Insee Analyses Ile-de-France ·
Octobre 2022 · n° 160Les actifs immigrés en Île-de-France : leurs métiers, diplômes et origines
En 2018, 1,25 million d’immigrés travaillent en Île-de-France. Ils représentent 22 % de la population active de la région, une part deux fois plus élevée qu’en France métropolitaine.
Les immigrés franciliens exercent majoritairement dans les services aux particuliers et aux collectivités ainsi que dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Ils occupent des métiers souvent peu qualifiés et dont les conditions de travail sont plutôt difficiles. Un actif immigré sur deux est originaire d’Afrique ; un sur quatre est né en Europe. La répartition professionnelle des immigrés varie notamment en fonction de leur pays de naissance. Le niveau d’études des immigrés en emploi est globalement moins élevé que celui des actifs non immigrés, même si la différence est moindre pour les jeunes.
- La moitié des actifs immigrés de l’Hexagone travaillent en Île-de-France
- Les actifs immigrés concentrés dans le cœur et le nord de la région francilienne
- Les immigrés travaillent principalement dans les services aux particuliers et dans le bâtiment
- Des métiers globalement peu qualifiés avec des conditions difficiles de travail et de recrutement
- Les immigrés occupent des emplois où la mixité femme-homme est peu présente
- Des travailleurs immigrés franciliens originaires pour moitié du continent africain
- Des immigrés très peu présents dans les métiers requérant la nationalité française et dans les professions supérieures
- Des immigrés surreprésentés dans certains corps de métiers selon leur pays d’origine
- Parmi les immigrés, des proportions proches de hauts-diplômés et de non-diplômés
- Des immigrés davantage confrontés à l’inadéquation entre niveau de diplôme et métier
- Encadré - Travail et immigration : quelques éléments historiques
La moitié des actifs immigrés de l’Hexagone travaillent en Île-de-France
En 2018, 1,25 million d’immigrés exercent un emploi en Île-de-France, soit près de la moitié des travailleurs immigrés de France métropolitaine. Les actifs immigrés représentent 22 % de l’ensemble des emplois de la région Île-de-France, une part nettement supérieure à celle des autres régions. En province, la proportion d’immigrés parmi les actifs occupés varie en effet de 4 % (dans les Pays de la Loire, en Normandie et en Bretagne) à 12 % (en Corse) (figure 1).
tableauFigure 1 – Proportion d’actifs immigrés dans l’emploi total, par région (et par département francilien), en 2018 Régions françaises
Région | Proportion d’actifs immigrés |
---|---|
Île-de-France | 22,1 |
Corse | 11,7 |
Provence-Alpes-Côte d'Azur | 10,4 |
Auvergne-Rhône-Alpes | 9,1 |
Grand Est | 7,7 |
Occitanie | 8,7 |
Centre-Val de Loire | 7,4 |
Bourgogne-Franche-Comté | 6,5 |
Nouvelle-Aquitaine | 6,4 |
Hauts-de-France | 4,8 |
Normandie | 4,3 |
Pays de la Loire | 4,2 |
Bretagne | 4,0 |
- Lecture : en 2018, 22,1 % des actifs en emploi en Île-de-France sont des immigrés.
- Champ : France métropolitaine. Personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de travail.
- Source : Insee, recensement de la population 2018.
graphiqueFigure 1 – Proportion d’actifs immigrés dans l’emploi total, par région (et par département francilien), en 2018 Régions françaises
Les actifs immigrés concentrés dans le cœur et le nord de la région francilienne
Au sein de la région Île-de-France, c’est en Seine-Saint-Denis que résident le plus grand nombre d’immigrés, dont 237 000 travailleurs, soit 37 % des actifs en emploi qui résident dans ce département. Lieu de résidence privilégié des actifs immigrés, la Seine-Saint-Denis est aussi le premier département de travail pour les emplois occupés par des immigrés (28 %, contre 17 % en Seine-et-Marne où cette part est la plus faible de tous les départements franciliens).
L’installation de nouveaux immigrés sur un territoire donné relève de différents facteurs qui contribuent à des phénomènes de concentration, parmi lesquels les perspectives d’emploi, le prix du logement, l’offre de logement social ou encore la présence d’immigrés de même origine [Héran, 2021].
En dehors de l’Île-de-France, la présence des immigrés dans la population active est nettement moindre. Ce constat vaut y compris pour les autres grandes métropoles de province : dans six d’entre elles (Strasbourg, Lyon, Grenoble, Montpellier, Marseille et Toulouse), les immigrés représentent entre 10 et 12 % de la population active ; cette part se situe autour de 7 % à Lille ainsi que dans les grandes métropoles de l’ouest de la France (Bordeaux, Nantes et Rennes, entre 6 % et 8,5 %).
Les immigrés travaillent principalement dans les services aux particuliers et dans le bâtiment
Certains métiers sont plus particulièrement occupés par des immigrés. En Île-de-France, douze en particulier se distinguent par une proportion d’immigrés supérieure à 39 % (figure 2). Ce sont pour la plupart des métiers de services aux particuliers et aux collectivités, des métiers du bâtiment et des travaux publics ainsi que de l’hôtellerie et restauration. Ainsi, en Île-de-France, plus de six aides à domicile, aides ménagères ou employés de maison sur dix sont immigrés. Il en est de même pour les ouvriers du gros œuvre du bâtiment et des travaux publics. Par ailleurs, un cuisinier francilien sur deux est immigré et plus de quatre sur dix s’agissant des agents de gardiennage et de sécurité, agents d’entretien et assistantes maternelles.
tableauFigure 2 – Les métiers qui recourent le plus à la main-d’œuvre immigrée en Île-de-France
Métiers | Actifs immigrés | Actifs non immigrés | Total | Part des actifs immigrés dans le métier (en %) |
---|---|---|---|---|
Aides à domicile et aides ménagères, employés de maison | 52 900 | 33 200 | 86 100 | 61,4 |
Ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment, des travaux publics, du béton et de l'extraction | 25 300 | 16 300 | 41 600 | 60,8 |
Ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment | 22 400 | 14 500 | 36 900 | 60,7 |
Cuisiniers | 43 100 | 43 100 | 86 200 | 50,0 |
Ouvriers non qualifiés des industries de process (agro-alimentaire, chimie, plastiques, carton, bois) | 10 400 | 11 000 | 21 400 | 48,6 |
Ouvriers non qualifiés du second œuvre du bâtiment | 16 600 | 18 000 | 34 600 | 48,0 |
Ouvriers qualifiés des travaux publics, du béton et de l'extraction | 6 400 | 7 000 | 13 400 | 47,8 |
Agents de gardiennage et de sécurité | 41 200 | 45 900 | 87 100 | 47,3 |
Agents d'entretien (agents de propreté…) | 95 100 | 112 500 | 207 600 | 45,8 |
Assistantes maternelles | 29 900 | 38 700 | 68 600 | 43,6 |
Ouvriers qualifiés du second œuvre du bâtiment | 29 400 | 38 800 | 68 200 | 43,2 |
Employés et agents de maîtrise de l'hôtellerie et de la restauration | 42 200 | 64 800 | 107 000 | 39,4 |
Ensemble des 12 métiers | 414 900 | 443 800 | 858 700 | 48,3 |
Ensemble de tous les autres métiers | 836 800 | 3 971 000 | 4 805 800 | 17,4 |
Ensemble de tous les métiers | 1 251 700 | 4 412 800 | 5 664 500 | 22,1 |
- Lecture : en Île-de-France, le métier de cuisinier est exercé, pour moitié, par des personnes immigrées.
- Champ : Île-de-France. Personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de travail. Métiers avec des effectifs supérieurs ou égaux à 5 000.
- Source : Insee, recensement de la population 2018.
Des métiers globalement peu qualifiés avec des conditions difficiles de travail et de recrutement
La majorité des métiers occupés par des personnes immigrées requièrent un niveau de qualification plutôt faible : les actifs immigrés franciliens sont en majorité ouvriers (24 %) ou employés (32 %). C’est encore davantage le cas des douze métiers où ils sont les plus présents. Ceux-ci se caractérisent en général par des conditions de travail plus contraignantes que la moyenne, avec des efforts physiques nombreux, des tâches répétitives dans le travail ainsi que des horaires particuliers (tardifs, décalés ou morcelés). Il en est ainsi des ouvriers du bâtiment et des travaux publics, des employés de l’hôtellerie et restauration ou des cuisiniers, des agents de gardiennage et de sécurité ou encore d’entretien. De fait, pour ces métiers, les employeurs sont confrontés à des difficultés de recrutement. La tension de recrutement est source d’enjeux d’autant plus forts qu’il s’agit là, pour partie, de métiers-clés, dits « essentiels », pour le bon fonctionnement d’un territoire. Certains ont même été en « première ligne » lors de la crise sanitaire, à l’image des agents de propreté (nettoyage industriel, bureaux, immeubles) dont 76 % sont immigrés [Acs et al., 2021].
Les immigrés occupent des emplois où la mixité femme-homme est peu présente
En Île-de-France comme en France, une parité est observée dans l’emploi total, en ce sens que les femmes représentent environ la moitié des actifs occupés. Mais elle ne se retrouve pas à l’échelle des différents métiers, certains étant majoritairement féminins, d’autres majoritairement masculins. Cette différenciation est renforcée dans le cas des actifs immigrés. D’une part, ces derniers sont surreprésentés dans des métiers où la parité n’est pas observée. D’autre part, même à métier identique, la spécialisation par sexe est plus forte pour les immigrés. Si la probabilité qu’un emploi francilien d’agent d’entretien soit occupé par un homme est faible parmi les non-immigrés (35 %), elle l’est d’autant plus parmi les immigrés (28 %). De même, la probabilité qu’un emploi d’ouvrier non qualifié du gros œuvre du bâtiment soit occupé par une femme est de 17 % pour les actifs franciliens non immigrés et seulement de 5 % dans le cas des actifs immigrés. La moindre mixité des métiers occupés par les immigrés concerne ainsi principalement les services aux particuliers, où les femmes sont les plus présentes d’une part, et ceux des ouvriers de l’industrie et la construction, des cuisiniers ou agents de gardiennage et de sécurité, où les hommes sont surreprésentés d’autre part. Les métiers d’employés et agents de maîtrise de l’hôtellerie et restauration font figure d’exception, ils sont relativement paritaires en Île-de-France : 55 % de femmes parmi les actifs immigrés et 48 % parmi les actifs non immigrés.
En province, les écarts de situation entre immigrés et non-immigrés sont moins marqués pour une majorité de ces métiers.
Des travailleurs immigrés franciliens originaires pour moitié du continent africain
Parmi les immigrés travaillant en Île-de-France, un peu plus de la moitié sont nés en Afrique. L’Europe est le continent de naissance d’un immigré sur quatre. Le dernier quart est constitué des immigrés originaires d’Asie (18 %) ou d’Amérique et Océanie (6 %) (figure 3). Les travailleurs immigrés d’origine africaine sont plus présents qu’en province où ils représentent 44 % de la main-d’œuvre immigrée. Parmi eux, les immigrés originaires d’Afrique subsaharienne (Afrique centrale, guinéenne ou sahélienne) sont, en proportion, bien plus présents en Île-de-France : ils représentent, au total, 4 % des actifs en emploi, soit quatre fois plus qu’en province.
Les immigrés nés au Maghreb (Algérie, Maroc et Tunisie), issus d’une immigration plus ancienne, sont les plus représentés parmi les natifs africains (27 % de la main-d’œuvre immigrée francilienne). Parmi les immigrés d’origine européenne, les natifs du Portugal sont les plus nombreux à travailler en région francilienne (10 %) comme en province (12 %).
tableauFigure 3 – Répartition des actifs immigrés en emploi en Île-de-France et en province selon leur origine géographique
Origine géographique | Île-de-France | Province |
---|---|---|
Afrique | ||
Algérie | 11,9 | 11,7 |
Afrique centrale ou guinéenne* | 11,5 | 6,2 |
Maroc | 10,1 | 14,2 |
Afrique sahélienne** | 7,7 | 3,5 |
Autres pays d'Afrique | 5,5 | 4,5 |
Tunisie | 4,7 | 4,3 |
Europe | ||
Portugal | 10,2 | 12,3 |
Autres pays de l’Union européenne | 8,0 | 14,2 |
Autres pays d'Europe | 3,4 | 4,8 |
Espagne et Italie | 3,2 | 6,3 |
Asie | ||
Autres pays d'Asie | 9,4 | 6,0 |
Chine, Cambodge ou Vietnam | 6,0 | 2,8 |
Turquie | 2,5 | 4,9 |
Amérique et Océanie | ||
Autres pays d'Amérique et Océanie | 3,3 | 3,2 |
Amérique du Nord | 2,6 | 1,1 |
- * Côte d'Ivoire, Ghana, Togo, Bénin, Nigeria, Cameroun, République centrafricaine, Gabon, Congo (Brazzaville), République démocratique du Congo, Guinée équatoriale.
- ** Sénégal, Mauritanie, Gambie, Guinée-Bissau, Guinée, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad.
- Lecture : en 2018, 11,5 % des travailleurs immigrés en Île-de-France et 6,2 % en province sont originaires d’Afrique centrale ou guinéenne.
- Champ : France métropolitaine. Personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de travail.
- Source : Insee, recensement de la population 2018.
graphiqueFigure 3 – Répartition des actifs immigrés en emploi en Île-de-France et en province selon leur origine géographique
Des immigrés très peu présents dans les métiers requérant la nationalité française et dans les professions supérieures
Dans les métiers de l’armée, de la police et des pompiers, appartenant à la fonction publique et où la nationalité française est exigée, les travailleurs immigrés sont peu présents : ils occupent seulement 5 % de ces emplois en Île-de-France. Les immigrés sont également très peu présents parmi les cadres ou professions intermédiaires administratives de la fonction publique (9 %) ainsi que parmi les professionnels du droit (9 %), les cadres des transports, de la logistique et navigants de l’aviation ou encore les commerciaux et technico-commerciaux (10 %). Globalement, les métiers très qualifiés emploient un pourcentage plus faible d’immigrés que les autres métiers. Les exceptions sont rares, elles concernent les patrons et cadres d’hôtels, cafés, restaurants, les professionnels de la politique ou le clergé (un tiers de ces actifs sont immigrés).
Des immigrés surreprésentés dans certains corps de métiers selon leur pays d’origine
La répartition professionnelle des immigrés selon le secteur d’activité diffère sensiblement de celle des non-immigrés. Elle varie en outre en fonction du pays de naissance, y compris au sein d’un même continent. Parmi les immigrés originaires d’Afrique, les 330 000 natifs du Maghreb travaillant en Île-de-France sont très présents parmi les conducteurs de véhicules, les agents d’entretien et les agents de gardiennage et de sécurité. Néanmoins, 9 % des travailleurs nés en Tunisie exercent le métier, qualifié, d’ingénieur de l’informatique. Parmi les travailleurs originaires d’Afrique sahélienne, centrale ou guinéenne, une part importante exerce le métier d’agent d’entretien. En particulier, 17 % des actifs d’origine sahélienne exercent ce métier contre 4 % de l’ensemble des actifs franciliens.
Les natifs du Portugal (130 000) sont particulièrement présents dans certains métiers de services aux entreprises (agents d’entretien, agents de gardiennage et de sécurité) et d’ouvriers du BTP. Ils le sont aussi parmi les aides à domicile, aides ménagères et employés de maison. Pour les natifs d’Italie (23 000) et d’Espagne (17 000), les emplois sont plus souvent qualifiés. Il s’agit de personnels d’études et de recherche ou de cadres du bâtiment.
Enfin, les immigrés nés en Asie et plus particulièrement en Chine sont spécialisés dans les emplois de cuisiniers et d’employés ou agents de maîtrise de l’hôtellerie et restauration. Ils sont également surreprésentés dans les métiers de vendeurs.
Parmi les immigrés, des proportions proches de hauts-diplômés et de non-diplômés
Comme leurs homologues de province, les travailleurs immigrés d’Île-de-France ont globalement un niveau d’études moins élevé que les travailleurs non immigrés. Parmi eux, un quart n’a aucun diplôme ou un niveau de diplôme correspondant au certificat d’études primaires, une proportion nettement supérieure à celle des non-immigrés (6 %). De même, les travailleurs immigrés franciliens sont 21 % à posséder un diplôme de niveau bac+5 ou plus, soit 7 points de moins que pour les non-immigrés.
Au sein des jeunes générations d’actifs franciliens (âgés de 25 à 34 ans), les écarts de niveaux de diplômes sont moindres. En particulier, les jeunes immigrés disposent plus fréquemment que leurs aînés d’un diplôme de haut niveau : 37 % ont un niveau bac+5 ou plus contre 39 % pour les non-immigrés. En province, la situation des jeunes actifs immigrés est moins favorable qu’en Île-de-France (24 % disposent d’un diplôme de niveau au moins bac+5), mais elle l’est davantage que celle des jeunes actifs non immigrés (17 %) (figure 4). Cette situation se retrouve en moyenne au niveau national, en cohérence avec les résultats d’autres travaux nationaux, notamment ceux de la Dares [Ouvrir dans un nouvel ongletDesjonquères et al., 2021].
tableauFigure 4 – Niveau de diplôme des actifs en emploi, immigrés et non immigrés, âgés de 25 à 34 ans en Île-de-France et en province
Situation | Aucun diplôme ou certificat d’études primaires | Brevet des collèges, CAP, BEP | Niveau baccalauréat | Bac+2 | Bac+3 ou 4 | Bac+5 ou plus |
---|---|---|---|---|---|---|
Île-de-France - Immigrés | 14,7 | 14,1 | 14,7 | 7,2 | 12,1 | 37,2 |
Île-de-France - Non immigrés | 3,4 | 12,3 | 17,0 | 13,4 | 14,4 | 39,5 |
Province - Immigrés | 18,6 | 19,5 | 17,9 | 8,1 | 12,4 | 23,5 |
Province - Non immigrés | 4,4 | 22,7 | 23,8 | 17,6 | 14,1 | 17,4 |
- Lecture : en 2018, parmi les jeunes actifs en emploi en Île-de-France, 14,7 % des immigrés n’ont aucun diplôme ou seulement le certificat d’études primaires. Par ailleurs, 37,2 % d’entre eux sont diplômés d’un bac+5 ou plus.
- Champ : France métropolitaine. Personnes de 25 à 34 ans, en emploi, au lieu de travail.
- Source : Insee, recensement de la population 2018.
graphiqueFigure 4 – Niveau de diplôme des actifs en emploi, immigrés et non immigrés, âgés de 25 à 34 ans en Île-de-France et en province
Des immigrés davantage confrontés à l’inadéquation entre niveau de diplôme et métier
De manière générale, le diplôme permet d’augmenter ses chances d’occuper un métier qualifié. Pour autant, malgré un niveau de diplôme parfois élevé, certains immigrés n’accèdent pas à un tel emploi. En Île-de-France, près de 40 000 actifs immigrés détenteurs d’un diplôme attestant d’au moins cinq années d’études supérieures occupent un emploi d’ouvrier ou d’employé. Et seuls 56 % des immigrés détenteurs d’une licence accèdent aux professions intermédiaires ou supérieures, alors que c’est le cas de 80 % pour les non-immigrés (figure 5). Les différences sont toutefois moindres pour les actifs les plus diplômés (niveau bac+5 ou plus). Plusieurs facteurs peuvent contribuer à expliquer ce phénomène, parmi lesquels une arrivée récente dans le pays, des réticences de l’employeur vis-à-vis de candidats maîtrisant mal le français, voire une discrimination à l’embauche [Ouvrir dans un nouvel ongletArnoult et al., 2021]. L’obligation de disposer d’un diplôme européen ou reconnu par l’État peut aussi intervenir pour certaines professions, médicales notamment.
tableauFigure 5 – Part des emplois de professions intermédiaires ou supérieures, selon le diplôme, pour les actifs franciliens immigrés et non immigrés
Diplôme | Actifs immigrés | Actifs non immigrés |
---|---|---|
Brevet ou moins | 12,8 | 26,3 |
CAP, BEP | 18,6 | 30,0 |
Baccalauréat | 26,7 | 45,0 |
BTS, DUT | 46,3 | 69,2 |
Licence | 56,1 | 80,2 |
Master, Doctorat | 80,9 | 90,3 |
Ensemble | 37,5 | 62,4 |
- Lecture : 56 % des actifs en emploi immigrés diplômés d’une licence occupent un emploi classé parmi les professions intermédiaires ou supérieures, contre 80 % pour les actifs non immigrés.
- Champ : Île-de-France. Personnes de 15 à 64 ans, en emploi, au lieu de travail.
- Source : Insee, recensement de la population 2018.
graphiqueFigure 5 – Part des emplois de professions intermédiaires ou supérieures, selon le diplôme, pour les actifs franciliens immigrés et non immigrés
Encadré - Travail et immigration : quelques éléments historiques
En France, depuis 1850, plusieurs vagues d’immigration se sont succédé, d’origines de plus en plus lointaines et répondant à des besoins différents. Les Européens des pays frontaliers arrivent au XIXe siècle pour pallier le manque de main-d’œuvre lié à la révolution industrielle et la dépression démographique [Héran, 2021]. Viennent ensuite les Polonais, après les pertes humaines considérables de la Première Guerre mondiale. Dans les années 1930, la France est le premier pays d’immigration au monde, relativement à sa population. La troisième vague d’arrivée, après 1945, est la plus importante en nombre : 4 millions de personnes, originaires surtout du Maghreb, d’Espagne et du Portugal, participent à l’expansion économique des « Trente glorieuses ». À partir des années 1970, les Africains subsahariens et les Asiatiques répondent aux besoins croissants dans le secteur des services ou à ceux dans le secteur de l’automobile et de la construction.
Pour comprendre
Cette étude repose sur l’exploitation du recensement de la population de 2018 de l’Insee. Le champ retenu couvre l’ensemble des personnes de 15 à 64 ans, y compris celles vivant en communautés ou sans domicile, qui déclarent être en emploi, en 2018, en France hors Mayotte.
Les métiers sont analysés en utilisant la nomenclature des familles professionnelles (FAP 2009) de la Dares. Elle rapproche le répertoire opérationnel des métiers et des emplois (Rome), utilisé par Pôle emploi pour classer les offres et les métiers recherchés par les demandeurs d’emploi, des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) de l’Insee. Dans cette nomenclature, les métiers sont regroupés en 87 familles professionnelles.
Définitions
Un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Cela inclut les personnes ayant acquis la nationalité française, mais exclut les Français de naissance nés à l’étranger et résidant en France et les étrangers nés en France. C’est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l’origine géographique d’un immigré. En Île-de-France, 38 % des immigrés ont la nationalité française.
Pour en savoir plus
Insee, « L’essentiel sur... les immigrés et les étrangers », Chiffres-clés, août 2022.
Arnoult É., Ruault M., Valat E., Villedieu P., « Ouvrir dans un nouvel ongletDiscrimination à l’embauche des personnes d’origine supposée maghrébine : quels enseignements d’une grande étude par testing ? », Dares Analyses n° 67, novembre 2021.
Héran F., « Parlons immigration en 30 questions », Doc’en poche de la Documentation française, novembre 2021.
Acs M., Beaufils S., Chevrot J., Davy A.-C., Leroi P., Telle-Lamberton M., Wolf M., « Quelles conditions de travail et de vie pour les 1,8 million de travailleurs « essentiels du quotidien » résidant en Île-de-France ? », Insee Analyses Île-de-France n° 137, juillet 2021.
Desjonquères A., Lhommeau B., Niang M., Okba M., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuels sont les métiers des immigrés ? », Dares Analyses n° 36, juillet 2021.
Lardellier R., « Difficultés d’accès à l’emploi, contrats précaires : le parcours souvent compliqué des actifs immigrés », Insee Analyses Occitanie n° 95, juillet 2020.
Lê J., Okba M., « L’insertion des immigrés, de l’arrivée en France au premier emploi », Insee Première n° 1717, novembre 2018.