Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté · Mai 2023 · n° 109

Un tiers des demandeurs d’emploi seniors très éloignés du marché du travail

Fin 2022, 55 710 demandeurs d’emploi en fin de mois de catégorie A, B ou C ont 50 ans ou plus en Bourgogne-Franche-Comté. En dix ans, leur nombre a fortement augmenté (+35 %) alors que celui des moins de 50 ans s’est réduit (–5 %) (figure 1). Désormais, les seniors représentent près de 30 % des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi dans la région.

Cette situation est liée, pour partie, au vieillissement démographique régional causé par l’avancée en âge de nombreux baby-boomers. Elle est aussi la conséquence des réformes successives du système de retraite, de la suppression des dispositifs de cessation d’activité et de préretraite depuis les années 2000 et de l’obligation de recherche d’emploi pour les chômeurs les plus âgés depuis une dizaine d’années.

La présence plus nombreuse de seniors sur le marché du travail est également le reflet des évolutions sociétales, comme la progression du taux d’activité des femmes ou encore de l’allongement de la durée des études (encadré 1).

Retrouver un emploi semble plus difficile après 50 ans alors que la vie professionnelle a tendance à s’allonger (sources). Encore éloignés de la retraite, ces seniors sont en moyenne inscrits depuis plus longtemps à Pôle emploi que les autres demandeurs d’emploi. De mi-2021 à mi-2022, seuls 19 % des demandeurs d’emploi ayant retrouvé un emploi pour au moins un mois ont 50 ans ou plus. En outre, les seniors inscrits à Pôle emploi sont relativement peu nombreux à suivre une formation. Pour ceux qui en bénéficient, l’accès à l’emploi est plus faible (encadré 2). Par ailleurs, ils sont deux fois plus nombreux à bénéficier de l'obligation d'emploi du fait d'un handicap reconnu administrativement.

Les difficultés rencontrées par les seniors dans la recherche d’emploi sont multiples. Elles peuvent être liées à une concurrence sur le marché du travail avec les jeunes actifs souvent moins expérimentés mais plus diplômés ou à une inadéquation entre leurs compétences et celles recherchées par les entreprises. Du fait de leur âge, ces demandeurs d’emploi sont également plus souvent sujets à des problèmes de santé venant obérer leurs chances de retrouver un emploi.

Les situations des seniors sur le marché du travail sont cependant très hétérogènes. Aussi, leur analyse conduit à identifier cinq profils de demandeurs d’emploi au regard de leur situation personnelle et de l’emploi recherché (figure 2).

Parmi l’ensemble des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans, un tiers rencontre globalement plus de difficultés sur le marché du travail (profils 1 et 2).

Ils cumulent plus souvent que les autres demandeurs d’emploi des difficultés pouvant limiter leur reprise d’activité. Plus de 80 % ne travaillent pas, même quelques heures. Près de la moitié bénéficie de l'obligation d'emploi du fait d'un handicap. Un quart recherche un emploi après une période d’inactivité compliquant sans doute leur employabilité. Ils sont relativement nombreux à percevoir l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS) ou le Revenu de Solidarité Active (RSA). Par ailleurs, ces demandeurs d’emploi déclarent être freinés davantage dans leur retour à l’emploi du fait de difficultés financières et de transports. 30 % ne possèdent pas le permis de conduire contre 16 % en moyenne. Les femmes indiquent qu’elles sont davantage contraintes par des problèmes de santé alors que les hommes se disent plus gênés par leur manque de compétences dans le domaine du numérique.

Ces hommes et ces femmes éloignés de l’emploi résident plus souvent dans un quartier prioritaire de la ville. Ils sont également très présents dans les bassins d’emploi de Montceau-les-Mines et du Creusot historiquement industriels ayant connu de fortes réductions d’emploi (figure 3). C’est aussi le cas, dans une moindre mesure dans le bassin d’emploi de Luxeuil, où l’industrie de l’ameublement souffre de la concurrence des grandes chaînes multinationales ou celui de Vesoul dont l’économie est tournée vers l’industrie automobile.

Le profil 1 est essentiellement composé d’hommes sans aucune activité professionnelle, peu ou pas diplômés. Ils sont plus souvent célibataires que ceux des autres profils.

Leurs recherches d’emploi visent en priorité les secteurs très masculinisés de la construction, du bâtiment, de l’industrie, des transports et de la logistique ou dans l’agriculture. Les déclarations préalables à l’embauche les concernant sont surtout des missions d’intérim et des contrats courts.

Par ailleurs, les hommes de plus de 50 ans sont davantage éloignés de l’emploi dans des bassins d’emploi ruraux de petite taille, en baisse démographique et à la population vieillissante, comme ceux d’Avallon et Cosne-Cours-sur-Loire.

Le profil 2 rassemble des seniors en moyenne plus âgés que ceux des autres profils. Plus de 40 % ont 60 ans ou plus. Ils vivent la plupart du temps seuls et neuf sur dix sont des femmes, très souvent non diplomées. Elles sont pour la plupart demandeurs d’emploi de catégorie A, souvent suite à un licenciement.

Les trois quarts recherchent un emploi à temps partiel et huit sur dix souhaitent travailler à moins de 20 km ou 30 min de leur domicile. Leurs recherches d’emploi sont plutôt orientées vers les métiers très féminisés d’aide à la vie quotidienne, de secrétariat ou de nettoyage. Globalement, leur taux d’accès à l’emploi six mois après leur inscription à Pôle emploi est plus faible que pour l’ensemble des demandeurs d’emploi seniors, 13 % contre 24 %.

Les trois autres profils (3, 4, 5) de demandeurs d’emploi seniors dans la région regroupent des personnes moins éloignées de l’emploi. Nombreux à déclarer une activité réduite, ces seniors recherchent un emploi à durée indéterminée. Ils ont, pour la plupart, des contrats de travail de courte durée (mission d’intérim, contrat à durée déterminée, saisonnier, etc.), et conservent ainsi un lien avec le monde des entreprises, favorable à une insertion plus durable.

Âgées de 55 ans en moyenne, les personnes du profil 3 représentent près d’un quart des demandeurs d’emploi seniors. Ce sont essentiellement des hommes, en majorité des ouvriers qualifiés possédant un CAP-BEP et travaillant sur des périodes limitées. Près de 60 % exercent une activité réduite, la plupart au-delà de 78 heures par mois.

La quasi-totalité d’entre eux recherche un emploi pérenne et à temps complet dans le secteur productif, notamment comme magasinier, manutentionnaire, chauffeur routier, mécanicien ou ouvrier dans le second œuvre. Souvent expérimentés, 60 % ont exercé au moins 10 ans dans le métier recherché.

La qualification et l’expérience de ces seniors semblent constituer des atouts sur le marché du travail. Un sur trois retrouve un emploi six mois après son inscription à Pôle emploi, contre un sur quatre en moyenne. Néanmoins, un retour à un emploi stable semble complexe, les entreprises industrielles et agricoles de la région recrutant actuellement plutôt des intérimaires.

La plupart d’entre eux accepteraient un emploi distant de plus de 20 km ou de 30 minutes de leur domicile.

Ce profil de demandeurs d’emploi seniors est particulièrement présent à l’est de la région, dans les bassins d’emploi de Morteau, Pontarlier et Saint-Claude. Proche de la Suisse, la population active résidente est particulièrement qualifiée. Une part importante travaille de l’autre côté de la frontière. Ces demandeurs d’emploi sont également plus fréquents dans les bassins de Lure et Montbéliard où les besoins ponctuels en main-d’œuvre sont importants, malgré des difficultés économiques persistantes.

Le profil 4 représente également un quart des demandeurs d’emploi seniors, et plus de 90 % sont des femmes. Elles sont très proches de l’emploi : 78 % sont inscrites en catégorie B et C, principalement suite à une fin de contrat. Elles sont actuellement en reconversion, enchaînant des contrats de courte durée dans des métiers dans lesquels elles ont peu d’expérience. Les propositions d’emplois les concernant proviennent principalement d’établissements pour personnes âgées, d’hôpitaux et d’entreprises de nettoyage.

Ces personnes en reconversion souhaiteraient, pour la plupart, travailler à temps complet et à durée indéterminée. Elles recherchent un travail d’employé dans les services à la personne et à la collectivité ou dans le domaine de la santé. Leur situation semble perdurer puisque 60 % d’entre elles sont inscrites à Pôle emploi depuis au moins deux ans. Ces seniors sont particulièrement présents dans les bassins de Gray et Montbard, où la population est relativement âgée et les besoins d’aide à la personne nombreux. On les retrouve aussi dans le bassin d’Autun où l’industrie textile qui employait beaucoup de femmes a subi de plein fouet la mondialisation et l’accélération des délocalisations.

Composé aux trois quarts de femmes, le profil 5 rassemble 20 % des demandeurs d’emploi seniors de la région.

Il apparaît comme le profil le plus favorable pour une réinsertion vers un emploi pérenne, compte-tenu notamment de leur niveau de qualification et leur expérience.

Près de la moitié est diplômé du supérieur, contre 20 % parmi l’ensemble des demandeurs d’emploi seniors. Ils sont souvent cadres ou employés qualifiés. Ces seniors recherchent un contrat à durée indéterminée dans les fonctions supports à l’entreprise (secrétariat, gestion, etc.) et commerciales (force de vente, etc.), des métiers dans lesquels ils ont une grande expérience.

Par ailleurs, leurs recherches de contrats à durée indéterminé (CDI) aboutissent un peu plus fréquemment que celles des autres demandeurs d’emploi.

De plus, ils sont à l’aise avec les outils numériques et ne déclarent pas de frein (financier, transport, santé) dans leur recherche d’emploi.

On retrouve davantage ces seniors dans les bassins d’emploi de Beaune, Lons-le-Saunier, Dijon et Besançon, qui concentrent des emplois très qualifiés et une population active plutôt diplômée.