Insee Analyses Centre-Val de Loire · Octobre 2023 · n° 101

Une moindre insertion professionnelle pour les immigrés récents

En 2020, 191 900 immigrés vivent en Centre-Val de Loire. Ils représentent 7,5 % de la population régionale, contre 10 % en France métropolitaine. Derrière l’Île-de-France (+2,4 points), le Centre-Val de Loire est la région métropolitaine dans laquelle la part de la population immigrée a le plus augmenté entre 2010 et 2020 (+1,5 point contre +1,1 point en France métropolitaine hors Île-de-France). Parmi les immigrés résidant en Centre-Val de Loire, 24 700 sont arrivés en France depuis moins de 5 ans. Ces immigrés récents représentent 12,9 % de la population immigrée régionale. Malgré une hausse de près de 3 points entre 2010 et 2020, le Centre-Val de Loire demeure l’une des régions métropolitaines dans laquelle la part des immigrés récents dans la population immigrée est la moins importante après l’Île-de-France, la Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Corse.

Près de la moitié des immigrés qui résident dans la région sont originaires du continent africain (47,5 % contre 43,2 % en France métropolitaine hors Île-de-France). Cette part a augmenté de plus de 5 points entre 2010 et 2020. En 2020, les ressortissants européens ne représentent plus qu’un tiers des immigrés, contre 4 immigrés sur 10 en 2010.

À l’instar du niveau national, les pays d’origine les plus représentés parmi les immigrés sont le Maroc et la Tunisie en 2020 (18,3 % d’entre eux, données complémentaires 1). Les immigrés originaires du Portugal sont près de deux fois plus nombreux dans la région qu’en France métropolitaine hors Île-de-France (16,5 % contre 9,3 %), tout comme les immigrés originaires d’Afrique guinéenne ou centrale (10,5 % contre 5,4 %).

Les origines migratoires tendent toutefois à se diversifier parmi les immigrés récents (figure 1). En 2020, 20,9 % des immigrés récents sont originaires d’Asie, d’Amérique ou d’Océanie, contre 18,0 % des immigrés arrivés depuis plus de cinq ans sur le territoire.

En Centre-Val de Loire, 3 personnes immigrées sur 4 sont âgées de 15 à 64 ans, contre moins de 6 personnes non immigrées sur 10 (données complémentaires 2). Compte tenu de ces différences de structure par âge, les immigrés sont plus souvent en âge d’être actifs. Néanmoins, ces différences de structure tendent à s’atténuer puisque la part des moins de 15 ans et des plus de 60 ans parmi les immigrés a augmenté de respectivement +0,5 point et +2,7 points entre 2010 et 2020. En outre, plus de la moitié des immigrés récents ont entre 15 et 34 ans, contre 19 % de l’ensemble de la population immigrée et 18 % pour les non immigrés. De plus, la proportion d’étudiants âgés de 20 à 25 ans est plus importante pour les immigrés (23,6 %, +7 points), puisque la poursuite des études supérieures constitue également un motif d’immigration conséquent. Par ailleurs, les immigrés de plus de 55 ans sont moins souvent retraités que les non immigrés (64,5 % contre 75,8 %), pour partie en lien avec des carrières plus souvent fragmentées et en moyenne moins rémunératrices qui peuvent inciter les immigrés à maintenir une activité professionnelle.

Malgré tout, les immigrés sont moins présents dans la population active. Le taux d’activité des immigrés âgés de 15 à 64 ans est de 72,5 %, contre 75,6 % pour les non-immigrés. Ils occupent également moins fréquemment un emploi : 55,4 % contre 67,4 % pour la population non immigrée (figure 2). Le taux d’emploi des immigrés ne dépasse celui du reste de la population que pour ceux âgés de 60 à 64 ans. Compte-tenu de sa structure par sexe et âge, si l’insertion professionnelle de la population immigrée était la même que la population non immigrée (Pour comprendre), 81 % feraient partie de la population active et 73 % seraient en emploi. De même, 63 % des immigrés occuperaient un emploi à temps complet, soit une différence de 18 points par rapport au niveau effectivement observé.

La situation des femmes immigrées à l’égard de l’emploi est encore moins favorable que celle des hommes immigrés. La part des femmes immigrées en âge de travailler est légèrement supérieure (76,3 % contre 74,4 %), mais elles sont moins souvent en activité (65,9 % contre 79,4 % pour les hommes immigrés) et donc en proportion moins nombreuses à être en emploi (47,6 % contre 63,7 % pour les hommes). Parmi les actifs immigrés, la part des sans-emploi est supérieure de 8 points pour les femmes (27,8 % contre 19,7 % pour les hommes).

Toutes choses égales par ailleurs, les immigrés récents ont près de trois fois moins de chances que les non immigrés ou les immigrés arrivés depuis plus de 40 ans sur le territoire d’être dans une situation d’emploi plutôt que dans une situation de chômage, mais également deux fois plus de chances d’être dans une situation d’inactivité plutôt que de chômage (figure 3). D’une manière générale, le taux d’emploi des immigrés augmente avec l’ancienneté de l’arrivée sur le territoire. Dans la tranche d’âge des 15 à 64 ans, le taux d’emploi des immigrés récents (35,4 %) est inférieur de 32 points à celui des non-immigrés (67,4 %) et, de 23 points à celui des immigrés arrivés en France depuis plus de 5 ans (58,5 %). Le taux d’emploi des immigrés récents dans la région est inférieur à celui observé en France métropolitaine hors Île-de-France (38,8 %) (données complémentaires 3). L’écart mesuré est particulièrement important sur les premières années (-5,3 points pour les immigrés arrivés depuis moins de deux ans et résidant en Centre-Val de Loire). Le taux d’inactivité élevé notamment pour les jeunes et pour les femmes participe à ce faible taux d’emploi. Près de 4 immigrés récents sur 10 âgés de 15 à 29 ans ne sont ni en emploi ni en formation contre un immigré sur 3 et un non immigré sur 6. Le taux d’emploi des femmes immigrées arrivées récemment est également particulièrement bas et très inférieur à celui des hommes (26,3 % contre 45,1 %). Ce niveau, très en deçà de celui des immigrées de plus longue date (50,9 %), s’explique par des proportions élevées d’immigrées récentes dans une situation d’inactivité ou de chômage (respectivement 31,5 % et 25,7 %).

L’amélioration de la situation des immigrés vis-à-vis de l’emploi avec le temps donne à voir les obstacles auxquels doivent faire face les immigrés comme le temps d’apprentissage de la langue ou celui nécessaire à la réalisation des démarches administratives, en particulier l’obtention de la nationalité française. En Centre-Val de Loire, 37,7 % des immigrés ont acquis la nationalité française, soit autant qu’au niveau national. Les immigrés naturalisés français occupent plus fréquemment un emploi (64,0 %) que les immigrés qui ne détiennent pas la nationalité (50,3 %). Ceci n’est pas le seul reflet de la relation entre insertion professionnelle et ancienneté d’arrivée. En effet, à ancienneté égale sur le territoire, les immigrés n’ayant pas acquis la nationalité française sont toujours moins fréquemment en emploi que les autres et l’écart se creuse avec l’ancienneté d’arrivée sur le territoire (de 3,9 points pour les immigrés récents à 14,6 points pour les immigrés arrivés depuis plus de 30 ans).

En région, 37,7 % des immigrés résident dans le Loiret, 20,6 % dans l’Indre-et-Loire et 17,4 % en Eure-et-Loir. Au total, 3 immigrés sur 4 résident dans ces trois départements. La population immigrée est majoritairement citadine. Près de 8 immigrés sur 10 vivent dans un espace urbain, contre une personne non immigrée sur 2. Près des deux tiers des immigrés résident dans le pôle d’une aire d’attraction des villes (64,1 % contre 35,8 % des non-immigrés) et plus particulièrement ceux des deux principales métropoles régionales. En effet, les pôles des aires d’Orléans et de Tours accueillent 36,0 % de la population immigrée régionale, contre moitié moins de la population non immigrée (18,7 %). Ces territoires concentrent un tiers du parc locatif et du parc locatif social régional. La présence des immigrés récents au sein des deux grands pôles urbains régionaux est encore plus marquée. Ils accueillent 44,0 % de la population immigrée récente. Par ailleurs, la population immigrée vit plus fréquemment à proximité de l’Île-de-France que le reste de la population : 19,6 % d’entre eux résident dans les franges franciliennes (Pour comprendre), contre 14,0 % du reste de la population.

Résider dans un quartier marqué par une concentration de la population immigrée va de pair avec le fait de rencontrer des difficultés d’accès à l’emploi. Ainsi, la probabilité pour un actif, immigré ou non, d’être en emploi est plus faible (figure 3) dès lors qu’il réside au sein d’un quartier où plus d’un habitant sur deux est immigré.

En 2020 et à l’issue de leurs études, les immigrés résidant en Centre-Val de Loire sont en moyenne moins diplômés que le reste de la population (figure 4). Parmi les 25-34 ans, un quart n’a aucun diplôme ou seulement un certificat d’études primaires, une proportion nettement supérieure à celle des non-immigrés (7,8 %). Si les immigrés en région sont en moyenne moins nombreux à détenir un diplôme d’enseignement supérieur (33,7 % contre 41,5 % des non immigrés), près de la moitié d’entre eux sont détenteurs d’un master ou d’un doctorat (soit 14,7 % de l’ensemble de la population immigrée, contre 13,4 % des non immigrés).

Quel que soit leur âge, les immigrés récents sont davantage diplômés que les immigrés arrivés depuis plus longtemps sur le territoire. Ils sont 31,3 % à détenir un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 25,4 % des immigrés plus anciens.

La détention d’un diplôme facilite l’accès à l’emploi, d’autant plus lorsque le niveau du diplôme est élevé. Sans distinction entre immigrés et non immigrés, un actif a ainsi plus de deux fois plus de chances d’occuper un emploi lorsqu’il détient un diplôme de l’enseignement supérieur plutôt qu’un CAP-BEP toutes choses égales par ailleurs. Néanmoins, l’effet positif de la détention d’un diplôme du supérieur sur l’accès à l’emploi est de moindre ampleur pour les immigrés et se traduit sur les taux d’emploi observés. Moins de 7 immigrés diplômés du supérieur sur 10 sont en emploi, contre près de 9 non immigrés sur 10.

Si les trois quarts des actifs immigrés en âge de travailler (76,4 %) sont en emploi, les emplois qu’ils occupent se différencient nettement de ceux des non-immigrés en termes de durée et de quotité. Les emplois des immigrés sont davantage à durée limitée. Près d’un immigré en emploi sur 5 (19,9 %) occupe un emploi à durée déterminée (figure 5), contre un non immigré sur 10 (10,2 %). En particulier, les immigrés travaillent en proportion deux fois plus en intérim (5,5 % des emplois, contre 2,2 % pour les non immigrés). En outre, les immigrés travaillent également plus fréquemment à temps partiel. En 2020, 19,3 % des emplois des immigrés sont occupés à temps partiel, contre 13,9 % des emplois des non immigrés.

Les immigrés récents sont davantage employés sous une forme particulière d’emploi : ils accèdent moins souvent à un emploi à durée indéterminée ou à un emploi à temps plein. Ainsi, 44,6 % des immigrés récents en emploi ne sont ni en CDI, ni fonctionnaires, ni indépendants et 27,3 % travaillent à temps partiel.

Les immigrés occupent également en moyenne des emplois moins qualifiés, concentrés dans quelques métiers ou secteurs d’activité. Ils sont par exemple surreprésentés parmi les ouvriers et les employés, deux catégories socioprofessionnelles dans lesquelles les emplois à durée limitée et le travail à temps partiel sont plus importants. Parmi les femmes immigrées en emploi, 46,4 % sont employées contre 43,4 % pour les non-immigrées. Les femmes immigrées sont notamment surreprésentées dans les services directs aux particuliers tels qu’aide à domicile, aide ménagère, agent d’entretien ou employées dans les services hospitaliers et de l’hôtellerie-restauration (données complémentaires 4). Une femme immigrée en emploi sur 6 exerce l’une de ces professions, contre une femme non immigrée sur 10. Chez les hommes, 48,1 % des immigrés en emploi sont ouvriers, contre 34,5 % des non-immigrés. En particulier, un quart des hommes immigrés en emploi sont ouvriers dans la construction ou l’industrie.

Les immigrés sont davantage confrontés à l’inadéquation entre leur niveau de diplôme et la profession exercée. Autrement dit, ils ont plus souvent un niveau de diplôme supérieur à celui le plus fréquemment observé dans le type d’emploi qu’ils exercent (Pour comprendre). En 2020, près de 16,5 % des emplois occupés par les immigrés diplômés d’un Bac +5 ou plus sont des emplois d’ouvrier ou d’employé en Centre-Val de Loire, contre 7,2 % des emplois des non immigrés (données complémentaires 5). En outre, seul un immigré titulaire d’une licence sur 2 accède aux professions intermédiaires ou supérieures, contre 3 personnes non immigrées sur 4.

En Centre-Val de Loire, 27,2 % des immigrés en emploi sont en situation de déclassement professionnel, un taux supérieur de 5 points à celui des non immigrés. Néanmoins, le taux de déclassement professionnel des immigrés en région est légèrement inférieur à celui des immigrés de France métropolitaine hors Île-de-France (-1,1 point). Le taux de déclassement professionnel est particulièrement élevé pour les détenteurs d’un diplôme de niveau Bac +3 ou Bac +4 (67,4 %). Il apparaît également plus élevé pour les femmes immigrées que pour les hommes. En 2020, près de 3 femmes immigrées en emploi sur 10 (28,8 %) sont en situation de déclassement professionnel, contre un homme immigré sur 4 (25,7 %). Le déclassement professionnel est plus important en début de carrière. Plus diplômés et moins expérimentés que leurs aînés, les jeunes sont davantage concernés. C’est le cas de près d’un jeune immigré de 25 à 34 ans sur 3, contre un immigré âgé de 35 ans ou plus sur 4. Les immigrés récents sont également davantage confrontés au déclassement professionnel que les immigrés présents depuis plus longtemps sur le territoire national (33,0 % contre 26,6 %).