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Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes · Mars 2022 · n° 141
Insee Analyses Auvergne-Rhône-AlpesLe retour sur le marché du travail des seniors de 50 ans ou plus : un enjeu de société

Sandrine Chaumeron, Aline Labosse (Insee), Isabelle Olkowicz, Stéphane Lascombe (Pôle emploi)

En 2018, la région Auvergne-Rhône-Alpes compte deux millions de personnes âgées de 50 à 69 ans. Ces seniors sont encore majoritairement en activité. Parmi ces actifs, certains se retrouvent au chômage, confrontés à la problématique de retrouver un emploi après 50 ans alors que l’âge légal de la retraite n’est pas encore atteint ou qu’il reste des trimestres à valider pour obtenir une retraite à taux plein. La majorité sont des femmes.

Fin mai 2021, les seniors demandeurs d’emploi en fin de mois inscrits à Pôle emploi regroupent plusieurs profils. L’accompagnement nécessaire et les enjeux liés au retour à l’emploi diffèrent entre des individus fragiles et cumulant les freins à l’emploi, des cadres expérimentés aspirant à des postes en adéquation avec leur statut social antérieur, ou encore des seniors exposés à un enjeu de pérennisation voire de transformation de l’emploi.

Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes
No 141
Paru le :Paru le10/03/2022

En 2018, 3,1 millions de personnes sont âgées de 50 ans ou plus en Auvergne-Rhône-Alpes, soit près de quatre habitants sur dix. Leur nombre et leur part dans la population ont fortement progressé en 10 ans (+ 17 % et + 3 points respectivement), en particulier les sexagénaires. Les deux tiers des 50 ans ou plus sont âgés de moins de 70 ans (soit 2 millions de personnes) et restent principalement actifs. La part de ceux en emploi ou au chômage en Auvergne-Rhône-Alpes est d’ailleurs la plus élevée de France de province (55 % contre 52 %), en augmentation de près de 7 points par rapport à 2008. Avec deux paliers à 60 et 62 ans liés aux bascules dans le régime de retraite, ce taux d’activité décroît fortement avec l’âge. De 86 % pour les quinquagénaires, il chute ensuite à 33 % pour les 60-64 ans et à 6 % pour les 65-69 ans. Ces seniors, âgés de 50 à 69 ans, se déclarent moins souvent au chômage que les actifs plus jeunes (8,6 % contre 10,8 % pour les 25-49 ans). Néanmoins, se retrouver sans emploi après 50 ans, alors que sa vie professionnelle est encore longue, peut se révéler compliqué. Concurrence avec de jeunes actifs plus diplômés et aux prétentions salariales moindres, remise en question de ses compétences, etc. sont autant d’écueils pour le retour à l’emploi. D’autant que le vieillissement généralisé de la population s’inscrit dans un contexte de recul progressif de l’âge de départ en retraite.

Cette étude permettra ainsi d’avoir une meilleure connaissance du profil des demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) seniors suivis par Pôle emploi (encadré 2), et de préparer et d’adapter leur retour sur le marché du travail, véritable enjeu des politiques publiques. Par ailleurs, la crise sanitaire récente accentue encore les difficultés des seniors en recherche d’emploi, qui restent bien plus nombreux qu’avant-crise contrairement aux autres classes d’âge (encadré 1).

Endiguer le chômage des femmes après 50 ans

En 2018, les femmes seniors, à l’instar des plus jeunes, sont toujours plus concernées par le chômage que les hommes. Parmi elles, 9,0 % se déclarent sans emploi contre 8,3 % pour ces derniers (figure 1). Les 60-64 ans sont particulièrement touchés (12 %), davantage que les 25-49 ans, et les femmes un peu plus que les hommes (12,1 % contre 11,9 %).

Figure 1Indicateurs d’activité par tranche d’âge en 2018 en Auvergne-Rhône-Alpes

Indicateurs d’activité par tranche d’âge en 2018 en Auvergne-Rhône-Alpes - Lecture : le taux d’activité des femmes âgées de 50 à 69 ans est de 52,4 %, leur taux d’emploi de 47,7 % et leur taux de chômage de 9,0 %.
Tranche d’âge Femmes Ensemble de la population
Actifs (en emploi ou au chômage) Taux d’activité (en %) Taux d’emploi (en %) Taux de chômage (en %) Actifs (en emploi ou au chômage) Taux d’activité (en %) Taux d’emploi (en %) Taux de chômage (en %)
25-49 ans 1 123 400 88,8 78,1 12,0 2 303 900 91,9 81,9 10,8
50-69 ans 530 500 52,4 47,7 9,0 1 073 200 54,6 49,9 8,6
dont 50-54 ans 234 900 87,3 80,2 8,1 481 200 90,1 83,2 7,7
dont 55-59 ans 201 400 78,4 71,5 8,8 409 000 81,4 74,4 8,6
dont 60-64 ans 81 400 33,1 29,1 12,1 153 600 32,6 28,7 12,0
dont 65-69 ans 12 900 5,3 4,8 9,1 29 300 6,4 5,9 7,4
Ensemble 25-69 ans 1 653 900 72,6 64,6 11,1 3 377 100 75,5 67,8 10,1
  • Lecture : le taux d’activité des femmes âgées de 50 à 69 ans est de 52,4 %, leur taux d’emploi de 47,7 % et leur taux de chômage de 9,0 %.
  • Champ : Personnes âgées de 25 à 69 ans.
  • Source : Recensement de la population 2018, exploitation principale.

À l’approche de la retraite, le nombre important de femmes au chômage reste préoccupant et interroge sur le niveau de pension auquel elles pourront in fine prétendre, sans oublier le risque accru de tomber dans la précarité. Certaines femmes sont ainsi amenées à rester plus longtemps que les hommes sur le marché du travail pour pouvoir atteindre une retraite à taux plein ou en limiter la décote. Les carrières féminines sont, d’une part, plus souvent entrecoupées de périodes d’inactivité que celles de leurs homologues masculins à la suite de choix au sein des couples (maternité, arrêt ou baisse de leur temps de travail pour élever les enfants…).

D’autre part, des fragilités personnelles et donc financières (leurs revenus étant en moyenne moins élevés que ceux des hommes) peuvent les amener à conserver une activité professionnelle. Les femmes au chômage sont ainsi plus souvent seules que leurs homologues masculins, une sur trois se retrouvant confrontée au divorce ou au décès de leur conjoint contre moins d’un homme sur quatre. À l’opposé, une proportion plus élevée d’hommes bénéficient de régimes spéciaux (personnel roulant de la SNCF, fonction publique active par exemple) qui leur confèrent souvent la possibilité de cesser leur activité plus tôt que les femmes et les éloignent plus fréquemment d’éventuelles périodes de chômage avant l’inactivité. Les femmes sont donc davantage exposées aux situations de chômage avant de pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite.

Accompagner les seniors les plus fragiles

Parallèlement aux personnes qui se déclarent au chômage dans les enquêtes annuelles de recensement, fin mai 2021, Pôle emploi accompagne plus particulièrement 170 600 DEFM seniors, inscrits en Auvergne-Rhône-Alpes et tenus de faire des recherches actives d’emploi. La majorité d’entre eux sont des femmes (54 %). Six sur dix relèvent de la catégorie A (sans emploi – soit la catégorie la plus proche des chômeurs au sens du Recensement), un quart de la catégorie B (ayant exercé une activité réduite courte) et le reste de la catégorie C (ayant exercé une activité réduite longue) (Pour comprendre). Depuis 2017, il n’existe plus de dispenses de recherche d’emploi. Enfin, certains seniors ayant pourtant atteint l’âge légal de départ à la retraite, peuvent encore prétendre à une indemnisation du chômage, ces derniers n’ayant pas le nombre requis de trimestres pour obtenir une retraite à taux plein.

À partir de plusieurs indicateurs éclairant leur situation personnelle et au regard de leurs aspirations professionnelles (Pour comprendre), six profils de demandeurs d’emplois en fin de mois se distinguent, en particulier au travers des enjeux liés à leur retour sur le marché du travail (figure 2).

Figure 2Répartition des DEFM seniors par profil et sexe en Auvergne-Rhône-Alpes

Répartition des DEFM seniors par profil et sexe en Auvergne-Rhône-Alpes - Lecture : le profil « Personnes fragiles » est constitué de 44 600 personnes : 19 100 femmes soit 43 % et 25 500 hommes soit 57 %.
Profil En nombre En %
Femmes Hommes Ensemble Femmes Hommes Ensemble
Personnes fragiles 19 100 25 500 44 600 43 57 100
Cadres à haute rémunération 4 250 14 050 18 300 23 77 100
Quinquagénaires permittents 3 350 25 650 29 000 12 88 100
Vivant dans les territoires ruraux 31 950 2 500 34 450 93 7 100
Travaillant dans des secteurs en décroissance 17 050 5 750 22 800 75 25 100
Personnes qualifiées proches de l’emploi 15 600 5 850 21 450 73 27 100
Ensemble DEFM seniors 91 300 79 300 170 600 54 46 100
  • Lecture : le profil « Personnes fragiles » est constitué de 44 600 personnes : 19 100 femmes soit 43 % et 25 500 hommes soit 57 %.
  • Champ : DEFM âgés de 50 à 69 ans.
  • Source : Pôle Emploi, DEFM, catégories A, B, C, mai 2021.

Figure 2Répartition des DEFM seniors par profil et sexe en Auvergne-Rhône-Alpes

  • Lecture : le profil « Personnes fragiles » est constitué de 44 600 personnes : 19 100 femmes soit 43 % et 25 500 hommes soit 57 %.
  • Champ : DEFM âgés de 50 à 69 ans.
  • Source : Pôle Emploi, DEFM, catégories A, B, C, mai 2021.

Un premier profil concentre plus d’un quart des DEFM de 50-69 ans (44 600), considérés comme les plus fragiles et nécessitant un accompagnement renforcé. Essentiellement inscrits en catégorie A, ils ont l’ancienneté de recherche d’emploi la plus élevée, soit plus de trois ans (1 219 jours contre 983 en moyenne pour l’ensemble des DEFM seniors) (figure 3) et sont durablement éloignés de l’emploi. Un quart d’entre eux perçoivent alors l’allocation spécifique de solidarité, ayant épuisé leur droit à chômage, et/ou le RSA (quand c’est le cas pour seulement 11 % de l’ensemble des DEFM seniors).

Figure 3Caractéristiques des DEFM seniors par profil en Auvergne-Rhône-Alpes

Caractéristiques des DEFM seniors par profil en Auvergne-Rhône-Alpes - Lecture : le pourcentage de DEFM de catégorie A pour le profil « Personnes fragiles » est de 93,8 %, pour le profil « Cadres à haute rémunération » de 78,1 %, pour le profil « Quinquagénaires permittents » de 39,8 %, etc. Pour l’ensemble des DEFM de 50-69 ans, cette part est de 61,3 %.
Profil Ensemble des DEFM de 50-69 ans
Personnes fragiles Cadres à haute rémunération Quinquagénaires permittents Vivant dans les territoires ruraux Travaillant dans des secteurs en décroissance Personnes qualifiées proches de l’emploi
Nombre de DEFM 44 600 18 300 29 000 34 450 22 800 21 450 170 600
Répartition parmi les DEFM seniors (en %) 26,1 10,7 17,0 20,2 13,4 12,6 100,0
Femmes (en %) 42,8 23,3 11,5 92,7 74,8 72,6 53,5
50-59 ans (en %) 71,1 66,6 88,8 83,7 58,0 84,6 76,1
60-69 ans (en %) 28,9 33,4 11,2 16,3 42,0 15,4 23,9
Âge moyen (en années) 57 57 55 55 58 55 56
Inscrits en catégorie A (en %) 93,8 78,1 39,8 24,9 93,8 32,3 61,3
Durablement éloignés de l’emploi (en %) 79,2 40,7 5,8 2,9 68,8 1,8 36,0
Mobiles à moins de 15 km (en %) 41,2 3,5 13,1 43 24,1 9,4 26,5
Non diplômés (en %) 23,4 1,1 16,6 14,3 5,3 1,5 12,8
Diplômés du supérieur long (en %) 2,3 51,8 3,1 4,2 16,3 30,3 13,5
Bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) (en %) 23,8 5,2 6,4 6,1 11,1 2,5 10,9
Bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) (en %) 27,1 5,0 3,5 3,6 12,4 2,2 10,9
Ancienneté de recherche (en jours) 1 219 678 927 1 022 921 832 983
  • Lecture : le pourcentage de DEFM de catégorie A pour le profil « Personnes fragiles » est de 93,8 %, pour le profil « Cadres à haute rémunération » de 78,1 %, pour le profil « Quinquagénaires permittents » de 39,8 %, etc. Pour l’ensemble des DEFM de 50-69 ans, cette part est de 61,3 %.
  • Champ : DEFM âgés de 50 à 69 ans.
  • Source : Pôle Emploi, DEFM, catégories A, B, C, situation à fin mai 2021.

Âgés en moyenne de 57 ans, ces individus fragiles cumulent ainsi de nombreux freins à l’emploi. Plus de huit sur dix ont un niveau de formation inférieur au niveau 3ᵉ ou CAP/BEP. La plupart ne souhaitent pas avoir un travail à plus de 15 km de leur lieu de résidence, en lien avec une moindre détention du permis de conduire. Ils bénéficient aussi plus fréquemment de la reconnaissance d’un handicap. Ces individus sont plus souvent célibataires et vivent dans des territoires où l’emploi est moins présent (rural ou quartier de la politique de la ville).

Ces chômeurs rassemblent un peu plus d’hommes (57 %) que de femmes et leurs recherches d’emploi sont différentes. Les hommes visent plus spécifiquement un CDI à temps plein dans les domaines du transport et de la logistique (magasinage et préparation de commandes, chauffeurs-livreurs sur courte distance) ou de l’installation/maintenance (notamment de bâtiments), tandis que les femmes axent les leurs sur des postes à temps partiel dans les métiers des services à la personne et à la collectivité (nettoyage de locaux, services domestiques, assistance auprès d’enfants…).

Cette population, au centre des préoccupations de Pôle emploi, bénéficie d’un soutien renforcé et d’un accompagnement particulier dans ses recherches, basé sur des contacts plus fréquents avec les conseillers et des entretiens physiques privilégiés. L’objectif est de faire émerger un projet d’emploi viable en améliorant leurs compétences (à l’aide de coaching, formation, ateliers visant à valoriser son image et à retrouver la confiance en soi). Malgré ce dispositif soutenu, une petite part de ces DEFM pourrait toutefois ne pas réussir à retrouver d’emploi avant le passage à l’inactivité (en particulier ceux proches de l’âge légal de départ à la retraite).

Proposer des offres en adéquation avec l’évolution de carrière passée

Également sans aucune activité et principalement inscrits en catégorie A, un deuxième profil, comptant 18 300 DEFM (11 % des DEFM seniors), se démarque notablement par sa carrière passée et ses aspirations. Majoritairement cadres (60 % contre 8 % en moyenne parmi les DEFM seniors), rassemblant le plus souvent des hommes (77 %) et âgés en moyenne de 57 ans, ces individus sont nombreux à être entrés dans le chômage suite à une rupture conventionnelle (31 % contre 13 %). Avec une ancienneté de recherche relativement restreinte (678 jours contre 983 en moyenne), ils se destinent préférentiellement à des emplois dans le domaine du support à l’entreprise (avec une surreprésentation des métiers de la stratégie commerciale d’entreprise et de la direction), où ils bénéficient en sus d’une expérience solide (59 % ont plus de 20 ans d’expérience contre 27 % en moyenne parmi les DEFM seniors). Ils sont ainsi surreprésentés dans les territoires industriels ou frontaliers (Rhône, Haute-Savoie, Ain).

Pour cette population à haute qualification, éviter une situation de chômage qui perdurerait jusqu’à la retraite est l’objectif visé. D’autant que la réforme de l’assurance chômage, avec la dégressivité des allocations au bout du 7ᵉ mois (entrée en vigueur le 1ᵉʳ décembre 2021), pourrait financièrement les toucher. Pouvoir proposer des opportunités en adéquation avec leur statut social et leur niveau de rémunération antérieur constitue un défi pour Pôle emploi. Ce public, aux trois quarts doté d’un niveau de formation « supérieur » (contre un quart de l’ensemble des DEFM seniors) est confronté à la concurrence des actifs plus jeunes aux prétentions salariales plus faibles, en lien avec une expérience professionnelle plus réduite. Une déclassification dans la hiérarchie de l’entreprise par rapport à la situation antérieure sera plus difficilement acceptée.

Sécuriser le retour à un emploi durable des seniors quinquagénaires

Le troisième profil rassemble 29 000 individus (17 % de l’ensemble des DEFM seniors) qui, au contraire des catégories précédentes, sont proches de l’emploi (47 % sont inscrits en catégorie C). Ils exercent ainsi, pour la majorité, une activité réduite de plus de 78 heures par mois. Essentiellement composé d’hommes (89 %), quinquagénaires (89 % contre 76 % en moyenne parmi les DEFM seniors), avec une surreprésentation de personnes vivant en Haute-Savoie, en Savoie, dans l’Ain et dans l’Ardèche, ce groupe concerne le plus souvent des permittents (enchaînant les CDD, intérimaires, saisonniers, employés en extra, etc.). Ces individus recherchent ainsi prioritairement un emploi dans le domaine du transport, de la logistique ou de la construction (47 % contre 15 %), qui embauche souvent en format court (magasinage et préparation de commandes, conduite et transport de marchandises sur longue distance, maçonnerie…). L’enjeu pour ces seniors au chômage, plus jeunes que les autres, consiste à sécuriser leur retour à un emploi pérenne, plutôt que d’enchaîner une succession de missions de court terme.

Ce public ne présente ainsi pas de frein majeur au retour à l’emploi, même si la plupart des individus sont peu diplômés (61 % de CAP/BEP/3ᵉ contre 46 %) et que leur alternance entre périodes en emploi et au chômage pourrait résulter d’un arbitrage individuel. Toutefois, à l’avenir, cet ensemble de chômeurs pourrait être impacté par la nouvelle réglementation sur le calcul des droits au chômage, et plus spécifiquement par le plafonnement de la prise en compte des périodes d’inactivité inter-contrats qui réduirait leur indemnisation.

Pérenniser l’emploi au cœur des territoires ruraux

Avec des personnes tout aussi proches de l’emploi (45 % sont inscrites en catégorie C) mais très majoritairement des femmes (93 %), le quatrième profil concentre 34 450 DEFM soit 20 % des DEFM seniors. Comptant également parmi les seniors les plus jeunes (55 ans en moyenne), les personnes composant ce groupe sont, le plus souvent, encore à la tête d’une famille (54 % avec au moins un enfant à charge contre 45 %). Elles résident davantage dans le Cantal, le Puy-de-Dôme, la Haute-Loire, la Savoie ou la Loire et présentent fréquemment des problèmes de mobilité (43 % ne souhaitent pas s’éloigner à plus de 15 km de leur lieu de résidence, contre 27 % de l’ensemble des DEFM seniors), en lien avec une moindre détention du permis de conduire (19 % contre 15 % de non titulaires du permis B). Ces personnes visent en priorité un métier d’employé (94 % contre 62 % en moyenne) dans le domaine des services à la personne et à la collectivité (assistance auprès d’enfants, services domestiques, nettoyage des locaux…) et de la santé. Dans leurs territoires ruraux, elles se retrouvent confrontées à un enjeu de pérennisation voire de transformation de l’emploi. L’évolution de la démographie et des structures associées aux jeunes enfants fait en effet peser un risque sur l’existence de débouchés pour la majorité des assistantes maternelles de ce profil qui devront peut-être s’orienter à l’avenir vers des métiers de services aux personnes âgées. Au total, pour plus d’un tiers des individus de ce groupe, les recherches d’emploi s’allongent en conséquence au-delà de 3 ans.

Accompagner la reconversion professionnelle des femmes

La reconversion professionnelle est aussi au cœur du cinquième profil. Encore principalement féminin (75 %) mais comptant cette fois-ci essentiellement des personnes durablement éloignées de l’emploi, sans aucune activité et donc inscrites en catégorie A (94 %), ce public rassemble 22 800 individus soit 13 % des DEFM seniors. En outre, il concerne plus spécifiquement des personnes qualifiées (58 % ont au moins le niveau bac contre 41 % parmi l’ensemble des DEFM seniors) et mobiles (92 % sont titulaires du permis B). Malgré ces atouts, les individus de cet ensemble, domiciliés le plus souvent en Haute-Savoie, en Ardèche et dans la Drôme, et pour bon nombre sexagénaires (42 % de 60-69 ans contre 24 % parmi l’ensemble des DEFM seniors) rencontrent certains freins à leur retour à l’emploi. En particulier, leurs recherches se concentrent sur des métiers (secrétariat, accueil et renseignement, opérations administratives) dans des secteurs qui évoluent fortement avec le numérique et se retrouvent en décroissance ou en restructuration (support à l’entreprise, banque-assurance). Ces personnes sont aussi fortement concurrencées par d’autres actifs, en particulier plus jeunes, notamment dans le secteur du commerce, de la vente ou du tourisme (65 % recherchent un emploi dans l’un de ces domaines contre 34 % en moyenne).

Aider à leur reconversion pour les rapprocher du marché du travail est un objectif fort. La proposition de formations pour développer des compétences dans le numérique en est un moyen. Ce groupe pourrait néanmoins voir ses effectifs croître à l’avenir, du fait du contexte sanitaire actuel qui accentue les difficultés économiques pesant sur certains des secteurs recherchés par ces personnes.

Valoriser l’expérience des femmes diplômées

Enfin, le dernier profil de DEFM rassemble 21 450 personnes soit 13 % des seniors en recherche d’emploi, avec une fois de plus une grande part de femmes (73 %) mais au contraire proches de l’emploi (plus de deux tiers d’inscrits en catégories B et C). Installées plus souvent dans des territoires dynamiques (Savoie, Haute-Savoie et Rhône), ces personnes pourraient ne pas rester très longtemps sur les listes de Pôle emploi. Ce public dispose d’un haut niveau de diplôme (56 % contre 25 % de niveau de formation « supérieur » en moyenne) et d’un degré élevé de mobilité (59 % contre 40 % peuvent se déplacer à 30 km ou plus). Leurs recherches portent préférentiellement sur des métiers d’agent de maîtrise technique, de technicien dessinateur ou de cadre (37 % contre 19 %) dans le support aux entreprises (secrétariat, comptabilité, assistanat commercial, formation professionnelle, accueil/renseignement).

La valorisation de l’expérience de ces femmes diplômées est un enjeu pour Pôle emploi. De surcroît, les membres de cet ensemble sont encore quinquagénaires pour la plupart (85 %). Il s’agit souvent de personnes avec une charge de famille (47 % contre 35 % avec 1 ou 2 enfants à charge), peut-être des femmes qui ont suivi leur mari (62 % contre 51 % de personnes mariées) et pour qui cette mobilité géographique et cette période de chômage pourraient peser sur l’évolution de la carrière.

Encadré 1 - Impact de la crise sanitaire sur la demande d’emploi des seniors en Auvergne-Rhône-Alpes

Les effets de la crise sanitaire sur la demande d’emploi (tous âges confondus) sont plus marqués en Auvergne-Rhône-Alpes qu’au niveau national. Le nombre d’inscrits en catégories A, B, C fin septembre 2021 enregistre une hausse de + 0,7 % par rapport à septembre 2019, contre + 0,1 % au niveau national. Les seniors apparaissent comme les plus touchés par la crise : le nombre de 50-69 ans (26 % des demandeurs d’emploi) augmente de + 5,5 % en 2 ans (contre – 6,2 % pour les moins de 25 ans et + 0,3 % pour les 25-49 ans).

Cette hausse du nombre de seniors inscrits à Pôle emploi est notamment conséquente en Haute-Savoie (+ 12 % sur 2 ans), dans l’Ain (+ 10 %, plus particulièrement Oyonnax), dans le Rhône (+ 6 %, notamment dans la zone de Villefranche-sur-Saône) et en Savoie (+ 6 %, notamment en Tarentaise). Parmi les métiers recherchés par les demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus, la hausse est forte dans ceux de l’installation et maintenance (+ 12 % sur 2 ans), des arts (+ 12 %), du transport et logistique (+ 11 %), de l’agriculture et pêche (+ 10,5 %) et du commerce (+ 9 %). L’augmentation est notamment plus marquée pour les seniors que pour l’ensemble des demandeurs d’emploi dans l’hôtellerie et le tourisme (+ 9 %, contre + 2 % tous âges confondus), ainsi que dans le spectacle (+ 9 %, contre + 4,5 %). Les seniors les plus touchés sont ceux inscrits suite à une démission (+ 23 % sur 2 ans), une rupture conventionnelle (+ 17 %) ou une fin de mission d’intérim (+ 14 %).

Les publics précaires, qu’ils soient seniors ou non, sont un peu plus impactés par la crise : ceux durablement éloignés de l’emploi (parmi les seniors, + 51 % sur 2 ans), bénéficiaires du RSA (+ 18 %), résidents en zone de revitalisation rurale (+ 21 %). Pour les cadres, la crise a un impact plus fortement marqué pour les seniors (+ 14 % sur 2 ans, contre + 3 % pour l’ensemble des cadres).

Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes

Encadré 2 - Le mot du partenaire :

Près de 624 000 demandeurs d’emploi sont inscrits à Pôle emploi en Auvergne-Rhône-Alpes. Pôle emploi propose à chaque demandeur un suivi et des services adaptés à ses besoins, en s’appuyant sur sa connaissance approfondie et son expertise du marché du travail et des différents publics de demandeurs d’emploi. Les « seniors » représentent 27 % de ce public. Cette étude, réalisée en partenariat avec l’Insee, nous permet de cibler plus précisément les problématiques et les enjeux associés à leurs différents profils. Qu’ils soient permittents, fragilisés, cadres à haute qualification, en milieu rural ou dans un métier en décroissance, les conseillers Pôle emploi les accompagnent pour accélérer leurs recrutements et leurs retours à l’emploi durable.

Frédéric Toubeau, Directeur Régional de Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes

Publication rédigée par :Sandrine Chaumeron, Aline Labosse (Insee), Isabelle Olkowicz, Stéphane Lascombe (Pôle emploi)

Pour comprendre

Le Recensement de la population 2018 fournit des statistiques sur le nombre d’habitants et sur leurs caractéristiques socio-démographiques, en particulier au regard de leur position sur le marché du travail.

Les demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) sont constitués par les personnes inscrites à Pôle emploi et ayant une demande en cours au dernier jour du mois (fin mai 2021). Ils se distinguent selon plusieurs catégories :

  • Catégorie A : DEFM sans emploi, n’ayant exercé aucune activité au cours du mois et tenus de rechercher un emploi.
  • Catégorie B : DEFM sans emploi, ayant exercé une activité réduite courte au cours du mois (78 h ou moins) et tenus de rechercher un emploi.
  • Catégorie C : DEFM sans emploi, ayant exercé une activité réduite longue au cours du mois (plus de 78 h) et tenus de rechercher un emploi.

Le regroupement des DEFM résulte d’une classification ascendante hiérarchique consolidée précédée d’une analyse en correspondances multiples. Cette méthode consiste à agréger deux à deux selon un processus itératif les DEFM dont le profil est le plus proche. Les résultats de la typologie sont dépendants des indicateurs retenus dans l’analyse.

Définitions

Les chômeurs au sens du Recensement de la population sont les personnes (de 15 ans ou plus) qui se sont déclarées chômeurs (inscrits ou non à Pôle emploi) sauf si elles ont, en outre, déclaré explicitement ne pas rechercher de travail ; et d’autre part les personnes (âgées de 15 ans ou plus) qui ne se sont déclarées spontanément ni en emploi, ni en chômage, mais qui ont néanmoins déclaré rechercher un emploi.

Un demandeur d’emploi durablement éloigné de l’emploi est un demandeur d’emploi ayant cumulé 365 jours ou plus (l’équivalent de 12 mois) d’inactivité totale (catégorie A) au cours des 15 derniers mois.

Pour en savoir plus

« Au troisième trimestre 2021, la tendance reste positive », Insee Conjoncture Auvergne-Rhône-Alpes n° 30, janvier 2022.

« Être retraité et travailler, une situation encore rare mais qui se développe », Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes n° 57, avril 2019.

« Les mobilités au coeur de l’équilibre des marchés locaux du travail », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 70, novembre 2018.

« Des territoires inégalement touchés par l’éloignement de l’emploi », Insee Analyses Auvergne-Rhône-Alpes n° 52, décembre 2017.

« Ouvrir dans un nouvel ongletLes cadres seniors demandeurs d’emploi : pratiques et difficultés de recherche d’emploi », Pôle emploi, Études et recherches n° 13, janvier 2022.