Insee Analyses Hauts-de-France · Avril 2023 · n° 153

136 bassins de vie structurent les Hauts-de-France

Les bassins de vie sont définis comme les plus petits territoires au sein desquels les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants. C’est dans ces contours que s’organise la vie quotidienne des habitants, en dehors de leurs déplacements pour le travail. Chaque bassin est construit autour d’une ou plusieurs communes pôles de services (encadré 1) disposant d’au moins la moitié des équipements de la gamme intermédiaire, tels que les supermarchés ou les collèges.

Au 1^er janvier 2022, les 3 788 communes de la région se répartissent en 154 bassins de vie, dont 136 ont leur commune pôle dans la région. Sur la base d’un critère de densité de population, les bassins de vie se répartissent en 62 bassins urbains et 74 bassins ruraux. Les bassins de vie urbains rassemblent près de 4 habitants de la région sur 5 (78 %) contre 3 habitants sur 5 en France de province (62 %) (figure 1). Seules l’Île-de-France et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur affichent des proportions plus élevées (respectivement 97 % et 87 %). À l’échelle départementale, les disparités sont importantes, le versant picard étant nettement plus rural que l’ex-région Nord-Pas-de-Calais. Ainsi, seuls 2 habitants sur 5 de la Somme résident dans un bassin urbain (41 %) contre plus de 4 sur 5 dans le Nord (92 %).

Parmi les 62 bassins de vie urbains des Hauts-de-France, 8 sont qualifiés d’urbains denses (figure 2). Le bassin de vie de Lille est le plus dense de la région mais aussi de France (2 170 habitants par km²), exception faite de celui de Paris (3 450 habitants par km²). Il abrite 1 070 000 habitants, soit près d’un habitant de la région sur cinq (18 %). Il compte également le plus grand nombre de communes assurant le rôle de pôles de services de la région (33) parmi lesquelles on peut citer Tourcoing, Roubaix ou encore Villeneuve-d’Ascq. Le bassin de Lens, également très dense, se classe en 9^e position au niveau national. Dans le versant picard, celui d’Amiens se distingue par son étendue (820 km²), 1,5 fois plus importante que le bassin lillois pour une population 5 fois moins importante.

Moins denses que les premiers, les 54 bassins de vie dits « urbains intermédiaires » de la région sont le plus souvent organisés autour d’une petite ville (moins de 20 000 habitants) sur le littoral (Gravelines, Berck) ou d’une ville moyenne, notamment dans l’ex-bassin minier (Béthune, Douai), autour des villes les plus structurantes de Picardie (Beauvais, Compiègne, Soissons, Saint-Quentin, autour de Creil) ainsi que dans le sud de l’Aisne (Soissons, Château-Thierry). La Somme ne compte qu’un seul bassin de vie intermédiaire, celui de Corbie, accolé à Amiens.

Enfin, 74 bassins de vie sont ruraux parmi lesquels 34 sont périurbains, c’est-à-dire sous l’influence d’un grand pôle d’emploi. Ils représentent plus d’un bassin de vie sur deux (54 %) mais ne rassemblent qu’un habitant de la région sur cinq. Ils sont le plus souvent organisés autour d’une petite ville (Noyon, Tergnier, Bohain-en-Vermandois).

Avec en moyenne 21 équipements de proximité pour 1 000 habitants, les bassins ruraux sont, du fait de leur moindre densité de population, globalement mieux dotés que leurs homologues urbains denses (19) et urbains intermédiaires (20) (figure 3). C’est par exemple le cas des bassins ruraux de Rue et de Saint-Valéry-sur-Somme, tous deux situés sur le littoral. Qualifiés de « touristiques », ils bénéficient des taux d’équipements de proximité les plus élevés de la région (respectivement 32 et 30 pour 1 000 habitants). L’importance de la fréquentation touristique dans ces deux bassins contribue au maintien et au développement d’activités même si tous ces services ne sont pas disponibles tout au long de l’année.

En matière de diversité des équipements, la quasi-totalité des bassins de vie de la région proposent l’ensemble des 28 équipements de la gamme de proximité (école élémentaire, boulangerie, pharmacie…). Dans les autres gammes, la diversité des services offerts dépend du degré de densité du bassin de vie. Les bassins de vie urbains les plus denses proposent quasiment tous les équipements de la gamme intermédiaire. Par contre, dans les bassins de vie ruraux, les magasins d’électroménager, de meubles, de chaussures ou d’équipements du foyer sont ceux qui manquent le plus souvent. Dans la gamme supérieure, en particulier dans le domaine de la santé, les différences entre types de bassins sont encore plus marquées. En effet, les bassins urbains denses offrent l’ensemble des 47 équipements ou services de la gamme, soit une diversité trois fois plus importante que dans les bassins ruraux qui n’en rassemblent que 16 en moyenne, une réalité qui se répercute sur les temps d’accès (encadré 2).

Entre 2013 et 2021, l’implantation des hypermarchés, initié depuis les années 1960, se poursuit dans les bassins urbains (+11 %) et de façon encore plus forte dans les bassins ruraux (+31 %). Cette concentration d’un large choix de produits alimentaires et non alimentaires, à des prix souvent plus attractifs, peut concurrencer les magasins spécialisés de plus petite surface. En effet, le développement des hypermarchés va de pair avec un recul du nombre de magasins d’électroménager (-37 %), de chaussures (-25 %), ou encore des librairies, papeteries journaux (-29 %). À cela s’ajoute le développement du commerce en ligne, également de nature à fragiliser les commerces spécialisés.

Les enseignes de boulangerie connaissent également des difficultés, surtout dans le rural périurbain (-14 % entre 2013 et 2021). Les fermetures peuvent en partie s’expliquer par le déclin démographique (-2,6 % entre 2013 et 2020). De plus, les boulangeries artisanales sont également confrontées à la concurrence des hypermarchés, mais aussi à l’implantation de boulangeries franchisées de « grande capacité » aux prix plus attractifs. Ces dernières, parmi lesquelles Louise, Marie Blachère ou encore la Mie Câline, sont souvent localisées en périphérie des villes, près des centres commerciaux.

D’autres évolutions sont à l’œuvre dans les services aux particuliers témoignant de besoins nouveaux, davantage tournés vers le bien-être. Sur la période récente, entre 2013 et 2021, l’implantation des salons de coiffure progresse à la fois dans les bassins urbains (+15 %) et ruraux (+18 %). A cela, s’ajoute l’augmentation du nombre de points d’accès à d’autres services, comme les instituts de beauté (+74 %).

Enfin, les tendances récentes mettent en évidence un net recul du nombre de bureaux de poste, tant dans les bassins de vie urbains (-20 %) que dans les ruraux (-18 %). Mais, il s’agit davantage d’une reconfiguration de l’offre de services. En effet, de nouveaux points d’accès de type « agence postale » ou « point relais » se sont ouverts, offrant plus de souplesse dans leur fonctionnement (notamment en termes d’horaires). Ainsi, le nombre d’agences postales est en hausse de 42 % entre 2013 et 2021.

Le tissu des services de santé se recompose également, dans un contexte où les besoins s’accroissent du fait du vieillissement de la population. L’implantation de masseurs-kinésithérapeutes, d’orthophonistes ou encore d’orthoptistes progresse tant dans l’urbain que dans le rural. Entre 2013 et 2021, les hausses sont respectivement de 16 %, 19 % et de 37 % dans la région.

A contrario, le nombre de cabinets de médecins généralistes diminue, et de façon plus marquée dans les bassins ruraux (-12 %) que dans les bassins urbains (-7 %). On observe par exemple une forte baisse dans les bassins de vie de Chauny (-33 %), de Bohain-en-Vermandois (-42 %), situés dans l’Aisne ou encore de Thourotte (-40 %) et de Noyon (-39 %) dans l’Oise. Mais cette évolution doit toutefois être relativisée par le développement concomitant des maisons de santé pluridisciplinaires qui regroupent des professionnels exerçant en libéral. Dans la région, ces maisons de santé passent de 8 en 2013 à 169 en 2021. Elles transforment le paysage médical, en particulier dans le rural non périurbain, comme dans les bassins de vie d’Hirson, Guise ou encore Le Nouvion-en-Thiérache, territoires peu attractifs de l’Aisne en déclin démographique.