Insee Flash Grand Est · Mars 2024 · n° 84

La centrale de Cattenom, grand établissement industriel aux portes du Luxembourg

Située en bordure de la Moselle, au nord de Metz, la commune de Cattenom accueille une centrale nucléaire comportant quatre réacteurs mis en service entre 1986 et 1991. La centrale est, avec celle de Gravelines dans l’agglomération de Dunkerque, la plus importante du pays. En 2018-2019, elle fournit 8,2 % de l’électricité nucléaire nationale. L’emploi et la population liés à la présence de la centrale représentent 3 630 salariés et 9 760 personnes en 2018-2019 dans la région Grand Est, élargie aux départements proches d’une des centrales de la région (figure 1). La centrale de Cattenom emploie 1 460 salariés. Ces emplois directs sont qualifiés : 63 % de professions intermédiaires et 29 % de cadres et professions intellectuelles supérieures. En termes de pouvoir d’achat et donc de retombées économiques locales potentielles, un salaire de la centrale correspond en moyenne à 1,8 salaire de la région. La moitié des salariés a moins de 40 ans et 85 % sont des hommes. Derrière PSA à Trémery et Arcelor-Mittal à Florange, la centrale est en 2019 le troisième établissement industriel du département de la Moselle en nombre d’emplois, avec Continental Sarreguemines.

L’activité de la centrale génère également 1 060 emplois indirects chez ses fournisseurs, sous-traitants ou prestataires, dont 45 % dans des établissements industriels. Leur activité principale se rapporte essentiellement à la fabrication et à la réparation de machines et d’équipements, mécaniques ou électriques, l’installation de structures métalliques, ainsi qu’à la collecte et au traitement des déchets dangereux. L’ingénierie, les études techniques regroupent 20 % de l’emploi indirect. Le secteur de la construction (installation électrique principalement) et les activités de soutien aux entreprises (sécurité, nettoyage industriel) en rassemblent 15 % chacun. La consommation des ménages des salariés directs et indirects se traduit par 1 110 emplois induits supplémentaires dans des activités comme le commerce, la construction ou les services publics de santé et d’enseignement.

Le territoire d’inscription de la centrale de Cattenom, où son influence économique est particulièrement marquée, couvre 60 communes, presque toutes dans l’aire d’attraction de Luxembourg (figure 2). Celles-ci comptent 128 000 habitants en 2019, dont 63 % vivent à Thionville, Yutz et cinq communes alentours ; au-delà de cet espace urbain, l’habitat est plus dispersé. La part de population liée à la centrale au sein du territoire d’inscription est modérée (3 %). Elle dépasse cependant un habitant sur dix dans les communes de Manom, Cattenom et Entrange ; par ailleurs, près de la moitié de la population liée à la centrale vit dans les communes de Thionville, Yutz et Terville. L’influence de la centrale s’étend au-delà du territoire d’inscription, au sud de Thionville jusqu’à Metz.

L’attraction exercée par le Luxembourg structure profondément le territoire, avec des axes de communication vers le nord particulièrement fréquentés : près de 27 000 résidents traversent la frontière pour aller travailler, soit 46 % des actifs occupés. Leurs salaires relativement élevés se traduisent par un niveau de vie médian dépassant de plus de 15 % celui du département. La part de la population vivant sous le seuil de pauvreté reste cependant significative (13,6 %, pour 15,5 % en Moselle).

Le territoire d’inscription gagne 27 000 habitants en cinquante ans. L’augmentation de la population y est plus rapide qu’en Moselle depuis 1982. Ainsi, la construction de la centrale durant les années 1980 contribue à compenser la déprise démographique qui touche alors les territoires voisins touchés par la crise de la sidérurgie. À partir de 2000, le territoire bénéficie de l’attrait pour le travail frontalier, qui se traduit par une accélération de la croissance démographique. Celle-ci est plus affirmée dans le territoire d’inscription que dans l’ensemble de l’aire d’attraction du Luxembourg (partie française). L’attractivité résidentielle concernant surtout les actifs, le vieillissement de la population est moins marqué, avec 17,5 % de personnes âgées de 65 ans ou plus, deux points de moins que dans le département.

Depuis les années 1970, la crise sidérurgique puis l’essor du travail frontalier remodèlent profondément le tissu économique du territoire. L’emploi augmente fortement depuis 1975, tiré par les services, surtout durant les années 2000, en réponse à l’accélération de la croissance démographique. Pourtant, de 2008 à 2019, l’emploi tertiaire marque le pas (-2 %) et les activités présentielles restent stables.

La mise en service de la centrale coïncide avec une progression des effectifs dans l’industrie au cours des années 1980. Ensuite, l’emploi industriel baisse dans le territoire, à un rythme plus lent que dans l’ensemble du département, et se stabilise dans la période récente. La production d'électricité occupe alors une place importante dans le tissu productif local.