de revenu

La métropole du Grand Paris est marquée par de fortes disparités en matière de revenus. En 2019, les 10 % des ménages les plus modestes vivent avec un revenu mensuel inférieur à 900 euros par (UC), tandis que les 10 % les plus aisés disposent d’un revenu mensuel supérieur à 4 500 euros. Les ménages les plus favorisés ont ainsi un revenu cinq fois supérieur aux plus modestes (rapport interdécile). Ce ratio est le plus élevé des 22 métropoles de France, devant celles de Metz, Lyon et Montpellier (encadré).

Les disparités sont aussi territoriales. À Paris, le niveau de vie médian des habitants est le plus élevé de France métropolitaine en comparaison des autres départements. En Seine-Saint-Denis, il y est le plus bas. De forts écarts se retrouvent au niveau des communes.

La répartition territoriale des habitants selon leur niveau de revenu peut également être appréhendée à des échelles territoriales plus fines encore. L’analyse des disparités de revenus au niveau de chaque carreau de 200 mètres de côté (les agrégats de carreaux sont appelés « quartiers » dans la suite de l’étude) permet ainsi d’identifier et d’analyser les situations de ségrégation ou, à l’inverse, de mixité sociale.

La ségrégation désigne l’inégale répartition territoriale des habitants selon leur niveau de revenu (pour comprendre). Elle peut résulter de choix individuels ou de contraintes structurelles, notamment liés au parc et au prix des logements, mais aussi à la desserte en transports, aux aménités urbaines, à l’offre scolaire ou à la proximité des lieux d’emploi. Elle est à l’origine de multiples politiques publiques visant à lutter contre les inégalités territoriales et à renforcer la mixité (plans locaux d’urbanisme, programmes locaux d’habitat, projets urbains…).

37 % de la population de la MGP vit dans les quartiers les plus mixtes

À l’échelle de la MGP, 37 % de la population (soit 2,6 millions de personnes) réside dans un quartier pouvant être qualifié de « mixte » (figure 1). Dans ces quartiers, la répartition des ménages par niveau de revenu est ainsi proche de la répartition moyenne observée dans l’ensemble du pôle de Paris. Selon les cas, des revenus élevés, intermédiaires ou plus faibles peuvent cependant être légèrement surreprésentés, donnant lieu à des quartiers mixtes à dominante respectivement aisée, intermédiaire ou modeste.

À l’inverse, les quartiers caractérisés par une surreprésentation importante d’une catégorie particulière de revenus, qu’ils soient modestes, aisés ou intermédiaires, peuvent être considérés comme « ségrégués » (figure 2). Les quartiers les plus ségrégués rassemblent près de 21 % de la population de la MGP (1,4 million de personnes). La MGP compte 11 % d’habitants résidant dans les quartiers les plus ségrégués rassemblant majoritairement des populations modestes et 8 % dans les quartiers les plus ségrégués où la population est aisée. En revanche, elle compte très peu de quartiers ségrégués concentrant des ménages aux revenus moyens (plus de 1 % des habitants).

Enfin, 42 % des habitants de la MGP vivent dans des quartiers qui relèvent de situations intermédiaires, ne faisant ni partie des quartiers les plus ségrégués, ni des plus mixtes.

Figure 1Répartition de la population selon le niveau de mixité du quartier de résidence en 2019

(en %)
Répartition de la population selon le niveau de mixité du quartier de résidence en 2019 ((en %)) - Lecture : à Paris, 48 % de la population vit dans un des quartiers les plus mixtes, 14 % dans un des quartiers les plus ségrégués.
Territoire Quartiers les plus mixtes Quartiers intermédiaires Quartiers les plus ségrégués Ensemble
Ville de Paris 47,7 38,4 13,9 100,0
T5 – Boucle Nord de Seine 39,7 43,5 16,8 100,0
T8 – Est Ensemble 39,3 33,7 27,0 100,0
T10 – Paris Est Marne & Bois 39,2 47,8 13,0 100,0
T12 – Grand-Orly Seine Bièvre 37,7 46,0 16,3 100,0
Métropole du Grand Paris 37,4 41,9 20,7 100,0
T9 – Grand Paris Grand Est 37,4 44,2 18,4 100,0
T2 – Vallée Sud Grand Paris 35,8 46,1 18,1 100,0
T3 – Grand Paris Seine Ouest 33,5 47,8 18,7 100,0
T11 – Grand Paris Sud Est Avenir 31,8 51,7 16,5 100,0
T4 – Paris Ouest La Défense 30,0 41,0 29,0 100,0
T7 – Paris Terres d'Envol 18,3 43,7 38,0 100,0
T6 – Plaine Commune 13,9 33,4 52,7 100,0
  • Lecture : à Paris, 48 % de la population vit dans un des quartiers les plus mixtes, 14 % dans un des quartiers les plus ségrégués.
  • Champ : population résidente, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Source : Insee, Filosofi 2019.

Figure 1Répartition de la population selon le niveau de mixité du quartier de résidence en 2019

  • Lecture : à Paris, 48 % de la population vit dans un des quartiers les plus mixtes, 14 % dans un des quartiers les plus ségrégués.
  • Champ : population résidente, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Source : Insee, Filosofi 2019.

Figure 2Niveau de mixité résidentielle dans la métropole du Grand Paris en 2019

  • Données au carreau, non diffusables.
  • Note : lissage dont le rayon est de 600 m.
  • Lecture : dans le 20e arrondissement de Paris, les quartiers sont majoritairement mixtes.
  • Champ : population résidente, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Sources : Insee, Filosofi 2019, recensement de la population 2017.

À Paris, près de la moitié de la population vit dans les quartiers les plus mixtes

Au sein de la MGP, c’est à Paris que la part des habitants vivant dans les quartiers les plus mixtes est la plus importante en comparaison des onze établissements publics territoriaux (EPT) : près de la moitié (48 %) des Parisiens résident dans un quartier considéré comme mixte. Cette mixité est principalement portée par les arrondissements de l’est parisien (les 10e, 11e, 12e, 13e, 18e, 19e et 20e arrondissements) (figure 3). Dans la plupart des autres territoires de la MGP, la proportion de personnes vivant dans un quartier considéré comme mixte varie de 29 % à Paris Ouest La Défense à 40 % à Boucle Nord de Seine. Deux territoires font exception, avec un niveau de mixité ainsi observé inférieur à 20 % : Paris Terres d’Envol (18 %) et Plaine Commune (14 %).

Cette situation globale à l’échelle des EPT masque d’importantes disparités à l’échelon communal. Sur les 130 communes de la MGP hors de Paris, 22 comptent plus de 50 % de leur population vivant dans les quartiers les plus mixtes et contribuent fortement au niveau de mixité à l’échelle métropolitaine. Ce sont généralement des communes très peuplées.

La plupart des communes ou arrondissements les plus mixtes se situent sur un croissant Est allant de Clichy (70 %) à Malakoff (76 %), en passant par Le Pré-Saint-Gervais (77 %), Les Lilas (78 %), les 10e (72 %), 19e (72 %), 13e (71 %), 20e (67 %) arrondissements de Paris, Alfortville (64 %) et Le Kremlin-Bicêtre où 83 % de la population vit dans un quartier mixte.

Le niveau de ségrégation d’un quartier est notamment lié à son parc de logements (statut d’occupation et type d’habitat) dont la diversité favorise la mixité. Par exemple, dans les quartiers les plus mixtes de la MGP, 25 % des ménages résident dans le parc social, 36 % dans le parc locatif privé et 39 % sont propriétaires occupants (figure 4). À l’inverse, à peine plus de 1 % des ménages des quartiers ségrégués aisés sont locataires du parc social, tandis que 71 % le sont dans les quartiers ségrégués modestes.

Figure 3aTypologie des quartiers croisant niveau de mixité et catégorie de revenus surreprésentés, pour l'ensemble des quartiers

  • Données au carreau, non diffusables.
  • Champ : population résidente, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Source : Insee, Filosofi 2019.

Figure 4Répartition des ménages de la MGP selon le type de logement et par type de quartier en 2019

(en %)
Répartition des ménages de la MGP selon le type de logement et par type de quartier en 2019 ((en %)) - Lecture : en 2019, dans la métropole du Grand Paris, 71 % des ménages habitant dans un quartier ségrégué modeste sont locataires du parc social. La modalité « ensemble de la MGP » comprend l’ensemble des quartiers, y compris intermédiaires (ni ségrégués, ni mixtes).
Type de quartier Propriétaires Locataires du parc social Locataires du parc privé
Quartiers mixtes 39 25 36
Quartiers ségrégués modestes 10 71 19
Quartiers ségrégués aisés 59 1 40
Ensemble de la MGP 40 26 34
  • Lecture : en 2019, dans la métropole du Grand Paris, 71 % des ménages habitant dans un quartier ségrégué modeste sont locataires du parc social. La modalité « ensemble de la MGP » comprend l’ensemble des quartiers, y compris intermédiaires (ni ségrégués, ni mixtes).
  • Champ : ménages de la métropole du Grand Paris, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Source : Insee, Filosofi 2019.

Figure 4Répartition des ménages de la MGP selon le type de logement et par type de quartier en 2019

  • Lecture : en 2019, dans la métropole du Grand Paris, 71 % des ménages habitant dans un quartier ségrégué modeste sont locataires du parc social. La modalité « ensemble de la MGP » comprend l’ensemble des quartiers, y compris intermédiaires (ni ségrégués, ni mixtes).
  • Champ : ménages de la métropole du Grand Paris, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Source : Insee, Filosofi 2019.

21 % des habitants de la MGP habitent dans les quartiers les plus ségrégués

Dans la métropole du Grand Paris, 21 % de la population vit dans un quartier ségrégué, ainsi défini en raison de la concentration de ménages appartenant à une même catégorie de revenus. Plaine Commune, Paris Terres d’Envol et Paris Ouest La Défense apparaissent comme étant les territoires les plus ségrégués de la MGP.

Dans les territoires de Plaine Commune et de Paris Terres d’Envol, la ségrégation se caractérise par une concentration de ménages à faibles revenus, notamment à La Courneuve, Aubervilliers, Stains, Pierrefitte-sur-Seine et Villetaneuse, mais aussi à Dugny et Sevran. Le parc locatif social est prédominant et la proportion de familles monoparentales y est plus élevée qu’ailleurs. Quelques communes apparaissent également très ségréguées en dehors de ces territoires, notamment Bobigny (Est Ensemble) et Clichy-sous-Bois (Grand Paris Grand Est).

À l’inverse, à Paris Ouest La Défense, le plus fort niveau de ségrégation reflète une concentration spatiale des catégories sociales les plus privilégiées, notamment à Vaucresson et Neuilly-sur-Seine où plus de la moitié des ménages sont propriétaires de leur logement. Hors de ce territoire, plusieurs quartiers accueillent une forte proportion de ménages à hauts revenus. Ils se situent principalement à Paris (6e, 7e et 16e arrondissements, nord du 8e, sud-ouest du 17e), dans les EPT Vallée Sud Grand Paris (autour du parc de Sceaux par exemple), Grand Paris Seine Ouest (Meudon, Ville-d’Avray, Issy-les-Moulineaux, Sèvres, Marne-la-Coquette, l’est de Chaville, le nord de Boulogne-Billancourt) et Paris Est Marne & Bois (Saint-Maur-des-Fossés par exemple). Il en est de même aux abords du bois de Vincennes et le long de la Marne.

En 15 ans, une progression de la mixité dans la plupart des territoires mais un très léger recul à l’échelle métropolitaine

Entre 2004 et 2019, la mixité a très légèrement reculé dans la MGP (figure 5), les compositions sociales des quartiers évoluant lentement. En 2004, 39 % de la population vivait dans un quartier mixte, soit une part supérieure de 1,3 point à celle observée quinze ans plus tard en 2019. Près des deux tiers des carreaux (unités de 200 mètres de côté) qui étaient considérés comme mixtes en 2004 le sont toujours en 2019. En revanche, 34 % des carreaux mixtes en 2004 sont désormais dans une situation intermédiaire (ni mixtes, ni ségrégués). Les carreaux mixtes devenus ségrégués sont donc très peu nombreux (1 % des carreaux mixtes en 2004).

Cette évolution globale masque des trajectoires contrastées selon les territoires : dans huit EPT, la part de leur population vivant dans les quartiers les plus mixtes a augmenté. La mixité a progressé à Plaine Commune, Grand Paris Grand Est, Boucle Nord de Seine et Grand Orly Seine Bièvre. À l’inverse, elle a reculé dans quatre territoires : Paris Terres d’Envol, Grand Paris Seine Ouest, Paris ainsi qu’à Paris Ouest La Défense. La part de la population résidant dans les quartiers les plus mixtes à Plaine Commune demeure la plus faible de tous les EPT même si elle a augmenté de 4,4 points. À Paris, la part de la population vivant dans un quartier mixte a diminué de 4,5 points sur la période, mais reste la plus importante de tous les territoires. Ces évolutions sont le résultat d’un renforcement de la mixité dans certains quartiers, notamment dans le nord-est parisien, qui compense partiellement la baisse de mixité dans d’autres quartiers. Le recul de la mixité est enfin particulièrement marqué à Paris Terres d’Envol (-8,6 points), territoire dans lequel la part de la population vivant dans les quartiers les plus mixtes était déjà très faible, soulignant l’enjeu de préservation de la mixité au travers des politiques urbaines, sociales et d’habitat.

Figure 5Part de la population résidant dans les quartiers les plus mixtes en 2004 et 2019 et son évolution

Part de la population résidant dans les quartiers les plus mixtes en 2004 et 2019 et son évolution - Lecture : en 2019, 33,5 % de la population vit dans les quartiers les plus mixtes à Grand Paris Seine Ouest (T3), cette part a baissé de 5,1 points depuis 2004.
Territoire Part de personnes vivant dans les quartiers les plus mixtes (en %) Évolution (en points)
2019 2004
Ville de Paris 47,7 52,2 -4,5
T5 – Boucle Nord de Seine 39,7 36,2 3,5
T8 – Est Ensemble 39,3 36,9 2,4
T10 – Paris Est Marne & Bois 39,2 38,9 0,3
T12 – Grand-Orly Seine Bièvre 37,7 34,5 3,2
Métropole du Grand Paris 37,4 38,7 -1,3
T9 – Grand Paris Grand Est 37,4 33,5 3,9
T2 – Vallée Sud Grand Paris 35,8 34,2 1,6
T3 – Grand Paris Seine Ouest 33,5 38,6 -5,1
T11 – Grand Paris Sud Est Avenir 31,8 30,0 1,8
T4 – Paris Ouest La Défense 30,0 32,7 -2,7
T7 – Paris Terres d'Envol 18,3 26,9 -8,6
T6 – Plaine Commune 13,9 9,5 4,4
  • Lecture : en 2019, 33,5 % de la population vit dans les quartiers les plus mixtes à Grand Paris Seine Ouest (T3), cette part a baissé de 5,1 points depuis 2004.
  • Champ : population vivant dans les quartiers les plus mixtes en 2004 et/ou en 2019, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.

Figure 5Part de la population résidant dans les quartiers les plus mixtes en 2004 et 2019 et son évolution

  • Lecture : en 2019, 33,5 % de la population vit dans les quartiers les plus mixtes à Grand Paris Seine Ouest (T3), cette part a baissé de 5,1 points depuis 2004.
  • Champ : population vivant dans les quartiers les plus mixtes en 2004 et/ou en 2019, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Source : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019.

Dans les quartiers les plus mixtes, des évolutions traduisant des trajectoires différentes

L’analyse des évolutions de la ségrégation et de la mixité à l’échelle des quartiers montre que les changements les plus notables entre 2004 et 2019 concernent les quartiers mixtes, justifiant un examen particulier de ces quartiers. Plusieurs trajectoires d’évolution de la mixité peuvent être mises en évidence, traduisant soit un recul de la mixité, soit une progression.

Le recul de la mixité se traduit pour certains quartiers par un « embourgeoisement ». À Grand Paris Seine Ouest, les communes accueillant une population aisée telles qu’Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt et Vanves attirent toujours plus de cadres et de ménages à hauts niveaux de revenus (figure 6). C’est aussi le cas à Paris Ouest La Défense, notamment dans les communes de Puteaux, Suresnes, Levallois-Perret et La Garenne-Colombes. L’augmentation des prix de l’immobilier exclut progressivement les catégories modestes. Le recul de la mixité s’explique alors essentiellement par le jeu des migrations résidentielles. À Paris, cette dynamique concerne principalement le centre de Paris, le 9e arrondissement et le sud-est du 17e.

Pour d’autres quartiers, le recul de la mixité peut résulter d’un phénomène de « paupérisation », lié à l’installation de ménages disposant de revenus moins élevés, voire de la baisse des revenus des ménages déjà installés (pertes d’emploi, emplois précaires, retraites) et du départ de ménages aisés. Une telle situation s’observe en particulier dans plusieurs quartiers de Paris Terres d’Envol notamment au Bourget, à Sevran, au Blanc-Mesnil, à Drancy et à Villepinte. L’évitement des cadres et la concentration d’actifs peu qualifiés engendrent une présence plus forte qu’auparavant de ménages à revenus modestes.

À l’inverse, dans certains quartiers, la progression de la mixité peut résulter localement de revenus moindres parmi les ménages présents, de l’installation de nouveaux ménages plus modestes ou du départ des ménages les plus aisés. C’est le cas dans certains quartiers du Raincy, mais aussi dans certains secteurs de Grand-Orly Seine Bièvre où les revenus des ménages progressent en moyenne moins rapidement que dans l’ensemble de la métropole du Grand Paris. Le vieillissement de la population, plus important que dans d’autres territoires, peut aussi en partie expliquer cette tendance. Le passage à la retraite entraîne en effet une baisse de revenus. Par ailleurs, la livraison de logements sociaux favorise l’installation de ménages plus modestes que la population résidente, ce qui renforce la mixité sociale. Il en est ainsi aux alentours du parc André Citroën (zone d’aménagement concerté Boucicaut) dans le 15e arrondissement de Paris, ainsi que dans le sud du 16e arrondissement. Ces mêmes tendances s’observent dans d’autres communes au gré des opérations d’aménagement et de l’implantation de nouveaux logements sociaux dans certains quartiers aisés comme à Rueil-Malmaison.

Enfin, l’apparition d’une nouvelle mixité peut s’expliquer par l’installation dans des quartiers modestes de ménages aux revenus plus élevés, ou bien au départ de ces mêmes quartiers de ménages modestes. Ce phénomène est communément désigné comme un processus de « gentrification ». Il est surtout visible dans les 10e et 11e arrondissements, au nord-est de Paris (18e et 19e) et dans certains quartiers de communes limitrophes, à Plaine Commune et Est Ensemble. Il est généralement très localisé et s’explique par une attractivité territoriale renforcée dans un contexte de mobilités résidentielles de plus en plus contraintes en raison de la hausse des prix immobiliers, en particulier pour les jeunes ménages. Certains de ces quartiers ont fait l’objet d’opérations d’aménagement et de nouvelles constructions. C’est ainsi le cas de la zone d’aménagement concerté des Docks à Saint-Ouen, de celle du sud de Clichy, de celle du Bac d’Asnières ou encore du secteur de la Plaine à Saint-Denis. D’autres quartiers ont bénéficié de projets de renouvellement urbain ou d’opérations d’amélioration de l’habitat comme à la Goutte d’Or. Enfin, certains ont connu des mutations urbaines importantes ou une amélioration de leur image, renforçant leur attractivité, comme la Croix de Chavaux à Montreuil et ceux situés le long des canaux Saint-Martin et de l’Ourcq à Paris et Pantin.

Figure 6Évolution des quartiers les plus mixtes dans la métropole du Grand Paris entre 2004 et 2019

  • Données au carreau, non diffusables.
  • Champ : population vivant dans les quartiers les plus mixtes en 2004 et/ou en 2019, hors carreaux de 200 m de côté comptant moins de 20 ménages fiscaux.
  • Sources : Insee, RFL 2004 et Filosofi 2019, recensement de la population 2017.

La part de la population vivant dans les quartiers les plus ségrégués a peu évolué entre 2004 et 2019

Entre 2004 et 2019, la part de la population résidant dans un quartier ségrégué a très légèrement augmenté dans l’ensemble de la MGP (+1,3 point). En effet, 71 % des carreaux ségrégués en 2004 le sont toujours en 2019, 25 % sont devenus intermédiaires et 4 % mixtes. Mais cette relative stabilité est le résultat de trajectoires variées. La part de personnes vivant dans un quartier ségrégué a plus fortement augmenté à Paris Terres d’Envol (+7,2 points) et dans une moindre mesure à Grand-Orly Seine Bièvre (+3,3 points) et à Grand Paris Seine Ouest (+2,9 points), tandis qu’elle a baissé à Boucle Nord de Seine (-1,6 point), Plaine Commune (-1,0 point), Paris Est Marne & Bois (-1,2 point), Grand Paris Sud Est Avenir (-0,5 point) et à Paris Ouest La Défense (-0,2 point).

Le niveau de ségrégation constaté dans les quartiers les plus ségrégués en 2004 diminue, même si ces quartiers sont toujours considérés comme ségrégués en 2019. Il recule par exemple dans certains quartiers ségrégués de Saint-Ouen-sur-Seine, Nanterre, Fontenay-aux-Roses ou encore Ivry-sur-Seine.

Dans une même commune, les évolutions constatées dans les quartiers les plus ségrégués peuvent diverger. Ainsi, si la part de la population vivant dans les quartiers les plus ségrégués tend à diminuer dans certains quartiers au sud de Saint-Denis et d’Aubervilliers, elle augmente au contraire dans d’autres quartiers ségrégués au nord de ces communes. Dans les communes de Dugny, Sevran et Le Blanc-Mesnil, ainsi qu’à Villeneuve-Saint-Georges et Stains, la ségrégation, déjà élevée en 2004, s’est intensifiée.

Dans les années qui viennent, la mise en service du Grand Paris Express, les aménagements entrepris en vue des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, et l’ensemble des projets urbains engagés dans la métropole du Grand Paris pourraient avoir un effet sur ces tendances. La préservation de la mixité dépendra alors du développement du parc de logements sociaux et de l’existence de logements accessibles aux catégories moyennes et modestes (construction neuve à des niveaux de prix maîtrisés, réhabilitation/rénovation, encadrement des loyers, politiques de peuplement dans le parc social et à l’occasion des projets de renouvellement urbain). Par ailleurs, la proximité résidentielle ne se traduit pas nécessairement par une proximité en termes d’interactions sociales, ce que montrent notamment les enjeux en matière de mixité scolaire. Les dynamiques de ségrégation dépendent enfin plus globalement des effets des politiques de lutte contre les inégalités, qu’il s’agisse de politiques sociales, d’emploi, de fiscalité ou encore de santé.

Encadré - Pôle de Paris : cinquième pôle le plus ségrégué de France

Si la MGP est la métropole dans laquelle les disparités de revenus sont les plus fortes, elle n’apparaît pour autant pas comme la plus ségréguée. Ainsi, en 2019, le pôle de Paris se positionne au cinquième rang parmi les 22 des métropoles françaises, derrière ceux de Rouen, Lille (partie française), Tours et Marseille − Aix-en-Provence.

Entre 2004 et 2019, la ségrégation s’est accrue dans la majorité des pôles en France (14 sur 22). Durant cette période, la ségrégation a peu évolué dans le pôle de Paris, qui se maintient à la cinquième place, tandis qu’elle a augmenté dans les pôles de Brest et de Rennes et a diminué dans ceux de Grenoble et de Strasbourg

Publication rédigée par :Marie Acs, David Veal (Insee), Clément Boisseuil, Émilie Moreau, Sandra Roger (Atelier parisien d’urbanisme)

Pour comprendre

Dans cette étude, la ségrégation et la mixité sont analysées à partir du critère de revenu déclaré par unité de consommation, avec une décomposition en quintiles afin de déterminer cinq groupes sociaux d’analyse. La ségrégation (respectivement la mixité) est mesurée au travers de l’indice de Theil qui établit un score traduisant l’écart entre la distribution de ces groupes sociaux à l’échelle de chacun des carreaux (unités de 200 mètres de côté) et celle à l’échelle métropolitaine (appréhendée ici à partir du pôle de l'aire d’attraction de Paris). L’indice de Theil permet également de comparer le pôle de Paris à celui des autres grandes métropoles françaises.

Par ailleurs, neuf profils différents sont définis en croisant le niveau de ségrégation ou de mixité du carreau et la catégorie de revenus de ses habitants, selon le principe suivant :

Niveau de ségrégation

  • les 25 % des carreaux du pôle de Paris ayant l’indice de Theil le plus bas sont considérés comme mixtes ;
  • les 25 % ayant l’indice le plus élevé sont considérés comme ségrégués ;
  • les 50 % autres carreaux sont considérés comme intermédiaires.

Catégorie de revenus

  • les carreaux avec une surreprésentation de ménages disposant de revenus en dessous du premier quintile de revenu sont considérés à dominante « revenus modestes » ;
  • les carreaux avec une surreprésentation de ménages dont les ménages sont au-dessus du dernier quintile de revenu sont considérés à dominante « revenus élevés » ;
  • les autres carreaux, où les ménages ayant un revenu entre le deuxième et le quatrième quintile de revenu sont surreprésentés, sont considérés à dominante « revenus intermédiaires ».

Sources

Les données sont issues des bases fiscales RFL et Filosofi permettant une analyse des évolutions sur une période assez longue (2004-2019) à un niveau fin (carreaux de 200 m de côté).

Définitions

Pour comparer les niveaux de vie de ménages de taille ou de composition différente, on divise le revenu par le nombre d’unités de consommation (UC). Celles-ci sont généralement calculées de la façon suivante : 1 UC pour le premier adulte du ménage, 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus, 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans.

Laire d’attraction d’une ville est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, qui définit l’étendue de l’influence d’un ou plusieurs pôle(s) de population et d’emploi sur les communes environnantes. Une aire est constituée d’un ou plusieurs pôle(s) et de leurs couronnes. Les pôles sont déterminés principalement à partir de critères de densité et de population totale. Le pôle de Paris se rapproche de la métropole du Grand Paris en l’englobant.

Pour en savoir plus

(1) Gerardin M., Pramil J., « En 15 ans, les disparités entre quartiers, mesurées selon le revenu, se sont accentuées dans la plupart des grandes villes », Insee Analyses no 79, janvier 2023.

(2) Gerardin M., Pramil J., « Cas d’utilisation des indices de Theil pour mesurer les disparités spatiales selon les revenus à l’infracommunal », Insee, Document de travail no 2023-01, janvier 2023.

(3) Bayardin V., Bertaux F., Herviant J., « En 2017, l’Île-de-France reste la région où les écarts de niveaux de vie sont les plus importants, notamment à Paris », Insee Analyses Île-de-France no 135, mai 2021.

(4) Chaput K., Herviant J., Jabot D., Khelladi I., de Lapasse B., « Les inégalités territoriales de niveau de vie en France entre 2008 et 2017 », in La France et ses territoires, coll. « Insee Références », édition 2021.

(5) Roger S., « Ouvrir dans un nouvel ongletÉvolution des revenus dans la Métropole du Grand Paris », Apur, Note no 183, septembre 2020.

(6) Botton H., Cusset P.-Y., Dherbécourt C., George A., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuelle évolution de la ségrégation résidentielle en France ? », France Stratégie, La note d’analyse no 92, juin 2020.

(7) Roger S., « Ouvrir dans un nouvel ongletTransformations sociales dans la MGP », Apur, Note no 159, juin 2019.